Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur les programmes et la production de télévision de fiction et l'aide à l'innovation dans ce secteur, Paris le 12 juin 2006.

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Circonstance : Journée de la fiction télévisuelle à Paris le 12 juin 2006

Texte intégral


Monsieur le Président de l'Association pour la promotion de la production audiovisuelle,
Cher Jean-François Boyer,
Monsieur le Président de France Télévisions,
Cher Patrick de Carolis,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver au Palais du Luxembourg, et en direct sur Public Sénat, pour la deuxième année consécutive, après avoir inauguré à Versailles, il y a deux ans, la première journée de la fiction qui est désormais un rendez-vous à la fois très attendu et solidement installé dans le paysage audiovisuel français, une journée de réflexion, d'échanges, d'expériences, de propositions, une journée nécessaire, voire indispensable pour dresser le bilan de l'année écoulée et tracer les perspectives de l'année qui vient.
Et cette année a été vous le savez particulièrement riche.
D'abord, parce que les Français se passionnent pour la fiction française à la télévision, qui fait partie des programmes les plus fédérateurs, rassemblant tous les publics. Sans doute parce qu'elle propose des récits, des histoires, imaginés et racontés avec talent, tout en donnant à voir les enjeux économiques, sociaux et culturels du monde actuel et de la société où nous vivons.
La fiction française a atteint en 2005 un niveau de production sans précédent : avec 918 heures, il se rapproche enfin de celui de nos principaux partenaires européens. Je suis convaincu que nous pouvons et que nous devons aller au-delà, et dépasser les autres pays européens. Grâce à ses producteurs, aux artistes et techniciens, grâce à tous les talents et à tous les métiers qui font sa force, sa créativité, et sa diversité, la fiction française a les moyens d'atteindre cet objectif. Bien sûr, je suis conscient qu'elle dépend aussi pour cela des diffuseurs et de leurs commandes.
Le tissu d'entreprises de très grande qualité du secteur des industries techniques de la création bénéficie directement de cette évolution favorable du volume produit et des outils de financement mis en place par les pouvoirs publics et les collectivités locales : pour ma part, le crédit d'impôt et les fonds régionaux.
L'impact du crédit d'impôt en 2005 sur les dépenses consacrées à la production de fiction en France a été très positif ! Ainsi, les dépenses à l'étranger ont globalement diminué de 39% alors même que le volume produit a augmenté de 27%. Les récentes données publiées par les organismes sociaux du secteur confirment cette tendance en matière d'emploi.
Je me réjouis de constater que le genre évolue, d'abord dans sa forme : de plus en plus de chaînes innovent en s'intéressant à des formats nouveaux, mais aussi à des horaires de programmation différents. Les téléspectateurs français sont de plus en plus nombreux à regarder les fictions diffusées en première partie de soirée, qui ont atteint des audiences élevées en 2005 et 2006. Les téléspectateurs sont aussi très nombreux, lorsque la fiction est programmée en avant-première partie de soirée, dans une forme nouvelle, comme l'illustre tous les jours avec un succès sans cesse croissant le feuilleton de France 3.
Il y a des publics pour s'enthousiasmer pour les fictions françaises à tous les horaires de la journée et de la soirée.
Sur les sujets aussi, je me félicite de l'esprit d'innovation et de création qui anime les auteurs, les producteurs et les diffuseurs qui accompagnent les projets.
Des risques sont pris, des sujets nouveaux sont amenés progressivement sur nos écrans, je pense par exemple, mais ce n'est qu'un exemple aux sujets politiques et sociétaux qui - ce n'est sans doute pas un hasard dans l'année qui vient - tendent à s'épanouir en ce moment. Je connais et je salue ces initiatives créatrices, et je tiens à rendre hommage à France Télévisions et à Arte pour le service public, et bien sûr à TF1 et à M6, ainsi qu'à Canal Plus, qui joue un rôle important dans la production. L'innovation est différente selon les diffuseurs, mais elle est un enjeu vital pour chacun d'entre eux.
Les évolutions en cours dans le paysage audiovisuel doivent consolider, voire renforcer la hauteur de leurs investissements.
Ainsi, de nouveaux formats et de nouvelles écritures arrivent sur les antennes depuis quelques mois : cette diversité est fondamentale et provoque un vrai renouvellement du genre. Les esprits, les mentalités évoluent, les méthodes de travail également, et je crois que nous devons tous nous en réjouir. Je tiens à saluer ici l'action menée par les auteurs, les réalisateurs et les producteurs rassemblés avec bonheur au sein du Trio.
Je sais que ces mutations de la fiction française ne se font pas sans difficultés. Je pense notamment aux adaptations de formats étrangers, qui ont suscité de nombreuses réserves ici et là. Je comprends ces réserves. Nous avons la chance de disposer en France de scénaristes de talents, à l'imagination au moins aussi fertile que celle de leurs homologues nord-américains. Il faut donner à ces talents la possibilité et les moyens de créer des fictions innovantes et qui séduisent le public ! C'est fondamental. Je suis profondément convaincu que c'est parce que la fiction française est créative et novatrice qu'elle continuera, non seulement à être regardée, mais encore à s'exporter davantage et à être appréciée des téléspectateurs étrangers, comme elle l'est des téléspectateurs français. Innover, c'est aussi prendre des risques, c'est pour cette raison que j'ai souhaité mettre un place des soutiens nouveaux en faveur de l'innovation.
Parmi les nouveaux outils qui ont été mis en place avec succès, je tiens d'abord à saluer les formations dans le domaine de l'écriture comme le Conservatoire européen des écritures audiovisuelles, pour favoriser le développement des nouveaux talents.
J'ai mis en place l'an dernier, le fonds d'aide à l'innovation, appelé de leurs voeux par les auteurs et notamment la SACD, fruit d'une vraie concertation entre le Trio et les pouvoirs publics. J'ai obtenu son autorisation par Bruxelles en novembre dernier. Ce fonds rencontre un réel succès auprès des auteurs. Près de 400 projets de fiction ont déjà été déposés et environ 35 projets ont été sélectionnés par le comité d'experts, animé par Prune Berge que je tiens à saluer ici pour la qualité de son travail. Ce succès témoigne de la remarquable vitalité de la création française, riche des talents d'auteurs de tous horizons et de tous âges, qui ouvrent de nouveaux espaces de liberté d'écriture. Je souhaite ardemment à tous ces projets de trouver le chemin de nos écrans de télévision ou de cinéma, afin qu'ils rencontrent leurs publics. J'engage vivement les producteurs et les chaînes de télévision à s'intéresser de près aux projets soutenus par ce fonds.
Le défi de l'innovation, de la création, de la qualité, du renouvellement, est en train d'être relevé avec succès. Il est un autre défi de taille qui est devant nous. Dans les années qui viennent, la fiction française va devoir s'adapter et se développer à l'ère numérique, où nous sommes rentrés désormais avec l'essor très rapide d'Internet, et qui verra le passage de la télévision analogique à la télévision numérique pour tous les Français.
Aujourd'hui plus de la moitié des Français est internaute et plus de huit internautes sur dix sont connectés à domicile en haut débit. L'attente et les enjeux du développement d'une offre légale et diversifiée de fictions sont donc considérables. La loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, que le Parlement doit adopter définitivement dans les prochaines semaines, est une loi tournée vers l'avenir, car elle crée les conditions pour que se multiplient les offres légales d'oeuvres protégées, respectueuses du droits d'auteur. Le public, qui aime regarder les fictions françaises à la télévision, sera de plus en plus au rendez-vous pour les télécharger au fur et à mesure que l'offre de vidéo à la demande se développera davantage.
Il s'agit là d'un point fondamental pour l'avenir de la fiction, puisque la vidéo à la demande, qui se développe désormais d'une manière significative, est promise à un essor considérable dans les années à venir, au point qu'elle pourrait, à terme, se substituer au moins pour partie à la consommation de télévision « classique ».
C'est pourquoi nous devons préparer dès aujourd'hui les conditions - notamment juridiques et réglementaires - dans lesquelles les nouveaux services audiovisuels à la demande apporteront, comme la télévision le fait aujourd'hui, leur contribution à la diversité culturelle des contenus audiovisuels.
Je tiens enfin à lancer une réflexion sur le COSIP qui doit contribuer à la diversité de la fiction française à l'ère numérique, afin d'encourager notamment la production de programmes en haute définition et de formats nouveaux pour la télévision mobile.
En ce sens, il est fondamental que la révision de la directive « Télévision sans frontières », actuellement en cours de négociation à Bruxelles, intègre des mesures garantissant la contribution effective des services audiovisuels non linéaires, quel que soit leur mode de diffusion (sur le câble, l'ADSL, Internet), à la production et à la diffusion des fictions européennes et françaises. La proposition formulée par la Commission européenne fournit à cet égard une bonne base de travail, qu'il convient de consolider - je m'emploie à en convaincre mes homologues européens - en y inscrivant les modalités concrètes de cette contribution, notamment au travers d'obligations d'investissement dans la production de fictions.
C'est cette approche ambitieuse et volontariste qui, seule, sera à même de répondre aux défis soulevés par la convergence des réseaux et l'apparition des nouveaux services à la demande, et d'en faire une formidable opportunité pour la création européenne et française de fictions, au bénéfice de l'ensemble de la chaîne de valeur.
Je suis certain que vous percevez tous l'importance de ce développement. Et vous pouvez compter sur moi, si vous l'estimez nécessaire, pour vous accueillir rue de Valois pour signer un accord sur la VOD de fiction française, semblable à celui que j'ai paraphé en décembre dernier pour le cinéma.
D'ici quelques années, l'ensemble des Français, qui ont plébiscité la TNT recevront tous dix-huit chaînes gratuitement alors qu'ils n'en regardent aujourd'hui encore que six pour la majorité d'entre eux. Le projet de loi que je suis en train d'élaborer et que je présenterai au Conseil des ministres le mois prochain, établira les conditions dans lesquelles aura lieu ce basculement complet dans la télévision numérique. La multiplication par trois du nombre de chaînes produira une dynamique formidable pour la production de fiction française. Le numérique est un moyen extraordinaire au service de la diffusion de la fiction française, elle ne doit en aucun cas la menacer, mais au contraire participer à son développement.
Je terminerai en évoquant un sujet qui me tient à coeur, et que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer devant vous, il s'agit de la question des rediffusions. Ce sujet me semble très important au regard des possibilités de développement de la fiction sur nos écrans. Il m'a semblé important de chercher à faire évoluer la situation actuelle, marquée par un nombre de rediffusions très limitées, d'abord pour permettre aux nombreuses fictions de qualité une meilleure exposition, mais aussi pour créer un appel d'air général pour un développement, à toute heure, de la fiction. C'est dans cet esprit que j'ai confié à Raphaël Hadas-Lebel en septembre dernier une mission. Je suis heureux de vous annoncer que le rapport qu'il m'a remis est en ligne sur le site du ministère (culture.gouv.fr) dès ce matin. Le travail qu'il a mené, avec sa très haute compétence et sa très riche expérience du secteur, et les conclusions auxquelles il aboutit me semblent ouvrir des perspectives extrêmement intéressantes pour débloquer une situation paradoxale, qui voit les chaînes françaises contribuer à la production de fictions de qualité très coûteuses, mais qu'elles ne rediffusent pas ou très peu, en leur préférant des fictions étrangères.
Les propositions de Raphaël Hadas-Lebel visent à satisfaire trois principes : la diminution du coût des rediffusions pour les diffuseurs, un maintien, au moins, du montant global des droits voisins, et même une augmentation, dans la perspective attendue du décollage souhaité des rediffusions, une convergence accrue entre les modes de rémunération utilisés sur les divers médias, actuels ou futurs, comme la TNT. Je souhaite inscrire ces objectifs dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. Cela passe aussi par la renégociation de certains éléments de la convention collective de 1992 ; avec Gérard Larcher, nous sommes prêts à soutenir et à accompagner une initiative des partenaires sociaux du secteur, qui inscrirait cette révision dans les travaux actuels des commissions mixtes paritaires de la production audiovisuelle et de la télédiffusion, sous la forme, par exemple, d'un groupe de travail commun à ces deux commissions.
Je souhaite que ce chantier important aboutisse rapidement.
Je suis conscient des fragilités permanentes du secteur de la fiction. Et je suis bien décidé à l'aider à affronter les révolutions technologiques qui l'attendent et les mutations du paysage audiovisuel en cours. Car par son histoire, par sa richesse, par sa vitalité, la fiction télévisuelle appartient à part entière à notre patrimoine culturel : oui, la fiction française est un élément essentiel de la diversité culturelle, valeur essentielle et principe fondamental de mon action, principe désormais inscrit dans le droit international, avec l'adoption l'an dernier de la convention de l'UNESCO, dont le projet de loi de ratification vient d'être adopté par l'Assemblée nationale, et sera dans les toutes prochaines semaines, ici même, soumis au vote du Sénat.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 12 juin 2006