Texte intégral
Q- Vous donnez l'impression que vous allez jouer tout à l'heure à Stuttgart.
R- J'aimerais bien, mais je n'en ai pas la prétention.
Q- La France joue contre la Suisse mais on a l'impression que ce sont les Onze qui portent en eux le moral de tout le pays, de tous les Français.
R- C'est vrai que c'est une grande fête. Les Français - je le vois dans ma famille - vivent au rythme du Mondial. Que les Français vivent au rythme du Mondial, c'est une bonne chose, après tout ce qu'on a vécu, je crois que cela relativise aussi un peu le passé, et ça prépare bien l'avenir.
Q- Vous croyez que cela va faire passer les décisions qui ont été prises ou qui ont été prises à propos du budget. [On évoque] 15.000 fonctionnaires en moins sur 5 millions. Tant que vous y êtes, pourquoi pas plus ?
R- Tout simplement, parce qu'on ne travaille pas comme ça. Je n'ai jamais, dans les organisations dont j'ai eu la responsabilité, considéré que les hommes et les femmes étaient une variable d'ajustement. Tout simplement parce que lorsque l'on a à construire le budget de la France, on le fait avec une vision. Cette vision, elle est très simple dans ce budget : il faut préparer désormais notre pays au désendettement. Et ce budget est le premier budget d'un programme quinquennal, qui va être présenté dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, dans quelques jours, au Parlement, et qui doit ramener la France dans les normes, dans les clous, parce que c'est vrai que depuis vingt-cinq ans, on est allé beaucoup trop loin, parce qu'on a brisé cette solidarité intergénérationnelle, parce qu'il faut préparer l'avenir.
Q- Donc, nous sommes en route mais si c'est pour moderniser l'Etat, il y a encore de la marge, il y a encore du mou ?
R- Oui mais il faut le faire sans pour autant que l'Etat renonce à ses missions premières. Et vous savez, vous disiez tout à l'heure, il y a cinq millions de fonctionnaires. C'est vrai que nous avons affaire à une pyramide d'âge désormais qui fait que beaucoup de fonctionnaires partent en retraite.
Q- 85.000 l'année prochaine.
R- Entre 70 et 80.000 l'année prochaine. Eh bien, on ne va pas en remplacer 15.000. C'est vrai qu'en valeur absolue, c'est beaucoup, c'est vrai qu'au regard de l'Etat, on peut le faire, sans pour autant pénaliser les uns et les autres. Quand on regarde du reste ce qui se passe, on embauche des fonctionnaires, par exemple pour la Justice, par exemple pour la police. Sur l'Education - c'est un bon exemple, l'Education - à l'Education, nous avons plus d'un million de professeurs...
Q- Moins 7.000.
R- Moins 7.134 à l'Education nationale.
Q- Pourquoi ?
R- Voilà la bonne question : pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que nous avons une démographie qui évolue. Cette démographie, elle fait qu'on a un petit peu plus de petits enfants qui rentrent à l'école, donc il faut mettre plus de professeurs et de maîtres dans les écoles, beaucoup moins dans le collège, donc il faut en retirer un petit peu, et un peu plus dans l'enseignement supérieur. Eh bien, tout ceci se traduit par plus 1.568 dans l'enseignement supérieur, et, au total, moins dans les collèges...
Q- Vous entendez les syndicats et les gens des lycées : "vous faites fi des besoins de l'Education !"
R- J.-P. Elkabbach, 1 million de professeurs et d'enseignants à l'Education nationale moins 7.134, parce qu'il faut nous adapter à la démographie, parce que par ailleurs, nous avons fait des audits qui démontrent aujourd'hui qu'il y a des endroits où l'on peut faire autrement avec un petit peu moins. Eh bien, c'est la responsabilité d'un Gouvernement que de faire en sorte de donner les moyens disponibles pour préparer l'avenir, sans pour autant évidemment obérer nos missions.
Q- Est-ce que je peux vous demander qui prend la décision : D. de Villepin ou T. Breton ?
R- C'est un travail collectif, évidemment. C'est nous qui préparons, c'est ma mission. Je suis ministre des Finances, donc je prépare avec J.-F. Copé le budget et avec surtout l'ensemble des autres ministres, je tiens à le dire. Tout ce qui a été annoncé hier a été discuté, négocié avec l'ensemble des ministres, et accepté évidemment par eux. Et puis ensuite, c'est le Premier ministre évidemment qui est le chef d'orchestre.
Q- Le message politique [c'est] : "le Gouvernement gouverne, ce Gouvernement gouverne, D. de Villepin reste Premier ministre ?"
R- Le vrai message politique, si vous me permettez, c'est : le gouvernement a décidé de s'attaquer au problème de la dette de la France. C'est un problème majeur, c'est du reste désormais l'une des cinq préoccupations, à juste titre, des Français. J'ai décidé, je l'ai annoncé que dès cette année, la dette de la France baisserait de 2 points par rapport au PIB. J'ai du reste une nouvelle à vous annoncer ce matin...
Q- Je veux dire est-ce que ça commence, parce que vous nous l'avez dit en décembre. Depuis décembre, cinq mois après, est-ce qu'il y a des résultats ?
R- Nous allons annoncer que pour la première fois - donc on fera un communiqué dans quelques minutes - on est déjà au tiers de cet objectif, puisque depuis le début de l'année, on a réduit de 11 milliards 300 millions l'endettement, par une meilleure gestion de la dette de la France. Donc, oui, on tiendra l'objectif de moins 2 % d'endettement de la France, avec un objectif qui a été annoncé par le Premier ministre : dans les cinq ans qui viennent, nous allons revenir sous la barre des 60 %, préparer l'avenir, faire en sorte que notre pays redevienne un pays moderne, dans la mesure où il ne laisse pas sur les autres, il ne se décharge pas de ses responsabilités sur les générations à venir. Pardon de le dire, mais quand je vois le programme socialiste, c'est un programme de la dette...
Q- On y arrivera tout à l'heure, ne soyez pas trop pressé.
R- Non, parce que vous me demandez le message politique, je vous le donne. Il est là le message politique.
Q- Autrement dit, à un an des présidentielles, vous voulez bien montrer - c'est aussi un signe politique - qu'il y a une ligne de démarcation entre vous, les libéraux qui gouvernez d'une manière efficace pour la dernière année et les socialistes qui vont lâcher et lâcher ?
R- Il y a tout simplement le fait que nous sommes en responsabilité, que nous sommes en quinquennat, et qu'en quinquennat, chaque année compte, toutes les années sont des années utiles et que donc, il faut travailler jusqu'au dernier moment. C'est notre responsabilité. C'est un budget responsable, il aurait été irresponsable de faire ce qu'a fait par exemple le Gouvernement de L. Jospin, la dernière année, en 2002 : un budget où ils ont embauché 30.000 fonctionnaires. Cela n'a tout simplement pas de sens.
Q- Vous avez vu que, comme c'est prévisible, les syndicats s'époumonent avec deux critiques : "vous affaiblissez les services publics, et d'autre part, votre vision est purement comptable et dogmatique".
R- Eh bien ce n'est ni l'un ni l'autre, elle n'est absolument pas comptable car nous ne nous étions fixé aucun objectif en terme de réduction ou de non reconduction de départs en retraite, aucun, on a tout simplement mission par mission travaillé avec les ministres pour voir quels étaient les besoins. Je prends l'exemple de Bercy, nous avons mis en oeuvre à Bercy la déclaration pré remplie et la déclaration sur Internet. C'est un formidable succès. On a économisé 750 postes. Fallait-il réembaucher 750 personnes de plus ? Non.
Q- Mais enfin vous vous rendez compte ce que vous dites ? "On a économisé 750 postes", on a l'impression que tout se joue pour ajuster sur le social, c'est-à-dire les effectifs.
R- Non, cela veut dire que l'on peut faire avec les personnels autre chose et c'est cela la vie. A charge pour nous, bien sûr, c'est notre responsabilité, c'est ma responsabilité de ministre, de donner la formation aux fonctionnaires pour pouvoir se réadapter en permanence à de nouveaux métiers.
Q- Il y a des secteurs tout de même qui vont devenir prioritaires ou qui sont prioritaires.
R- Bien sûr.
Q- Par exemple, les promesses faites pour les banlieues. Est-ce que les banlieues vont en souffrir ?
R- Absolument pas. Le budget de J.-L. Borloo augmente de 3 %.
Q- Donc là, il ne se plaint pas. Et quels sont les autres secteurs, par exemple la Justice. Le président de la République installe aujourd'hui le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il va dire sans doute qu'il veut une justice plus rapide, plus humaine, plus juste, indépendante. Aura-t-elle les moyens de l'être ?
R- Eh bien écoutez, pour la justice, nous avons 71.475 postes dans la justice, c'est beaucoup, c'est 500 postes de plus que l'année dernière, donc ce n'est pas mal.
Q- Et vous estimez que cela suffit ?
R- En tout cas c'est ce que nous avons discuté avec P. Clément et je crois qu'il est satisfait.
Q- Quel est aujourd'hui votre objectif ou votre promesse dans le domaine de la croissance à partir des chiffres d'aujourd'hui ?
R- Eh bien à partir des chiffres d'aujourd'hui, je le redis, nous sommes solidement installés dans une croissance entre 2 et 2,5 %. J'observe par ailleurs que nous sommes l'un des pays européens qui est le plus solidement entré dans cette croissance. J'observe par ailleurs que par rapport aux quatre grands pays européens que sont l'Allemagne, que sont la France, que sont l'Italie, que sont la Grande-Bretagne, la France est le seul à être retombé sous la barre du déficit des 3 %. Nous avons vraiment mis en place une gestion rigoureuse, vertueuse disons, et c'est elle aussi qui aujourd'hui nous permet de consolider la croissance que nous voyons désormais s'installer solidement sur la zone euro.
Q- Vous avez dit l'autre jour que vous aviez calculé que le programme socialiste coûterait 100 milliards d'euros ?
R- Oui, je confirme.
Q- Bercy calcule mal ou ment-il ? Parce que F. Hollande dit "34 milliards en cinq ans" et D. Strauss-Kahn "50 milliards".
R- Qui faut-il croire, F. Hollande, D. Strauss-Kahn, T. Breton ? Eh bien, les auditeurs jugeront. Moi, en tout cas, ce que je peux vous dire, c'est que c'est au moins 100 milliards et ce n'est pas très compliqué de le voir. Ce qui est plus embêtant, c'est que quand on demande comment on va financer cela, on nous dit : "on verra plus tard".
Q- Non, ils disent "1 point de croissance". On en arrive à dire, pourquoi ne faites vous pas la même chose : vous priez pour la croissance ou alors en faites- la...
R- Tout simplement parce que - D. Strauss-Kahn le sait bien, c'est pour cela, vous voyez qu'il est extrêmement embarrassé - parce que quand on a été ministre des Finances, on sait que l'on ne fonctionne pas comme cela. On ne dit pas, on ne croit pas, on ne fait pas des incantations pour la croissance et puis on dit derrière : on met les dépenses en face. On contrôle son budget, on le gère en bon père de famille et puis derrière, on stimule la croissance. C'est l'inverse, il le sait très bien. D'où son malaise et d'où le fait que ce que nous voyons nous, c'est que si ce programme est appliqué, je le redis quand même... On entend des mots, moi j'étais à St Pétersbourg au G8 samedi, mes collègues ministres des autres pays me disaient "mais la France ! Comment : nationalisation, généralisation des 35 heures, on arrête la réforme des retraites, mais quel est ce programme ?" Il faut voir l'image que cela donne de notre pays.
Q- Vous voulez dire que tout cela aura un coût ?
R- Cela aura un coût et ce coût, évidemment, comme on ne peut pas le financer, eh bien il sera fait comme l'on toujours fait les socialistes : on le repousse dans la dette. Non, le Parti socialiste, c'est le parti de la dette. On vient d'en avoir une fois de plus la démonstration. C'est embêtant, quand on est - je ne le dis pas en polémiquant, -quand on a envie d'être le parti des jeunes, être le parti des jeunes, c'est se préoccuper des jeunes, c'est dire, finalement on ne peut pas faire en sorte de mettre toutes nos dépenses sur le dos des jeunes. C'est ce que fait ce programme : on n'a pas les moyens de le financer, ce n'est pas grave, on verra plus tard, on le fera financer par la jeunesse. Eh bien cela c'est intolérable et inacceptable, c'est irresponsable.
Q- Ils vous répondent deux choses quand vous leurs dites : "on verra plus tard" ils vous répondent : "avec vous, on voit déjà" et deuxièmement vous allez leur laisser en 2007 - s'ils gagnent - une ardoise qui sera lourde.
R- Absolument pas, elle est nettement améliorée. Regardez, encore une fois, ce qu'a dit Y. Almounia le commissaire européen, la semaine dernière. Il a donné des satisfecit à la France, c'est suffisamment inhabituel pour que je me permette de le noter, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, nous sommes en train enfin de redevenir, après quatre ans d'efforts considérables. Je rappelle, pendant quatre ans - c'est une première dans nos institutions, dans nos histoires - sous le Gouvernement de J.-P. Raffarin et de D. de Villepin, on n'a pas augmenté les dépenses de la France de plus que l'inflation. Cette année, pour la première fois, on les baisse même, ce n'était jamais arrivé. Oui mais les Français attendent cela. Il faut être responsable, on ne peut plus raconter d'histoires.
Q- Vous allez recevoir ce soir les élus UMP qui vont se prononcer sur la fusion éventuelle de Gaz de France-Suez. Est-ce que vous leur demanderez, le moment venu, de voter cette fusion ?
R- On est en concertation, on est à la dernière phase de la concertation...
Q- D'accord, mais quel est votre choix ?
R- Encore une fois, le Gouvernement a reçu le président de Gaz de France,
M. Cirelli, le président de Suez, M. Mestrallet, qui portent ce projet
depuis des mois. Ils nous l'ont expliqué. Nous considérons que c'est un
bon projet, c'est un bon projet pour les entreprises, c'est un bon projet
pour la France. Et c'est évidemment ce que je vais expliquer...
Q- Si c'est un bon projet, vous leur demandez de le voter ?
R- Bien entendu, puisque ce c'est un bon projet.
Q- Est-ce que N. Sarkozy, président de l'UMP, est d'accord ?
R- Mais il considère aussi que c'est un bon projet, comme P. Devedjian l'a dit lui-même encore hier, en disant qu'il fallait aller très vite.
Q- J.-L. Borloo, lui, est réservé sur l'opération. Il ne la trouve ni stratégique ni vitale. Il est casse-pieds ce Borloo ?
R- Non, Jean-Louis a des opinions sur beaucoup de choses...
Q- Déjà sur le CPE mais il n'avait pas eu tort.
R- Il a des opinions sur beaucoup de choses. Sur ça aussi. Ceci dit, moi je constate qu'il y a d'autres opinions - je l'ai dit tout à l'heure, P. Devedjian et d'autres - qui disent qu'il faut aller vite. La position du Gouvernement elle est très claire, nous avons mis une phase de concertation extrêmement large avec les syndicats, désormais avec les parlementaires. Viendra ensuite le temps du Parlement, le temps du vote et puis ensuite le temps des assemblées générales, on suit le calendrier.
Q- Avant le 14 juillet ?
R- Ah ! La concertation, bien entendu oui.
Q- Non mais le vote avant le 14 juillet ?
R- Vous savez qu'il y a deux Chambres. Il est absolument impossible de faire examiner le texte par les deux Chambres avant le 14 juillet. Une, c'est sans doute possible, deux ce n'est pas possible.
Q- Quand on entend les ministres, on se dit qu'ils sont à peu près tous satisfaits de leur action...
R- Sauf moi, je ne suis jamais content de moi !
Q- ...Et qu'ils se donnent une bonne note. Et, finalement, on se dit : "quand ce Gouvernement, cet exécutif n'est pas audible, il n'y en a qu'un qui est mauvais, c'est celui qui est à l'Elysée" ?
R- Je pense toujours que l'on doit pouvoir faire mieux, moi je suis toujours très exigeant avec moi. Et puis, pour une équipe - vous avez commencé sur le football, on va finir sur le football. Ce qui fait le succès d'une équipe, il ne faut jamais l'oublier, c'est le capitaine ; moi je crois que c'est surtout l'entraîneur. Et je tiens à vous le dire, le Président de la République est derrière toutes les réformes. C'est lui qui a voulu le Plan de cohésion sociale ; vous n'avez pas idée de la pression qu'il a mise sur ses ministres pour que celui-ci soit mis en oeuvre ; c'est lui qui a voulu la réforme que nous avons porté sur la fiscalité ; c'est lui qui a arbitré le budget qui vient d'être proposé par le Premier ministre. Non, nous avons un coach.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juin 2006
R- J'aimerais bien, mais je n'en ai pas la prétention.
Q- La France joue contre la Suisse mais on a l'impression que ce sont les Onze qui portent en eux le moral de tout le pays, de tous les Français.
R- C'est vrai que c'est une grande fête. Les Français - je le vois dans ma famille - vivent au rythme du Mondial. Que les Français vivent au rythme du Mondial, c'est une bonne chose, après tout ce qu'on a vécu, je crois que cela relativise aussi un peu le passé, et ça prépare bien l'avenir.
Q- Vous croyez que cela va faire passer les décisions qui ont été prises ou qui ont été prises à propos du budget. [On évoque] 15.000 fonctionnaires en moins sur 5 millions. Tant que vous y êtes, pourquoi pas plus ?
R- Tout simplement, parce qu'on ne travaille pas comme ça. Je n'ai jamais, dans les organisations dont j'ai eu la responsabilité, considéré que les hommes et les femmes étaient une variable d'ajustement. Tout simplement parce que lorsque l'on a à construire le budget de la France, on le fait avec une vision. Cette vision, elle est très simple dans ce budget : il faut préparer désormais notre pays au désendettement. Et ce budget est le premier budget d'un programme quinquennal, qui va être présenté dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, dans quelques jours, au Parlement, et qui doit ramener la France dans les normes, dans les clous, parce que c'est vrai que depuis vingt-cinq ans, on est allé beaucoup trop loin, parce qu'on a brisé cette solidarité intergénérationnelle, parce qu'il faut préparer l'avenir.
Q- Donc, nous sommes en route mais si c'est pour moderniser l'Etat, il y a encore de la marge, il y a encore du mou ?
R- Oui mais il faut le faire sans pour autant que l'Etat renonce à ses missions premières. Et vous savez, vous disiez tout à l'heure, il y a cinq millions de fonctionnaires. C'est vrai que nous avons affaire à une pyramide d'âge désormais qui fait que beaucoup de fonctionnaires partent en retraite.
Q- 85.000 l'année prochaine.
R- Entre 70 et 80.000 l'année prochaine. Eh bien, on ne va pas en remplacer 15.000. C'est vrai qu'en valeur absolue, c'est beaucoup, c'est vrai qu'au regard de l'Etat, on peut le faire, sans pour autant pénaliser les uns et les autres. Quand on regarde du reste ce qui se passe, on embauche des fonctionnaires, par exemple pour la Justice, par exemple pour la police. Sur l'Education - c'est un bon exemple, l'Education - à l'Education, nous avons plus d'un million de professeurs...
Q- Moins 7.000.
R- Moins 7.134 à l'Education nationale.
Q- Pourquoi ?
R- Voilà la bonne question : pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que nous avons une démographie qui évolue. Cette démographie, elle fait qu'on a un petit peu plus de petits enfants qui rentrent à l'école, donc il faut mettre plus de professeurs et de maîtres dans les écoles, beaucoup moins dans le collège, donc il faut en retirer un petit peu, et un peu plus dans l'enseignement supérieur. Eh bien, tout ceci se traduit par plus 1.568 dans l'enseignement supérieur, et, au total, moins dans les collèges...
Q- Vous entendez les syndicats et les gens des lycées : "vous faites fi des besoins de l'Education !"
R- J.-P. Elkabbach, 1 million de professeurs et d'enseignants à l'Education nationale moins 7.134, parce qu'il faut nous adapter à la démographie, parce que par ailleurs, nous avons fait des audits qui démontrent aujourd'hui qu'il y a des endroits où l'on peut faire autrement avec un petit peu moins. Eh bien, c'est la responsabilité d'un Gouvernement que de faire en sorte de donner les moyens disponibles pour préparer l'avenir, sans pour autant évidemment obérer nos missions.
Q- Est-ce que je peux vous demander qui prend la décision : D. de Villepin ou T. Breton ?
R- C'est un travail collectif, évidemment. C'est nous qui préparons, c'est ma mission. Je suis ministre des Finances, donc je prépare avec J.-F. Copé le budget et avec surtout l'ensemble des autres ministres, je tiens à le dire. Tout ce qui a été annoncé hier a été discuté, négocié avec l'ensemble des ministres, et accepté évidemment par eux. Et puis ensuite, c'est le Premier ministre évidemment qui est le chef d'orchestre.
Q- Le message politique [c'est] : "le Gouvernement gouverne, ce Gouvernement gouverne, D. de Villepin reste Premier ministre ?"
R- Le vrai message politique, si vous me permettez, c'est : le gouvernement a décidé de s'attaquer au problème de la dette de la France. C'est un problème majeur, c'est du reste désormais l'une des cinq préoccupations, à juste titre, des Français. J'ai décidé, je l'ai annoncé que dès cette année, la dette de la France baisserait de 2 points par rapport au PIB. J'ai du reste une nouvelle à vous annoncer ce matin...
Q- Je veux dire est-ce que ça commence, parce que vous nous l'avez dit en décembre. Depuis décembre, cinq mois après, est-ce qu'il y a des résultats ?
R- Nous allons annoncer que pour la première fois - donc on fera un communiqué dans quelques minutes - on est déjà au tiers de cet objectif, puisque depuis le début de l'année, on a réduit de 11 milliards 300 millions l'endettement, par une meilleure gestion de la dette de la France. Donc, oui, on tiendra l'objectif de moins 2 % d'endettement de la France, avec un objectif qui a été annoncé par le Premier ministre : dans les cinq ans qui viennent, nous allons revenir sous la barre des 60 %, préparer l'avenir, faire en sorte que notre pays redevienne un pays moderne, dans la mesure où il ne laisse pas sur les autres, il ne se décharge pas de ses responsabilités sur les générations à venir. Pardon de le dire, mais quand je vois le programme socialiste, c'est un programme de la dette...
Q- On y arrivera tout à l'heure, ne soyez pas trop pressé.
R- Non, parce que vous me demandez le message politique, je vous le donne. Il est là le message politique.
Q- Autrement dit, à un an des présidentielles, vous voulez bien montrer - c'est aussi un signe politique - qu'il y a une ligne de démarcation entre vous, les libéraux qui gouvernez d'une manière efficace pour la dernière année et les socialistes qui vont lâcher et lâcher ?
R- Il y a tout simplement le fait que nous sommes en responsabilité, que nous sommes en quinquennat, et qu'en quinquennat, chaque année compte, toutes les années sont des années utiles et que donc, il faut travailler jusqu'au dernier moment. C'est notre responsabilité. C'est un budget responsable, il aurait été irresponsable de faire ce qu'a fait par exemple le Gouvernement de L. Jospin, la dernière année, en 2002 : un budget où ils ont embauché 30.000 fonctionnaires. Cela n'a tout simplement pas de sens.
Q- Vous avez vu que, comme c'est prévisible, les syndicats s'époumonent avec deux critiques : "vous affaiblissez les services publics, et d'autre part, votre vision est purement comptable et dogmatique".
R- Eh bien ce n'est ni l'un ni l'autre, elle n'est absolument pas comptable car nous ne nous étions fixé aucun objectif en terme de réduction ou de non reconduction de départs en retraite, aucun, on a tout simplement mission par mission travaillé avec les ministres pour voir quels étaient les besoins. Je prends l'exemple de Bercy, nous avons mis en oeuvre à Bercy la déclaration pré remplie et la déclaration sur Internet. C'est un formidable succès. On a économisé 750 postes. Fallait-il réembaucher 750 personnes de plus ? Non.
Q- Mais enfin vous vous rendez compte ce que vous dites ? "On a économisé 750 postes", on a l'impression que tout se joue pour ajuster sur le social, c'est-à-dire les effectifs.
R- Non, cela veut dire que l'on peut faire avec les personnels autre chose et c'est cela la vie. A charge pour nous, bien sûr, c'est notre responsabilité, c'est ma responsabilité de ministre, de donner la formation aux fonctionnaires pour pouvoir se réadapter en permanence à de nouveaux métiers.
Q- Il y a des secteurs tout de même qui vont devenir prioritaires ou qui sont prioritaires.
R- Bien sûr.
Q- Par exemple, les promesses faites pour les banlieues. Est-ce que les banlieues vont en souffrir ?
R- Absolument pas. Le budget de J.-L. Borloo augmente de 3 %.
Q- Donc là, il ne se plaint pas. Et quels sont les autres secteurs, par exemple la Justice. Le président de la République installe aujourd'hui le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il va dire sans doute qu'il veut une justice plus rapide, plus humaine, plus juste, indépendante. Aura-t-elle les moyens de l'être ?
R- Eh bien écoutez, pour la justice, nous avons 71.475 postes dans la justice, c'est beaucoup, c'est 500 postes de plus que l'année dernière, donc ce n'est pas mal.
Q- Et vous estimez que cela suffit ?
R- En tout cas c'est ce que nous avons discuté avec P. Clément et je crois qu'il est satisfait.
Q- Quel est aujourd'hui votre objectif ou votre promesse dans le domaine de la croissance à partir des chiffres d'aujourd'hui ?
R- Eh bien à partir des chiffres d'aujourd'hui, je le redis, nous sommes solidement installés dans une croissance entre 2 et 2,5 %. J'observe par ailleurs que nous sommes l'un des pays européens qui est le plus solidement entré dans cette croissance. J'observe par ailleurs que par rapport aux quatre grands pays européens que sont l'Allemagne, que sont la France, que sont l'Italie, que sont la Grande-Bretagne, la France est le seul à être retombé sous la barre du déficit des 3 %. Nous avons vraiment mis en place une gestion rigoureuse, vertueuse disons, et c'est elle aussi qui aujourd'hui nous permet de consolider la croissance que nous voyons désormais s'installer solidement sur la zone euro.
Q- Vous avez dit l'autre jour que vous aviez calculé que le programme socialiste coûterait 100 milliards d'euros ?
R- Oui, je confirme.
Q- Bercy calcule mal ou ment-il ? Parce que F. Hollande dit "34 milliards en cinq ans" et D. Strauss-Kahn "50 milliards".
R- Qui faut-il croire, F. Hollande, D. Strauss-Kahn, T. Breton ? Eh bien, les auditeurs jugeront. Moi, en tout cas, ce que je peux vous dire, c'est que c'est au moins 100 milliards et ce n'est pas très compliqué de le voir. Ce qui est plus embêtant, c'est que quand on demande comment on va financer cela, on nous dit : "on verra plus tard".
Q- Non, ils disent "1 point de croissance". On en arrive à dire, pourquoi ne faites vous pas la même chose : vous priez pour la croissance ou alors en faites- la...
R- Tout simplement parce que - D. Strauss-Kahn le sait bien, c'est pour cela, vous voyez qu'il est extrêmement embarrassé - parce que quand on a été ministre des Finances, on sait que l'on ne fonctionne pas comme cela. On ne dit pas, on ne croit pas, on ne fait pas des incantations pour la croissance et puis on dit derrière : on met les dépenses en face. On contrôle son budget, on le gère en bon père de famille et puis derrière, on stimule la croissance. C'est l'inverse, il le sait très bien. D'où son malaise et d'où le fait que ce que nous voyons nous, c'est que si ce programme est appliqué, je le redis quand même... On entend des mots, moi j'étais à St Pétersbourg au G8 samedi, mes collègues ministres des autres pays me disaient "mais la France ! Comment : nationalisation, généralisation des 35 heures, on arrête la réforme des retraites, mais quel est ce programme ?" Il faut voir l'image que cela donne de notre pays.
Q- Vous voulez dire que tout cela aura un coût ?
R- Cela aura un coût et ce coût, évidemment, comme on ne peut pas le financer, eh bien il sera fait comme l'on toujours fait les socialistes : on le repousse dans la dette. Non, le Parti socialiste, c'est le parti de la dette. On vient d'en avoir une fois de plus la démonstration. C'est embêtant, quand on est - je ne le dis pas en polémiquant, -quand on a envie d'être le parti des jeunes, être le parti des jeunes, c'est se préoccuper des jeunes, c'est dire, finalement on ne peut pas faire en sorte de mettre toutes nos dépenses sur le dos des jeunes. C'est ce que fait ce programme : on n'a pas les moyens de le financer, ce n'est pas grave, on verra plus tard, on le fera financer par la jeunesse. Eh bien cela c'est intolérable et inacceptable, c'est irresponsable.
Q- Ils vous répondent deux choses quand vous leurs dites : "on verra plus tard" ils vous répondent : "avec vous, on voit déjà" et deuxièmement vous allez leur laisser en 2007 - s'ils gagnent - une ardoise qui sera lourde.
R- Absolument pas, elle est nettement améliorée. Regardez, encore une fois, ce qu'a dit Y. Almounia le commissaire européen, la semaine dernière. Il a donné des satisfecit à la France, c'est suffisamment inhabituel pour que je me permette de le noter, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, nous sommes en train enfin de redevenir, après quatre ans d'efforts considérables. Je rappelle, pendant quatre ans - c'est une première dans nos institutions, dans nos histoires - sous le Gouvernement de J.-P. Raffarin et de D. de Villepin, on n'a pas augmenté les dépenses de la France de plus que l'inflation. Cette année, pour la première fois, on les baisse même, ce n'était jamais arrivé. Oui mais les Français attendent cela. Il faut être responsable, on ne peut plus raconter d'histoires.
Q- Vous allez recevoir ce soir les élus UMP qui vont se prononcer sur la fusion éventuelle de Gaz de France-Suez. Est-ce que vous leur demanderez, le moment venu, de voter cette fusion ?
R- On est en concertation, on est à la dernière phase de la concertation...
Q- D'accord, mais quel est votre choix ?
R- Encore une fois, le Gouvernement a reçu le président de Gaz de France,
M. Cirelli, le président de Suez, M. Mestrallet, qui portent ce projet
depuis des mois. Ils nous l'ont expliqué. Nous considérons que c'est un
bon projet, c'est un bon projet pour les entreprises, c'est un bon projet
pour la France. Et c'est évidemment ce que je vais expliquer...
Q- Si c'est un bon projet, vous leur demandez de le voter ?
R- Bien entendu, puisque ce c'est un bon projet.
Q- Est-ce que N. Sarkozy, président de l'UMP, est d'accord ?
R- Mais il considère aussi que c'est un bon projet, comme P. Devedjian l'a dit lui-même encore hier, en disant qu'il fallait aller très vite.
Q- J.-L. Borloo, lui, est réservé sur l'opération. Il ne la trouve ni stratégique ni vitale. Il est casse-pieds ce Borloo ?
R- Non, Jean-Louis a des opinions sur beaucoup de choses...
Q- Déjà sur le CPE mais il n'avait pas eu tort.
R- Il a des opinions sur beaucoup de choses. Sur ça aussi. Ceci dit, moi je constate qu'il y a d'autres opinions - je l'ai dit tout à l'heure, P. Devedjian et d'autres - qui disent qu'il faut aller vite. La position du Gouvernement elle est très claire, nous avons mis une phase de concertation extrêmement large avec les syndicats, désormais avec les parlementaires. Viendra ensuite le temps du Parlement, le temps du vote et puis ensuite le temps des assemblées générales, on suit le calendrier.
Q- Avant le 14 juillet ?
R- Ah ! La concertation, bien entendu oui.
Q- Non mais le vote avant le 14 juillet ?
R- Vous savez qu'il y a deux Chambres. Il est absolument impossible de faire examiner le texte par les deux Chambres avant le 14 juillet. Une, c'est sans doute possible, deux ce n'est pas possible.
Q- Quand on entend les ministres, on se dit qu'ils sont à peu près tous satisfaits de leur action...
R- Sauf moi, je ne suis jamais content de moi !
Q- ...Et qu'ils se donnent une bonne note. Et, finalement, on se dit : "quand ce Gouvernement, cet exécutif n'est pas audible, il n'y en a qu'un qui est mauvais, c'est celui qui est à l'Elysée" ?
R- Je pense toujours que l'on doit pouvoir faire mieux, moi je suis toujours très exigeant avec moi. Et puis, pour une équipe - vous avez commencé sur le football, on va finir sur le football. Ce qui fait le succès d'une équipe, il ne faut jamais l'oublier, c'est le capitaine ; moi je crois que c'est surtout l'entraîneur. Et je tiens à vous le dire, le Président de la République est derrière toutes les réformes. C'est lui qui a voulu le Plan de cohésion sociale ; vous n'avez pas idée de la pression qu'il a mise sur ses ministres pour que celui-ci soit mis en oeuvre ; c'est lui qui a voulu la réforme que nous avons porté sur la fiscalité ; c'est lui qui a arbitré le budget qui vient d'être proposé par le Premier ministre. Non, nous avons un coach.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juin 2006