Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'état d'avancement des textes d'application de la loi d'orientation agricole du 6 janvier 2006, à l'Assemblée nationale le 7 juin 2006.

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Circonstance : Présentation de la loi d'orientation agricole à l'Assemblée nationale, Paris le 7 juin 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je me réjouis d'être aujourd'hui parmi vous, pour vous apporter toute l'information disponible sur l'état d'avancement des textes d'application de la Loi du 6 janvier 2006 d'orientation agricole. L'Assemblée nationale, et en particulier votre commission, ont dès l'origine très fortement contribué à l'enrichissement du contenu de cette loi. J'ai encore présent en mémoire la qualité de nos échanges d'octobre dernier. La portée de vos réflexions et l'intensité de nos débats dans cet hémicycle ont ainsi permis de tracer des perspectives nouvelles et ambitieuses pour le développement de notre agriculture et de notre secteur agro alimentaire.
La loi d'orientation agricole est le fruit d'une nécessité et d'une volonté politique forte. Elle donne une impulsion nouvelle au secteur agricole et agroalimentaire pour les 20 prochaines années.
Il convient maintenant que la Loi puisse être appliquée rapidement dans son intégralité.
Dans l'élaboration des textes d'application j'ai été guidé par trois grands principes :
- Mobilisation des services car le chantier est vaste.
- Concertation approfondie avec l'ensemble des parties prenantes.
- Fidélité aux intentions du législateur.
1 - Mobilisation des services :
Le chantier est effectivement vaste :
Le projet initial présenté par le Gouvernement au Parlement, le 18 mai 2005, comptait 35 articles. Après avoir été considérablement enrichi par un passionnant débat parlementaire, le texte promulgué en comporte le triple soit 105 articles. Soixante-quatre sont d'application immédiate. La mise en oeuvre des autres requiert l'adoption de 72 textes complémentaires à savoir :
- 10 ordonnances
- 18 décrets en Conseil d'Etat
- 28 décrets simples
- 16 instructions fiscales
Cela se traduit par la réécriture d'un bon quart du Code Rural.
Sur les 10 ordonnances, deux projets (relatifs au statut du fermage, accidents du travail et maladies professionnelles) sont actuellement devant le Conseil d'Etat et devraient être adoptés en Conseil des Ministres ce mois ci.
6 projets d'ordonnances sont actuellement rédigés et seront transmis au Conseil d'Etat au cours de ce mois.
Deux projets (la protection sociale des non salariés agricoles exploitant moins d'1/2 SMI et celle relative à l'outre mer ), moins avancés sont en cours de mise au point technique.
J'ai veillé, conformément à mes engagements à ce que les parlementaires disposent des projets de textes dès qu'ils sont élaborés.
La Loi appelle également 46 décrets pour 33 articles.
A ce jour cinq décrets sont publiés (2 relatifs à la réforme des offices, le Conseil de la modération, le bail cessible et le contrôle des pêches).
Trois sont en cours de signature (filiales de l'ONF, ateliers porcins, observatoires des distorsions)
La procédure d'agrément des Gaec -art 10- est actuellement devant le Conseil d'Etat.
2 - mobilisation des services donc mais aussi concertation approfondie avec l'ensemble des parties prenantes
L'élaboration des textes d'application de la Loi d'Orientation Agricole suppose la consultation obligatoire de :
- 12 Ministères
- 4 collectivités territoriales et
- 14 organismes divers dont la Commission Européenne
Au-delà de ces consultations obligatoires, j'ai souhaité reprendre pour la mise en place des textes d'application, le processus de vaste concertation qui avait marqué l'élaboration de la loi.
Plusieurs séances de travail et d'explications dans des configurations variées ont donc ainsi été organisées avec l'ensemble des parties prenantes. La représentation nationale y a été associée notamment en la personne de vos rapporteurs.
Cela étant, il était également clair d'emblée que la concertation dans l'élaboration des textes d'applications ne devait remettre en cause ni les intentions du législateur, ni les équilibres auxquels nous étions parvenus.
Fidélité au texte tel était le troisième principe que je m'étais fixé.
Après cet état des lieux de la mise en oeuvre, je vous propose maintenant d'examiner l'état d'avancement de certaines dispositions emblématiques de la Loi :
S'agissant du développement des entreprises agricoles, nous avons bien progressé.
Le bail cessible qui représente une avancée sensible en terme de modernisation du statut de l'exploitation peut d'ores et déjà être signé, depuis la publication du décret du 23 mars dernier. La création du fonds agricole fera très prochainement l'objet d'un décret permettant la déclaration du fonds auprès du centre de formalité des entreprises qui est en cours de finalisation.
Afin de faciliter la transmission, la Loi a également instauré une déduction fiscale en cas de différé de paiement accordé au repreneur. L'instruction fiscale correspondante a été publiée le 30 mai dernier.
La simplification du contrôle des structures (article 14) avait beaucoup animé nos débats. Depuis le début de l'année, de nombreuses réunions avec les partenaires concernés ont permis de déboucher sur un compromis équilibré, en phase avec le résultat de nos débats qui va me permettre de signer le décret très prochainement.
Le titre I comporte aussi un ensemble de mesures visant à promouvoir l'emploi, améliorer la protection sociale et les conditions de travail des exploitants et de leurs familles.
La loi (article 21) crée une obligation de choix d'un statut professionnel pour les conjoints participant aux travaux. Le projet de décret précise les modalités d'option du conjoint collaborateur pour son statut. Il est actuellement en phase finale de concertation avec les Organisations Professionnelles Agricoles et devrait pouvoir être transmis au Conseil d'Etat début juin.
L'article 23 de la loi prévoit 2 ordonnances d'application :
- L'une vise à améliorer la protection sociale des non-salariés agricoles exploitant des terres d'une superficie inférieure à la moitié de la surface minimum d'installation
Un avant projet d'ordonnance a été soumis aux Organisations Professionnelles au mois de mai. Des travaux supplémentaires ont été demandés aux services du Ministère et à la Caisse Centrale de Mutualité sociale agricole pour préciser les paramètres du projet (taux de cotisation).
- Le projet d'ordonnance sur les régimes d'assurances contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés et des non-salariés agricoles a été préparé et transmis au Conseil d'Etat. Il y sera étudié en juin.
La création d'un crédit d'impôt-remplacement (article 25) permet aux exploitants de se faire remplacer 14 jours par an. La mise en oeuvre de cette disposition nécessite un décret qui devrait être adopté dans le courant de ce mois.
La Loi prévoit également la mise en place de dispositifs d'exonérations nouvelles en faveur de l'emploi agricole (articles 26,27 et 31) :
Emploi de salariés en CDI par les groupements d'employeurs ; transformation de CDD en CDI, passage de 100 à 119 jours des exonérations pour travailleurs occasionnels et élargissement de la mesure aux entreprises de travaux forestiers et agricoles ;emplois saisonniers de salariés de moins de 26 ans (exonération de la part salariale).
Deux projets de décret ont été préparés pour l'application de ces articles et font actuellement l'objet des consultations obligatoires auprès des organismes du régime général qui ont été saisis selon la procédure d'urgence. Les deux textes seront mis dans le circuit des signatures en juin.
Dans le domaine de la formation des chefs d'entreprise, la reconversion des exploitants en difficulté est améliorée par la possibilité de bénéficier d'un revenu de remplacement pendant leur congé de formation (article 33). Le projet de décret prévoit un revenu de remplacement fixé à 75% du SMIC. Il doit être soumis à la consultation du Conseil supérieur de la formation tout au long de la vie lequel se réunit le 21 juin 2006. Le texte lui a été transmis à cet effet.
Pour favoriser l'activité la loi prévoit également la possibilité pour les CUMA de stabiliser leurs emplois saisonniers par des activités de mise à disposition au profit de leurs adhérents (article 58 dernier alinéa). Le projet de décret fixe à 30% le pourcentage de la masse salariale que chaque CUMA peut consacrer à l'activité de groupement d'employeurs au profit de ses adhérents. Il doit être mis prochainement dans le circuit de signatures.
Le titre III vise à consolider le revenu agricole et à favoriser l'activité notamment en améliorant les débouchés des produits agricoles tels que les bio carburants, les huiles végétales et les bio-produits.
S'agissant des biocarburants, un nouvel appel à candidatures sera publié au journal Officiel de l'Union européenne portant sur des volumes supplémentaires de 900 000 t/an de biodiesel et 200 000 t/an de bioéthanol. Les agréments correspondants seront accordés aux opérateurs au cours de l'automne prochain.
Les dispositions qui déterminent les conditions d'autorisation des Huiles Végétales Pures comme carburant agricole et de leur exonération de la taxe intérieure de consommation s'inscriront dans le cadre plus large d'un décret donnant un statut fiscal propre aux unités de production de biocarburants.
La rédaction de ce décret par la Direction Générale des Douanes est achevée
Le second décret précisant les modalités de production, de commercialisation et d'utilisation des Huiles Végétales Pures comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche interviendra en fin du second semestre 2006 de manière à tirer tous les enseignements du texte précédent.
Par ailleurs, de nombreux élus locaux ont exprimé le souhait de conduire, dans un cadre réglementaire approprié, des expériences d'utilisation d'Huiles Végétales Pures en cohérence avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur l'organisation décentralisée de la République prévoyant le droit à l'expérimentation pour les collectivités locales.
A cet effet, j'ai sollicité mes collègues François LOOS et Jean-François COPE dans le but d'examiner les conditions de création d'un cadre légal approprié à ces expérimentation.
L'une des dispositions fiscales, prévues à l'article 49, ayant pour objectif de faciliter le développement des produits agricoles et forestiers à des fins énergétiques, étend aux usages non domestiques le taux réduit de la TVA sur le bois-énergie. L'instruction fiscale correspondante a été publiée le 20 mars 2006.
Le développement des Bioplastiques a reçu une impulsion décisive avec l'article 47 de la Loi qui prévoit l'interdiction à compter du 1er Janvier 2010 des sacs de caisses en plastique non bio dégradable.
Deux décrets sont prévus,
- Le premier précise le champ de la mesure d'interdiction et définit les contrôles et sanctions qui y sont liées, il est actuellement rédigé et devrait être prochainement présenté à ma signature et au contreseing des ministres de l'Economie, de la Justice, de l'environnement, des PME et de l'industrie.
- le second qui doit être pris avant le mois de décembre devra fixer les taux d'incorporation de matière d'origine végétale dans différents usages du plastique. Les travaux techniques préparatoires à la rédaction de ce texte ont d'ores et déjà débuté.
renforcer l'organisation économique
Cela passe par le renforcement des organisations de producteurs et la modernisation du statut de la Coopération agricole.
L'article 53 de la LOA définit les principes applicables en matière de reconnaissance des organisations de producteurs et élargit les attributions des interprofessions.
Des décrets doivent, par secteur, fixer les conditions d'attribution et de retrait de cette reconnaissance. Dans les secteurs de l'élevage et des fruits et légumes, deux projets ont été élaborés en étroite concertation avec les familles professionnelles. Ils devraient être publiés d'ici le début de l'été. Dans le secteur de la viticulture nous avions le choix entre tenir compte des orientations qui seront fixées en la matière lors de la prochaine réforme de l'OCM viticole et d'attendre l'adoption de la nouvelle réglementation communautaire, fin 2006 ou au contraire tenter d'influencer la réforme de l'OCM en faisant connaître dès à présent nos orientations en matière d'organisation du secteur. C'est cette seconde option que j'ai privilégié et les textes sont en préparation accélérée afin que nous soyons en mesure de peser de manière à la fois constructive et déterminée sur les débats communautaires préludant à la mise en place de la future OCM.
Afin de moderniser le statut de la Coopération agricole, l'article 59 habilite le Gouvernement à rédiger un projet d'ordonnance qui réforme les règles de fonctionnement, d'administration et de révision des coopératives agricoles. Ce texte est désormais rédigé pour l'essentiel, en liaison étroite avec la profession. Seules certaines dispositions concernant le contrôle légal des comptes par les sociétés de révision des coopératives agricoles doivent encore faire l'objet dans les tous prochains jours, d'échanges complémentaires avec le Ministère de la Justice puis, si nécessaire, d'un arbitrage du Premier ministre.
De même, le décret prévu par l'article 58 de la LOA pour la mise en place d'un Haut conseil de la coopération agricole est prêt. Il a été élaboré en étroite concertation avec COOP de France et avec votre collègue François Guillaume, qui avait proposé cette orientation dans son rapport au Premier Ministre le 20 octobre 2004.
Enfin, le projet de décret relatif à la composition et au fonctionnement de l'observatoire des distorsions, souhaité par votre collègue Jacques Le Guen est rédigé et finalisé. Je serai amené à le signer dans les tous prochains jours. Je souhaite que l'observatoire puisse tenir sa réunion d'installation au cours de la première quinzaine de juillet.
Le titre IV est consacré aux attentes des citoyens et des consommateurs.
Elles sont fortes dans deux domaines :
- L'environnement
- La sécurité sanitaire et la qualité des produits
- La meilleure prise en compte de l'environnement reste un enjeu primordial pour tous. Le bail environnemental permettra d'assurer la préservation des espaces agricoles qui le nécessitent. Le décret est en cours de discussion avec les organisations professionnelles agricoles qui ont compris l'enjeu pour l'avenir de leur métier.
La LOA a prévu, pour une période de 3 ans, un crédit d'impôt pour l'agriculture biologique afin de reconnaître la plus value particulière apportée par cette forme d'activité, en termes environnementaux. Le décret nécessaire a la concrétisation de cette mesure est en cours de publication, permettant ainsi aux agriculteurs concernés de prétendre à ce dispositif au titre de leurs impôts 2005.
Les formulaires spécifiques permettant d'insérer le calcul de ce crédit d'impôt dans les déclaration fiscales de 2006 sont disponibles.
- L'Ordonnance « Qualité » (article 73 de la LOA) constitue sans nul doute d'une orientation stratégique qui vise à procéder à une réorganisation de grande ampleur de notre dispositif de valorisation des produits agricoles et agro alimentaires.
Au terme d'une large concertation qui a associé les représentants d'un très grand nombre de familles professionnelles, les consommateurs, ainsi que vos rapporteurs, un consensus a pu être trouvé sur l'essentiel des orientations de fond à mettre en oeuvre. Celles-ci sont concrétisées dans un texte de projet d'ordonnance et dans un projet de décret, dont la consolidation définitive devrait intervenir dans les toutes prochaines semaines.
Le dispositif permet, notamment, de dessiner l'architecture du nouvel institut national de l'origine et de la qualité, tant dans son organisation que dans son mode de fonctionnement.
Tels sont les éléments les plus saillants que je voulais porter à votre appréciation. Comme vous pouvez le constater, la mise en oeuvre des textes d'application de la loi d'orientation agricole s'effectue de façon déterminée, concertée et fidèle. Je suis maintenant à votre disposition pour toute question que vous souhaiteriez me poser.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 13 juin 2006