Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la prévention et la lutte contre la diffusion des maladies infectieuses, Moscou le 28 avril 2006.

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Circonstance : Réunion des ministres de la santé du G8 à Moscou le 28 avril 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier notre pays hôte, en la personne de M. ZOURABOV, non seulement pour la qualité de son accueil et les conditions de travail qui nous sont offertes, mais aussi pour l'impulsion personnelle qu'il a su donner à la préparation de cette première réunion des ministres de la Santé du G8, élargie ce matin à la Chine, à l'Inde, au Brésil, au Mexique, à l'Afrique du Sud et aux représentants des organisations internationales : l'OMS, l'ONUSIDA, le Fonds Mondial, ainsi que la Banque Mondiale.
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des experts et de nos collaborateurs qui ont préparé cette réunion du G8 au cours des derniers mois, jusqu' à hier. Ils ont fait un travail remarquable.
Les questions de santé sont depuis plusieurs années au coeur des travaux du G8 et la France, vous le savez, y attache une importance particulière, sous l'impulsion du Président Jacques Chirac. Il est devenu impossible de traiter les questions de santé qui préoccupent chacun de nos peuples en dehors de leur dimension internationale. Et il est également devenu impossible de traiter les grandes questions internationales sans prendre en compte les questions de santé.
C'est dire que ce G8 Santé, réuni à l'initiative de la Russie, et qui est une première, nous engage. Il nous engage vis à vis de nos peuples, comme vis à vis des autres peuples.
Tout d'abord, parce que la multiplication et l'intensification des échanges dans le monde accélèrent la diffusion des maladies contagieuses. Aucun de nos pays ne peut protéger efficacement sa propre population sans une coopération internationale forte. De cela, nous sommes tous convaincus. Mais il nous appartient de faire la démonstration que nous sommes prêts à en tirer toutes les conséquences.
Ensuite, parce que les grandes épidémies sont aujourd'hui le premier obstacle au développement des pays pauvres, qu'il s'agisse du Sida, du paludisme ou de la tuberculose. Et le sous-développement lui-même est un obstacle à la lutte contre ces grandes épidémies. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Il faut le faire pour des raisons d'élémentaire solidarité. Il faut le faire aussi pour l'efficacité de nos politiques nationales de santé publique. Car la sécurité sanitaire des populations de chacun de nos pays dépend également de la capacité de la communauté internationale à juguler les maladies infectieuses partout où elles se répandent.
C'est pourquoi nous devons affirmer les principes qui guident nos politiques et nos actions de coopération et aussi préparer la rencontre de nos chefs d'Etat et de Gouvernement, pour que les décisions qui seront prises en juillet à Saint-Petersbourg soient à la hauteur des défis sanitaires actuels.
Nous avons aujourd'hui un document qui nous permet de mieux répondre à des questions essentielles.
Comment renforcer notre action commune contre les maladies infectieuses ?
A cet égard, même si la situation des grandes pandémies justifie le caractère universel de nos actions, nous devons à l'évidence être particulièrement attentifs aux régions les plus vulnérables et, notamment, s'agissant du Sida, aux pays du continent africain où se concentrent 90% des cas déclarés depuis le début de l'épidémie.
L'attention du G8 s'est portée sur la lutte contre les maladies infectieuses dès le sommet d'Okinawa en 2000. L'an dernier, nous nous sommes fixés comme objectif l'accès universel aux traitements. Le choix d'inclure la prévention et le contrôle des maladies transmissibles au programme du sommet de Saint-Petersbourg : c'est la détermination à mettre en oeuvre, effectivement, les décisions déjà prises ; la volonté de franchir une nouvelle étape ; l'exigence de préparer les étapes à venir.
Mettre en oeuvre effectivement les décisions déjà prises, cela veut dire assurer le financement de la totalité des besoins du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Or, malgré les efforts consentis à la Conférence de Londres, en septembre dernier, nous avons mobilisé 3,7 milliards de dollars sur les 7 milliards qui seront nécessaires à terme.
Vous savez que la France a doublé sa participation en deux ans : elle atteindra 300 millions de dollars l'an prochain. Les discussions au sein du G8 doivent nous permettre de mobiliser de nouveaux crédits, indispensables pour lancer dans les prochains mois le 6ème round d'appel à projets.
Franchir une nouvelle étape, c'est trouver des ressources permanentes, pour ne pas être condamnés à mobiliser des financements au coup par coup alors que nous avons à faire face à des besoins de longue durée, tant pour mettre en place des systèmes de prévention efficaces que pour garantir aux malades la continuité de leur traitement. C'est vital pour le Sida, nous le savons.
La France participe à hauteur de 25% à la Facilité financière internationale proposée par la Grande-Bretagne. La France est à l'initiative, avec d'autres pays, d'une contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion. C'est une ressource qui doit nous permettre de stabiliser le financement des anti-rétroviraux, en sécurisant sur le long terme les achats de médicaments. Elle pourrait permettre de financer une Facilité internationale d'achat de médicaments.
Je remercie l'ensemble des pays qui se sont engagés en faveur de cette initiative, à la récente Conférence de Paris sur le financement du développement. La Facilité Internationale d'Achat de Médicaments pourra se concentrer sur des objectifs ciblés. Je pense aux médicaments pédiatriques contre le Sida : plus de 10 millions d'enfants meurent chaque année et la moitié de ces décès est due à des maladies transmissibles ! Je pense également au financement des anti-rétroviraux de seconde ligne. Pour des traitements innovants, il faut des financements innovants ; pour des traitements sur le long terme, il faut des financements sur le long terme !
Préparer les étapes à venir, cela veut dire d'une part, prendre conscience de la nécessité d'une couverture des risques de santé les plus aigus dans les pays en développement, parce que c'est la condition d'une prise en charge durable de la prévention et des traitements ; cela veut dire d'autre part, organiser le travail du G8 avec l'ensemble des pays associés et les organisations internationales.
Il ne s'agit pas, naturellement, de transposer des mécanismes de protection sociale qui correspondent ,dans les pays les plus développés, à des réalités économiques qui ne sont pas celles des pays pauvres. Il s'agit d'orienter progressivement l'utilisation d'une partie des financements internationaux pour favoriser la création de couvertures assurantielles, en ciblant les « risques catastrophiques », c'est à dire les maladies graves nécessitant des soins supérieurs à 40% du revenu du ménage.
J'ai conscience que cette proposition, qui exprime une grande ambition, soulève des questions. Examinons les sans tabous et en toute objectivité, en réunissant les expertises indispensables. Le sommet de Saint-Petersbourg pourrait mettre en place un groupe de travail, afin d'avoir un premier débat, sur la base de ses recommandations, en 2007.
Comment s'appuyer sur l'expérience internationale acquise dans la lutte contre les maladies infectieuses pour prévenir une pandémie grippale et l'éradiquer si elle survient ?
Avec la grippe aviaire, nous ne sommes pas en présence actuellement d'un fléau pour la santé de l'homme, mais d'une menace qui peut un jour se transformer en pandémie humaine. La Conférence de Pékin a pris des engagements financiers importants en janvier dernier : 1,5 milliard de dollars ! Il importe maintenant que ces crédits soient très rapidement affectés aux besoins, en particulier pour renforcer la sécurité sanitaire en Afrique.
Nous devons appliquer le principe de précaution. Cela suppose de coordonner nos actions de surveillance, de détection et de contrôle des cas de grippe aviaire. Cela suppose d'organiser entre tous les pays concernés une transmission rapide et transparente des informations. Cela suppose d'articuler les services de santé humaine et de santé animale dans nos plans de préparation. L'OMS a un rôle central à jouer, pour que cette coopération internationale soit pleinement efficace.
Mon pays souhaite que le nouveau règlement sanitaire international de l'OMS, qui renforcera considérablement le partage d'informations sur les grandes menaces sanitaires, puisse entrer en vigueur de manière anticipée. La France, qui vient d'affecter 1 million d'euros à l'OMS pour la mise en oeuvre de ce nouveau règlement, l'appliquera pour sa part dès septembre prochain.
Enfin, dernière question à laquelle la France attache une très grande importance :
Comment faire face aux besoins en professionnels de santé des pays en développement ?
700 millions d'habitants de l'Afrique sub-saharienne ne disposent que de 1,3% des effectifs mondiaux de professionnels de santé ! Au Mali, il y a 5 médecins pour 100 000 habitants, contre 327 en France. Les professionnels de santé des pays en développement sont aussi, très souvent, parmi les premières victimes des grandes pandémies. La situation est encore aggravée par la forte émigration de ces professionnels du sud vers le nord : dans certains pays, c'est le cas de la moitié des médecins formés.
Il sera possible de lutter contre les grands fléaux sanitaires si nous prenons la mesure de ce problème. Et nous devons notamment nous appuyer sur le rapport de l'OMS pour 2006. Nous devons travailler à l'adaptation des formations, pour qu'elles correspondent réellement aux besoins des pays où les professionnels exerceront. Nous devons aussi augmenter le nombre de professionnels formés dans les pays développés pour que ces derniers n'aient plus besoin de faire appel à des médecins des pays du sud.
Je suis sûr que nos débats vont nous permettre de progresser sur l'ensemble de ces questions et que les conclusions de notre rencontre traduiront notre détermination commune.
Je vous remercie.
source http://www.sante.gouv.fr, le 1 juin 2006