Texte intégral
Monsieur le Ministre d'Etat,
Monsieur l'Ambassadeur du Brésil auprès de l'UNESCO,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Région PACA,
Monsieur le Sénateur-Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire à quel point je suis honoré d'ouvrir ces Premières Rencontres de la coopération décentralisée franco-brésilienne ici à Marseille, dans cette ville qui depuis toujours est au croisement de multiples influences et qui les vit bien.
Je ne surprendrai personne en soulignant d'emblée qu'au cours des dernières années, le dialogue politique, les échanges économiques et la coopération culturelle, scientifique et technique de nos deux pays se sont considérablement développés.
I/ Le Brésil est notre premier partenaire en Amérique latine et la France est son second partenaire après les Etats-Unis.
Mais avant tout, le Brésil est notre voisin et notre ami de toujours.
. Notre voisin parce que nous partageons avec lui notre plus longue frontière aux confins de la région Guyane et de l'Etat de l'Amapa.
Cela crée des liens très concrets et quotidiens.
. Notre ami de toujours parce que le crédit si particulier dont jouit en général la France dans ce pays-continent remonte aux origines du Brésil moderne, c'est-à-dire au XVIème et au XVIIème siècles lorsque les normands, les basques, les rochelais et les bretons fréquentaient assidûment et dans l'harmonie les côtes du Brésil.
Aujourd'hui, cette relation privilégiée existe toujours.
. Sur le plan économique, cela se traduit par des investissements français au Brésil à hauteur de 1 458 millions de dollars en 2005 (4ème rang des investisseurs) et par des flux commerciaux croisés d'un montant de 5 005 millions de dollars (importations du Brésil vers la France : 2 777 millions et exportation de la France vers le Brésil : 2 228 millions). Cela se traduit aussi par une coopération bilatérale particulièrement dynamique dans les domaines universitaire et culturel (4,5 millions d'euros y sont consacrés), de l'enseignement secondaire (5,6 millions d'euros) et de la recherche (programmes en cours avec le CIRAD, le CNRS et l'INSERM entre autres).
. Sur le plan politique, les plus hauts dirigeants de nos deux pays se rencontrent fréquemment et s'apprécient comme en témoignera une nouvelle fois la visite officielle que le Président de la République française effectuera au Brésil dans deux jours et qui répondra à la visite en France du Président Lula à l'occasion des cérémonies du 14 juillet 2005.
Nos deux présidents ont souhaité ouvrir un nouveau chapitre des relations de nos deux pays en encourageant le partenariat des collectivités locales et en ma qualité de ministre délégué aux Collectivités Territoriales, je m'en réjouis.
Tout récemment, la consécration de ce renforcement continue de la confiance et de l'amitié entre nos deux peuples s'est manifestée de manière concrète et réciproque, avec la tenue et le large succès de l'Année du Brésil en France en 2005. Bien au-delà du symbole, il s'est agi, pour chaque citoyen français et brésilien, de découvrir à distance et à travers de nombreuses manifestations, un pays ami avec lequel les liens historiques et la proximité culturelle sont anciens et pour lequel ils ressentent, me semble-t-il, un très fort attrait.
II/ Ces premières rencontres de Marseille témoignent, à leur tour, de la vitalité de ces relations.
Ce rassemblement n'est pas tant une découverte pour les uns et les autres que la preuve renouvelée d'une amitié solide.
L'importance de cet événement se mesure d'abord à la grande qualité des intervenants, je pense avant tout, du côté brésilien, à la présence à mes côtés de M. Tarso Genro, Ministre d'Etat, chef du Secrétariat des Relations Institutionnelles de la République du Brésil que je salue particulièrement comme je salue M. Luiz Filipe de Macedo Soares, ambassadeur du Brésil auprès de l'UNESCO.
Je salue également M. Marco Aurélio Garcia, conseiller diplomatique du Président Luiz Inacio Lula Da Silva.
Du côté français, je voudrais rendre hommage à l'initiative prise par M. le Préfet de région et par M. Michel Vauzelle, Président de la région Provence-Alpe-Côte-d'Azur qui sont à l'origine de l'installation de la commission régionale de la coopération décentralisée ici à Marseille en plein accord avec mon ami Jean Claude Gaudin, maire de la Cité Phocéenne. Je connais la grande affection des uns et des autres pour le Brésil, notamment la vôtre M. le Président Vauzelle qui depuis 2002 multipliait les coopérations avec l'Etat de Sao Paulo.
Mais il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une initiative isolée. La région PACA n'est pas la seule à s'être dotée d'une commission régionale puisque l'on en compte désormais11 en ordre de marche sur le territoire national et que plusieurs d'entre elles envisagent de nouer des partenariats avec des Etats ou de grandes métropoles brésiliennes.
C'est pourquoi, comme Ministre français chargé des collectivités territoriales, je suis venu, aujourd'hui, à Marseille, transmettre à nos invités brésiliens un message d'amitié sincère et de coopération renforcée, non seulement de la part de mon Gouvernement mais aussi, avec les élus ici présents, de la France tout entière.
Dans trois jours, c'est à dire à l'issue de vos travaux, vous approuverez un document final qui sera présenté par les comités de pilotage français et brésilien. Je souhaite qu'il ouvre une nouvelle page de la collaboration entre nos deux pays. En s'engageant aussi fortement, les collectivités territoriales françaises marqueront de manière très concrète leur intérêt pour le Brésil d'aujourd'hui.
III - Permettez-moi, en quelques mots, de rappeler l'enjeu majeur que constitue, pour la France, la coopération décentralisée avec le Brésil
A. Beaucoup de pays dans le monde considèrent, aujourd'hui, que des structures administratives locales efficaces sont un élément incontournable et durable de toute stratégie de progrès. Nombre d'entre eux se sont tournés vers la référence institutionnelle du mouvement de "décentralisation à la française", qui combine un subtil équilibre des pouvoirs entre le centre et la périphérie.
C'est, pour la France, une fierté de promouvoir ses pratiques de gouvernance locale avec leurs succès et leurs limites et de bénéficier en retour de l'expérience de nos partenaires.
Nos deux pays n'ont pas la même organisation administrative comme la présentation qui en sera faite cet après-midi devrait le confirmer. Mais ils partagent une conception du territoire, dans laquelle l'Etat continue de jouer un rôle structurant et unificateur tout en responsabilisant les différents échelons politiques territoriaux qui sont amenés à prendre de plus en plus d'autonomie.
B. La coopération décentralisée française se situe aujourd'hui à la croisée des chemins entre la décentralisation que nous menons en France depuis plus de vingt ans, et la mondialisation, qui s'impose à nous tous et que nous encourageons, bien entendu.
En Europe, ce sont les villes qui furent, dès les années 50, les pionnières en matière de coopération décentralisée. Les accords de jumelage (par exemple Nice et Rio pour le Carnaval) n'emportaient que peu de conséquences juridiques et ne concernaient, le plus souvent, que des échanges culturels, éducatifs ou officiels.
Les régions et les départements ont, depuis une dizaine d'années, rejoint les villes dans cet effort de coopération. On compte aujourd'hui 25 liens denses et vivants. Je pense notamment aux régions Alsace (Coopération agricole avec les coopératives laitières de Capanena), Rh??ne Alpes (soutien technique aux exportations avec Sao Paulo), PACA (gestion urbaine avec Sao Paulo) et bien sûr à la Guyane.
Je pense encore au département de Charente Maritime (Coopération universitaire avec l'Etat de Bahia) et aux villes de Paris, de Lille, de Dunkerque, pour ne citer que quelques uns des très nombreux partenariats existants ou en cours de finalisation.
Depuis quelques années, cette volonté de présence de nos collectivités à travers le monde a pris, grâce à l'engagement de nombreux élus, un nouvel essor, notamment avec le Brésil. Et je voudrais souligner à cet égard le rôle clé joué par l'organisation Cités Unies France présidée par Charles Josselin, ancien Ministre dont je salue l'engagement ancien et constant au profit de la coopération décentralisée.
Dans mon esprit, la vocation principale de rencontres comme celles de Marseille est de faire le point sur les atouts, les succès, comme sur les faiblesses d'un tel mouvement.
Je pense en effet que la coopération décentralisée, plus proche du terrain, plus proche des citoyens et des acteurs locaux, est en permanence adaptable. Tel est, d'ailleurs, l'un de ses intérêts majeurs par rapport aux partenariats de niveaux étatiques, certes indispensables et souhaitables, mais toujours plus lourds à construire, à développer et à gérer.
C'est la capacité des collectivités à « mobiliser » les acteurs de leur territoire, y compris ceux de l'Etat (je pense ici aux hôpitaux, aux universités et aux centres de recherche), voire d'en susciter de nouveaux dans la sphère économique, qui est enrichissante.
Je pense, ici, aux pôles de compétitivité. Ceux ci peuvent en effet engager des actions collectives au Brésil en bénéficiant de la procédure de labélisation gérée par UBIFRANCE. Or, la forte implication des collectivités locales au sein des organes de gouvernance de ces pôles est un atout de plus à valoriser pour faire émerger de nouveaux partenariats industriels.
Et, lorsque la coopération décentralisée parvient, en plus, à associer les populations locales, alors oui, elle prend tout son sens.
IV/ De plus, et je voudrais insister sur ce point : la coopération décentralisée avec le Brésil est emblématique des nouvelles orientations que je souhaite imprimer dans ce domaine.
Depuis le mois de septembre 2005, j'ai d'ailleurs demandé à mes services de travailler, en liaison avec ceux du ministère des affaires étrangères, pour que la coopération décentralisée s'oriente à moyen terme vers un nombre plus limité de thématiques mais aussi plus limité de pays considérés comme prioritaires en raison de leur poids croissant au sein des instances internationales et de leur fort potentiel démographique et économique.
a) Cette réorientation de la coopération décentralisée obéit à un double constat
Sur le plan géographique, le dispositif actuel de coopération privilégie les partenariats avec les collectivités de pays le plus souvent francophones et appartenant à l'aire d'influence traditionnelle de notre pays. A l'exception récente de la Chine, les collectivités territoriales françaises qui fournissent un effort financier significatif au titre de la coopération ignorent en grande partie les nouvelles puissances qui disposent d'un poids croissant au sein des instances internationales (ONU, OMC) et certains pays émergents à fort potentiel.
Déployée en ordre dispersé, cette politique ne permet ni de peser sur le choix des pays retenus, ni d'afficher des axes stratégiques clairs.
Dans le même temps, le second constat effectué au cours de la période 1998-2003 est celui du déclin de l'immigration à des fins professionnelles. Ainsi, le nombre de ressortissants étrangers (hors Union Européenne) venus sur le territoire français pour un motif économique est passé de 48 202 en 1998 à 11 437 en 2003. Cet effondrement d'une immigration nécessaire et utile à l'économie française est dû à la chute des entrées de salariés entre 1998 et 1999.
Or, l'immigration à des fins professionnelles est dans l'intérêt de l'économie française, permettant aux entreprises de faire venir des salariés dont elles ont besoin lorsqu'elles ne trouvent pas de compétence équivalente sur le marché national de l'emploi.
Dans le même ordre d'idée, les étudiants étrangers aujourd'hui accueillis par les universités françaises proviennent massivement de pays francophones subsahariens. Une diversification de l'origine de ces flux d'étudiants s'impose en France comme elle s'est imposée au Royaume-Uni et en Allemagne.
Les chiffres sont à cet égard sans équivoque. Il y a aujourd'hui 255 591 étudiants étrangers inscrits dans l'enseignement supérieur. Plus de la moitié de ces étudiants sont originaires des pays francophones d'Afrique. Le nombre de ces étudiants a en effet augmenté de 73 % entre 1998 et 2003 alors que celui des étudiants de l'Union européenne restait stable au cours de la même période. Même si le nombre d'étudiants en provenance d'Asie a lui aussi été multiplié par trois depuis 1998, je considère que cette situation n'est pas satisfaisante.
b Je souhaite donc que plusieurs changements interviennent.
Dans le respect de la libre administration des collectivités locales, l'appréciation des stratégies de coopération décentralisée devra aussi tenir compte du concept de "l'immigration choisie".
Cela signifie que l'aide apportée par l'Etat aux collectivités territoriales s'inscrira dans une politique incitative au bénéfice de pays cibles considérés comme prioritaires par les ministères des Affaires étrangères et de l'intérieur.
Les partenariats existants pourront naturellement être poursuivis mais l'accompagnement de l'Etat sera d'autant plus important que les nouvelles actions de coopération des collectivités locales seront déployées en faveur de pays présentant un intérêt manifeste en terme de recrutement à l'étranger d'une main-d'oeuvre faisant défaut au plan national ou en terme de sélection d'étudiants présentant un fort potentiel notamment dans les secteurs de la recherche ou des nouvelles technologies.
L'articulation d'une politique incitative de coopération décentralisée avec le développement d'une immigration choisie reposera sur l'entrée en vigueur concomitante de plusieurs outils concrets :
- l'établissement d'une liste de destinations prioritaires proposés aux collectivités territoriales, à leurs groupements pour les cinq prochaines années ;
- l'identification, chaque fois que cela est possible, d'une collectivité de référence susceptible de mobiliser les autres partenaires locaux intéressés par un pays émergent où la présence française est inexistante ou insuffisante ;
- la prorogation du dispositif financier d'intervention du ministère des Affaires étrangères sur la base des propositions des commissions régionales de coopération décentralisée ;
- la création d'une carte de séjour d'une durée de trois ans destinée à des migrants hautement qualifiés qui vont contribuer au dynamisme de l'économie française ;
- la simplification des procédures pour l'obtention par les étudiants choisis de leur droit au séjour temporaire ;
Ainsi, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront renforcer la politique d'attractivité de la France en amplifiant leurs interventions en faveur de la mobilité internationale d'étudiants provenant des nouveaux pays cibles, en facilitant l'accueil c'est à dire l'intégration et le logement de salariés étrangers apportant temporairement leur force de travail dans les secteurs de l'économie française handicapés par une pénurie structurelle de main-d'oeuvre et en faisant profiter les collectivités des nouveaux pays retenus du vivier de compétences dont elles disposent.
Ces nouvelles orientations seront bien sûr débattues mais, elles me paraissent indispensables pour sortir du "pré-carré" traditionnel sous influence française et pour s'ouvrir au monde.
L'Etat contribuera à faciliter ce virage en s'appuyant sur les collectivités chefs de file qui se déclareront et qui auront la capacité de fédérer autour d'elle les acteurs publics (autres collectivités locales, universités, laboratoires de recherche, chambres consulaires...) et ceux de la société civile (ONG, associations, pôles de compétitivité, entreprises).
V - Pour réussir, je reste convaincu que la coopération décentralisée doit être accompagnée par les états. Comme Ministre, permettez-moi d'évoquer ce que cela signifie pour la France.
En matière de coopération décentralisée, les relations entre l'Etat et les collectivités locales sont désormais sans complexe dans notre pays. Sans complexe de la part de l'Etat, qui joue un rôle de facilitateur et qui invite à la coordination en s'appuyant sur ses fonctions régaliennes au plan international.
Sans complexe de la part des collectivités, qui développent leur stratégie de coopération internationale dans un cadre de plus en plus ouvert.
La coopération décentralisée est progressivement devenue un élément fort de l'action extérieure de la France. Non seulement l'Etat reconnaît sa légitimité mais il la soutient et l'encourage.
Vous l'avez compris, c'est à la fois le soutien de l'Etat et la participation directe des collectivités qui ont permis aux lignes de bouger au cours des vingt dernières années.
L'action extérieure des collectivités, longtemps perçue comme un aspect secondaire de la présence de la France à l'étranger, est non seulement admise mais conçue aujourd'hui par l'Etat comme jouant un rôle majeur. Sa fonction démultiplicatrice n'est plus à démontrer même si, dans le respect des libertés locales fondatrices, il convient d'y mettre parfois un peu plus de contenu, de synergie, voire de cohérence.
C'est l'une des missions des représentants de l'Etat, à l'étranger de nos Ambassadeurs et, en France, des Préfets.
C'est surtout la mission du Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales (M. Antoine Joly) qui assure le suivi interministériel ainsi que le Secrétariat de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD). Cette commission vient de voir sa composition modifiée par un décret en date du 9 mai 2006 qui fixe à trente le nombre d'élus locaux et de représentants de l'Etat.
Il est très probable que cette commission soit installée avant l'été par le Premier ministre ou la ministre de la Coopération.
A cette occasion, les nouvelles orientations que j'évoquais il y a un instant seront examinées, puis seront passées en revue l'ensemble des moyens dont disposent l'Etat et les collectivités territoriales pour amplifier la coopération décentralisée en concentrant ses effets sur un nombre plus limité de pays où la présence des collectivités territoriales françaises est insuffisante (Afrique du Sud, Inde, Mexique, Malaisie par exemples).
A ces différents niveaux, l'Etat est et restera en position de partenaire des collectivités locales françaises dans leur action extérieure.
Voici l'essentiel du message que je tenais à vous délivrer. Si les relations diplomatiques restent, bien entendu, le monopole des états, les coopérations entre les collectivités locales, dans leur champ de compétences respectifs, sont le complément indispensable pour donner corps à la relation entre deux pays, deux peuples, deux cultures.
En remerciant de tout coeur nos invités brésiliens pour leur présence en grand nombre et leur engouement pour cette grande manifestation fondatrice, je conclurai en vous disant à quel point je compte sur vous, sur votre imagination et sur votre détermination, pour offrir de nouvelles perspectives de collaboration et faire, ensuite, vivre nos échanges dans le temps.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de formuler, devant vous et avec vous, le voeu que la conjugaison de nos efforts aboutisse vite à une intensification de notre relation et à la réalisation d'actions concrètes au bénéfice de nos deux peuples.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 24 mai 2006
Monsieur l'Ambassadeur du Brésil auprès de l'UNESCO,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Région PACA,
Monsieur le Sénateur-Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire à quel point je suis honoré d'ouvrir ces Premières Rencontres de la coopération décentralisée franco-brésilienne ici à Marseille, dans cette ville qui depuis toujours est au croisement de multiples influences et qui les vit bien.
Je ne surprendrai personne en soulignant d'emblée qu'au cours des dernières années, le dialogue politique, les échanges économiques et la coopération culturelle, scientifique et technique de nos deux pays se sont considérablement développés.
I/ Le Brésil est notre premier partenaire en Amérique latine et la France est son second partenaire après les Etats-Unis.
Mais avant tout, le Brésil est notre voisin et notre ami de toujours.
. Notre voisin parce que nous partageons avec lui notre plus longue frontière aux confins de la région Guyane et de l'Etat de l'Amapa.
Cela crée des liens très concrets et quotidiens.
. Notre ami de toujours parce que le crédit si particulier dont jouit en général la France dans ce pays-continent remonte aux origines du Brésil moderne, c'est-à-dire au XVIème et au XVIIème siècles lorsque les normands, les basques, les rochelais et les bretons fréquentaient assidûment et dans l'harmonie les côtes du Brésil.
Aujourd'hui, cette relation privilégiée existe toujours.
. Sur le plan économique, cela se traduit par des investissements français au Brésil à hauteur de 1 458 millions de dollars en 2005 (4ème rang des investisseurs) et par des flux commerciaux croisés d'un montant de 5 005 millions de dollars (importations du Brésil vers la France : 2 777 millions et exportation de la France vers le Brésil : 2 228 millions). Cela se traduit aussi par une coopération bilatérale particulièrement dynamique dans les domaines universitaire et culturel (4,5 millions d'euros y sont consacrés), de l'enseignement secondaire (5,6 millions d'euros) et de la recherche (programmes en cours avec le CIRAD, le CNRS et l'INSERM entre autres).
. Sur le plan politique, les plus hauts dirigeants de nos deux pays se rencontrent fréquemment et s'apprécient comme en témoignera une nouvelle fois la visite officielle que le Président de la République française effectuera au Brésil dans deux jours et qui répondra à la visite en France du Président Lula à l'occasion des cérémonies du 14 juillet 2005.
Nos deux présidents ont souhaité ouvrir un nouveau chapitre des relations de nos deux pays en encourageant le partenariat des collectivités locales et en ma qualité de ministre délégué aux Collectivités Territoriales, je m'en réjouis.
Tout récemment, la consécration de ce renforcement continue de la confiance et de l'amitié entre nos deux peuples s'est manifestée de manière concrète et réciproque, avec la tenue et le large succès de l'Année du Brésil en France en 2005. Bien au-delà du symbole, il s'est agi, pour chaque citoyen français et brésilien, de découvrir à distance et à travers de nombreuses manifestations, un pays ami avec lequel les liens historiques et la proximité culturelle sont anciens et pour lequel ils ressentent, me semble-t-il, un très fort attrait.
II/ Ces premières rencontres de Marseille témoignent, à leur tour, de la vitalité de ces relations.
Ce rassemblement n'est pas tant une découverte pour les uns et les autres que la preuve renouvelée d'une amitié solide.
L'importance de cet événement se mesure d'abord à la grande qualité des intervenants, je pense avant tout, du côté brésilien, à la présence à mes côtés de M. Tarso Genro, Ministre d'Etat, chef du Secrétariat des Relations Institutionnelles de la République du Brésil que je salue particulièrement comme je salue M. Luiz Filipe de Macedo Soares, ambassadeur du Brésil auprès de l'UNESCO.
Je salue également M. Marco Aurélio Garcia, conseiller diplomatique du Président Luiz Inacio Lula Da Silva.
Du côté français, je voudrais rendre hommage à l'initiative prise par M. le Préfet de région et par M. Michel Vauzelle, Président de la région Provence-Alpe-Côte-d'Azur qui sont à l'origine de l'installation de la commission régionale de la coopération décentralisée ici à Marseille en plein accord avec mon ami Jean Claude Gaudin, maire de la Cité Phocéenne. Je connais la grande affection des uns et des autres pour le Brésil, notamment la vôtre M. le Président Vauzelle qui depuis 2002 multipliait les coopérations avec l'Etat de Sao Paulo.
Mais il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une initiative isolée. La région PACA n'est pas la seule à s'être dotée d'une commission régionale puisque l'on en compte désormais11 en ordre de marche sur le territoire national et que plusieurs d'entre elles envisagent de nouer des partenariats avec des Etats ou de grandes métropoles brésiliennes.
C'est pourquoi, comme Ministre français chargé des collectivités territoriales, je suis venu, aujourd'hui, à Marseille, transmettre à nos invités brésiliens un message d'amitié sincère et de coopération renforcée, non seulement de la part de mon Gouvernement mais aussi, avec les élus ici présents, de la France tout entière.
Dans trois jours, c'est à dire à l'issue de vos travaux, vous approuverez un document final qui sera présenté par les comités de pilotage français et brésilien. Je souhaite qu'il ouvre une nouvelle page de la collaboration entre nos deux pays. En s'engageant aussi fortement, les collectivités territoriales françaises marqueront de manière très concrète leur intérêt pour le Brésil d'aujourd'hui.
III - Permettez-moi, en quelques mots, de rappeler l'enjeu majeur que constitue, pour la France, la coopération décentralisée avec le Brésil
A. Beaucoup de pays dans le monde considèrent, aujourd'hui, que des structures administratives locales efficaces sont un élément incontournable et durable de toute stratégie de progrès. Nombre d'entre eux se sont tournés vers la référence institutionnelle du mouvement de "décentralisation à la française", qui combine un subtil équilibre des pouvoirs entre le centre et la périphérie.
C'est, pour la France, une fierté de promouvoir ses pratiques de gouvernance locale avec leurs succès et leurs limites et de bénéficier en retour de l'expérience de nos partenaires.
Nos deux pays n'ont pas la même organisation administrative comme la présentation qui en sera faite cet après-midi devrait le confirmer. Mais ils partagent une conception du territoire, dans laquelle l'Etat continue de jouer un rôle structurant et unificateur tout en responsabilisant les différents échelons politiques territoriaux qui sont amenés à prendre de plus en plus d'autonomie.
B. La coopération décentralisée française se situe aujourd'hui à la croisée des chemins entre la décentralisation que nous menons en France depuis plus de vingt ans, et la mondialisation, qui s'impose à nous tous et que nous encourageons, bien entendu.
En Europe, ce sont les villes qui furent, dès les années 50, les pionnières en matière de coopération décentralisée. Les accords de jumelage (par exemple Nice et Rio pour le Carnaval) n'emportaient que peu de conséquences juridiques et ne concernaient, le plus souvent, que des échanges culturels, éducatifs ou officiels.
Les régions et les départements ont, depuis une dizaine d'années, rejoint les villes dans cet effort de coopération. On compte aujourd'hui 25 liens denses et vivants. Je pense notamment aux régions Alsace (Coopération agricole avec les coopératives laitières de Capanena), Rh??ne Alpes (soutien technique aux exportations avec Sao Paulo), PACA (gestion urbaine avec Sao Paulo) et bien sûr à la Guyane.
Je pense encore au département de Charente Maritime (Coopération universitaire avec l'Etat de Bahia) et aux villes de Paris, de Lille, de Dunkerque, pour ne citer que quelques uns des très nombreux partenariats existants ou en cours de finalisation.
Depuis quelques années, cette volonté de présence de nos collectivités à travers le monde a pris, grâce à l'engagement de nombreux élus, un nouvel essor, notamment avec le Brésil. Et je voudrais souligner à cet égard le rôle clé joué par l'organisation Cités Unies France présidée par Charles Josselin, ancien Ministre dont je salue l'engagement ancien et constant au profit de la coopération décentralisée.
Dans mon esprit, la vocation principale de rencontres comme celles de Marseille est de faire le point sur les atouts, les succès, comme sur les faiblesses d'un tel mouvement.
Je pense en effet que la coopération décentralisée, plus proche du terrain, plus proche des citoyens et des acteurs locaux, est en permanence adaptable. Tel est, d'ailleurs, l'un de ses intérêts majeurs par rapport aux partenariats de niveaux étatiques, certes indispensables et souhaitables, mais toujours plus lourds à construire, à développer et à gérer.
C'est la capacité des collectivités à « mobiliser » les acteurs de leur territoire, y compris ceux de l'Etat (je pense ici aux hôpitaux, aux universités et aux centres de recherche), voire d'en susciter de nouveaux dans la sphère économique, qui est enrichissante.
Je pense, ici, aux pôles de compétitivité. Ceux ci peuvent en effet engager des actions collectives au Brésil en bénéficiant de la procédure de labélisation gérée par UBIFRANCE. Or, la forte implication des collectivités locales au sein des organes de gouvernance de ces pôles est un atout de plus à valoriser pour faire émerger de nouveaux partenariats industriels.
Et, lorsque la coopération décentralisée parvient, en plus, à associer les populations locales, alors oui, elle prend tout son sens.
IV/ De plus, et je voudrais insister sur ce point : la coopération décentralisée avec le Brésil est emblématique des nouvelles orientations que je souhaite imprimer dans ce domaine.
Depuis le mois de septembre 2005, j'ai d'ailleurs demandé à mes services de travailler, en liaison avec ceux du ministère des affaires étrangères, pour que la coopération décentralisée s'oriente à moyen terme vers un nombre plus limité de thématiques mais aussi plus limité de pays considérés comme prioritaires en raison de leur poids croissant au sein des instances internationales et de leur fort potentiel démographique et économique.
a) Cette réorientation de la coopération décentralisée obéit à un double constat
Sur le plan géographique, le dispositif actuel de coopération privilégie les partenariats avec les collectivités de pays le plus souvent francophones et appartenant à l'aire d'influence traditionnelle de notre pays. A l'exception récente de la Chine, les collectivités territoriales françaises qui fournissent un effort financier significatif au titre de la coopération ignorent en grande partie les nouvelles puissances qui disposent d'un poids croissant au sein des instances internationales (ONU, OMC) et certains pays émergents à fort potentiel.
Déployée en ordre dispersé, cette politique ne permet ni de peser sur le choix des pays retenus, ni d'afficher des axes stratégiques clairs.
Dans le même temps, le second constat effectué au cours de la période 1998-2003 est celui du déclin de l'immigration à des fins professionnelles. Ainsi, le nombre de ressortissants étrangers (hors Union Européenne) venus sur le territoire français pour un motif économique est passé de 48 202 en 1998 à 11 437 en 2003. Cet effondrement d'une immigration nécessaire et utile à l'économie française est dû à la chute des entrées de salariés entre 1998 et 1999.
Or, l'immigration à des fins professionnelles est dans l'intérêt de l'économie française, permettant aux entreprises de faire venir des salariés dont elles ont besoin lorsqu'elles ne trouvent pas de compétence équivalente sur le marché national de l'emploi.
Dans le même ordre d'idée, les étudiants étrangers aujourd'hui accueillis par les universités françaises proviennent massivement de pays francophones subsahariens. Une diversification de l'origine de ces flux d'étudiants s'impose en France comme elle s'est imposée au Royaume-Uni et en Allemagne.
Les chiffres sont à cet égard sans équivoque. Il y a aujourd'hui 255 591 étudiants étrangers inscrits dans l'enseignement supérieur. Plus de la moitié de ces étudiants sont originaires des pays francophones d'Afrique. Le nombre de ces étudiants a en effet augmenté de 73 % entre 1998 et 2003 alors que celui des étudiants de l'Union européenne restait stable au cours de la même période. Même si le nombre d'étudiants en provenance d'Asie a lui aussi été multiplié par trois depuis 1998, je considère que cette situation n'est pas satisfaisante.
b Je souhaite donc que plusieurs changements interviennent.
Dans le respect de la libre administration des collectivités locales, l'appréciation des stratégies de coopération décentralisée devra aussi tenir compte du concept de "l'immigration choisie".
Cela signifie que l'aide apportée par l'Etat aux collectivités territoriales s'inscrira dans une politique incitative au bénéfice de pays cibles considérés comme prioritaires par les ministères des Affaires étrangères et de l'intérieur.
Les partenariats existants pourront naturellement être poursuivis mais l'accompagnement de l'Etat sera d'autant plus important que les nouvelles actions de coopération des collectivités locales seront déployées en faveur de pays présentant un intérêt manifeste en terme de recrutement à l'étranger d'une main-d'oeuvre faisant défaut au plan national ou en terme de sélection d'étudiants présentant un fort potentiel notamment dans les secteurs de la recherche ou des nouvelles technologies.
L'articulation d'une politique incitative de coopération décentralisée avec le développement d'une immigration choisie reposera sur l'entrée en vigueur concomitante de plusieurs outils concrets :
- l'établissement d'une liste de destinations prioritaires proposés aux collectivités territoriales, à leurs groupements pour les cinq prochaines années ;
- l'identification, chaque fois que cela est possible, d'une collectivité de référence susceptible de mobiliser les autres partenaires locaux intéressés par un pays émergent où la présence française est inexistante ou insuffisante ;
- la prorogation du dispositif financier d'intervention du ministère des Affaires étrangères sur la base des propositions des commissions régionales de coopération décentralisée ;
- la création d'une carte de séjour d'une durée de trois ans destinée à des migrants hautement qualifiés qui vont contribuer au dynamisme de l'économie française ;
- la simplification des procédures pour l'obtention par les étudiants choisis de leur droit au séjour temporaire ;
Ainsi, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront renforcer la politique d'attractivité de la France en amplifiant leurs interventions en faveur de la mobilité internationale d'étudiants provenant des nouveaux pays cibles, en facilitant l'accueil c'est à dire l'intégration et le logement de salariés étrangers apportant temporairement leur force de travail dans les secteurs de l'économie française handicapés par une pénurie structurelle de main-d'oeuvre et en faisant profiter les collectivités des nouveaux pays retenus du vivier de compétences dont elles disposent.
Ces nouvelles orientations seront bien sûr débattues mais, elles me paraissent indispensables pour sortir du "pré-carré" traditionnel sous influence française et pour s'ouvrir au monde.
L'Etat contribuera à faciliter ce virage en s'appuyant sur les collectivités chefs de file qui se déclareront et qui auront la capacité de fédérer autour d'elle les acteurs publics (autres collectivités locales, universités, laboratoires de recherche, chambres consulaires...) et ceux de la société civile (ONG, associations, pôles de compétitivité, entreprises).
V - Pour réussir, je reste convaincu que la coopération décentralisée doit être accompagnée par les états. Comme Ministre, permettez-moi d'évoquer ce que cela signifie pour la France.
En matière de coopération décentralisée, les relations entre l'Etat et les collectivités locales sont désormais sans complexe dans notre pays. Sans complexe de la part de l'Etat, qui joue un rôle de facilitateur et qui invite à la coordination en s'appuyant sur ses fonctions régaliennes au plan international.
Sans complexe de la part des collectivités, qui développent leur stratégie de coopération internationale dans un cadre de plus en plus ouvert.
La coopération décentralisée est progressivement devenue un élément fort de l'action extérieure de la France. Non seulement l'Etat reconnaît sa légitimité mais il la soutient et l'encourage.
Vous l'avez compris, c'est à la fois le soutien de l'Etat et la participation directe des collectivités qui ont permis aux lignes de bouger au cours des vingt dernières années.
L'action extérieure des collectivités, longtemps perçue comme un aspect secondaire de la présence de la France à l'étranger, est non seulement admise mais conçue aujourd'hui par l'Etat comme jouant un rôle majeur. Sa fonction démultiplicatrice n'est plus à démontrer même si, dans le respect des libertés locales fondatrices, il convient d'y mettre parfois un peu plus de contenu, de synergie, voire de cohérence.
C'est l'une des missions des représentants de l'Etat, à l'étranger de nos Ambassadeurs et, en France, des Préfets.
C'est surtout la mission du Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales (M. Antoine Joly) qui assure le suivi interministériel ainsi que le Secrétariat de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD). Cette commission vient de voir sa composition modifiée par un décret en date du 9 mai 2006 qui fixe à trente le nombre d'élus locaux et de représentants de l'Etat.
Il est très probable que cette commission soit installée avant l'été par le Premier ministre ou la ministre de la Coopération.
A cette occasion, les nouvelles orientations que j'évoquais il y a un instant seront examinées, puis seront passées en revue l'ensemble des moyens dont disposent l'Etat et les collectivités territoriales pour amplifier la coopération décentralisée en concentrant ses effets sur un nombre plus limité de pays où la présence des collectivités territoriales françaises est insuffisante (Afrique du Sud, Inde, Mexique, Malaisie par exemples).
A ces différents niveaux, l'Etat est et restera en position de partenaire des collectivités locales françaises dans leur action extérieure.
Voici l'essentiel du message que je tenais à vous délivrer. Si les relations diplomatiques restent, bien entendu, le monopole des états, les coopérations entre les collectivités locales, dans leur champ de compétences respectifs, sont le complément indispensable pour donner corps à la relation entre deux pays, deux peuples, deux cultures.
En remerciant de tout coeur nos invités brésiliens pour leur présence en grand nombre et leur engouement pour cette grande manifestation fondatrice, je conclurai en vous disant à quel point je compte sur vous, sur votre imagination et sur votre détermination, pour offrir de nouvelles perspectives de collaboration et faire, ensuite, vivre nos échanges dans le temps.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de formuler, devant vous et avec vous, le voeu que la conjugaison de nos efforts aboutisse vite à une intensification de notre relation et à la réalisation d'actions concrètes au bénéfice de nos deux peuples.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 24 mai 2006