Texte intégral
Q- Nous allons prendre le temps de parler de l'acte politique fort que vous lancez aujourd'hui, " un livre dialogue " avec E. Plenel "Devoirs de vérité", "devoir" au pluriel. C'est un livre qui est habile, riche, il a du contenu, très vite vous dites : "la politique ne suppose pas le mensonge, vous choisissez donc la vérité". Eh bien, nous allons voir, nous aussi. Le numéro deux du Parti socialiste F. Rebsamen, vient de vous demander sur France 2 de vous présenter à la candidature PS en novembre, parce que pour lui, vous êtes le seul à avoir la légitimité naturelle ? Votre réponse ?
R- Ma réponse en vérité, c'est que ce n'est pas le moment. Nous verrons ce que sera la situation au mois d'octobre, lorsque s'ouvrira la phase de désignation de notre candidat ou de notre candidate et j'apprécierais selon les configurations du débat politique, les formes qu'ils peuvent prendre ces débats politiques et puis surtout la manière dont je peux me rendre utile. Moi, je suis premier secrétaire du Parti socialiste, j'ai un devoir, puisque vous parlez des devoirs, c'est de faire adopter le projet des socialistes là, à la fin du mois de juin, début du mois de juillet, j'ai un autre devoir, c'est de permettre que le Parti socialiste soit en bon ordre pour les élections légitimes, on ne sait jamais, on va désigner nos candidats et nos candidates avec la parité, là, à la fin du mois de juin
et...
Q- Essayons de dire la vérité.
R- Toujours la vérité, j'ai aussi rassemblé la gauche et ensuite au mois d'octobre nous verrons la situation.
Q- D'ailleurs vous dites souvent que le candidat doit être capable de rassembler la gauche. Voilà ! Dans le livre vous dites c'est une manière l'objectif du livre, c'est une manière de prendre date ?
R- Moi, je veux être utile à mon parti et à mon pays ce n'est pas forcément en étant candidat à la candidature aujourd'hui. Il faut quand même sortir de l'idée qu'il n'y aurait de parole politique forte que si, elle émane d'un candidat ou d'une candidate. Il se trouve que je suis premier secrétaire de la principale formation politique du pays et donc il est important que ce parti, cette formation politique puisse s'exprimer à travers moi, ses idées, sa méthode, son engagement.
Q- Vous dites ni oui, ni non ?
R- Non, je dis, il y a des moments pour tout et aujourd'hui ce n'est pas le moment.
Q- Peut-être, dans le livre vous écrivez : "Je n'exclus rien, tout est possible".
R- Tout est possible, mais ce n'est pas le moment. Il y a aussi une hiérarchie des urgences, l'urgence aujourd'hui c'est de fournir aux pays un espoir. Et puis il y aura une autre urgence au mois d'octobre et au mois de novembre, c'est de donner un candidat ou une candidate au Parti socialiste pour l'élection présidentielle, parce que nous allons sans doute au Parti socialiste désigner le prochain président de la République.
Q- Vous n'êtes pas encore candidat et vous avez votre projet et d'autres qui tonitruent leur candidature ou qui la susurrent n'ont pas de projet. N'est-ce pas étonnant ?
R- Je reviens sur ce que je vous disais à l'instant, je suis le premier secrétaire du Parti socialiste qui doit préparer avec les socialistes, tous les socialistes, candidats ou pas, leurs propositions pour 2007.
Q- Non, mais il y a le projet qui va arriver au mois de juin, il y a un projet F. Hollande ?
R- Non, il y a ce que j'apporte à ce projet des idées, des propositions...
Q- Non, mais le livre publié par Stock, ce n'est pas "Devoirs de vérité", c'est le titre du programme du Parti socialiste, il y a donc un programme F. Hollande ?
R- Il y a une contribution que j'apporte avec d'autres et je crois que c'est bien que le Parti socialiste montre qu'il a des idées. Quel était le reproche qu'on nous faisait, il y a encore quelques mois ? Vous contestez, vous protestez, vous, vous opposez, donc donnez vos idées. Voilà, nous donnons nos propositions.
Q- Donc il faut avoir un programme ?
R- Mais c'est normal, vous vous rendez compte qu'aujourd'hui l'état de la France ! Vous, vous rendez compte du désarroi que rencontre notre pays !
Q- On va voir le contenu...
R- Non, mais vous vous rendez compte aussi au-delà de ces affaires...
Q- On y arrive...
R- C'était l'interrogation majeure par rapport au destin de la France et il faudrait que l'on soit simplement dans le commentaire, dans la surface des choses, simplement dans l'annonce ou la pré-annonce d'une candidature ! Mais ça n'intéresse personne aujourd'hui. Ce qui intéresse les Français, c'est de savoir quel est le destin de leur propre pays ? Quel est l'avenir de leurs enfants ? Quel est le sens aujourd'hui de l'engagement collectif ? Qu'est-ce que portent les socialistes ? Quels sont les...possibilités que nous avons de réduire les inégalités et de donner plus de prospérité à notre pays, voilà les questions que sont posées.
Q- Oui, mais pourquoi vous ne choisissez pas la méthode à la mode ?
R- Moi, je ne suis pas à la mode, moi, monsieur.
Q- F. Hollande, les idées que je vais défendre ce seront les vôtres...
R- Mais ça c'est normal de devoir, d'écouter, d'entendre, de comprendre mais je ne récuse nullement cette méthode. Parce que je crois qu'elle est utile aussi, mais à la condition bien sûr que le parti dont on va être à un moment le candidat ou la candidate, forme lui-même ses engagements, donne ses orientations, fixe le cap, donne la perspective, car ce qui manque aujourd'hui dans le débat politique, ce ne sont pas des candidats, il y a en a beaucoup, ce ne sont pas des affrontements, il y en a suffisamment. Ce qui manque c'est du sens, c'est de voir quelles sont les grandes différences entre les formations politiques ? Quelle conception nous avons de la France ? Et je vais prendre un exemple, aujourd'hui nous avons à droite, une France qui se veut éclatée, fragmentée, divisée, où il faudrait stigmatiser les uns écarter les autres. La France que nous, nous portons, que je porte, c'est une France, qui soit capable de s'unir, de se rassembler, d'être cohérente...
Q- Que je porte... ?
R- Oui, en tant que premier dirigeant du Parti socialiste, parce que c'est important les partis politiques aussi. Ne laissons pas penser que la politique ce serait simplement des personnes qui s'agiteraient. Je crois que nous avons besoin aussi d'une société avec des règles et notamment dans la vie politique. Avec des cohérences, avec des démocraties qui se vérifient, avec des capacités de rendre des comptes. Il faudrait en avoir assez aussi, à ces comportements personnels, j'entendais N. Sarkozy hier dans un meeting dire " voilà, il y a aujourd'hui des officines, des déstabilisations.... "
Q- Là, mais vous lui donnez raison de vouloir la vérité ou pas ?
R- Mais dans quel Gouvernement est-il ?
Q- Oui, qu'est-ce qu'il faudrait ? Qu'il démissionne ?
R- Écoutez, quand on pense qu'il y a des officines qui sont montées dans son propre Gouvernement, contre lui, puisqu'il le pense, qu'est-ce qu'il fait encore dans cette équipe-là ? Pour rendre service à qui ? Plutôt qu'à lui-même ?
Q- L'affaire Clearstream : "la France traverse de nouveau une crise d'une gravité exceptionnelle", avez-vous dit hier et vous répétez : "il faut une sanction". Quelle sanction ? Est-ce que c'est devancer les élections législatives ?
R- La première évidence, c'est que le Gouvernement de D. de Villepin ne peut pas rester. Car il n'est pas possible d'avoir un Gouvernement qui se suspecte mutuellement, organise en son seing des déstabilisations, de l'aveu même des intéressés, ce n'est pas moi qui porte ces accusations, ce n'est même pas la justice, elle a été saisie par N. Sarkozy et par d'autres, justement par rapport à des menaces de déstabilisation. Rendez-vous compte... Vous ne voulez pas attendre que la justice finisse de se prononcer ? Comment voulez-vous que dans une équipe, il puisse y avoir un travail collectif avec des membres, notamment les premiers d'entre eux qui se dénoncent mutuellement ? Qui complotent les uns contre les autres ?
Q- Quelle est la sanction que vous proposez ?
R- La première sanction, c'est le départ du Gouvernement, il n'est pas possible d'avoir dans le même gouvernement, D. de Villepin, N. Sarkozy et Mme Alliot-Marie, ne serait-ce que parce qu'ils sont liés maintenant par des procédures judiciaires.
Q- Alors que faites-vous ? Que proposez-vous ?
R- Donc nous, nous sommes l'opposition, la seule manière pour nous de condamner un Gouvernement, de le renverser, c'est de déposer une motion de censure, ce que nous allons faire, elle sera discutée la semaine prochaine.
Q- Mardi ou mercredi autrement dit, la censure n'est pas à la hauteur de la crise que vous êtes en train de dénoncer ?
R- Le président de la République devrait en prendre toute la dimension, il a encore quelques jours, parce qu'il se tait, vous, vous rendez compte que depuis le début de cette affaire, il n'y a pas eu une expression publique du président de la République. Plus exactement, nous avons des communiqués d'un entourage, mais quand on est chef de l'Etat, dans la situation dans laquelle est le pays, dans le désarroi que vit aujourd'hui l'ensemble de la communauté nationale, la moindre des choses, j'allais dire la moindre des civilités démocratiques et je le dis dans mon livre, parce que c'est aussi un problème de responsabilité et un problème de démocratie. La moindre des règles élémentaires quand on est chef de l'Etat, c'est de s'exprimer devant le pays, c'est de dire ses choix. Il veut garder D. de Villepin, qu'il assume, il veut proposer à N. Sarkozy de devenir Premier ministre, qu'il l'assume, qu'il le dise, mais pas les deux à la fois ou ce qu'on a entendu ces derniers jours, où il aurait proposé à l'un de rester et à l'autre de venir. Et quand on est président de la République et qu'on a ces affaires-là qui rongent la crédibilité, qui rongent même l'image de la France à l'étranger et qui minent, qui sapent même les fondements démocratiques du pays avec le risque d'une montée de l'extrême droite, alors quand on est président de la République élu, dans les conditions où il a été élu, c'est-à-dire après le 21 avril, mais la moindre des choses, c'est de dire au pays et de prendre, de dire au pays ce qu'il faut faire et de prendre les décisions et de ne pas laisser cette situation se déliter davantage.
Q- Je vous observe, apparemment l'affaire Clearstream est en train de jouer sur vos nerfs aussi ?
R- Mais pas du tout, moi, j'essaie d'être responsable pour tous.
Q- Alors bon, le Gouvernement...
R- C'est quand même incroyable que ce soit l'opposition qui soit obligée de donner des leçons de tenue démocratique à ceux qui nous gouvernent.
Q- Mais vous qui avez vécu la fin du mitterrandisme, cela ne devrait pas vous rendre plus prudent, plus mesuré ?
R- Mais ça n'a rien de comparable, qu'il puisse y avoir une usure du pouvoir, qu'il puisse y avoir...
Q- Mais il y avait des affaires, il y a de la corruption, il y avait des suicides, faut-il le répéter ? Il y avait la solitude et la maladie de Mitterrand ?
R- Qu'il y ait la solitude, qu'il y ait la fin de règne, nous l'avons connu, mais il n'y avait pas au sein même d'un Gouvernement, des procès qui s'organisaient, des déstabilisations qui se menaient, des services secrets qui étaient utilisés. Rendez-vous compte aujourd'hui de la gravité de la situation ! Et donc quand il y a eu un problème avec un Gouvernement, en l'occurrence, c'était celui d'E. Cresson après une sanction électorale, qu'est-ce qu'a fait le chef de l'Etat, à l'époque F. Mitterrand ? Il l'a remplacée par P. Bérégovoy.
Q- Vous avez parlé tout à l'heure de l'extrême droite, d'après Paris- Match et Ifop, Chirac et Villepin remontent de 4 points, Sarkozy est préféré à S. Royal de un point, mais ce qui est important, dans le baromètre de Paris Match c'est que J.-M. Le Pen gagne 7 points, J.- M. Le Pen 7 points et J.-M. Le Pen est à 26 points. Au deuxième tour de 2007, faut-il imaginer J.-M. Le Pen face à un ou une socialiste ?
R- Écoutez quand on a connu le 21 avril, ce n'est pas de la politique fiction ! J.-M. Le Pen a déjà été au second tour de l'élection présidentielle.
Q- Vous voulez dire que cela peut se renouveler ?
R- Cela peut se renouveler. Donc à partir de là, chacun doit être à la hauteur de sa tâche, ceux qui sont au sommet de l'Etat, ils ne le sont pas. Ceux qui sont dans l'opposition ils doivent l'être. Et moi, quand je dis "Devoirs de vérité " je dis aussi devoir de responsabilité. Et j'exprime cette responsabilité, regardez sur l'affaire Clearstream, nous n'avons pas hurlé avec les loups, nous n'avons pas confondu les affaires judiciaires et les affaires politiques, nous avons demandé des choses simples. Deuxièmement, lorsqu'il y a...
Q- Je peux vous poser une question ?
R- Oui.
Q- Vous dites "Devoirs de vérité", sur quelle décision de justice D. de Villepin devrait-il aujourd'hui démissionner ? Est-ce que vous ne voulez pas attendre que la justice vous dise, il y a telle ou telle opération ou machination ?
R- Mais ce n'est pas un problème de justice, aujourd'hui ce n'est pas une affaire simplement judiciaire, ce qui est déjà avéré, politiquement, c'est que D. de Villepin, il ne l'a pas nié, a fait enquêter sur telle ou telle personnalité politique. Ce qui n'est pas niable non plus, ce sont les propos de N. Sarkozy pas plus tard qu'hier, il parle d'officine, il parle de manoeuvre de déstabilisation. Il dit " cette conception de la politique " il parle bien de la politique il ne parle pas de la justice, " m'est totalement étrangère, je ne peux pas l'accepter ". Donc quand vous avez dans le même Gouvernement aussi, M. Alliot-Marie qui vient à la télévision, vous, vous rendez compte, pour dire : " mais comment, je n'étais au courant de rien ! " C'est-à-dire même pas au courant d'une réunion qui s'était tenue chez le ministre des Affaires étrangères à l'époque D. de Villepin avec un général qui dépendait de son propre cabinet ? Mais c'est là, le dysfonctionnement le plus complet, là je ne parle pas d'affaires de justice, je parle d'affaires de comportement politique, je parle d'affaires de gestion de l'Etat et d'affaires morales. A partir de là, il faut en tirer des leçons parce qu'effectivement l'extrême droite, peut tirer profit de ce désarroi, comme souvent.
Q- On peut parler de votre livre ?
R- Allez-y !
Q- Voilà, vous estimez que le Parti socialiste devrait gagner pour, vous dites "durer, pour réussir", mais pas seulement pour cinq ans, pour deux mandats, c'est-à-dire dix ans ?
R- Ce que je crois c'est que la politique aujourd'hui, face au défi du monde, de l'Europe et de la France ne peut pas simplement se réduire àun mandat, c'est-à-dire à une gestion à court terme, à une gestion des urgences, cela ne veut pas dire que nous en avons la capacité à être
réélu...
Q- Dans le meilleur des cas...
R- Mais ce qu'il faut avoir c'est la vision longue, c'est l'intérêt général, c'est d'être capable de relever l'ensemble des défis qui se posent à une société comme la nôtre, le défi de vivre ensemble, le défi de l'éducation, le défi de l'emploi, le défi de l'environnement, en donnant des solutions qui dépassent une législature.
Q- Autrement dit, deux mandats ça exclut deux candidats : L. Jospin et J. Lang ?
Mais ça n'exclut personne ! Moi, je ne suis pas là pour faire des espérances de vie, j'essaie de dire qu'il faut avoir de la politique...
Q- Une vision à long terme.
R- ...Une vision plus longue, alors il y a aussi une fatalité qui pèse sur la gauche et qui commence aussi à peser sur la droite. C'est qu'avec le rythme des alternances, la gauche n'a jamais été capable d'être réélue une seule fois et donc elle est toujours culbutée par la réalité, incapable de donner justement une dimension, une vision et une profondeur dans son action. Voilà ce qu'il faut changer et à partir de là, il faut revenir sur l'essentiel et pas accumuler des revendications.
Q- Si vous voulez qu'on illustre ce qu'il y a dans le livre, il y a pas mal de propositions intéressantes, il faut peut-être résumer les réponses en pensant qu'on n'est pas en meeting. Vous estimez que la cohabitation n'est pas une bonne affaire démocratique, vous dites avec le quinquennat, elle n'a plus de raison d'être. Hypothèse : en 2007, le président élu de la République est de gauche et puis plus tard la majorité de députés est de droite, vous dites que le président doit s'en aller ?
R- Oui, je pense que la cohabitation dont on a suffisamment souffert n'a plus cours avec le quinquennat, si on a la confiance du peuple on dirige cinq ans, si on ne l'a plus on part.
Q- Il s'engage à fond pour avoir sa majorité le président, s'il ne l'obtient pas, il y renonce, c'est un peu moins le chaos, mais il ne reste pas, c'est clair ?
R- Il ne peut pas y avoir au sommet de l'Etat une situation où il y aurait un président de gauche ou de droite et une majorité d'une couleur politique différente.
Q- Alors sur le plan par exemple économique, parce que vous montrez aussi vos choix, après la RTT, la Réduction du Temps de Travail de L. Jospin, vous dites " il faut la RTC " F. Hollande, Réduction du Temps de Chômage, c'est-à-dire ?
R- C'est-à-dire qu'avec la réduction du temps de travail, nous avons utilisé une méthode qui consistait à conditionner des exonérations de cotisations sociales à une diminution du temps de travail, avec un accord collectif. On peut penser ce qu'on veut des 35 heures, mais cette méthode-là a fonctionné. Et ce que je propose c'est que maintenant, entreprise par entreprise, il puisse y avoir un accord qui soit de la manière suivante, nous baissons les cotisations sociales des entreprises qui prennent un engagement d'augmenter le volume d'emploi, accord RTC, Réduction du Temps de Chômage, nous donnons en contrepartie des baisses de cotisations sociales, une capacité aux entreprises pour embaucher.
Q- Est-ce qu'il ne peut pas y avoir cette équation RTC égale moins de RTT, c'est-à-dire pour diminuer le temps de chômage, est-ce qu'il ne faut pas au contraire augmenter le temps de travail ?
R- Mais le temps de travail, il peut augmenter...
Q- Comme dans de nombreux pays ?
R- Mais il peut augmenter à travers les heures supplémentaires et donc une entreprise... Il est faux de prétendre...
Q- Vous les accepterez, vous assouplirez les 35 heures ?
R- Mais ces assouplissements sont déjà intervenus, donc ne laissons pas croire qu'aujourd'hui une entreprise serait contrainte, en revanche, je pense qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait 22 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales, sans contrepartie. Il y aura donc des accords RTC, Réduction du Temps de Chômage partout en France, à travers cette méthode que je propose.
Q- Mais il y a des socialistes, qui réclament la VIème République pour que les élus jouent un plus grand rôle. Vous pensez le contraire, vous dites la Vème République, je vous cite : "N'empêche en rien le Parlement, de jouer pleinement son rôle, il n'a qu'à bien l'occuper".
R- Oui, d'abord, ça n'empêche pas des réformes, je pense qu'il faut permettre à l'opposition d'avoir un statut, il faut faire en sorte que le Parlement puisse procéder aux nominations à travers des majorités élargies pour les hauts fonctionnaires...
Q- Avec un rôle de plus en plus grand du Parlement donc des partis politiques ?
R- Et une coalition politique qui doit également voir le jour. Il n'est pas bon qu'un seul parti dirige le pays comme le cas aujourd'hui. Mais ce que je veux dire, c'est que notre problème n'est pas simplement institutionnel, il est moral et il est politique.
Q- Vous dites et vous souhaitez...
R- Nous faisons une proposition aussi qui sera celle du Parti socialiste, du mandat unique pour les Parlementaires, si on veut réhabiliter le Parlement, il faut que les Parlementaires n'aient que ce mandat-là.
Q- Et vous dites aussi : "il faut désacraliser la présidence de la République, le quinquennat d'ailleurs a commencé à le désacraliser. Le président de la République ne doit plus être un monarque, il ne doit pas être un copain", que doit-il être ?
R- Il doit être un homme élu par le peuple, un homme ou une femme élu par le peuple français, capable de s'engager complètement. Car je ne crois pas qu'on puisse avoir cette situation incroyable, au sommet de l'Etat où un président élu au suffrage universel se désengage de l'action quotidienne pour les Français, vers le Premier ministre.
Q- Avec qui vous gouvernez ? Vous reconnaissez qu'avec 30 ou 35 % de suffrages, le Parti socialiste ne peut pas gouverner tout seul ?
R- Pas plus que l'UMP.
Q- Oui, bon, mais vous mettez en garde la gauche du " non ", la gauche du " non de 2005 à l'Europe. " Alors avec qui gouverner ?
R- Je pense qu'il n'est pas souhaitable, qu'un seul parti dirige le pays. Dans le meilleur des cas, un parti, le Parti socialiste, ça peut-être aussi le cas de l'UMP fait 30-35 % des voix, comment voulez-vous avoir la capacité de changer, de transformer et de réformer, d'où la nécessité d'un rassemblement large et j'en fais la proposition avec les socialistes il faut que les Verts, les communistes, tous ceux qui veulent participer au changement de notre pays, participent au pouvoir.
Q- Vous prévenez que d'ici à 2012, il n'y aura pas de baisse d'impôts sauf pour les catégories modestes, qu'il y aura un effort pour réduire le déficit...
R- Aujourd'hui, il est impossible de promettre des baisses d'impôts dans l'état d'endettement public du pays.
Q- Et vous conseillez d'ailleurs de jouer sur le budget de la Défense, vous dites : "Il faut stopper les chars Leclerc, le porte-avions, le rafale Dassault, etc." Vos propositions seront-elles un jour chiffrées et financées ?
R- Bien sûr, lorsque le projet du Parti socialiste aura arrêté début juillet, il y aura une évaluation de l'ensemble de nos priorités, si nous disons priorité, c'est parce que nous voulons faire des choix et que j'en ai terminé avec cette conception de la politique, où on accumule toutes les revendications de toutes les catégories. C'est fini. Donc il y aura de grandes priorités : éducation, enseignement supérieur notamment et petite enfance, l'environnement parce que nous devons aller à la société sans pétrole, nous devons avoir l'emploi, je viens de faire la proposition de moduler les cotisations sociales en fonction des capacités d'embauches des entreprises et enfin une démocratie qui soit véritablement rénovée.
Q- C'est vraiment le projet d'un candidat ?
R- C'est le projet d'un parti qui aura un candidat ou une candidate.
Q- Est-ce que je dois considérer que ce livre est déjà le programme du PS ?
R- Ce livre est aussi un moyen de revenir vers le passé.
Q- De forcer la main du PS...
R- ...De tirer toutes les leçons de ce qui a marché et de ce qui n'a pas marché et de dire aux socialistes, vous avez raison de vouloir gouverner le pays, mais à ce moment-là vous n'avez pas le droit d'échouer.
Q- S. Royal a dû lire le projet de son compagnon, est-ce qu'elle adhère aux thèses que vous défendez ?
R- Mais S. Royal est une militante du Parti socialiste...
Q- Attentive...
R- ...Elle participe aux travaux de la commission du projet, elle s'engage au nom du collectif et elle lit, j'espère, toutes les contributions, la mienne notamment.
Q- Mais au fond, est-ce qu'elle a besoin de programme ? Je voyais, hier, elle était à Lyon-Villeurbanne, qui se soucie d'ailleurs du projet de S. Royal ? On dit "ça ressemble au festival de Cannes", elle est là avec une présence rayonnante, et puis c'est tout. Mais est-ce que ça suffit ?
R- Mais tout candidat du Parti socialiste ou toute candidate sera le ou la candidate du Parti socialiste avec le projet socialiste. Ça m'amuse beaucoup quand j'entends, "mais est-ce que celui-là ou celle-là a un projet ?" Mais son projet sera non seulement socialiste mais celui du Parti socialiste !
Q- Ce qui veut dire que celui qui est désigné n'a pas de marge d'action ?
R- Il a ses caractéristiques personnelles, il a sa sensibilité, mais il sera le candidat du projet que nous aurons délibérément voté et démocratiquement adopté.
Q- Je reprends quelques phrases du livre sur Ségolène et François ; vous dites : "Nous ne faisons pas de la politique en famille ou en couple" ?
R- C'est vrai, je crois, qu'on a chacun notre autonomie et en même temps nous, nous respectons.
Q- ..."Nos destins n'ont jamais été coordonnés ?"
R- C'est vrai, nous ne sommes pas dans des stratégies communes où l'on essaierait d'utiliser l'un ou l'une au service de l'autre.
Q- Et puis, vous ajoutez : " Nous n'avons jamais voulu nous mettre au service de l'un ou de l'autre", même si aujourd'hui beaucoup le croient.
R- Moi, j'essaie de jouer pleinement mon rôle de Premier secrétaire et elle, elle joue pleinement son rôle d'une militante, j'allais dire "populaire". C'est quand même bien que dans le Parti socialiste, nous ayons des femmes, des hommes qui soient à ce niveau de popularité.
Q- Bien sûr, ce n'est jamais l'un contre l'autre, mais bientôt ce sera l'une ou l'autre ?
R- Nous verrons bien quelle sera la situation, je vous l'ai dit, à la fin du mois de septembre, au début du mois d'octobre, lorsqu'il s'agira de déposer sa candidature. Et moi, comme premier secrétaire, j'aurai un scrupule de plus par rapport à tous les autres candidats putatifs. Je n'aurai que l'intérêt de mon parti. Je me suis donné comme devoir, devoir de vérité, le devoir de faire gagner la gauche en 2007 et je ne mettrai jamais mon sort personnel devant l'intérêt collectif, jamais, parce que je suis premier secrétaire.
Q- Vous écrivez : "Je ne vivrais pas comme une tragédie l'effacement ou le recul..."
R- Non.
Q- Et elle ?
R- Vous lui poserez la question.
Q- Non, mais elle ?
R- Pas davantage, j'imagine. Mais moi, en tout cas, je vous donne ma conception : je ne suis pas obsédé par l'élection présidentielle. Si, je suis obsédé par l'élection présidentielle pour la gagner, mais je ne suis pas là pour me dire que c'est d'abord mon sort personnel, ma carrière, mon destin. La vie politique est faite de moments de mise en lumière...
Q- D'accord, mais est-ce que cela veut dire que si elle est choisie, vous partez ou vous êtes encore le premier secrétaire en 2007 ?
R- Mais non ! Je suis premier secrétaire élu par les militants, nous verrons ce que seront les choix des mêmes militants pour leur candidat ou leur candidate. Mais quand je vous parle d'autonomie, nous sommes vraiment dans ce cadre-là.
Q- Vous répétez : "Les militants vont décider " ; aujourd'hui les sondages écrasent les autres candidats, S. Royal est en tête. Est-ce que le choix des militants leur sera imposé par les sondages, la "peopleïsation" de la politique, donc par l'extérieur ?
R- Mais les adhérents du Parti socialiste, 40 000 de plus depuis trois mois, ce sont des citoyens majeurs, ils feront le choix qui leur paraîtra le meilleur pour gagner, et pas simplement pour gagner d'ailleurs, je vous l'ai dit : ils feront le choix du futur président de la République. Donc vous vous rendez compte de leur responsabilité ! J'appelle d'ailleurs tous ceux qui ne sont pas encore militants socialistes et qui aspirent à le devenir et qui veulent participer à notre vote de le faire, c'est encore possible. Ce que je veux dire, c'est qu'ils ne se laisseront guider par aucun ordre venant de je ne sais qui, aucune coalition, aucune manoeuvre, ils feront le choix en conscience, qui leur permettra le meilleur pour leur pays,
Q- A Lyon-Villeurbanne, dans la foule, on a posé trois questions à peu près à S. Royal : "votre compagnon vous soutient-il ?".
R- Mais je n'ai pas aujourd'hui à soutenir une candidate qui n'est pas candidate.
Q- Est-ce qu'elle ira ? C'est quelqu'un qui lui demandait : "Est-ce que vous irez, si vous n'êtes pas investie par le Parti socialiste ? ".
R- Mais aucun candidat ne peut être candidat hors du Parti socialiste quand il est socialiste et aucune candidate non plus.
Q- Cela ressemble au festival de Cannes qui se déplace... Est-ce qu'on va élire une star, une vedette ?
R- Il vaut mieux choisir des gens aimés que des gens mal aimés.
Q- Bien sûr, mais avec un programme.
R- Mais le programme, nous le faisons, c'est mon rôle, précisément...
Q- Donc c'est aussi le programme de S. Royal, dont nous sommes en train de parler ?
R- C'est le rôle du premier secrétaire du Parti socialiste de fabriquer, avec les socialistes,leur projet.
Q- F. Mitterrand avait publié avec A. Duhamel "Ma part de vérité" ; L. Jospin réclamait un droit d'inventaire et vous, vous choisissez "Devoirs de vérité " : vous prenez un peu de chaque ?
R- Oui.
Q- Nous sommes le 10 mai, qu'est-ce que vous devez, là, ce matin à F. Mitterrand ?
R- L'alternance. Après 23 ans d'opposition, c'est lui, avec l'équipe qui était à ses côtés, qui a permis, avec le rassemblement de la gauche, la victoire. Cela fait déjà douze ans qu'on est avec un Président de droite, je ne voudrais pas attendre 23 ans.
Q- Mais vous êtes patient ?
R- Ma patience a des limites...
Q- Oui, mais j'ai le sentiment que vous êtes confiant, vous pensez que c'est à portée de la main ?
R- Je pense que toutes les conditions sont réunies aujourd'hui, pour une victoire de la gauche mais cela se mérite une victoire et cela se mérite sur un projet pas sur un rejet...
Q- Attention de ne pas être trop déçu si c'est N. Sarkozy ou un autre qui gagne...
R- Pour ne pas créer de déception.
Q- Vous dites également vos dettes à l'égard de J. Delors, de L. Jospin ; qu'est-ce qui restera de Jospin ?
R- Cinq ans d'une gestion honnête et exemplaire. Regardez la différence avec aujourd'hui.
Q- Votre questionnaire [inaud] vous reproche de ne pas être passé par le trotskisme, comme L. Jospin. Et puis, il dit : "la part d'ombre de Mitterrand, c'était Vichy, avant la résistance". Vous, rien, pas de révolte dit-il, pas de radicalité, c'est lisse, c'est brillant comme un enfant gâté de la République.
R- Pourquoi faudrait-il avoir une part d'ombre pour accéder à la lumière ?
Q- D'autant plus que vous n'êtes ni candide ni naïf ?
R- Non, je n'ai pas besoin d'être candide ou naïf, pour avoir une ambition pour mon pays.
Q- Et quand on vous demande quel mot définirait le mieux F. Hollande, vous dites : "l'esprit de synthèse, la synthèse" ; vous croyez qu'avec ça, on mobilise un peuple ou qu'avec ça, avec la synthèse, vous pourriez monter dans les sondages en disant : "je suis le symbole de la synthèse" ?
R- Je pense qu'aujourd'hui les Français sont inquiets à juste raison. Ils ont peur de la division de leur pays, ils ont peur de l'éclatement. Regardez ce qui s'est passé : violence dans les banlieues, mouvement contre le CPE, aujourd'hui affaire au sommet de l'Etat, ils se disent : "Mais est-ce que la France a encore un sens ? Qu'est-ce qui nous unit tous dans ce pays ?". On va célébrer aujourd'hui le 10 mai, la victoire de F. Mitterrand, mais aussi la commémoration de l'esclavage...
Q- L'abolition de l'esclavage...
R- Oui. Est-ce que cette histoire-là nous étreint ou, au contraire, c'est finalement une force collective ? Je crois que la France a besoin de retrouver une confiance en elle, c'est notre rôle.
Q- Tout le monde fait de 2007 une date fatidique, une date mystique et mythique...
R- Surtout après l'élection ratée de 2002, jamais une élection présidentielle n'aura eu autant d'importance, peut-être comparable à celle de 1981.
Q- Donc c'est la rupture ?
R- Mais non, c'est d'avoir enfin un choix démocratique simple. Il y a deux conceptions de la France : celle de la droite, N. Sarkozy l'exprime et puis celle de la gauche, la nôtre précisément : la synthèse démocratique, la responsabilité.
Q- Mais vous dites bien que pour vous la démocratie, ne se résume pasà la sélection d'un ou d'une candidate...
R- J'espère vous en avoir fait la démonstration.
Q- Qu'est-ce que c'est ?
R- C'est projet contre projet...
Q- ...Plus le contrat comme disait P. Mendès-France qu'on voit apparaître...
R- Oui, et la vérification de ce contrat tout au long du mandat. Regardez si aujourd'hui le président de la République faisait la vérification du contrat ce qui se produirait.
Q- Oui, mais vous ne voulez pas qu'il la fasse ?
R- Qu'il la fasse !
Q- Qu'il la fasse tout de suite ? Vous ne lui demandez pas d'ailleurs, vous ne lui demandez pas de faire des élections présidentielles anticipées ?
R- Non, il peut les faire, c'est de sa responsabilité. Et quoi qu'il arrive, je l'ai dit, nous serons prêts. Nous avons aujourd'hui largement préparé notre projet, nous avons investi nos candidats aux élections législatives et nous sommes prêts à répondre à toute sollicitation du suffrage universel.
Q- Si cela avait lieu la semaine prochaine ?
R- Nous serions prêts.
Q- Qui serait le candidat à ce moment-là ?
R- Celui ou celle que les militants choisiront.
Q- Le premier secrétaire ?
R- Mais celui ou celle que les militants choisiraient.
Q- Les prophètes, la presse, les sondeurs, on voit qu'ils ont déjà choisi, peut-être ont-ils raison ? Peut-être se trompent-ils ?
R- Ce n'est pas les sondeurs qui choisissent ! Ce sont les personnes interrogées, j'imagine !
Q- Oui, mais ce n'est pas la première fois qu'ils se trompent. Quelles que soient vos précautions, vos démentis, ce matin, avec vos"devoirs de vérité ", vous êtes vous aussi, sur la piste de départ ?
R- Non, je suis le candidat du projet du Parti socialiste. Pour le projet, rien que pour le projet, et le moment venu, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. Et vous savez, à force de vouloir à chaque fois concevoir la politique par rapport aux candidatures, on finit par oublier l'essentiel, c'est-à-dire les idées. Moi, je ne l'oublie pas.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 mai 2006
R- Ma réponse en vérité, c'est que ce n'est pas le moment. Nous verrons ce que sera la situation au mois d'octobre, lorsque s'ouvrira la phase de désignation de notre candidat ou de notre candidate et j'apprécierais selon les configurations du débat politique, les formes qu'ils peuvent prendre ces débats politiques et puis surtout la manière dont je peux me rendre utile. Moi, je suis premier secrétaire du Parti socialiste, j'ai un devoir, puisque vous parlez des devoirs, c'est de faire adopter le projet des socialistes là, à la fin du mois de juin, début du mois de juillet, j'ai un autre devoir, c'est de permettre que le Parti socialiste soit en bon ordre pour les élections légitimes, on ne sait jamais, on va désigner nos candidats et nos candidates avec la parité, là, à la fin du mois de juin
et...
Q- Essayons de dire la vérité.
R- Toujours la vérité, j'ai aussi rassemblé la gauche et ensuite au mois d'octobre nous verrons la situation.
Q- D'ailleurs vous dites souvent que le candidat doit être capable de rassembler la gauche. Voilà ! Dans le livre vous dites c'est une manière l'objectif du livre, c'est une manière de prendre date ?
R- Moi, je veux être utile à mon parti et à mon pays ce n'est pas forcément en étant candidat à la candidature aujourd'hui. Il faut quand même sortir de l'idée qu'il n'y aurait de parole politique forte que si, elle émane d'un candidat ou d'une candidate. Il se trouve que je suis premier secrétaire de la principale formation politique du pays et donc il est important que ce parti, cette formation politique puisse s'exprimer à travers moi, ses idées, sa méthode, son engagement.
Q- Vous dites ni oui, ni non ?
R- Non, je dis, il y a des moments pour tout et aujourd'hui ce n'est pas le moment.
Q- Peut-être, dans le livre vous écrivez : "Je n'exclus rien, tout est possible".
R- Tout est possible, mais ce n'est pas le moment. Il y a aussi une hiérarchie des urgences, l'urgence aujourd'hui c'est de fournir aux pays un espoir. Et puis il y aura une autre urgence au mois d'octobre et au mois de novembre, c'est de donner un candidat ou une candidate au Parti socialiste pour l'élection présidentielle, parce que nous allons sans doute au Parti socialiste désigner le prochain président de la République.
Q- Vous n'êtes pas encore candidat et vous avez votre projet et d'autres qui tonitruent leur candidature ou qui la susurrent n'ont pas de projet. N'est-ce pas étonnant ?
R- Je reviens sur ce que je vous disais à l'instant, je suis le premier secrétaire du Parti socialiste qui doit préparer avec les socialistes, tous les socialistes, candidats ou pas, leurs propositions pour 2007.
Q- Non, mais il y a le projet qui va arriver au mois de juin, il y a un projet F. Hollande ?
R- Non, il y a ce que j'apporte à ce projet des idées, des propositions...
Q- Non, mais le livre publié par Stock, ce n'est pas "Devoirs de vérité", c'est le titre du programme du Parti socialiste, il y a donc un programme F. Hollande ?
R- Il y a une contribution que j'apporte avec d'autres et je crois que c'est bien que le Parti socialiste montre qu'il a des idées. Quel était le reproche qu'on nous faisait, il y a encore quelques mois ? Vous contestez, vous protestez, vous, vous opposez, donc donnez vos idées. Voilà, nous donnons nos propositions.
Q- Donc il faut avoir un programme ?
R- Mais c'est normal, vous vous rendez compte qu'aujourd'hui l'état de la France ! Vous, vous rendez compte du désarroi que rencontre notre pays !
Q- On va voir le contenu...
R- Non, mais vous vous rendez compte aussi au-delà de ces affaires...
Q- On y arrive...
R- C'était l'interrogation majeure par rapport au destin de la France et il faudrait que l'on soit simplement dans le commentaire, dans la surface des choses, simplement dans l'annonce ou la pré-annonce d'une candidature ! Mais ça n'intéresse personne aujourd'hui. Ce qui intéresse les Français, c'est de savoir quel est le destin de leur propre pays ? Quel est l'avenir de leurs enfants ? Quel est le sens aujourd'hui de l'engagement collectif ? Qu'est-ce que portent les socialistes ? Quels sont les...possibilités que nous avons de réduire les inégalités et de donner plus de prospérité à notre pays, voilà les questions que sont posées.
Q- Oui, mais pourquoi vous ne choisissez pas la méthode à la mode ?
R- Moi, je ne suis pas à la mode, moi, monsieur.
Q- F. Hollande, les idées que je vais défendre ce seront les vôtres...
R- Mais ça c'est normal de devoir, d'écouter, d'entendre, de comprendre mais je ne récuse nullement cette méthode. Parce que je crois qu'elle est utile aussi, mais à la condition bien sûr que le parti dont on va être à un moment le candidat ou la candidate, forme lui-même ses engagements, donne ses orientations, fixe le cap, donne la perspective, car ce qui manque aujourd'hui dans le débat politique, ce ne sont pas des candidats, il y a en a beaucoup, ce ne sont pas des affrontements, il y en a suffisamment. Ce qui manque c'est du sens, c'est de voir quelles sont les grandes différences entre les formations politiques ? Quelle conception nous avons de la France ? Et je vais prendre un exemple, aujourd'hui nous avons à droite, une France qui se veut éclatée, fragmentée, divisée, où il faudrait stigmatiser les uns écarter les autres. La France que nous, nous portons, que je porte, c'est une France, qui soit capable de s'unir, de se rassembler, d'être cohérente...
Q- Que je porte... ?
R- Oui, en tant que premier dirigeant du Parti socialiste, parce que c'est important les partis politiques aussi. Ne laissons pas penser que la politique ce serait simplement des personnes qui s'agiteraient. Je crois que nous avons besoin aussi d'une société avec des règles et notamment dans la vie politique. Avec des cohérences, avec des démocraties qui se vérifient, avec des capacités de rendre des comptes. Il faudrait en avoir assez aussi, à ces comportements personnels, j'entendais N. Sarkozy hier dans un meeting dire " voilà, il y a aujourd'hui des officines, des déstabilisations.... "
Q- Là, mais vous lui donnez raison de vouloir la vérité ou pas ?
R- Mais dans quel Gouvernement est-il ?
Q- Oui, qu'est-ce qu'il faudrait ? Qu'il démissionne ?
R- Écoutez, quand on pense qu'il y a des officines qui sont montées dans son propre Gouvernement, contre lui, puisqu'il le pense, qu'est-ce qu'il fait encore dans cette équipe-là ? Pour rendre service à qui ? Plutôt qu'à lui-même ?
Q- L'affaire Clearstream : "la France traverse de nouveau une crise d'une gravité exceptionnelle", avez-vous dit hier et vous répétez : "il faut une sanction". Quelle sanction ? Est-ce que c'est devancer les élections législatives ?
R- La première évidence, c'est que le Gouvernement de D. de Villepin ne peut pas rester. Car il n'est pas possible d'avoir un Gouvernement qui se suspecte mutuellement, organise en son seing des déstabilisations, de l'aveu même des intéressés, ce n'est pas moi qui porte ces accusations, ce n'est même pas la justice, elle a été saisie par N. Sarkozy et par d'autres, justement par rapport à des menaces de déstabilisation. Rendez-vous compte... Vous ne voulez pas attendre que la justice finisse de se prononcer ? Comment voulez-vous que dans une équipe, il puisse y avoir un travail collectif avec des membres, notamment les premiers d'entre eux qui se dénoncent mutuellement ? Qui complotent les uns contre les autres ?
Q- Quelle est la sanction que vous proposez ?
R- La première sanction, c'est le départ du Gouvernement, il n'est pas possible d'avoir dans le même gouvernement, D. de Villepin, N. Sarkozy et Mme Alliot-Marie, ne serait-ce que parce qu'ils sont liés maintenant par des procédures judiciaires.
Q- Alors que faites-vous ? Que proposez-vous ?
R- Donc nous, nous sommes l'opposition, la seule manière pour nous de condamner un Gouvernement, de le renverser, c'est de déposer une motion de censure, ce que nous allons faire, elle sera discutée la semaine prochaine.
Q- Mardi ou mercredi autrement dit, la censure n'est pas à la hauteur de la crise que vous êtes en train de dénoncer ?
R- Le président de la République devrait en prendre toute la dimension, il a encore quelques jours, parce qu'il se tait, vous, vous rendez compte que depuis le début de cette affaire, il n'y a pas eu une expression publique du président de la République. Plus exactement, nous avons des communiqués d'un entourage, mais quand on est chef de l'Etat, dans la situation dans laquelle est le pays, dans le désarroi que vit aujourd'hui l'ensemble de la communauté nationale, la moindre des choses, j'allais dire la moindre des civilités démocratiques et je le dis dans mon livre, parce que c'est aussi un problème de responsabilité et un problème de démocratie. La moindre des règles élémentaires quand on est chef de l'Etat, c'est de s'exprimer devant le pays, c'est de dire ses choix. Il veut garder D. de Villepin, qu'il assume, il veut proposer à N. Sarkozy de devenir Premier ministre, qu'il l'assume, qu'il le dise, mais pas les deux à la fois ou ce qu'on a entendu ces derniers jours, où il aurait proposé à l'un de rester et à l'autre de venir. Et quand on est président de la République et qu'on a ces affaires-là qui rongent la crédibilité, qui rongent même l'image de la France à l'étranger et qui minent, qui sapent même les fondements démocratiques du pays avec le risque d'une montée de l'extrême droite, alors quand on est président de la République élu, dans les conditions où il a été élu, c'est-à-dire après le 21 avril, mais la moindre des choses, c'est de dire au pays et de prendre, de dire au pays ce qu'il faut faire et de prendre les décisions et de ne pas laisser cette situation se déliter davantage.
Q- Je vous observe, apparemment l'affaire Clearstream est en train de jouer sur vos nerfs aussi ?
R- Mais pas du tout, moi, j'essaie d'être responsable pour tous.
Q- Alors bon, le Gouvernement...
R- C'est quand même incroyable que ce soit l'opposition qui soit obligée de donner des leçons de tenue démocratique à ceux qui nous gouvernent.
Q- Mais vous qui avez vécu la fin du mitterrandisme, cela ne devrait pas vous rendre plus prudent, plus mesuré ?
R- Mais ça n'a rien de comparable, qu'il puisse y avoir une usure du pouvoir, qu'il puisse y avoir...
Q- Mais il y avait des affaires, il y a de la corruption, il y avait des suicides, faut-il le répéter ? Il y avait la solitude et la maladie de Mitterrand ?
R- Qu'il y ait la solitude, qu'il y ait la fin de règne, nous l'avons connu, mais il n'y avait pas au sein même d'un Gouvernement, des procès qui s'organisaient, des déstabilisations qui se menaient, des services secrets qui étaient utilisés. Rendez-vous compte aujourd'hui de la gravité de la situation ! Et donc quand il y a eu un problème avec un Gouvernement, en l'occurrence, c'était celui d'E. Cresson après une sanction électorale, qu'est-ce qu'a fait le chef de l'Etat, à l'époque F. Mitterrand ? Il l'a remplacée par P. Bérégovoy.
Q- Vous avez parlé tout à l'heure de l'extrême droite, d'après Paris- Match et Ifop, Chirac et Villepin remontent de 4 points, Sarkozy est préféré à S. Royal de un point, mais ce qui est important, dans le baromètre de Paris Match c'est que J.-M. Le Pen gagne 7 points, J.- M. Le Pen 7 points et J.-M. Le Pen est à 26 points. Au deuxième tour de 2007, faut-il imaginer J.-M. Le Pen face à un ou une socialiste ?
R- Écoutez quand on a connu le 21 avril, ce n'est pas de la politique fiction ! J.-M. Le Pen a déjà été au second tour de l'élection présidentielle.
Q- Vous voulez dire que cela peut se renouveler ?
R- Cela peut se renouveler. Donc à partir de là, chacun doit être à la hauteur de sa tâche, ceux qui sont au sommet de l'Etat, ils ne le sont pas. Ceux qui sont dans l'opposition ils doivent l'être. Et moi, quand je dis "Devoirs de vérité " je dis aussi devoir de responsabilité. Et j'exprime cette responsabilité, regardez sur l'affaire Clearstream, nous n'avons pas hurlé avec les loups, nous n'avons pas confondu les affaires judiciaires et les affaires politiques, nous avons demandé des choses simples. Deuxièmement, lorsqu'il y a...
Q- Je peux vous poser une question ?
R- Oui.
Q- Vous dites "Devoirs de vérité", sur quelle décision de justice D. de Villepin devrait-il aujourd'hui démissionner ? Est-ce que vous ne voulez pas attendre que la justice vous dise, il y a telle ou telle opération ou machination ?
R- Mais ce n'est pas un problème de justice, aujourd'hui ce n'est pas une affaire simplement judiciaire, ce qui est déjà avéré, politiquement, c'est que D. de Villepin, il ne l'a pas nié, a fait enquêter sur telle ou telle personnalité politique. Ce qui n'est pas niable non plus, ce sont les propos de N. Sarkozy pas plus tard qu'hier, il parle d'officine, il parle de manoeuvre de déstabilisation. Il dit " cette conception de la politique " il parle bien de la politique il ne parle pas de la justice, " m'est totalement étrangère, je ne peux pas l'accepter ". Donc quand vous avez dans le même Gouvernement aussi, M. Alliot-Marie qui vient à la télévision, vous, vous rendez compte, pour dire : " mais comment, je n'étais au courant de rien ! " C'est-à-dire même pas au courant d'une réunion qui s'était tenue chez le ministre des Affaires étrangères à l'époque D. de Villepin avec un général qui dépendait de son propre cabinet ? Mais c'est là, le dysfonctionnement le plus complet, là je ne parle pas d'affaires de justice, je parle d'affaires de comportement politique, je parle d'affaires de gestion de l'Etat et d'affaires morales. A partir de là, il faut en tirer des leçons parce qu'effectivement l'extrême droite, peut tirer profit de ce désarroi, comme souvent.
Q- On peut parler de votre livre ?
R- Allez-y !
Q- Voilà, vous estimez que le Parti socialiste devrait gagner pour, vous dites "durer, pour réussir", mais pas seulement pour cinq ans, pour deux mandats, c'est-à-dire dix ans ?
R- Ce que je crois c'est que la politique aujourd'hui, face au défi du monde, de l'Europe et de la France ne peut pas simplement se réduire àun mandat, c'est-à-dire à une gestion à court terme, à une gestion des urgences, cela ne veut pas dire que nous en avons la capacité à être
réélu...
Q- Dans le meilleur des cas...
R- Mais ce qu'il faut avoir c'est la vision longue, c'est l'intérêt général, c'est d'être capable de relever l'ensemble des défis qui se posent à une société comme la nôtre, le défi de vivre ensemble, le défi de l'éducation, le défi de l'emploi, le défi de l'environnement, en donnant des solutions qui dépassent une législature.
Q- Autrement dit, deux mandats ça exclut deux candidats : L. Jospin et J. Lang ?
Mais ça n'exclut personne ! Moi, je ne suis pas là pour faire des espérances de vie, j'essaie de dire qu'il faut avoir de la politique...
Q- Une vision à long terme.
R- ...Une vision plus longue, alors il y a aussi une fatalité qui pèse sur la gauche et qui commence aussi à peser sur la droite. C'est qu'avec le rythme des alternances, la gauche n'a jamais été capable d'être réélue une seule fois et donc elle est toujours culbutée par la réalité, incapable de donner justement une dimension, une vision et une profondeur dans son action. Voilà ce qu'il faut changer et à partir de là, il faut revenir sur l'essentiel et pas accumuler des revendications.
Q- Si vous voulez qu'on illustre ce qu'il y a dans le livre, il y a pas mal de propositions intéressantes, il faut peut-être résumer les réponses en pensant qu'on n'est pas en meeting. Vous estimez que la cohabitation n'est pas une bonne affaire démocratique, vous dites avec le quinquennat, elle n'a plus de raison d'être. Hypothèse : en 2007, le président élu de la République est de gauche et puis plus tard la majorité de députés est de droite, vous dites que le président doit s'en aller ?
R- Oui, je pense que la cohabitation dont on a suffisamment souffert n'a plus cours avec le quinquennat, si on a la confiance du peuple on dirige cinq ans, si on ne l'a plus on part.
Q- Il s'engage à fond pour avoir sa majorité le président, s'il ne l'obtient pas, il y renonce, c'est un peu moins le chaos, mais il ne reste pas, c'est clair ?
R- Il ne peut pas y avoir au sommet de l'Etat une situation où il y aurait un président de gauche ou de droite et une majorité d'une couleur politique différente.
Q- Alors sur le plan par exemple économique, parce que vous montrez aussi vos choix, après la RTT, la Réduction du Temps de Travail de L. Jospin, vous dites " il faut la RTC " F. Hollande, Réduction du Temps de Chômage, c'est-à-dire ?
R- C'est-à-dire qu'avec la réduction du temps de travail, nous avons utilisé une méthode qui consistait à conditionner des exonérations de cotisations sociales à une diminution du temps de travail, avec un accord collectif. On peut penser ce qu'on veut des 35 heures, mais cette méthode-là a fonctionné. Et ce que je propose c'est que maintenant, entreprise par entreprise, il puisse y avoir un accord qui soit de la manière suivante, nous baissons les cotisations sociales des entreprises qui prennent un engagement d'augmenter le volume d'emploi, accord RTC, Réduction du Temps de Chômage, nous donnons en contrepartie des baisses de cotisations sociales, une capacité aux entreprises pour embaucher.
Q- Est-ce qu'il ne peut pas y avoir cette équation RTC égale moins de RTT, c'est-à-dire pour diminuer le temps de chômage, est-ce qu'il ne faut pas au contraire augmenter le temps de travail ?
R- Mais le temps de travail, il peut augmenter...
Q- Comme dans de nombreux pays ?
R- Mais il peut augmenter à travers les heures supplémentaires et donc une entreprise... Il est faux de prétendre...
Q- Vous les accepterez, vous assouplirez les 35 heures ?
R- Mais ces assouplissements sont déjà intervenus, donc ne laissons pas croire qu'aujourd'hui une entreprise serait contrainte, en revanche, je pense qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait 22 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales, sans contrepartie. Il y aura donc des accords RTC, Réduction du Temps de Chômage partout en France, à travers cette méthode que je propose.
Q- Mais il y a des socialistes, qui réclament la VIème République pour que les élus jouent un plus grand rôle. Vous pensez le contraire, vous dites la Vème République, je vous cite : "N'empêche en rien le Parlement, de jouer pleinement son rôle, il n'a qu'à bien l'occuper".
R- Oui, d'abord, ça n'empêche pas des réformes, je pense qu'il faut permettre à l'opposition d'avoir un statut, il faut faire en sorte que le Parlement puisse procéder aux nominations à travers des majorités élargies pour les hauts fonctionnaires...
Q- Avec un rôle de plus en plus grand du Parlement donc des partis politiques ?
R- Et une coalition politique qui doit également voir le jour. Il n'est pas bon qu'un seul parti dirige le pays comme le cas aujourd'hui. Mais ce que je veux dire, c'est que notre problème n'est pas simplement institutionnel, il est moral et il est politique.
Q- Vous dites et vous souhaitez...
R- Nous faisons une proposition aussi qui sera celle du Parti socialiste, du mandat unique pour les Parlementaires, si on veut réhabiliter le Parlement, il faut que les Parlementaires n'aient que ce mandat-là.
Q- Et vous dites aussi : "il faut désacraliser la présidence de la République, le quinquennat d'ailleurs a commencé à le désacraliser. Le président de la République ne doit plus être un monarque, il ne doit pas être un copain", que doit-il être ?
R- Il doit être un homme élu par le peuple, un homme ou une femme élu par le peuple français, capable de s'engager complètement. Car je ne crois pas qu'on puisse avoir cette situation incroyable, au sommet de l'Etat où un président élu au suffrage universel se désengage de l'action quotidienne pour les Français, vers le Premier ministre.
Q- Avec qui vous gouvernez ? Vous reconnaissez qu'avec 30 ou 35 % de suffrages, le Parti socialiste ne peut pas gouverner tout seul ?
R- Pas plus que l'UMP.
Q- Oui, bon, mais vous mettez en garde la gauche du " non ", la gauche du " non de 2005 à l'Europe. " Alors avec qui gouverner ?
R- Je pense qu'il n'est pas souhaitable, qu'un seul parti dirige le pays. Dans le meilleur des cas, un parti, le Parti socialiste, ça peut-être aussi le cas de l'UMP fait 30-35 % des voix, comment voulez-vous avoir la capacité de changer, de transformer et de réformer, d'où la nécessité d'un rassemblement large et j'en fais la proposition avec les socialistes il faut que les Verts, les communistes, tous ceux qui veulent participer au changement de notre pays, participent au pouvoir.
Q- Vous prévenez que d'ici à 2012, il n'y aura pas de baisse d'impôts sauf pour les catégories modestes, qu'il y aura un effort pour réduire le déficit...
R- Aujourd'hui, il est impossible de promettre des baisses d'impôts dans l'état d'endettement public du pays.
Q- Et vous conseillez d'ailleurs de jouer sur le budget de la Défense, vous dites : "Il faut stopper les chars Leclerc, le porte-avions, le rafale Dassault, etc." Vos propositions seront-elles un jour chiffrées et financées ?
R- Bien sûr, lorsque le projet du Parti socialiste aura arrêté début juillet, il y aura une évaluation de l'ensemble de nos priorités, si nous disons priorité, c'est parce que nous voulons faire des choix et que j'en ai terminé avec cette conception de la politique, où on accumule toutes les revendications de toutes les catégories. C'est fini. Donc il y aura de grandes priorités : éducation, enseignement supérieur notamment et petite enfance, l'environnement parce que nous devons aller à la société sans pétrole, nous devons avoir l'emploi, je viens de faire la proposition de moduler les cotisations sociales en fonction des capacités d'embauches des entreprises et enfin une démocratie qui soit véritablement rénovée.
Q- C'est vraiment le projet d'un candidat ?
R- C'est le projet d'un parti qui aura un candidat ou une candidate.
Q- Est-ce que je dois considérer que ce livre est déjà le programme du PS ?
R- Ce livre est aussi un moyen de revenir vers le passé.
Q- De forcer la main du PS...
R- ...De tirer toutes les leçons de ce qui a marché et de ce qui n'a pas marché et de dire aux socialistes, vous avez raison de vouloir gouverner le pays, mais à ce moment-là vous n'avez pas le droit d'échouer.
Q- S. Royal a dû lire le projet de son compagnon, est-ce qu'elle adhère aux thèses que vous défendez ?
R- Mais S. Royal est une militante du Parti socialiste...
Q- Attentive...
R- ...Elle participe aux travaux de la commission du projet, elle s'engage au nom du collectif et elle lit, j'espère, toutes les contributions, la mienne notamment.
Q- Mais au fond, est-ce qu'elle a besoin de programme ? Je voyais, hier, elle était à Lyon-Villeurbanne, qui se soucie d'ailleurs du projet de S. Royal ? On dit "ça ressemble au festival de Cannes", elle est là avec une présence rayonnante, et puis c'est tout. Mais est-ce que ça suffit ?
R- Mais tout candidat du Parti socialiste ou toute candidate sera le ou la candidate du Parti socialiste avec le projet socialiste. Ça m'amuse beaucoup quand j'entends, "mais est-ce que celui-là ou celle-là a un projet ?" Mais son projet sera non seulement socialiste mais celui du Parti socialiste !
Q- Ce qui veut dire que celui qui est désigné n'a pas de marge d'action ?
R- Il a ses caractéristiques personnelles, il a sa sensibilité, mais il sera le candidat du projet que nous aurons délibérément voté et démocratiquement adopté.
Q- Je reprends quelques phrases du livre sur Ségolène et François ; vous dites : "Nous ne faisons pas de la politique en famille ou en couple" ?
R- C'est vrai, je crois, qu'on a chacun notre autonomie et en même temps nous, nous respectons.
Q- ..."Nos destins n'ont jamais été coordonnés ?"
R- C'est vrai, nous ne sommes pas dans des stratégies communes où l'on essaierait d'utiliser l'un ou l'une au service de l'autre.
Q- Et puis, vous ajoutez : " Nous n'avons jamais voulu nous mettre au service de l'un ou de l'autre", même si aujourd'hui beaucoup le croient.
R- Moi, j'essaie de jouer pleinement mon rôle de Premier secrétaire et elle, elle joue pleinement son rôle d'une militante, j'allais dire "populaire". C'est quand même bien que dans le Parti socialiste, nous ayons des femmes, des hommes qui soient à ce niveau de popularité.
Q- Bien sûr, ce n'est jamais l'un contre l'autre, mais bientôt ce sera l'une ou l'autre ?
R- Nous verrons bien quelle sera la situation, je vous l'ai dit, à la fin du mois de septembre, au début du mois d'octobre, lorsqu'il s'agira de déposer sa candidature. Et moi, comme premier secrétaire, j'aurai un scrupule de plus par rapport à tous les autres candidats putatifs. Je n'aurai que l'intérêt de mon parti. Je me suis donné comme devoir, devoir de vérité, le devoir de faire gagner la gauche en 2007 et je ne mettrai jamais mon sort personnel devant l'intérêt collectif, jamais, parce que je suis premier secrétaire.
Q- Vous écrivez : "Je ne vivrais pas comme une tragédie l'effacement ou le recul..."
R- Non.
Q- Et elle ?
R- Vous lui poserez la question.
Q- Non, mais elle ?
R- Pas davantage, j'imagine. Mais moi, en tout cas, je vous donne ma conception : je ne suis pas obsédé par l'élection présidentielle. Si, je suis obsédé par l'élection présidentielle pour la gagner, mais je ne suis pas là pour me dire que c'est d'abord mon sort personnel, ma carrière, mon destin. La vie politique est faite de moments de mise en lumière...
Q- D'accord, mais est-ce que cela veut dire que si elle est choisie, vous partez ou vous êtes encore le premier secrétaire en 2007 ?
R- Mais non ! Je suis premier secrétaire élu par les militants, nous verrons ce que seront les choix des mêmes militants pour leur candidat ou leur candidate. Mais quand je vous parle d'autonomie, nous sommes vraiment dans ce cadre-là.
Q- Vous répétez : "Les militants vont décider " ; aujourd'hui les sondages écrasent les autres candidats, S. Royal est en tête. Est-ce que le choix des militants leur sera imposé par les sondages, la "peopleïsation" de la politique, donc par l'extérieur ?
R- Mais les adhérents du Parti socialiste, 40 000 de plus depuis trois mois, ce sont des citoyens majeurs, ils feront le choix qui leur paraîtra le meilleur pour gagner, et pas simplement pour gagner d'ailleurs, je vous l'ai dit : ils feront le choix du futur président de la République. Donc vous vous rendez compte de leur responsabilité ! J'appelle d'ailleurs tous ceux qui ne sont pas encore militants socialistes et qui aspirent à le devenir et qui veulent participer à notre vote de le faire, c'est encore possible. Ce que je veux dire, c'est qu'ils ne se laisseront guider par aucun ordre venant de je ne sais qui, aucune coalition, aucune manoeuvre, ils feront le choix en conscience, qui leur permettra le meilleur pour leur pays,
Q- A Lyon-Villeurbanne, dans la foule, on a posé trois questions à peu près à S. Royal : "votre compagnon vous soutient-il ?".
R- Mais je n'ai pas aujourd'hui à soutenir une candidate qui n'est pas candidate.
Q- Est-ce qu'elle ira ? C'est quelqu'un qui lui demandait : "Est-ce que vous irez, si vous n'êtes pas investie par le Parti socialiste ? ".
R- Mais aucun candidat ne peut être candidat hors du Parti socialiste quand il est socialiste et aucune candidate non plus.
Q- Cela ressemble au festival de Cannes qui se déplace... Est-ce qu'on va élire une star, une vedette ?
R- Il vaut mieux choisir des gens aimés que des gens mal aimés.
Q- Bien sûr, mais avec un programme.
R- Mais le programme, nous le faisons, c'est mon rôle, précisément...
Q- Donc c'est aussi le programme de S. Royal, dont nous sommes en train de parler ?
R- C'est le rôle du premier secrétaire du Parti socialiste de fabriquer, avec les socialistes,leur projet.
Q- F. Mitterrand avait publié avec A. Duhamel "Ma part de vérité" ; L. Jospin réclamait un droit d'inventaire et vous, vous choisissez "Devoirs de vérité " : vous prenez un peu de chaque ?
R- Oui.
Q- Nous sommes le 10 mai, qu'est-ce que vous devez, là, ce matin à F. Mitterrand ?
R- L'alternance. Après 23 ans d'opposition, c'est lui, avec l'équipe qui était à ses côtés, qui a permis, avec le rassemblement de la gauche, la victoire. Cela fait déjà douze ans qu'on est avec un Président de droite, je ne voudrais pas attendre 23 ans.
Q- Mais vous êtes patient ?
R- Ma patience a des limites...
Q- Oui, mais j'ai le sentiment que vous êtes confiant, vous pensez que c'est à portée de la main ?
R- Je pense que toutes les conditions sont réunies aujourd'hui, pour une victoire de la gauche mais cela se mérite une victoire et cela se mérite sur un projet pas sur un rejet...
Q- Attention de ne pas être trop déçu si c'est N. Sarkozy ou un autre qui gagne...
R- Pour ne pas créer de déception.
Q- Vous dites également vos dettes à l'égard de J. Delors, de L. Jospin ; qu'est-ce qui restera de Jospin ?
R- Cinq ans d'une gestion honnête et exemplaire. Regardez la différence avec aujourd'hui.
Q- Votre questionnaire [inaud] vous reproche de ne pas être passé par le trotskisme, comme L. Jospin. Et puis, il dit : "la part d'ombre de Mitterrand, c'était Vichy, avant la résistance". Vous, rien, pas de révolte dit-il, pas de radicalité, c'est lisse, c'est brillant comme un enfant gâté de la République.
R- Pourquoi faudrait-il avoir une part d'ombre pour accéder à la lumière ?
Q- D'autant plus que vous n'êtes ni candide ni naïf ?
R- Non, je n'ai pas besoin d'être candide ou naïf, pour avoir une ambition pour mon pays.
Q- Et quand on vous demande quel mot définirait le mieux F. Hollande, vous dites : "l'esprit de synthèse, la synthèse" ; vous croyez qu'avec ça, on mobilise un peuple ou qu'avec ça, avec la synthèse, vous pourriez monter dans les sondages en disant : "je suis le symbole de la synthèse" ?
R- Je pense qu'aujourd'hui les Français sont inquiets à juste raison. Ils ont peur de la division de leur pays, ils ont peur de l'éclatement. Regardez ce qui s'est passé : violence dans les banlieues, mouvement contre le CPE, aujourd'hui affaire au sommet de l'Etat, ils se disent : "Mais est-ce que la France a encore un sens ? Qu'est-ce qui nous unit tous dans ce pays ?". On va célébrer aujourd'hui le 10 mai, la victoire de F. Mitterrand, mais aussi la commémoration de l'esclavage...
Q- L'abolition de l'esclavage...
R- Oui. Est-ce que cette histoire-là nous étreint ou, au contraire, c'est finalement une force collective ? Je crois que la France a besoin de retrouver une confiance en elle, c'est notre rôle.
Q- Tout le monde fait de 2007 une date fatidique, une date mystique et mythique...
R- Surtout après l'élection ratée de 2002, jamais une élection présidentielle n'aura eu autant d'importance, peut-être comparable à celle de 1981.
Q- Donc c'est la rupture ?
R- Mais non, c'est d'avoir enfin un choix démocratique simple. Il y a deux conceptions de la France : celle de la droite, N. Sarkozy l'exprime et puis celle de la gauche, la nôtre précisément : la synthèse démocratique, la responsabilité.
Q- Mais vous dites bien que pour vous la démocratie, ne se résume pasà la sélection d'un ou d'une candidate...
R- J'espère vous en avoir fait la démonstration.
Q- Qu'est-ce que c'est ?
R- C'est projet contre projet...
Q- ...Plus le contrat comme disait P. Mendès-France qu'on voit apparaître...
R- Oui, et la vérification de ce contrat tout au long du mandat. Regardez si aujourd'hui le président de la République faisait la vérification du contrat ce qui se produirait.
Q- Oui, mais vous ne voulez pas qu'il la fasse ?
R- Qu'il la fasse !
Q- Qu'il la fasse tout de suite ? Vous ne lui demandez pas d'ailleurs, vous ne lui demandez pas de faire des élections présidentielles anticipées ?
R- Non, il peut les faire, c'est de sa responsabilité. Et quoi qu'il arrive, je l'ai dit, nous serons prêts. Nous avons aujourd'hui largement préparé notre projet, nous avons investi nos candidats aux élections législatives et nous sommes prêts à répondre à toute sollicitation du suffrage universel.
Q- Si cela avait lieu la semaine prochaine ?
R- Nous serions prêts.
Q- Qui serait le candidat à ce moment-là ?
R- Celui ou celle que les militants choisiront.
Q- Le premier secrétaire ?
R- Mais celui ou celle que les militants choisiraient.
Q- Les prophètes, la presse, les sondeurs, on voit qu'ils ont déjà choisi, peut-être ont-ils raison ? Peut-être se trompent-ils ?
R- Ce n'est pas les sondeurs qui choisissent ! Ce sont les personnes interrogées, j'imagine !
Q- Oui, mais ce n'est pas la première fois qu'ils se trompent. Quelles que soient vos précautions, vos démentis, ce matin, avec vos"devoirs de vérité ", vous êtes vous aussi, sur la piste de départ ?
R- Non, je suis le candidat du projet du Parti socialiste. Pour le projet, rien que pour le projet, et le moment venu, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. Et vous savez, à force de vouloir à chaque fois concevoir la politique par rapport aux candidatures, on finit par oublier l'essentiel, c'est-à-dire les idées. Moi, je ne l'oublie pas.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 mai 2006