Texte intégral
Q- "Le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l'implication de l'exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream" : c'est ce qu'on peut lire dans la motion de censure du Parti socialiste qui sera débattue demain à l'Assemblée nationale... F. Bayrou votera avec le Parti socialiste ; c'est sans précédent depuis la création de l'UDF en 1978. Votre réaction ?
R- C'est une clarification qui me paraissait nécessaire, puisque cela fait déjà un bon moment que l'UDF critique très fortement les moeurs politiques de ce Gouvernement qui font du tort à la France. Il y a donc une certaine logique, parce qu'on ne peut pas être entre deux. Et là, cela montre aussi que la crise est profonde et qu'il faut un électrochoc. C'est pour cela que nous avons déposé cette motion de censure, parce qu'il faut changer de Gouvernement.
Q- F. Bayrou disait quand même dans le Monde de samedi - je le cite - qu'il "mesure le caractère agaçant de voir le PS se poser en censeur alors qu'il a agi exactement de la même manière et utilisé les mêmes méthodes et moyens durant le mandat de F. Mitterrand". Je pense qu'il fait allusion à la célèbre cellule anti-terroriste de l'Elysée, du temps de monsieur Mitterrand, avec les écoutes téléphoniques.
R- C'est possible qu'il y ait eu des erreurs et des dérives, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. En ce qui me concerne, je dis ce que je pense, c'est que Chirac, Villepin et Sarkozy sont en train d'entraîner le pays dans leur chute car ils n'ont tiré aucune leçon de ce qui s'est passé en 2002, c'est-à-dire ce deuxième tour de l'élection présidentielle où, finalement, il n'y a pas eu le choix de projet politique. Ce qu'ils sont en train de faire, c'est d'entraîner le pays dans les extrémismes, une nouvelle fois, et pour moi, c'est terrifiant d'égoïsme et même de bêtise. C'est pour cela qu'il faut crever l'abcès. C'est le sens de cette motion de censure. Si J. Chirac pensait un peu à la France, il prendrait une décision et changerait le Gouvernement.
Q- La motion de censure de demain ne passera pas. L'UMP a la majorité absolue et D. de Villepin pourra se prévaloir d'un vote de confiance. Est-ce que vous ne lui rendez pas service ? Il va vous répondre demain dans une sorte de discours de politique générale.
R- Franchement, comment peut-on croire que D. de Villepin ait encore la confiance des Français, avec ce qui s'est passé depuis déjà un an ? En un an, nous avons connu le "non" au référendum européen, les émeutes dans les banlieues... Que s'est-il passé depuis ? Rien, aucune décision n'a été prise. Un mouvement social massif contre le CPE, qui pose le problème de la précarité dans l'emploi des jeunes et la question de la formation. Demain, les députés socialistes vont déposer à l'Assemblée nationale une proposition de loi, justement, sur l'emploi et la formation des jeunes, et en particulier ces 150.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire. Vous croyez que le bilan du Gouvernement et de la présidence de J. Chirac est brillant ? Non, évidemment non, et je ne crois pas que c'est pour ces raisons que le Premier ministre va refaire son unité. S'il se fait applaudir par les députés UMP, tout cela aura l'air profondément ridicule finalement.
Q- Si vous déposez cette motion de censure, c'est à propos de l'affaire Clearstream. Or il n'y a pour l'instant aucun acte délictueux. On soupçonne D. de Villepin de rechercher, de façon quasi obsessionnelle, des éléments compromettant le président de l'UMP, N. Sarkozy. Les rivalités politiques, ce n'est pas nouveau, à gauche comme à droite : Mitterrand/Rocard, Fabius/Jospin, ça a existé.
R- A ce point, je n'ai jamais connu cela. Cela nous rappelle la fin de la IVème République, avec tout cela comporte de nauséabond, d'écoeurant. J'ai beaucoup discuté avec mes électeurs de Nantes ces derniers jours, il y a un sentiment d'écoeurement. Je n'ai pas envie que ce climat perdure jusqu'à l'élection présidentielle, parce que là, effectivement, on risque de retrouver 2002 : "Tous pareils ! Tous pourris !" Tout cela est extrêmement malsain, alors qu'il faut que dans l'année qui vient, la France ait un vrai débat, que les Français puissent, en 2007, faire un vrai choix de société entre une droite qui s'assume et une gauche avec les socialistes, qui s'assume aussi et qui propose des solutions alternatives.
Q- Il y a un élément nouveau : les déclarations du général Rondot hier, dans le Journal du Dimanche, dédouanent totalement D. de Villepin et J. Chirac. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je ne veux pas rentrer dans le commentaire de toutes les publications, de ce feuilleton quotidien, qui alimentent la chronique, parce que pendant ce temps, on oublie les problèmes de la France, ceux que je viens d'évoquer. Je pourrais aussi vous parler de l'actualité qui concerne EADS et quand on sait que le vice-président d'EADS était impliqué dans cette affaire de soi-disant fichier dans une banque, moi ce que j'entends depuis quelques jours, c'est les mille suppressions d'emplois à la Sogerma qui travaille pour EADS à Bordeaux, et que le Gouvernement ne fait rien. C'est cela la réalité que vivent les Français.
Q- Oui mais la motion de censure porte au départ sur l'affaire Clearstream. Les développements, on les a vus dans la presse, avec la publication de procès-verbaux, des notes du général Rondot. Hier, le général Rondot a dédouané D. de Villepin et J. Chirac. Il a dit : "D. de Villepin a agi de bonne foi. Je vis péniblement que l'on se serve de mes documents pour salir D. de Villepin. Il n'a jamais été question, dit le général Rondot, d'enquêter sur N. Sarkozy". Quelle est votre réaction ?
R- Ma réaction, je vous le répète : je ne vais pas commenter telle ou telle déclaration. Le général Rondot est sans doute un officier brillant et loyal. Je suis convaincu qu'il y a derrière tout cela une énorme manipulation. Mais qui manipule qui et pourquoi ?
Q- Vous voulez dire que le témoignage du général Rondot n'est peut-être pas vraiment spontané ?
R- Mais je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, on a un Premier ministre et un ministre de l'intérieur, le numéro 2 du Gouvernement, et un ministre de la Défense, qui n'arrêtent pas de se faire la guerre par les coups les plus tordus. Dans aucune autre démocratie, ce Gouvernement n'aurait tenu, il y a longtemps qu'il aurait démissionné. On n'est pas dans une démocratie normale ; il y a une crise démocratique ! C'est pour cela que j'ai fait cette référence à la IVème République. C'est cela qui entretient le lit des extrêmes et en particulier de l'extrême droite. Le Pen n'a pas besoin de parler, tout lui est préparé. C'est la politique du caniveau. Une nouvelle fois, la droite tire tout vers le bas en France ; c'est cela que je condamne avec la plus grande vivacité. C'est pour cela que nous déposons une motion de censure. Ce n'est pas pour faire un commentaire d'un feuilleton. C'est parce qu'il y a une crise de régime, une crise de l'autorité de l'Etat, une crise de confiance, et on a l'impression que la France n'est plus gouvernée, on ne sait plus où on va.
Q- Vous voulez absolument un nouveau gouvernement. Allez-vous le soutenir, ce nouveau gouvernement ?
R- Ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est d'assainir la situation, de crever l'abcès, je le répète, pour que l'on ait une période normale, pour que les Français puissent faire un vrai choix en 2007. Pourquoi ? Parce que si cela continue comme cela, les vraies questions de la France, les vrais problèmes des Français, les vraies solutions alternatives ne seront jamais évoqués, puisque chaque jour on parlera d'un scandale, et puis d'un autre, et puis encore d'un autre. Est-ce que vous croyez que cela va vraiment donner envie aux Français d'aller se mobiliser pour l'année prochaine, pour choisir un président de la République, choisir une nouvelle majorité, choisir une politique ?
Q- Ce week-end, offensive socialiste contre N. Sarkozy, qui semble être l'adversaire à battre. Vous ne voulez surtout pas qu'il apparaisse comme une victime de l'affaire Clearstream. Expliquez-moi ça.
R- Je crois que l'on a affaire à une lutte de clans. On a souvent connu cela, j'allais dire sous le gaullisme finissant. Sarkozy est, dans ce domaine, le clone de J. Chirac, parce que c'est un as du double langage, de l'auto protection, mais aussi de l'utilisation des services de l'Etat à des fins personnelles, parce qu'il ne se gêne pas. Il a dit : "Je retourne au ministère de l'intérieur", après l'avoir quitté pour prendre la présidence de l'UMP, "parce que là au moins, je serai protégé". Je ne sais pas ce qu'il propose pour la France, en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il est co-décisionnaire de toute cette politique que nous avons aujourd'hui, qu'il est aussi responsable du bilan de cette politique et qu'il ne peut pas s'en tirer comme cela.
Q- Il n'est pas victime d'un complot ?
R- Comment voulez-vous que je sache ? Il y a une instruction judiciaire. Je constate d'ailleurs que dans cette affaire, il y a un juge, qui est pourtant un juge très compétent et très respectable, qui est, lui aussi, victime collatérale de tout cela...
Q- Vous dites que vous ne savez rien, et pourtant, vous voulez censurer le Gouvernement.
R- Parce que le Gouvernement nous entraîne dans le mur, entraîne la France dans une chute et je n'accepte pas de voir mon pays dans cette situation. Moi j'ai envie que la France, avec ses talents, ses capacités, puisse jouer son rôle. Aujourd'hui, l'image de la France, dans le monde, est dégradée. C'est vraiment catastrophique et il faut sûrement changer ça.
Q- L. Fabius a dit que N. Sarkozy a le soutien de la haute finance et, je cite, "d'un certain nombre de médias". Est-ce aussi votre opinion ?
R- Je pense que N. Sarkozy, effectivement, a des liens importants avec la haute finance, certains grands groupes industriels. Il ne représente pas du tout les intérêts populaires mais cela ne l'empêche pas de faire beaucoup de démagogie.
Q- Quels groupes industriels ?
R- On sait bien qu'il y a une sorte de symbiose entre beaucoup de dirigeants politiques français aujourd'hui - et c'est beaucoup plus vrai chez N. Sarkozy - avec l'oligarchie industrielle et financière. On connaît tous ses liens avec les grands groupes...
Q- Lesquels ?
R- Je ne suis pas au Gouvernement, je ne suis pas dans la majorité. Ce que je constate, c'est que, aujourd'hui, une bonne partie de la presse est dans les mains des industries d'armements, qu'une bonne partie de la presse, et notamment télévisée, est dans les mains d'entreprises qui bénéficient de commandes publiques, et je crois que cela pose un vrai problème de démocratie. Ce n'est pas seulement ...
Q- Ce sont donc les médias qui soutiennent N. Sarkozy ?
R- Je ne dis pas cela, je ne veux pas faire le procès [de la presse], parce-que là, entre faire le procès du système politico-financier et médiatico-financier, et des structures qui permettent d'informer les Français, et faire le procès des journalistes, il y a un pas. Moi, je ne fais pas le procès des journalistes, les journalistes font leur métier. Mais je ne peux pas ignorer qu'une partie de la presse est dans les mains de l'oligarchie financière, industrielle, et en particulier de l'industrie de l'armement. Cela pose un problème de démocratie. J'ai le droit de poser cette question.
Q- Vous faites allusion à qui ?
R- Vous savez bien que la plupart des grands médias de télévision - je ne parle pas du service publique, heureusement il existe un service public ; là, je m'exprime ce matin sur un service public - sont dans cette situation. Et on ne peut pas nier que cela pose un problème de démocratie.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 mai 2006
R- C'est une clarification qui me paraissait nécessaire, puisque cela fait déjà un bon moment que l'UDF critique très fortement les moeurs politiques de ce Gouvernement qui font du tort à la France. Il y a donc une certaine logique, parce qu'on ne peut pas être entre deux. Et là, cela montre aussi que la crise est profonde et qu'il faut un électrochoc. C'est pour cela que nous avons déposé cette motion de censure, parce qu'il faut changer de Gouvernement.
Q- F. Bayrou disait quand même dans le Monde de samedi - je le cite - qu'il "mesure le caractère agaçant de voir le PS se poser en censeur alors qu'il a agi exactement de la même manière et utilisé les mêmes méthodes et moyens durant le mandat de F. Mitterrand". Je pense qu'il fait allusion à la célèbre cellule anti-terroriste de l'Elysée, du temps de monsieur Mitterrand, avec les écoutes téléphoniques.
R- C'est possible qu'il y ait eu des erreurs et des dérives, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. En ce qui me concerne, je dis ce que je pense, c'est que Chirac, Villepin et Sarkozy sont en train d'entraîner le pays dans leur chute car ils n'ont tiré aucune leçon de ce qui s'est passé en 2002, c'est-à-dire ce deuxième tour de l'élection présidentielle où, finalement, il n'y a pas eu le choix de projet politique. Ce qu'ils sont en train de faire, c'est d'entraîner le pays dans les extrémismes, une nouvelle fois, et pour moi, c'est terrifiant d'égoïsme et même de bêtise. C'est pour cela qu'il faut crever l'abcès. C'est le sens de cette motion de censure. Si J. Chirac pensait un peu à la France, il prendrait une décision et changerait le Gouvernement.
Q- La motion de censure de demain ne passera pas. L'UMP a la majorité absolue et D. de Villepin pourra se prévaloir d'un vote de confiance. Est-ce que vous ne lui rendez pas service ? Il va vous répondre demain dans une sorte de discours de politique générale.
R- Franchement, comment peut-on croire que D. de Villepin ait encore la confiance des Français, avec ce qui s'est passé depuis déjà un an ? En un an, nous avons connu le "non" au référendum européen, les émeutes dans les banlieues... Que s'est-il passé depuis ? Rien, aucune décision n'a été prise. Un mouvement social massif contre le CPE, qui pose le problème de la précarité dans l'emploi des jeunes et la question de la formation. Demain, les députés socialistes vont déposer à l'Assemblée nationale une proposition de loi, justement, sur l'emploi et la formation des jeunes, et en particulier ces 150.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire. Vous croyez que le bilan du Gouvernement et de la présidence de J. Chirac est brillant ? Non, évidemment non, et je ne crois pas que c'est pour ces raisons que le Premier ministre va refaire son unité. S'il se fait applaudir par les députés UMP, tout cela aura l'air profondément ridicule finalement.
Q- Si vous déposez cette motion de censure, c'est à propos de l'affaire Clearstream. Or il n'y a pour l'instant aucun acte délictueux. On soupçonne D. de Villepin de rechercher, de façon quasi obsessionnelle, des éléments compromettant le président de l'UMP, N. Sarkozy. Les rivalités politiques, ce n'est pas nouveau, à gauche comme à droite : Mitterrand/Rocard, Fabius/Jospin, ça a existé.
R- A ce point, je n'ai jamais connu cela. Cela nous rappelle la fin de la IVème République, avec tout cela comporte de nauséabond, d'écoeurant. J'ai beaucoup discuté avec mes électeurs de Nantes ces derniers jours, il y a un sentiment d'écoeurement. Je n'ai pas envie que ce climat perdure jusqu'à l'élection présidentielle, parce que là, effectivement, on risque de retrouver 2002 : "Tous pareils ! Tous pourris !" Tout cela est extrêmement malsain, alors qu'il faut que dans l'année qui vient, la France ait un vrai débat, que les Français puissent, en 2007, faire un vrai choix de société entre une droite qui s'assume et une gauche avec les socialistes, qui s'assume aussi et qui propose des solutions alternatives.
Q- Il y a un élément nouveau : les déclarations du général Rondot hier, dans le Journal du Dimanche, dédouanent totalement D. de Villepin et J. Chirac. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je ne veux pas rentrer dans le commentaire de toutes les publications, de ce feuilleton quotidien, qui alimentent la chronique, parce que pendant ce temps, on oublie les problèmes de la France, ceux que je viens d'évoquer. Je pourrais aussi vous parler de l'actualité qui concerne EADS et quand on sait que le vice-président d'EADS était impliqué dans cette affaire de soi-disant fichier dans une banque, moi ce que j'entends depuis quelques jours, c'est les mille suppressions d'emplois à la Sogerma qui travaille pour EADS à Bordeaux, et que le Gouvernement ne fait rien. C'est cela la réalité que vivent les Français.
Q- Oui mais la motion de censure porte au départ sur l'affaire Clearstream. Les développements, on les a vus dans la presse, avec la publication de procès-verbaux, des notes du général Rondot. Hier, le général Rondot a dédouané D. de Villepin et J. Chirac. Il a dit : "D. de Villepin a agi de bonne foi. Je vis péniblement que l'on se serve de mes documents pour salir D. de Villepin. Il n'a jamais été question, dit le général Rondot, d'enquêter sur N. Sarkozy". Quelle est votre réaction ?
R- Ma réaction, je vous le répète : je ne vais pas commenter telle ou telle déclaration. Le général Rondot est sans doute un officier brillant et loyal. Je suis convaincu qu'il y a derrière tout cela une énorme manipulation. Mais qui manipule qui et pourquoi ?
Q- Vous voulez dire que le témoignage du général Rondot n'est peut-être pas vraiment spontané ?
R- Mais je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, on a un Premier ministre et un ministre de l'intérieur, le numéro 2 du Gouvernement, et un ministre de la Défense, qui n'arrêtent pas de se faire la guerre par les coups les plus tordus. Dans aucune autre démocratie, ce Gouvernement n'aurait tenu, il y a longtemps qu'il aurait démissionné. On n'est pas dans une démocratie normale ; il y a une crise démocratique ! C'est pour cela que j'ai fait cette référence à la IVème République. C'est cela qui entretient le lit des extrêmes et en particulier de l'extrême droite. Le Pen n'a pas besoin de parler, tout lui est préparé. C'est la politique du caniveau. Une nouvelle fois, la droite tire tout vers le bas en France ; c'est cela que je condamne avec la plus grande vivacité. C'est pour cela que nous déposons une motion de censure. Ce n'est pas pour faire un commentaire d'un feuilleton. C'est parce qu'il y a une crise de régime, une crise de l'autorité de l'Etat, une crise de confiance, et on a l'impression que la France n'est plus gouvernée, on ne sait plus où on va.
Q- Vous voulez absolument un nouveau gouvernement. Allez-vous le soutenir, ce nouveau gouvernement ?
R- Ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est d'assainir la situation, de crever l'abcès, je le répète, pour que l'on ait une période normale, pour que les Français puissent faire un vrai choix en 2007. Pourquoi ? Parce que si cela continue comme cela, les vraies questions de la France, les vrais problèmes des Français, les vraies solutions alternatives ne seront jamais évoqués, puisque chaque jour on parlera d'un scandale, et puis d'un autre, et puis encore d'un autre. Est-ce que vous croyez que cela va vraiment donner envie aux Français d'aller se mobiliser pour l'année prochaine, pour choisir un président de la République, choisir une nouvelle majorité, choisir une politique ?
Q- Ce week-end, offensive socialiste contre N. Sarkozy, qui semble être l'adversaire à battre. Vous ne voulez surtout pas qu'il apparaisse comme une victime de l'affaire Clearstream. Expliquez-moi ça.
R- Je crois que l'on a affaire à une lutte de clans. On a souvent connu cela, j'allais dire sous le gaullisme finissant. Sarkozy est, dans ce domaine, le clone de J. Chirac, parce que c'est un as du double langage, de l'auto protection, mais aussi de l'utilisation des services de l'Etat à des fins personnelles, parce qu'il ne se gêne pas. Il a dit : "Je retourne au ministère de l'intérieur", après l'avoir quitté pour prendre la présidence de l'UMP, "parce que là au moins, je serai protégé". Je ne sais pas ce qu'il propose pour la France, en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il est co-décisionnaire de toute cette politique que nous avons aujourd'hui, qu'il est aussi responsable du bilan de cette politique et qu'il ne peut pas s'en tirer comme cela.
Q- Il n'est pas victime d'un complot ?
R- Comment voulez-vous que je sache ? Il y a une instruction judiciaire. Je constate d'ailleurs que dans cette affaire, il y a un juge, qui est pourtant un juge très compétent et très respectable, qui est, lui aussi, victime collatérale de tout cela...
Q- Vous dites que vous ne savez rien, et pourtant, vous voulez censurer le Gouvernement.
R- Parce que le Gouvernement nous entraîne dans le mur, entraîne la France dans une chute et je n'accepte pas de voir mon pays dans cette situation. Moi j'ai envie que la France, avec ses talents, ses capacités, puisse jouer son rôle. Aujourd'hui, l'image de la France, dans le monde, est dégradée. C'est vraiment catastrophique et il faut sûrement changer ça.
Q- L. Fabius a dit que N. Sarkozy a le soutien de la haute finance et, je cite, "d'un certain nombre de médias". Est-ce aussi votre opinion ?
R- Je pense que N. Sarkozy, effectivement, a des liens importants avec la haute finance, certains grands groupes industriels. Il ne représente pas du tout les intérêts populaires mais cela ne l'empêche pas de faire beaucoup de démagogie.
Q- Quels groupes industriels ?
R- On sait bien qu'il y a une sorte de symbiose entre beaucoup de dirigeants politiques français aujourd'hui - et c'est beaucoup plus vrai chez N. Sarkozy - avec l'oligarchie industrielle et financière. On connaît tous ses liens avec les grands groupes...
Q- Lesquels ?
R- Je ne suis pas au Gouvernement, je ne suis pas dans la majorité. Ce que je constate, c'est que, aujourd'hui, une bonne partie de la presse est dans les mains des industries d'armements, qu'une bonne partie de la presse, et notamment télévisée, est dans les mains d'entreprises qui bénéficient de commandes publiques, et je crois que cela pose un vrai problème de démocratie. Ce n'est pas seulement ...
Q- Ce sont donc les médias qui soutiennent N. Sarkozy ?
R- Je ne dis pas cela, je ne veux pas faire le procès [de la presse], parce-que là, entre faire le procès du système politico-financier et médiatico-financier, et des structures qui permettent d'informer les Français, et faire le procès des journalistes, il y a un pas. Moi, je ne fais pas le procès des journalistes, les journalistes font leur métier. Mais je ne peux pas ignorer qu'une partie de la presse est dans les mains de l'oligarchie financière, industrielle, et en particulier de l'industrie de l'armement. Cela pose un problème de démocratie. J'ai le droit de poser cette question.
Q- Vous faites allusion à qui ?
R- Vous savez bien que la plupart des grands médias de télévision - je ne parle pas du service publique, heureusement il existe un service public ; là, je m'exprime ce matin sur un service public - sont dans cette situation. Et on ne peut pas nier que cela pose un problème de démocratie.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 mai 2006