Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, en réponse à une question sur le projet de fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez, à l'Assemblée nationale le 14 juin 2006.

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Circonstance : Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 14 juin 2006-question de Henri Emmanuelli (PS),

Texte intégral

Monsieur Emmanuelli,
Une nouvelle fois, vous vous illustrez par votre sens de la nuance, par votre sens des réalités. Vous parlez d'aventure. Oui, parlons de la bataille pour l'emploi dans notre pays. 210.000 chômeurs en moins dans notre pays, en quelques mois. Est-ce cela une belle aventure ? Le contrat "nouvelles embauches" dont l'Insee dit clairement qu'il crée entre 40.000 et 80.000 emplois nouveaux dans notre pays. Une étude ne fait pas le printemps, pas plus qu'une hirondelle.
Alors, oui, nous traversons une crise énergétique majeure. Le prix de toutes les matières premières augmente : le gaz, le pétrole, l'électricité. La sécurité des approvisionnements doit être consolidée. Toutes les grandes entreprises d'énergie dans le monde cherchent des alliances pour être plus fortes. Et qu'est-ce que vous dites ? Vous dites : "Eh alors ?". Eh bien, eh alors, qu'est-ce que vous proposez ? Rien. On ne touche à rien, on ne change rien, et même on revient en arrière, en re-nationalisant EDF. Voilà la belle aventure que vous nous proposez.
Nous avons une autre conception de la politique énergétique de notre pays : garantir aux Français un approvisionnement sûr, au meilleur coût. Et je vais vous dire, monsieur Emmanuelli, je le fais sans complexe, en fidèle du Général de Gaulle, qui a donné à la France l'indépendance et la sécurité énergétiques contre toutes les politiques de la gauche depuis trente ans. Nous avons un champion mondial pour le pétrole : Total. Nous avons un champion mondial pour l'électricité : EDF. Nous avons un champion mondial pour le nucléaire : AREVA. Et nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour développer les énergies renouvelables et les énergies du futur. Ce n'est pas vous qui l'avez fait, ce ne sont pas les Verts qui l'ont fait, c'est nous.
Alors, maintenant, il reste la question difficile du gaz. Je le dis clairement "la question difficile", parce que parfois en politique, il faut un peu de courage. Alors, nous avons une échéance incontournable en juillet 2007 avec l'ouverture complète des marchés de l'énergie. Je le redis, nous avons une échéance incontournable : l'ouverture en juillet 2007 des marchés de l'énergie. Et cela implique que l'on soit prêt. C'est pourquoi nous avons besoin d'un texte législatif pour transposer la directive européenne en protégeant les tarifs et les prérogatives de l'Etat.
La France a aujourd'hui une opportunité. Faut-il la saisir, monsieur Emmanuelli ? Nous avons une opportunité : créer un nouveau champion mondial dans le domaine du gaz, capable de diversifier et de renforcer notre approvisionnement et capable de peser sur les prix. C'est tout le sens du rapprochement entre gaz de France et Suez.
Je sais bien qu'il y a des questions et des interrogations, et c'est bien normal. Le Gouvernement prendra le temps d'y répondre une par une, comme il l'a fait depuis plusieurs mois avec les organisations syndicales. T. Breton les a reçues à trente-sept reprises. Il y a une inquiétude légitime sur les prix du gaz : nous y répondrons. Le tarif réglementé tel qu'il existe aujourd'hui sera maintenu au-delà du 1er juillet 2007 ; il est hors de question que les ménages français soient exposés à des hausses brutales de tarifs dont l'Etat n'aurait pas la maîtrise. Il y a une inquiétude sur les statuts des personnels ; il n'a jamais été question de les modifier. Tout cela figurera dans le projet de texte.
Nous sommes, aujourd'hui, dans le temps de l'explication. T. Breton et F. Loos répondront cet après-midi même à vos questions. C'est un débat essentiel, qui permettra d'éclairer les choix de chacun. Le Gouvernement sera très attentif aux différentes propositions qui seront formulées par votre assemblée. Je souhaite qu'ensemble nous puissions faire entrer la France dans une nouvelle ère énergétique : celle de l'après pétrole où notre pays a pris plusieurs longueurs d'avance. Et je veux le dire solennellement devant vous : le Gouvernement se prononcera sur ce dossier en fonction du seul intérêt général, qui est et qui reste ma seule préoccupation depuis le premier jour.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 juin 2006