Texte intégral
Dans un entretien au Courrier picard, le président de l'UDF revient sur la motion de censure et exprime sa révolte face à la situation intérieure. Il évoque Gilles de Robien et revendique la liberté d'action de l'UDF en Picardie et ailleurs.
Le Courrier : Quel message avez-vous voulu faire passer en votant la motion de censure déposée par les socialistes contre le gouvernement ?
François Bayrou : C'était un message aux Français pour dire : « on ne peut pas laisser les choses se déliter, se décomposer comme elles le font sous nos yeux. » Regardez encore l'affaire de l'amnistie de Guy Drut ! Tous les jours, on fait un pas de plus vers une situation où l'État se comporte dans une immoralité, un oubli des règles élémentaires de l'état de Droit, qui ne peut pas être accepté par des Républicains honnêtes. L'affaire Clearstream, la haine au sommet de l'État, l'utilisation des services secrets, l'instrumentalisation de la justice, tout cela, on ne peut pas l'accepter sans rien dire. Pour moi, il était inimaginable de ne pas prendre mes responsabilités, de ne pas dire aux Français ce qu'est en train de devenir l'image de la France entre les mains de ses gouvernants. Beaucoup de Français l'ont approuvé. Ils ont dit : « voilà quelqu'un qui peut, quand c'est grave, dépasser les anciennes frontières ». C'est notamment la réaction ultra-majoritaire chez les jeunes. D'autres, qui sont pris dans les vieilles habitudes du « gauche-droite » en ont été fâchés. Ce n'est pas grave : au fur et à mesure que les jours et les semaines vont passer, ils vont s'apercevoir que le diagnostic que j'ai porté sur la situation était juste.
Le Courrier : Il y a quand même eu des dégâts collatéraux dans votre groupe à l'Assemblée. Tous les députés UDF ne vous ont pas suivi.
François Bayrou : C'est vrai. Certains ont dit : « tu as raison, mais pour des raisons locales, parce que les électeurs ne sont pas encore prêts, on ne peut pas aller aussi loin que toi. » Je comprends cela, la démarche que j'ai entreprise est tellement nouvelle qu'elle est forcément difficile. Mais c'est le rôle d'un leader de marcher devant.
Le Courrier : Il y a eu ensuite la réaction de Gilles de Robien qui a dénoncé votre attitude. Il a dit clairement que vous êtes désormais dans l'opposition !
François Bayrou : Selon moi, tout Républicain, tout honnête homme, doit s'opposer, en effet, au déclin de la France, à ce dévoiement auquel nous assistons ! Je ne me ferai pas complice, par facilité, de ce qui se passe sous nos yeux.
Le Courrier : Vous êtes déçu par Gilles de Robien ?
François Bayrou : Je ne mélange pas les sentiments personnels et les enjeux politiques. Aujourd'hui, il y a les Français qui voudraient que les choses changent et que notre pays retrouve sa fierté. Et il y a le pouvoir, qui maintient, contre toute raison, que tout va bien. Gilles de Robien a choisi d'être du côté du pouvoir. Mais tout cela ne trouble pas le fond de notre mouvement, des militants et de ceux qui le rejoignent. Pour clarifier cette question, nous avons organisé un congrès à Lyon, avec un vote au suffrage universel de tous les militants. Gilles de Robien n'a pas osé se rendre au congrès. Et 92 % des militants ont soutenu la liberté de l'UDF, et refusé son inféodation au gouvernement et à la majorité. Nous aurons un Conseil national le 10 juin : vous verrez à nouveau s'exprimer la force de ce sentiment de la base de l'UDF qui veut cette liberté de parole et cette audace de changer le paysage politique de la France.
Le Courrier : Quand Gilles de Robien crée un courant interne pour « nourrir la réflexion de l'UDF », vous prenez cela comment ?
François Bayrou : Toute manoeuvre pour affaiblir l'UDF de l'intérieur échouera. Celle-là fera long feu, comme toutes les autres. Mais ce qui est incroyable pour moi, c'est qu'on puisse s'aveugler au point de ne pas voir combien la démocratie va mal dans notre pays.
Le Courrier : Allez-vous exclure le seul ministre UDF du gouvernement comme certains le demandent ?
François Bayrou : Gilles de Robien ne représente pas l'UDF au gouvernement. Il est ministre par choix personnel et contre la décision unanime de notre mouvement. Quant à me transformer en coupeur de têtes, ce n'est pas dans mes habitudes. Mais il y a une question que l'on ne doit pas éluder : quand un mouvement fait un choix, notamment au moment des grandes échéances, ce choix doit être respecté.
Le Courrier : Nous avons relevé la création récente au Conseil régional de Picardie d'un groupe spécifiquement UDF. Ce groupe ne se refuse pas de voter parfois avec la majorité de gauche. Cela préfigure-t-il des relations nouvelles qui pourraient s'établir entre le centre et la gauche ?
François Bayrou : L'indépendance de l'UDF, c'est le refus d'être inféodé à l'un ou à l'autre des deux anciens camps. Que des républicains votent parfois ensemble, sur tel ou tel sujet, ce n'est pas scandaleux. Au contraire, cela prouve que sur des sujets importants, on peut dépasser les clivages et les étiquettes. C'est notre ligne. Les élus, au lieu d'être servilement soumis à la discipline d'un camp, doivent être capables de regarder les réalités et les propositions et de juger en liberté, en disant : « cela est bon, cela ne l'est pas. » Pour moi, la moitié de la France n'est pas, sur tous les sujets, l'ennemie de l'autre moitié. Vous croyez que l'on va passer le XXI° siècle, avec des problèmes d'une difficulté inouïe, comme la protection de l'atmosphère, ou la mondialisation, avec comme seul repère l'affrontement éternel entre l'UMP et le PS ? Evidemment non ! Il va se produire ce qui s'est passé en Allemagne. Là-bas, les gens se sont dit : « les problèmes ne sont pas de gauche ou de droite, ils sont les problèmes de notre pays. Et on va les résoudre. Ensemble, s'il le faut. »
Le Courrier : Ce nouveau message, ce nouveau style, allez-vous les porter seul ou avec d'autres ?
François Bayrou : Avec d'autres, évidemment. Vous voyez fleurir les débats autour de cette idée. Les gens voient bien qu'il y a dans des formations politiques différentes des gens qui se respectent et pourraient travailler ensemble. Des hommes politiques comme Rocard, ou Delors dans la génération précédente ou Kouchner, dans la génération actuelle, sont au PS, mais je n'ai pas avec eux d'affrontement de fond. Et il y a des gens qui à l'UMP sont respectables et constructifs aussi. Le jour viendra où les ressemblances l'emporteront sur les différences. Le peuple français a droit à un tel effort de rassemblement. Et il a droit aussi à faire entendre ses inquiétudes de fond, par exemple quand il défend contre le modèle où l'argent est roi, son modèle de solidarité, la défense de son identité et de ses valeurs.
Le Courrier : Comment préparez-vous 2007 ?
François Bayrou : En ne me laissant influencer par aucune menace pour traduire aussi exactement que possible, aussi justement que possible, le sentiment profond des Français. La première qualité d'un gouvernant, c'est d'être en phase avec un peuple et, autant que possible, de le « tirer » vers le haut, de le grandir, de le rassembler, au lieu de le flatter et de le diviser.
Le Courrier : Un sondage indiquerait que 40 % des électeurs de l'UDF seraient prêts à voter pour Ségolène Royal. Qu'est ce que vous dites de cela ?
François Bayrou : Les médias essaient de « vendre » le deuxième tour Sarkozy-Royal comme en 2002, ils nous vendaient Chirac-Jospin. Ils veulent une fois de plus supprimer le premier tour et aller directement au second. Mais les Français ne se laisseront pas voler l'élection présidentielle. Ils veulent changer le paysage politique, ils veulent faire entendre leur voix et exercer leur pouvoir de changement. Ils veulent des leaders, pas des suiveurs. Et c'est eux qui composeront le deuxième tour, pas les médias.Source http://www.udf.org, le 30 mai 2006
Le Courrier : Quel message avez-vous voulu faire passer en votant la motion de censure déposée par les socialistes contre le gouvernement ?
François Bayrou : C'était un message aux Français pour dire : « on ne peut pas laisser les choses se déliter, se décomposer comme elles le font sous nos yeux. » Regardez encore l'affaire de l'amnistie de Guy Drut ! Tous les jours, on fait un pas de plus vers une situation où l'État se comporte dans une immoralité, un oubli des règles élémentaires de l'état de Droit, qui ne peut pas être accepté par des Républicains honnêtes. L'affaire Clearstream, la haine au sommet de l'État, l'utilisation des services secrets, l'instrumentalisation de la justice, tout cela, on ne peut pas l'accepter sans rien dire. Pour moi, il était inimaginable de ne pas prendre mes responsabilités, de ne pas dire aux Français ce qu'est en train de devenir l'image de la France entre les mains de ses gouvernants. Beaucoup de Français l'ont approuvé. Ils ont dit : « voilà quelqu'un qui peut, quand c'est grave, dépasser les anciennes frontières ». C'est notamment la réaction ultra-majoritaire chez les jeunes. D'autres, qui sont pris dans les vieilles habitudes du « gauche-droite » en ont été fâchés. Ce n'est pas grave : au fur et à mesure que les jours et les semaines vont passer, ils vont s'apercevoir que le diagnostic que j'ai porté sur la situation était juste.
Le Courrier : Il y a quand même eu des dégâts collatéraux dans votre groupe à l'Assemblée. Tous les députés UDF ne vous ont pas suivi.
François Bayrou : C'est vrai. Certains ont dit : « tu as raison, mais pour des raisons locales, parce que les électeurs ne sont pas encore prêts, on ne peut pas aller aussi loin que toi. » Je comprends cela, la démarche que j'ai entreprise est tellement nouvelle qu'elle est forcément difficile. Mais c'est le rôle d'un leader de marcher devant.
Le Courrier : Il y a eu ensuite la réaction de Gilles de Robien qui a dénoncé votre attitude. Il a dit clairement que vous êtes désormais dans l'opposition !
François Bayrou : Selon moi, tout Républicain, tout honnête homme, doit s'opposer, en effet, au déclin de la France, à ce dévoiement auquel nous assistons ! Je ne me ferai pas complice, par facilité, de ce qui se passe sous nos yeux.
Le Courrier : Vous êtes déçu par Gilles de Robien ?
François Bayrou : Je ne mélange pas les sentiments personnels et les enjeux politiques. Aujourd'hui, il y a les Français qui voudraient que les choses changent et que notre pays retrouve sa fierté. Et il y a le pouvoir, qui maintient, contre toute raison, que tout va bien. Gilles de Robien a choisi d'être du côté du pouvoir. Mais tout cela ne trouble pas le fond de notre mouvement, des militants et de ceux qui le rejoignent. Pour clarifier cette question, nous avons organisé un congrès à Lyon, avec un vote au suffrage universel de tous les militants. Gilles de Robien n'a pas osé se rendre au congrès. Et 92 % des militants ont soutenu la liberté de l'UDF, et refusé son inféodation au gouvernement et à la majorité. Nous aurons un Conseil national le 10 juin : vous verrez à nouveau s'exprimer la force de ce sentiment de la base de l'UDF qui veut cette liberté de parole et cette audace de changer le paysage politique de la France.
Le Courrier : Quand Gilles de Robien crée un courant interne pour « nourrir la réflexion de l'UDF », vous prenez cela comment ?
François Bayrou : Toute manoeuvre pour affaiblir l'UDF de l'intérieur échouera. Celle-là fera long feu, comme toutes les autres. Mais ce qui est incroyable pour moi, c'est qu'on puisse s'aveugler au point de ne pas voir combien la démocratie va mal dans notre pays.
Le Courrier : Allez-vous exclure le seul ministre UDF du gouvernement comme certains le demandent ?
François Bayrou : Gilles de Robien ne représente pas l'UDF au gouvernement. Il est ministre par choix personnel et contre la décision unanime de notre mouvement. Quant à me transformer en coupeur de têtes, ce n'est pas dans mes habitudes. Mais il y a une question que l'on ne doit pas éluder : quand un mouvement fait un choix, notamment au moment des grandes échéances, ce choix doit être respecté.
Le Courrier : Nous avons relevé la création récente au Conseil régional de Picardie d'un groupe spécifiquement UDF. Ce groupe ne se refuse pas de voter parfois avec la majorité de gauche. Cela préfigure-t-il des relations nouvelles qui pourraient s'établir entre le centre et la gauche ?
François Bayrou : L'indépendance de l'UDF, c'est le refus d'être inféodé à l'un ou à l'autre des deux anciens camps. Que des républicains votent parfois ensemble, sur tel ou tel sujet, ce n'est pas scandaleux. Au contraire, cela prouve que sur des sujets importants, on peut dépasser les clivages et les étiquettes. C'est notre ligne. Les élus, au lieu d'être servilement soumis à la discipline d'un camp, doivent être capables de regarder les réalités et les propositions et de juger en liberté, en disant : « cela est bon, cela ne l'est pas. » Pour moi, la moitié de la France n'est pas, sur tous les sujets, l'ennemie de l'autre moitié. Vous croyez que l'on va passer le XXI° siècle, avec des problèmes d'une difficulté inouïe, comme la protection de l'atmosphère, ou la mondialisation, avec comme seul repère l'affrontement éternel entre l'UMP et le PS ? Evidemment non ! Il va se produire ce qui s'est passé en Allemagne. Là-bas, les gens se sont dit : « les problèmes ne sont pas de gauche ou de droite, ils sont les problèmes de notre pays. Et on va les résoudre. Ensemble, s'il le faut. »
Le Courrier : Ce nouveau message, ce nouveau style, allez-vous les porter seul ou avec d'autres ?
François Bayrou : Avec d'autres, évidemment. Vous voyez fleurir les débats autour de cette idée. Les gens voient bien qu'il y a dans des formations politiques différentes des gens qui se respectent et pourraient travailler ensemble. Des hommes politiques comme Rocard, ou Delors dans la génération précédente ou Kouchner, dans la génération actuelle, sont au PS, mais je n'ai pas avec eux d'affrontement de fond. Et il y a des gens qui à l'UMP sont respectables et constructifs aussi. Le jour viendra où les ressemblances l'emporteront sur les différences. Le peuple français a droit à un tel effort de rassemblement. Et il a droit aussi à faire entendre ses inquiétudes de fond, par exemple quand il défend contre le modèle où l'argent est roi, son modèle de solidarité, la défense de son identité et de ses valeurs.
Le Courrier : Comment préparez-vous 2007 ?
François Bayrou : En ne me laissant influencer par aucune menace pour traduire aussi exactement que possible, aussi justement que possible, le sentiment profond des Français. La première qualité d'un gouvernant, c'est d'être en phase avec un peuple et, autant que possible, de le « tirer » vers le haut, de le grandir, de le rassembler, au lieu de le flatter et de le diviser.
Le Courrier : Un sondage indiquerait que 40 % des électeurs de l'UDF seraient prêts à voter pour Ségolène Royal. Qu'est ce que vous dites de cela ?
François Bayrou : Les médias essaient de « vendre » le deuxième tour Sarkozy-Royal comme en 2002, ils nous vendaient Chirac-Jospin. Ils veulent une fois de plus supprimer le premier tour et aller directement au second. Mais les Français ne se laisseront pas voler l'élection présidentielle. Ils veulent changer le paysage politique, ils veulent faire entendre leur voix et exercer leur pouvoir de changement. Ils veulent des leaders, pas des suiveurs. Et c'est eux qui composeront le deuxième tour, pas les médias.Source http://www.udf.org, le 30 mai 2006