Déclaration de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur l'amélioration de la lutte antidopage, le rôle de l'Etat et des mouvements sportifs et les bases de collaboration internationale, Paris le 14 juin 2006.

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Circonstance : Colloque européen de lutte contre les trafics de substances dopantes, à Paris le 14 juin 2006

Texte intégral

Madame la secrétaire générale adjointe du Conseil de l'Europe,
Monsieur le secrétaire général d'Interpol,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le directeur général de l'AMA,
Mesdames, Messieurs les délégués,
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir ce colloque consacré à la lutte contre le trafic de substances dopantes, dont j'ai souhaité personnellement l'organisation avec le Conseil de l'Europe.
La lutte contre le dopage repose sur 3 piliers indissociables :
- Le premier est celui de la prévention des conduites dopantes. Il s'agit de sensibiliser, dès le plus jeune âge, les sportifs aux risques pour leur santé et au respect du fair play et de l'éthique sportive.
- Le second est celui de la multiplication de contrôles en et hors compétition, inopinés, ciblés ou plus aléatoires, en vue de détecter les tricheurs.
- Enfin, troisième pilier, la lutte contre l'offre de produits, en particulier au travers du démantèlement des trafics. Celle-ci ayant pour objet de rendre plus difficile l'accès aux produits ou méthodes dopantes et d'exclure de l'entourage du sportif les personnes susceptibles de l'inciter à se doper.
Si nous prenons le parti de concentrer nos réflexions sur l'amélioration de la lutte contre les trafics, la question de l'implication des organes étatiques et de leurs relations avec le mouvement sportif, est alors posée.
La participation, aujourd'hui, de représentants de différents départements ministériels, et pas uniquement des représentants de ministères chargés des sports, ainsi que des représentants d'institutions sportives, témoigne de la prise de conscience désormais largement partagée au niveau international des enjeux du dopage et de la lutte contre les trafics.
Cette prise de conscience s'est traduite au cours de ces dernières années par une mobilisation sans précédent.
Je pense, notamment, à l'acte novateur de rassembler autour de la même table, mouvement sportif et gouvernements, suite à la conférence de Lausanne en 1999, qui a abouti à la création d'une Agence Mondiale Antidopage.
Trois ans après, cette collaboration, aussi inédite, que fructueuse, débouchait sur la création et l'adoption du code mondial antidopage, reconnu par le mouvement sportif et par l'ensemble des gouvernements.
Enfin, plus récemment, les Etats membres de l'UNESCO, signaient à l'unanimité la première convention universelle de lutte contre le dopage dans le sport au mois d'octobre 2005. Je peux vous annoncer que le projet de loi de ratification de ce traité par la France sera déposé devant le parlement dès l'ouverture de la session d'automne.
Ces étapes déterminantes n'ont été rendues possible qu'avec la collaboration sans faille du mouvement sportif et des Etats. Fort de cette réussite, nous pourrions, dès lors, nous satisfaire d'une telle situation, pensant que le sport est enfin débarrassé de ce fléau que constitue le dopage.
L'actualité sportive récente nous prouve, bien au contraire, que la lutte internationale contre le dopage n'aura d'efficacité et de crédibilité que si elle s'attaque, parallèlement, à ses sources. Je pense en particulier à la lutte contre les trafics.
Le Conseil de l'Europe, je salue ici la présence de Mme de Boer Buquicchio, Secrétaire Générale adjointe, avait anticipé cette nouvelle dimension de la lutte contre le dopage en adoptant une première recommandation il y a six ans maintenant.
Plus récemment, j'ai pris l'initiative de rencontrer, M. Ronald Knoble, dont je salue également la présence et de lancer les bases d'une collaboration avec INTERPOL, au début de l'année 2004.
Cette première rencontre a abouti à une sensibilisation des instances judiciaires nationales membres d'INTERPOL à cette problématique originale pour une organisation spécialisée dans la lutte internationale contre le terrorisme et le crime organisé.
Lors des derniers jeux olympiques d'hiver à Turin, le compromis trouvé pour définir l'étendue des compétences du CIO, par l'AMA et le gouvernement italien, illustre les progrès réalisés en matière d'implication et de coopération entre les gouvernements et le mouvement sportif. Cette coopération s'est traduite par des résultats significatifs. L'actualité récente en témoigne.
Ces quelques exemples de collaboration prouvent à eux seuls, que la coopération internationale en matière de lutte contre les trafics est une nécessité. Nous devons à ce stade travailler à sa formalisation.
Il existe, aujourd'hui, un corpus de règles spécifiques, internationales comme nationales, permettant de lutter contre les trafics :
Tout d'abord, le code mondial antidopage qui qualifie le trafic comme une violation des règles antidopage et permet de poursuivre - au plan disciplinaire sportif - ceux qui s'y livrent.
L'article 2 du code prévoit en effet, que « constitue une violation des règles antidopage : la possession de substances ou méthodes interdites, mais aussi le trafic de toute substance ou méthode interdite ».
Le code mondial opère, par ailleurs, une distinction selon les types d'infractions, et punit ainsi plus sévèrement les infractions liées au trafic.
La recommandation du Conseil de l'Europe du 13 septembre 2000, insiste quant à elle, sur trois points :
-la nécessité de l'identification d'infractions spécifiques en ce domaine, pour permettre aux autorités de police et de justice d'en poursuivre les auteurs ; - l'intérêt d'un système d'échanges de renseignements entre les différents services impliqués au niveau national et entre pays, sur une base bilatérale ou multilatérale ;
- l'intérêt d'une amélioration de la compatibilité entre les procédures administratives des différents Etats concernés.
De même, la Convention internationale contre le dopage dans le sport de l'UNESCO prévoit que « les Etats parties luttent notamment contre le trafic destiné aux sportifs et, à cette fin, s'emploient à limiter la production, la circulation, l'importation, la distribution et la vente des substances et méthodes interdites ».
Je dois, enfin, rappeler également que, dans la plupart des pays, toute violation constatée des lois et règlements non spécifiquement liés au sport pourra être notifiée aux autorités administratives, professionnelles ou judiciaires compétentes en matière sportive. C'est sur cette base que plusieurs affaires ont été instruites en Europe et en Amérique du nord ces derniers mois.
Vous le voyez, les bases, même si elles ont encore lacunaires, de collaboration internationale existent.
Elles doivent désormais être renforcées, mues par une volonté politique plus affirmée. Les débats que vous mènerez pendant ces deux jours seront à cet égard cruciaux.
L'actualité récente montre l'utilité pour tous - et d'abord pour les sportifs et pour le sport - de cet engagement, tout autant que la nécessité de ne pas baisser les bras ni se laisser gagner par la satisfaction de réussites ponctuelles.
A mon sens, cette conférence devrait ainsi, avoir pour objectifs principaux :
- La mobilisation de tous les acteurs susceptibles d'intervenir dans le domaine du trafic de substances dopantes, et la création ou le renforcement des réseaux des personnes engagées dans cette lutte, afin d'en améliorer l'efficacité au niveau national et international.
Les échanges de ces deux journées devraient ainsi permettre d'identifier les évolutions possibles du code mondial antidopage en vue de renforcer la lutte contre les trafics, et ce , dans la perspective de la prochaine conférence mondiale qui se tiendra à Madrid.
Ces échanges permettront enfin de renforcer la coopération internationale entre Etats et administrations, mais aussi entre Etats et mouvement sportif, qui doit être le partenaire naturel des gouvernements et sans lequel il ne peut y avoir de lutte efficace et crédible en matière de lutte internationale contre le dopage.
Plusieurs temps forts rythmeront ces deux jours : - Cet après-midi sera consacré à un échange approfondi autour des outils juridiques ou techniques mis en oeuvre dans certains pays, en matière de lutte contre les trafics.
- La matinée de demain sera consacrée aux défis qui nous attendent, tant en ce qui concerne les substances qu'en ce qui concerne les modes de diffusion, mais également en ce qui concerne le partage des informations avec le mouvement sportif.
- Enfin, l'après-midi de demain permettra de définir ensemble des actions qui dans l'avenir permettront de garantir un haut niveau de lutte contre le dopage.
Mesdames et Messieurs, une première révolution dans le domaine de la lutte contre le dopage a été opérée depuis 1999, suite aux efforts conjugués des Etats et du mouvement sportif, dans le champ disciplinaire. Elle a pour nom l'AMA et le Code mondial antidopage.
Une seconde révolution a été engagée par une prise de conscience des Etats qu'il convenait de lutter sur le plan judiciaire et pénal contre les trafics de produits dopants. Les exemples américains, espagnols, italiens et français en témoignent.
Désormais ces deux révolutions doivent converger pour qu'enfin la lutte contre le dopage soit globale et donc plus efficace.
Cette conférence doit être un signal clair à l'encontre de tous les tricheurs ou de tous ceux qui sont impliqués dans le dopage.
Il en va de la préservation des valeurs du sport, de l'éthique sportive, mais c'est aussi une véritable question de santé publique, question qui nous concerne tous.
Je vous remercie.
Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 16 juin 2006