Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président du Conseil économique et social de Thaïlande,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames, Messieurs.
C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je viens au Conseil économique et social. Je suis d'autant plus heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui à l'occasion de cette assemblée plénière que vous débattez d'un sujet particulièrement important.
Je voudrais commencer par vous dire, je le dis très sincèrement, que j'apprécie beaucoup votre travail et la qualité des avis que votre institution émet. Cette qualité, je tenais à la souligner.
Je viens d'entendre votre avis avec beaucoup d'intérêt Monsieur le Rapporteur. Sur certains points, je le trouve rafraîchissant, même si je ne partage pas l'ensemble des points de vue évoqués. Je suis ici pour en débattre, même brièvement. En tout cas, votre avis sur la coopération sanitaire dans les pays en développement est un avis dont je souhaite tenir le plus grand compte.
Cette coopération sanitaire constitue une dimension et un volet tout à fait essentiels de l'aide au développement. Je souhaite donc partager avec vous les réflexions que je tire de mon expérience de ministre déléguée à la Coopération depuis maintenant un an sur ce sujet très important, qui nous réunit aujourd'hui.
Même si je partage un grand nombre de vos préoccupations, je souhaite aussi vous assurer des efforts importants consentis par le gouvernement pour faire face au défi de la santé dans le monde.
L'ampleur de ce défi est désormais bien connue : lors du Sommet des Nations unies du Millénaire, la communauté internationale s'est fixée huit objectifs pour assurer le développement des pays les plus pauvres d'ici 2015. Parmi ces huit objectifs, trois concernent directement la santé : faire reculer des deux tiers la mortalité infantile, faire reculer des trois-quarts la mortalité maternelle et faire reculer le sida, le paludisme et autres grandes maladies, auxquelles il convient d'ajouter l'accès aux médicaments. Ceci traduit bien la prise de conscience que la santé est une condition essentielle du développement et non l'une de ses conséquences.
A l'heure où les financements destinés à lutter contre les grandes maladies, que sont le sida, le paludisme et la tuberculose, au moment où ces financements sont en nette augmentation, il faut toutefois constater la défaillance des systèmes nationaux à utiliser les fonds alloués. L'analyse montre qu'un des facteurs limitant est la pénurie croissante de ressources humaines.
Face à cette réalité, la France entend poursuivre ses efforts, tant sur le plan bilatéral que multilatéral, notamment dans le cadre de la réforme de notre politique de coopération, qui a été décidée juste avant que je prenne mes fonctions et dont il m'appartient aujourd'hui de la mettre en oeuvre.
Il s'agit de faire en sorte qu'elle soit efficace. Même si nous pouvons ici ou là déplorer quelques imperfections, dans sa mise en oeuvre, il nous appartient de les corriger si nécessaire.
J'ai envie de dire que toutes les critiques sont toujours possibles, mais attendons d'abord que cette réforme soit mise en oeuvre pour la juger. Je peux vous dire que j'y mettrai toute ma détermination et mon énergie afin que les résultats soient au rendez-vous.
Le gouvernement a voulu, dans le cadre de la réforme de son système de coopération, dans chacun des pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire, une concentration de 80 % de nos moyens d'intervention sur trois secteurs prioritaires. Comme vous le savez, le comité interministériel pour la coopération et le développement de juillet 2004 a confié à nos ambassadeurs le pilotage stratégique de notre aide au développement avec nos pays partenaires.
Ce pilotage et le résultat de ces négociations avec nos pays partenaires sont formalisés dans un document, que Monsieur le rapporteur a mentionné tout à l'heure : le "document cadre de partenariat". Je ne crois pas que ce soit, si vous me le permettez, un "document pour initiés". Dans sa mise en oeuvre, nous pourrons réussir à mettre en place un véritable instrument de coopération.
Lorsque je suis arrivée au ministère de la Coopération et que j'ai vu les premiers projets de DCP, j'ai été immédiatement assez critique, car je trouvais que ces documents avaient un caractère littéraire assez fort et que cela ne me paraissait pas correspondre aux réponses que nous devions donner.
Forte de mon expérience de trois ans comme ministre de l'Outre-Mer, après avoir pratiqué d'autres instruments, notamment les contrats de plan, j'ai effectivement souhaité que ces fameux DCP aient ce caractère que vous souhaitiez, à savoir un plan directeur, de programmation et surtout de coordination des différents intervenants dans l'aide publique au développement.
Jusqu'à présent, chacun avait un peu tendance à travailler isolément sans avoir une vision globale, une stratégie d'ensemble, et surtout une coordination et une concentration de notre aide sur les secteurs prioritaires pour les pays partenaires.
Ce document présente donc nos axes d'intervention, leurs modalités de mise en oeuvre et une liste des principaux projets retenus pour les cinq ans à venir. Lorsque je parle de liste des projets, cette liste précise aussi évidemment le montant financier de ces projets.
Je tiens à souligner le caractère tout à fait opérationnel de ces documents, qui comportent des annexes chiffrées. Il ne s'agit pas de faire un exercice purement littéraire, mais réellement de s'engager dans une action de programmation et de coordination entre tous les intervenants. Evidemment, il faut réaliser aussi une évaluation annuelle afin d'être sûr que l'argent du contribuable est bien utilisé, avec des résultats au rendez-vous.
Au total, il s'agit donc, pour notre coopération, d'être à la fois plus visible sur le terrain, afin de rendre notre aide plus perceptible, plus cohérente et moins dispersée, de rendre nos interventions plus percutantes, mieux coordonnées avec nos partenaires pour démultiplier nos efforts et, enfin, plus prévisibles afin d'inscrire notre action dans la durée.
Comme vous, j'ai pu constater que, dans un certain nombre de nos pays, notamment en Afrique de l'Ouest, la santé n'a pas été retenue parmi les trois secteurs de concentration, qui doivent mobiliser 80 % de notre appui aux Objectifs du Millénaire pour le développement.
Récemment, nous avons sensibilisé nos postes diplomatiques afin d'attirer leur attention sur ce point et d'en discuter avec les pays partenaires.
Je voudrais néanmoins nuancer cette appréciation. En effet, lorsqu'un pays africain fixe, au titre des trois priorités où il souhaite que notre aide soit concentrée à hauteur de 80 %, sur l'éducation, l'eau et l'assainissement et les infrastructures, comment imaginer une seule seconde que la préoccupation de santé ne soit pas également prise en compte ? Comment être efficace en matière de santé si l'on n'éduque pas les gens ? Comment imaginer être efficace en matière de santé si les populations n'ont pas accès à l'eau, encore moins à l'eau potable, et si elles ne bénéficient pas des structures d'assainissement et des infrastructures générales ?
La plupart de nos partenaires ont cette volonté de s'attaquer au problème de santé, en commençant par les infrastructures de base, qui sont indispensables si l'on veut soigner les populations efficacement. Dans les pays où la santé n'a pas été retenue comme l'une de ces trois priorités, nous tâchons de faire en sorte que les 20 % de ressources restants puissent être également affectés à la santé.
Pour autant, il me paraît important de souligner devant vous que le choix, que fait notre pays depuis quelques années, consiste à privilégier le vecteur multilatéral dans ce domaine de la lutte contre les grandes pandémies. Il s'agit, j'en suis convaincue, du choix de la modernité et de l'efficacité, puisqu'il s'agit de mutualiser nos efforts avec ceux des autres bailleurs de fonds internationaux. Il importe de garder ce choix à l'esprit lorsque l'on examine ce que fait la France par ailleurs au titre de la coopération bilatérale avec chacun des pays de sa zone de solidarité prioritaire.
Sur ce plan bilatéral, la France maintient et renforce son effort à hauteur de 60 millions d'euros par an dans le secteur de la santé. Sur le terrain, l'assistance technique, ce secteur de notre coopération bilatérale est désormais assuré par l'AFD, avec un total de 230 assistants techniques. C'est donc en complément de cette action bilatérale, qui est préservée, que la France a entrepris depuis cinq ans des efforts considérables sur le plan multilatéral. Nos contributions aux organisations internationales ont considérablement augmenté. Tout d'abord, cette année, nous verserons 225 millions d'euros au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, puis 300 millions d'euros en 2007. Cet organisme a déjà permis à 400.000 malades du sida de bénéficier des traitements antirétroviraux dont 225.000 en Afrique. Nous avons choisi de faire porter notre effort sur le Fonds mondial plutôt que de concentrer notre aide sur l'aide bilatérale tout simplement parce que c'est le choix de l'efficacité. Dans le monde en développement, lorsque six millions de malades du sida sont en attente de traitements antirétroviraux et que nous ne pouvons faire bénéficier de ces traitements qu'à un million et demi de personnes, l'on mesure le défi à relever. Nous considérons que c'est à l'échelle du Fonds mondial que nous pouvons répondre à un problème d'une aussi grande ampleur.
Voici un exemple qui illustre la gravité de la situation notamment en Afrique. En République centrafricaine, 30 % des fonctionnaires meurent du sida, l'espérance de vie est tombée à trente neuf ans. Comment imaginer bâtir une stratégie de développement efficace et durable alors que la population active de ce pays est à ce point décimée par cette pandémie ?
Le choix du président de la République, de faire porter par notre pays un effort très conséquent dans le financement de ce fonds, est celui de l'efficacité afin d'obtenir des modes d'intervention plus massifs que par le seul biais de l'aide bilatérale.
En outre, à partir de cette année, nous allons verser cent millions de dollars par an, en moyenne, pendant une période de vingt ans, dans le cadre de la Facilité internationale de financement (IFFim), qui intervient en appui à la vaccination dans les pays les plus pauvres, au travers de l'alliance pour les vaccins (GAVI).
Enfin, la Facilité internationale d'achats de médicaments (FIAM), alimentée par la contribution solidarité sur les billets d'avion, mise en oeuvre sur l'initiative du président de la République, permettra de faire baisser le prix des médicaments mis à la disposition des pays les plus pauvres.
Certes, il convient, Monsieur le Rapporteur, de renforcer notre visibilité au sein de ces structures internationales. A cet égard, nous avons déjà recruté douze assistants techniques, mis à disposition de l'OMS, de la Banque mondiale et du FNUAP. En outre, nous travaillons à la création de plates-formes régionales dans quatre bureaux de l'OMS (à Ouagadougou, Nairobi, Libreville et Bangkok). Ces experts viendront en appui aux pays bénéficiaires de financements du Fonds mondial. Parallèlement, nous recrutons actuellement pour ces nouvelles structures six assistants techniques, dont le nombre est appelé à croître par la suite.
Toujours dans le même esprit, nous nous apprêtons à mettre en place avec ces organisations un système d'évaluation qui nous permettra d'avoir une idée plus précise de l'utilisation des budgets que nous leur octroyons au titre de ces nouveaux systèmes de financement.
Enfin, comme vous, Monsieur le Rapporteur, je relève malheureusement la pénurie croissante des ressources humaines dans le domaine de la santé. Il y a un chantier énorme à mettre en oeuvre. Mes services s'y emploient activement. Il s'agit de mobiliser un grand nombre de partenaires, et notamment les autorités nationales des pays en développement, le système hospitalier français ou encore les organisations internationales. A cet égard, permettez-moi de signaler l'importante activité menée dans le domaine de la santé par le GIP ESTHER, déjà présent dans plus de vingt pays.
J'ai bien entendu votre proposition de créer un service civique et nous réfléchissons tout à fait dans ce sens. Une première étape vers ce que vous souhaitez a été réalisée avec l'adoption de la loi sur le volontariat de solidarité internationale.
Je souhaite également pouvoir rapidement mettre à disposition des pays, qui en ont le plus besoin, des personnels de santé français pour des missions de quelques mois. Une réforme profonde de notre assistance technique me semble nécessaire. Nous éprouvons de grandes difficultés à trouver des experts, des assistants techniques qui acceptent de partir pour deux, trois ou quatre ans. Je citais tout à l'heure l'exemple de la Centrafrique. Nous recherchons désespérément un expert dans un secteur particulier depuis plusieurs mois. Nous avons les financements, mais nous ne trouvons aucun volontaire pour partir. En revanche, transformer nos missions d'assistance technique sous forme de missions renouvelables de courte durée (trois, quatre mois), me semble plus efficace dans la mesure où les volontaires seront plus nombreux et ne coûteraient pas plus cher au budget de l'Etat.
Dans le cas plus particulier du personnel médical, j'établis le lien avec ce que vous avez évoqué au titre du co-développement. Vous savez qu'un débat fait rage sur la fuite des cerveaux africains qui viendraient notamment en France. Dans ce domaine, les pistes sur lesquelles nous réfléchissons actuellement sont très prometteuses. Pourquoi ne pas proposer en priorité à des médecins africains, installés en France, de contribuer au développement de leur pays d'origine ou au développement d'autres pays par le biais de ces missions de courte durée, éventuellement renouvelables pour eux ou pour d'autres ? C'est plus facile et beaucoup plus acceptable pour un médecin de ne pas renoncer complètement à sa carrière, mais de mettre, sous forme de contribution au développement du pays d'origine, sa compétence et son expérience sur des missions de courte durée.
C'est une réforme importante que nous devons mettre en oeuvre.
Sur le terrain, c'est évident, ces personnels doivent pouvoir travailler avec les ONG, et je tiens à souligner le caractère particulièrement efficace du travail qu'elles peuvent mener dans ces différents pays.
Vous avez évoqué, Monsieur le Rapporteur, l'Organisation de la Francophonie pour déplorer que cette organisation internationale ne se mobilise pas sur les sujets de santé. Je voudrais répondre à cela que, dans le mandat de l'Organisation internationale de la Francophonie - qui a été profondément réformé en novembre dernier, lors de la réunion ministérielle de la Francophonie à Tananarive -, il n'y a plus cette dualité entre l'OIF et l'AIF.
Désormais, nous n'avons qu'une seule Organisation internationale de la Francophonie à personnalité juridique, avec des structures renforcées et plus efficaces. Mais il n'est pas dans le mandat de l'Organisation internationale de la Francophonie de s'occuper d'affaires de santé. A partir du moment où ce n'est pas prévu dans son mandat, c'est difficile d'exiger qu'une organisation internationale traite de tels sujets.
Cependant, je voudrais signaler que l'OIF, devant la crise profonde qu'a connue le Niger l'été dernier, crise alimentaire, mais révélant également un mal sanitaire profond et structurel avec un problème de malnutrition permanent des enfants au Niger, a souhaité profiter de l'organisation des Jeux de la Francophonie au Niger pour faire un geste financier important. Elle a contribué ainsi au fonds qui avait été mis en place par les autorités du Niger pour s'attaquer aux problèmes de santé, de malnutrition de ce pays, puisque c'était cela l'origine du problème, et non pas une situation de famine, comme la presse a pu le rapporter de façon inexacte.
Vous voyez donc que la Francophonie sait aussi se mobiliser même lorsque cela ne fait pas partie de son mandat. A un moment précis, elle a pu contribuer de façon tout à fait exceptionnelle et importante, par décision des ministres face à une actualité dramatique, afin d'aider un pays comme le Niger à surmonter ses difficultés en matière de santé.
Monsieur le Rapporteur, Mesdames, Messieurs les Conseillers, pour conclure, je dirai que nous partageons les mêmes préoccupations, et surtout, la même volonté de voir se maintenir et se renforcer la présence de la France au sein du concert des autres bailleurs pour que la santé dans le monde soit préservée. Nous avons en la matière, comme vous l'écrivez, Monsieur le Rapporteur, un véritable "devoir de solidarité internationale".
Votre avis, à défaut d'être un rapport, mais je crois qu'il n'en est que plus important, constitue donc une contribution tout à fait utile pour alimenter notre réflexion et pour nous permettre d'ajuster et d'optimiser nos stratégies.
Je souhaite donc très sincèrement vous en remercier.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mai 2006
Monsieur le Président du Conseil économique et social de Thaïlande,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames, Messieurs.
C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je viens au Conseil économique et social. Je suis d'autant plus heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui à l'occasion de cette assemblée plénière que vous débattez d'un sujet particulièrement important.
Je voudrais commencer par vous dire, je le dis très sincèrement, que j'apprécie beaucoup votre travail et la qualité des avis que votre institution émet. Cette qualité, je tenais à la souligner.
Je viens d'entendre votre avis avec beaucoup d'intérêt Monsieur le Rapporteur. Sur certains points, je le trouve rafraîchissant, même si je ne partage pas l'ensemble des points de vue évoqués. Je suis ici pour en débattre, même brièvement. En tout cas, votre avis sur la coopération sanitaire dans les pays en développement est un avis dont je souhaite tenir le plus grand compte.
Cette coopération sanitaire constitue une dimension et un volet tout à fait essentiels de l'aide au développement. Je souhaite donc partager avec vous les réflexions que je tire de mon expérience de ministre déléguée à la Coopération depuis maintenant un an sur ce sujet très important, qui nous réunit aujourd'hui.
Même si je partage un grand nombre de vos préoccupations, je souhaite aussi vous assurer des efforts importants consentis par le gouvernement pour faire face au défi de la santé dans le monde.
L'ampleur de ce défi est désormais bien connue : lors du Sommet des Nations unies du Millénaire, la communauté internationale s'est fixée huit objectifs pour assurer le développement des pays les plus pauvres d'ici 2015. Parmi ces huit objectifs, trois concernent directement la santé : faire reculer des deux tiers la mortalité infantile, faire reculer des trois-quarts la mortalité maternelle et faire reculer le sida, le paludisme et autres grandes maladies, auxquelles il convient d'ajouter l'accès aux médicaments. Ceci traduit bien la prise de conscience que la santé est une condition essentielle du développement et non l'une de ses conséquences.
A l'heure où les financements destinés à lutter contre les grandes maladies, que sont le sida, le paludisme et la tuberculose, au moment où ces financements sont en nette augmentation, il faut toutefois constater la défaillance des systèmes nationaux à utiliser les fonds alloués. L'analyse montre qu'un des facteurs limitant est la pénurie croissante de ressources humaines.
Face à cette réalité, la France entend poursuivre ses efforts, tant sur le plan bilatéral que multilatéral, notamment dans le cadre de la réforme de notre politique de coopération, qui a été décidée juste avant que je prenne mes fonctions et dont il m'appartient aujourd'hui de la mettre en oeuvre.
Il s'agit de faire en sorte qu'elle soit efficace. Même si nous pouvons ici ou là déplorer quelques imperfections, dans sa mise en oeuvre, il nous appartient de les corriger si nécessaire.
J'ai envie de dire que toutes les critiques sont toujours possibles, mais attendons d'abord que cette réforme soit mise en oeuvre pour la juger. Je peux vous dire que j'y mettrai toute ma détermination et mon énergie afin que les résultats soient au rendez-vous.
Le gouvernement a voulu, dans le cadre de la réforme de son système de coopération, dans chacun des pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire, une concentration de 80 % de nos moyens d'intervention sur trois secteurs prioritaires. Comme vous le savez, le comité interministériel pour la coopération et le développement de juillet 2004 a confié à nos ambassadeurs le pilotage stratégique de notre aide au développement avec nos pays partenaires.
Ce pilotage et le résultat de ces négociations avec nos pays partenaires sont formalisés dans un document, que Monsieur le rapporteur a mentionné tout à l'heure : le "document cadre de partenariat". Je ne crois pas que ce soit, si vous me le permettez, un "document pour initiés". Dans sa mise en oeuvre, nous pourrons réussir à mettre en place un véritable instrument de coopération.
Lorsque je suis arrivée au ministère de la Coopération et que j'ai vu les premiers projets de DCP, j'ai été immédiatement assez critique, car je trouvais que ces documents avaient un caractère littéraire assez fort et que cela ne me paraissait pas correspondre aux réponses que nous devions donner.
Forte de mon expérience de trois ans comme ministre de l'Outre-Mer, après avoir pratiqué d'autres instruments, notamment les contrats de plan, j'ai effectivement souhaité que ces fameux DCP aient ce caractère que vous souhaitiez, à savoir un plan directeur, de programmation et surtout de coordination des différents intervenants dans l'aide publique au développement.
Jusqu'à présent, chacun avait un peu tendance à travailler isolément sans avoir une vision globale, une stratégie d'ensemble, et surtout une coordination et une concentration de notre aide sur les secteurs prioritaires pour les pays partenaires.
Ce document présente donc nos axes d'intervention, leurs modalités de mise en oeuvre et une liste des principaux projets retenus pour les cinq ans à venir. Lorsque je parle de liste des projets, cette liste précise aussi évidemment le montant financier de ces projets.
Je tiens à souligner le caractère tout à fait opérationnel de ces documents, qui comportent des annexes chiffrées. Il ne s'agit pas de faire un exercice purement littéraire, mais réellement de s'engager dans une action de programmation et de coordination entre tous les intervenants. Evidemment, il faut réaliser aussi une évaluation annuelle afin d'être sûr que l'argent du contribuable est bien utilisé, avec des résultats au rendez-vous.
Au total, il s'agit donc, pour notre coopération, d'être à la fois plus visible sur le terrain, afin de rendre notre aide plus perceptible, plus cohérente et moins dispersée, de rendre nos interventions plus percutantes, mieux coordonnées avec nos partenaires pour démultiplier nos efforts et, enfin, plus prévisibles afin d'inscrire notre action dans la durée.
Comme vous, j'ai pu constater que, dans un certain nombre de nos pays, notamment en Afrique de l'Ouest, la santé n'a pas été retenue parmi les trois secteurs de concentration, qui doivent mobiliser 80 % de notre appui aux Objectifs du Millénaire pour le développement.
Récemment, nous avons sensibilisé nos postes diplomatiques afin d'attirer leur attention sur ce point et d'en discuter avec les pays partenaires.
Je voudrais néanmoins nuancer cette appréciation. En effet, lorsqu'un pays africain fixe, au titre des trois priorités où il souhaite que notre aide soit concentrée à hauteur de 80 %, sur l'éducation, l'eau et l'assainissement et les infrastructures, comment imaginer une seule seconde que la préoccupation de santé ne soit pas également prise en compte ? Comment être efficace en matière de santé si l'on n'éduque pas les gens ? Comment imaginer être efficace en matière de santé si les populations n'ont pas accès à l'eau, encore moins à l'eau potable, et si elles ne bénéficient pas des structures d'assainissement et des infrastructures générales ?
La plupart de nos partenaires ont cette volonté de s'attaquer au problème de santé, en commençant par les infrastructures de base, qui sont indispensables si l'on veut soigner les populations efficacement. Dans les pays où la santé n'a pas été retenue comme l'une de ces trois priorités, nous tâchons de faire en sorte que les 20 % de ressources restants puissent être également affectés à la santé.
Pour autant, il me paraît important de souligner devant vous que le choix, que fait notre pays depuis quelques années, consiste à privilégier le vecteur multilatéral dans ce domaine de la lutte contre les grandes pandémies. Il s'agit, j'en suis convaincue, du choix de la modernité et de l'efficacité, puisqu'il s'agit de mutualiser nos efforts avec ceux des autres bailleurs de fonds internationaux. Il importe de garder ce choix à l'esprit lorsque l'on examine ce que fait la France par ailleurs au titre de la coopération bilatérale avec chacun des pays de sa zone de solidarité prioritaire.
Sur ce plan bilatéral, la France maintient et renforce son effort à hauteur de 60 millions d'euros par an dans le secteur de la santé. Sur le terrain, l'assistance technique, ce secteur de notre coopération bilatérale est désormais assuré par l'AFD, avec un total de 230 assistants techniques. C'est donc en complément de cette action bilatérale, qui est préservée, que la France a entrepris depuis cinq ans des efforts considérables sur le plan multilatéral. Nos contributions aux organisations internationales ont considérablement augmenté. Tout d'abord, cette année, nous verserons 225 millions d'euros au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, puis 300 millions d'euros en 2007. Cet organisme a déjà permis à 400.000 malades du sida de bénéficier des traitements antirétroviraux dont 225.000 en Afrique. Nous avons choisi de faire porter notre effort sur le Fonds mondial plutôt que de concentrer notre aide sur l'aide bilatérale tout simplement parce que c'est le choix de l'efficacité. Dans le monde en développement, lorsque six millions de malades du sida sont en attente de traitements antirétroviraux et que nous ne pouvons faire bénéficier de ces traitements qu'à un million et demi de personnes, l'on mesure le défi à relever. Nous considérons que c'est à l'échelle du Fonds mondial que nous pouvons répondre à un problème d'une aussi grande ampleur.
Voici un exemple qui illustre la gravité de la situation notamment en Afrique. En République centrafricaine, 30 % des fonctionnaires meurent du sida, l'espérance de vie est tombée à trente neuf ans. Comment imaginer bâtir une stratégie de développement efficace et durable alors que la population active de ce pays est à ce point décimée par cette pandémie ?
Le choix du président de la République, de faire porter par notre pays un effort très conséquent dans le financement de ce fonds, est celui de l'efficacité afin d'obtenir des modes d'intervention plus massifs que par le seul biais de l'aide bilatérale.
En outre, à partir de cette année, nous allons verser cent millions de dollars par an, en moyenne, pendant une période de vingt ans, dans le cadre de la Facilité internationale de financement (IFFim), qui intervient en appui à la vaccination dans les pays les plus pauvres, au travers de l'alliance pour les vaccins (GAVI).
Enfin, la Facilité internationale d'achats de médicaments (FIAM), alimentée par la contribution solidarité sur les billets d'avion, mise en oeuvre sur l'initiative du président de la République, permettra de faire baisser le prix des médicaments mis à la disposition des pays les plus pauvres.
Certes, il convient, Monsieur le Rapporteur, de renforcer notre visibilité au sein de ces structures internationales. A cet égard, nous avons déjà recruté douze assistants techniques, mis à disposition de l'OMS, de la Banque mondiale et du FNUAP. En outre, nous travaillons à la création de plates-formes régionales dans quatre bureaux de l'OMS (à Ouagadougou, Nairobi, Libreville et Bangkok). Ces experts viendront en appui aux pays bénéficiaires de financements du Fonds mondial. Parallèlement, nous recrutons actuellement pour ces nouvelles structures six assistants techniques, dont le nombre est appelé à croître par la suite.
Toujours dans le même esprit, nous nous apprêtons à mettre en place avec ces organisations un système d'évaluation qui nous permettra d'avoir une idée plus précise de l'utilisation des budgets que nous leur octroyons au titre de ces nouveaux systèmes de financement.
Enfin, comme vous, Monsieur le Rapporteur, je relève malheureusement la pénurie croissante des ressources humaines dans le domaine de la santé. Il y a un chantier énorme à mettre en oeuvre. Mes services s'y emploient activement. Il s'agit de mobiliser un grand nombre de partenaires, et notamment les autorités nationales des pays en développement, le système hospitalier français ou encore les organisations internationales. A cet égard, permettez-moi de signaler l'importante activité menée dans le domaine de la santé par le GIP ESTHER, déjà présent dans plus de vingt pays.
J'ai bien entendu votre proposition de créer un service civique et nous réfléchissons tout à fait dans ce sens. Une première étape vers ce que vous souhaitez a été réalisée avec l'adoption de la loi sur le volontariat de solidarité internationale.
Je souhaite également pouvoir rapidement mettre à disposition des pays, qui en ont le plus besoin, des personnels de santé français pour des missions de quelques mois. Une réforme profonde de notre assistance technique me semble nécessaire. Nous éprouvons de grandes difficultés à trouver des experts, des assistants techniques qui acceptent de partir pour deux, trois ou quatre ans. Je citais tout à l'heure l'exemple de la Centrafrique. Nous recherchons désespérément un expert dans un secteur particulier depuis plusieurs mois. Nous avons les financements, mais nous ne trouvons aucun volontaire pour partir. En revanche, transformer nos missions d'assistance technique sous forme de missions renouvelables de courte durée (trois, quatre mois), me semble plus efficace dans la mesure où les volontaires seront plus nombreux et ne coûteraient pas plus cher au budget de l'Etat.
Dans le cas plus particulier du personnel médical, j'établis le lien avec ce que vous avez évoqué au titre du co-développement. Vous savez qu'un débat fait rage sur la fuite des cerveaux africains qui viendraient notamment en France. Dans ce domaine, les pistes sur lesquelles nous réfléchissons actuellement sont très prometteuses. Pourquoi ne pas proposer en priorité à des médecins africains, installés en France, de contribuer au développement de leur pays d'origine ou au développement d'autres pays par le biais de ces missions de courte durée, éventuellement renouvelables pour eux ou pour d'autres ? C'est plus facile et beaucoup plus acceptable pour un médecin de ne pas renoncer complètement à sa carrière, mais de mettre, sous forme de contribution au développement du pays d'origine, sa compétence et son expérience sur des missions de courte durée.
C'est une réforme importante que nous devons mettre en oeuvre.
Sur le terrain, c'est évident, ces personnels doivent pouvoir travailler avec les ONG, et je tiens à souligner le caractère particulièrement efficace du travail qu'elles peuvent mener dans ces différents pays.
Vous avez évoqué, Monsieur le Rapporteur, l'Organisation de la Francophonie pour déplorer que cette organisation internationale ne se mobilise pas sur les sujets de santé. Je voudrais répondre à cela que, dans le mandat de l'Organisation internationale de la Francophonie - qui a été profondément réformé en novembre dernier, lors de la réunion ministérielle de la Francophonie à Tananarive -, il n'y a plus cette dualité entre l'OIF et l'AIF.
Désormais, nous n'avons qu'une seule Organisation internationale de la Francophonie à personnalité juridique, avec des structures renforcées et plus efficaces. Mais il n'est pas dans le mandat de l'Organisation internationale de la Francophonie de s'occuper d'affaires de santé. A partir du moment où ce n'est pas prévu dans son mandat, c'est difficile d'exiger qu'une organisation internationale traite de tels sujets.
Cependant, je voudrais signaler que l'OIF, devant la crise profonde qu'a connue le Niger l'été dernier, crise alimentaire, mais révélant également un mal sanitaire profond et structurel avec un problème de malnutrition permanent des enfants au Niger, a souhaité profiter de l'organisation des Jeux de la Francophonie au Niger pour faire un geste financier important. Elle a contribué ainsi au fonds qui avait été mis en place par les autorités du Niger pour s'attaquer aux problèmes de santé, de malnutrition de ce pays, puisque c'était cela l'origine du problème, et non pas une situation de famine, comme la presse a pu le rapporter de façon inexacte.
Vous voyez donc que la Francophonie sait aussi se mobiliser même lorsque cela ne fait pas partie de son mandat. A un moment précis, elle a pu contribuer de façon tout à fait exceptionnelle et importante, par décision des ministres face à une actualité dramatique, afin d'aider un pays comme le Niger à surmonter ses difficultés en matière de santé.
Monsieur le Rapporteur, Mesdames, Messieurs les Conseillers, pour conclure, je dirai que nous partageons les mêmes préoccupations, et surtout, la même volonté de voir se maintenir et se renforcer la présence de la France au sein du concert des autres bailleurs pour que la santé dans le monde soit préservée. Nous avons en la matière, comme vous l'écrivez, Monsieur le Rapporteur, un véritable "devoir de solidarité internationale".
Votre avis, à défaut d'être un rapport, mais je crois qu'il n'en est que plus important, constitue donc une contribution tout à fait utile pour alimenter notre réflexion et pour nous permettre d'ajuster et d'optimiser nos stratégies.
Je souhaite donc très sincèrement vous en remercier.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mai 2006