Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur la lutte contre les violences et la traite des êtres humains, Bruxelles le 4 mai 2006.

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Circonstance : Conférence "Egalité entre les femmes et les hommes : un pas en avant, une feuille de route pour le futur"

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à remercier la Commission de m'avoir invitée à présider cette table ronde sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la lutte contre la violence et la traite des êtres humains. 
Ce thème est l'un des six domaines d'actions prioritaires retenus par la Commission pour les cinq prochaines années dans sa feuille de route pour l'égalité des sexes. 
C'est un sujet essentiel puisqu'il touche aux droits fondamentaux de la personne humaine et que ces droits sont encore trop souvent bafoués aujourd'hui. 
En France, par exemple, une femme sur dix est victime de violences conjugales et une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple. Ce fléau touche toutes les classes sociales, dans un cas sur deux, la femme tuée était déjà victime de violences, et dans près d'un cas sur trois, le décès est survenu après la rupture.
On sait, par ailleurs, que la pratique de la traite des femmes, qui avait quasiment disparu en Europe, a réapparu à partir des années 1990-1995 de manière extrêmement préoccupante.
Toutes ces questions demeurent essentiellement de la compétence des Etats-membres, mais je suis convaincue que la mobilisation de l'Union peut faire progresser chacun de nos pays dans le traitement de ces fléaux, et cela de deux façons :
- tout d'abord, par l'échange de bonnes pratiques, qui permet de prendre connaissance des législations les plus avancées et d'améliorer ainsi, dans chaque pays, les moyens de prévention et de lutte ; 
- ensuite, par la mise en place de coopérations bilatérales et multilatérales, car la question de la traite ou des mutilations sexuelles, par exemple, implique souvent plusieurs Etats-membres : les uns sont les pays de destination des femmes exploitées ou de résidence des jeunes filles mutilées, les autres les pays d'origine de ces femmes ou ceux dans lesquels sont commis les mutilations ; la France a ainsi conclu avec la Bulgarie et la Roumanie des accords pour aider au retour des victimes de la traite encore mineures.
En matière de lutte contre les violences liées au sexe, le combat que nous menons doit viser toutes les formes de violence.
Son efficacité exige que nous agissions sur l'ensemble des leviers possibles : 
- à côté du renforcement du dispositif répressif, il faut développer la prévention par l'éducation et la formation, créer des partenariats et multiplier les échanges de bonnes pratiques ; 
- il faut aussi accompagner les femmes victimes en matière d'accès aux droits, d'hébergement et de soins.
La feuille de route de la Commission souligne que l'urgence commande de s'attaquer aux violences traditionnelles néfastes, et notamment aux mariages forcés ou précoces, aux mutilations génitales féminines et aux crimes d'honneur. 
La présidence autrichienne y a consacré une journée d'échanges fructueuse, le 25 janvier 2006, à laquelle j'ai participé.
La France est particulièrement sensible à ces questions car les pratiques traditionnelles de mariage forcé et de mutilations sexuelles féminines y demeurent importantes. 
Nous avons pris récemment de nombreuses mesures contre ces violences : des dispositions juridiques, des actions de sensibilisation des parents et des enseignants, et des actions de formation des acteurs de terrain.
Une loi vient ainsi d'être adoptée, qui renforce les sanctions contre tous les auteurs de violence. Cette loi a également permis d'enfin éliminer l'une des dernières discriminations de notre code civil en harmonisant l'âge nubile à 18 ans pour les filles comme les garçons et de reconnaître légalement l'existence du viol entre époux.
Et, parallèlement, une réflexion a été lancée sur les actions à développer pour soigner ces auteurs. 
Je viens, en outre, de donner une impulsion nouvelle à notre action en faveur de l'accompagnement des femmes victimes, que ce soit en matière d'hébergement et de soins, ou de formation des divers professionnels concernés.
Notre table ronde abordera également un autre défi important : celui de l'élimination de la traite des êtres humains. En France on estime le nombre de prostitués à 18 000 dont 80% sont étrangers parmi lesquels au moins 80% de victimes de la traite. Cette forme d'esclavage moderne frappe particulièrement les femmes et les enfants, notamment les filles, en situation de pauvreté. 
Là encore, nous devons mobiliser l'ensemble des acteurs et développer une approche multiforme, alliant des mesures préventives et répressives adaptées ainsi qu'une protection et une aide efficaces aux victimes.
La France mène une politique résolue dans ce domaine. 
En 2003, nous avons renforcé les moyens de lutte contre les proxénètes qui pratiquent la traite des êtres humains en créant un délit spécifique. 
Le client est désormais pénalisé quand la personne prostituée est particulièrement vulnérable (mineure, enceinte ou handicapée par exemple).
Nous avons aussi amélioré l'accueil et la protection des victimes. 
- La loi autorise l'attribution d'une autorisation provisoire de séjour aux victimes qui portent plainte ou qui témoignent.
- Les besoins des victimes sont mieux pris en compte, notamment par un soutien renforcé aux associations spécialisées intervenant auprès des personnes prostituées.
- Nous avons enfin créé un dispositif national « d'accueil sécurisant » pour les victimes de la traite. Un réseau national d'accueil, composé de structures d'hébergement non spécialisées, a été instauré pour les recevoir. 
Le dispositif dispose d'un numéro d'appel destiné aux professionnels ou bénévoles amenés à être en contact avec des victimes ; il peut servir autant pour les signalements que pour les demandes de conseils. 
Des actions indirectes peuvent également contribuer à endiguer ce fléau. Je pense, par exemple, aux dispositions que nous prenons pour dissuader les supporters français de recourir à la prostitution lors de la Coupe du monde de football qui se déroulera à Berlin.
Nous allons à cet effet diffuser, lors des matchs de préparation de l'équipe de France (3 matchs fin mai début juin), un film de sensibilisation destiné aux supporters qui se rendront en Allemagne. 
Ce film mettra en avant le respect de la dignité de la personne et l'incompatibilité entre les valeurs du sport et l'exploitation des femmes. 
Je vais maintenant passer la parole aux participants à cette table ronde. Permettez-moi, au préalable, de vous les présenter :
- Monsieur Francisco Fonseca Morillo, directeur à la Direction générale « Justice, liberté et sécurité » de la Commission européenne, est en charge, depuis mai 2004, des affaires de « justice civile, droits fondamentaux et citoyenneté et coordination en matière de drogues ». Il lui reviendra de développer les activités de la Commission dans le champ de cette table ronde.
- Madame Hana Snajdrova, représentant le Ministère de l'intérieur de la République tchèque et membre du groupe d'experts de la Commission européenne sur la traite, fera le point sur la question de la traite ainsi que sur les activités de son pays dans le domaine de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, de la lutte contre la violence domestique et de la traite des femmes,
- Madame Colette de Troy, criminologue et sociologue, interviendra sur les questions de violence. Elle est coordinatrice du Centre pour une politique contre la violence envers les femmes, au sein du Lobby européen des femmes. Celui-ci a développé de nombreuses activités visant à sensibiliser l'opinion publique et les Etats membres sur cette question.
Source http://www.femmes-egalite.gouv.fr, le 19 mai 2006