Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les perspectives économiques du secteur de l'horticulture, Paris le 31 mai 2006.

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Circonstance : Allocution au Conseil économique et social à Paris le 31 mai 2006

Texte intégral

« Je regrette d'être venu sans fleurs, mais je vais essayer d'en mettre dans mon propos à l'égard de Mme Viguier.
Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les conseillers, c'est avec beaucoup de plaisir que je retrouve le Conseil économique et social qui, lorsqu'il s'agit du domaine agricole est toujours prêt à apporter son expertise. J'aurais d'ailleurs le plaisir de recevoir le groupe de l'Outre-mer autour de M. Paoletti pour évoquer les problèmes de l'agriculture et de la pêche ultramarine, et je vous remercie d'avoir bien voulu accepter qu'à l'automne se tiennent ici même des assises de l'agriculture organisées par le ministère dont j'ai la charge.
Je voudrais féliciter Mme Viguier pour la qualité d'analyse de son rapport qui soulève en conclusion la question essentielle d'une politique horticole d'ensemble indispensable pour donner un nouvel élan à ce secteur riche en emplois et en compétences professionnelles reconnues. Cet objectif est le mien et vous avez fait mention, je vous en remercie, de la mobilisation des pouvoirs publics, notamment à travers le plan d'adaptation structurelle pour les productions sous serres présenté le 5 avril 2006.
Les enjeux sont nombreux. J'ai cité l'emploi, premier objectif du gouvernement : emplois directs mais aussi emplois induits, notamment à travers le tourisme, l'image de notre pays, ses parfums. Se préoccuper d'horticulture et de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, c'est aussi se mobiliser pour le dynamisme de nombreuses régions : l'aménagement du territoire, la beauté et la mise en valeur de nos paysages, l'excellence de notre tradition botanique guident notre action.
Votre projet d'avis souligne les défis que doit relever la filière, avec le soutien des pouvoirs publics. C'est d'abord un impératif de production : notre pays était déficitaire sur ces créneaux, il faut accroître sa compétitivité face à des pays installés sur les marchés ou en passe d'émerger, à l'image notamment de la Chine. Il est indispensable que nous apportions des réponses en termes de coûts mais probablement plus encore en valorisant la production : l'innovation et la recherche seront décisives, de même que l'organisation de la production et de la filière. Par ailleurs, notre pays ne manque pas d'atouts, à commencer par une main d'oeuvre qualifiée.
Le rapport du Conseil a réalisé la gageure de concilier synthèse et exhaustivité, sur un secteur dont les activités sont pourtant très dispersées. Vous me permettrez d'en suivre l'exposé pour vous apporter des réponses concrètes.
L'enjeu de l'horticulture ornementale : 7 000 entreprises de production, 26 000 sociétés de négoce, plus de 12 000 entreprises de services au coeur de nos territoires. Les recommandations formulées prolongent, à mes yeux, la stratégie de la profession, que le ministère souhaite accompagner.
Premier axe de votre projet d'avis : la modernisation de l'outil de production, dont vous soulignez le caractère ancien et son besoin d'être rénové. C'est une des priorités du plan d'adaptation structurelle que j'ai annoncé le 5 avril dernier et qui complète le dispositif d'aide à l'investissement mis en oeuvre par l'office interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture.
Vous proposez « d'encourager le développement de l'utilisation des énergies renouvelables et des bio-énergies par des engagements formalisés dans la durée ». Le comité de suivi du plan d'adaptation examine une telle orientation, à la lumière de l'étude en cours de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, associant l'Association nationale des structures d'expérimentation et de démonstration en horticulture et le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes. J'ai chargé Philippe Mauguin de la piloter et de me proposer des mesures structurelles sur la problématique énergie dès la fin juin 2006.
Vous préconisez d'expérimenter au niveau d'une région l'utilisation des eaux de refroidissement des centrales nucléaires, en soutenant l'installation des entreprises horticoles à proximité. Une telle expérience existe à Avoine, dans l'Indre-et-Loire. Le bilan énergétique complet reste à établir, en intégrant les coûts liés aux transports supplémentaires, par exemple.
Vous évoquez l'enjeu que représente l'installation des jeunes. Concernant les portages fonciers, les zones horticoles de Rochefort-sur-Mer et de Celle-sur-Belle en Poitou-Charentes permettent d'accompagner les entreprises horticoles nouvelles ou existantes. Cette expérience pourrait se développer ailleurs. Enfin, je m'engage à évoquer, auprès de mon collègue Thierry Breton, la faisabilité d'un forfait par hectare en matière d'imposition sur les stocks de végétaux des pépiniéristes.
Deuxième orientation de votre projet d'avis : renforcer l'adéquation entre l'offre et la demande. La Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et pépinières a déjà engagé un travail de fond pour développer les gammes et la qualité de produit : un observatoire économique des entreprises horticoles et des pépinières a été créé et, dans le cadre du plan de relance « Fleurs coupées », un référentiel national destiné à homogénéiser la qualité de l'offre française a été élaboré.
Je suis sensible à votre proposition de regrouper sous un seul bâtiment tous les horticulteurs du marché d'intérêt national de Rungis. Il appartient à la direction du marché et aux syndicats de défense des professionnels horticoles de se concerter à ce sujet.
Vous évoquez une politique de communication à développer et vous avez bien raison. La mise en place d'un nécessaire partenariat de filière incombe à l'interprofession VAL'HOR. Dès progrès ont été accomplis avec la signature de l'accord interprofessionnel et son extension en avril 2005. VINIFLHOR accompagne cette orientation et a accordé une aide de 524 000 euros à VAL'HOR jusqu'en 2007. Pour garantir le succès d'une telle politique, les professionnels aussi doivent engager une démarche d'identification du produit, notamment de son origine, ce qui est décisif pour donner un nouvel élan à la production nationale.
Vous soulignez que l'une des actions de promotion passe par les villes et communes fleuries. Je vais examiner, avec mes collègues Thierry Breton et Jean­François Copé, votre proposition pour que les communes puissent récupérer la TVA sur de telles dépenses d'embellissement.
Vous soulignez également le rôle de l'innovation dans un marché très concurrentiel et suggérez à ce titre « d'encourager et de soutenir les efforts des professionnels pour construire une réelle structure collective de recherche-développement ». Le renforcement du potentiel de recherche passe en effet par l'association étroite des différents acteurs. Il existe déjà des partenariats entre l'INRA, l'Association nationale des structures d'expérimentation et de démonstration en horticulture, la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières et l'Institut national d'horticulture. Il faut aller plus loin : structurer l'ensemble, faciliter la remontée des besoins et leur prise en compte dans les programmes de travail. D'ailleurs la démarche des pôles de compétitivité répond aussi à cet enjeu et celui d'Angers, à vocation mondiale, est appelé à devenir un centre de référence en termes de créations et d'innovations variétales.
Vous insistez sur la nécessité d'assurer un financement suffisant à l'ASTREDHOR. Depuis 2004, malgré un budget contraint, VINIFLHOR a maintenu son appui financier, avec près de 360 000 euros en 2005.
Enfin, vous évoquez deux enjeux centraux dans la problématique actuelle agricole : la protection sanitaire et les droits à paiement unique, sur lesquels M. Boisgontier a déposé un amendement. La mobilisation des DPU dormants pour attribuer des DPU provisoires, donc récupérer de l'argent dû à la France et qui ne doit pas quitter notre pays, est actuellement au coeur de nos soucis. Il existe une réelle difficulté vis-à-vis des textes réglementaires européens et j'évoquais ce sujet hier encore au cours d'un conseil des ministres informel de l'agriculture avec Mme la Commissaire. La discussion est difficile dans cette affaire et la Commission européenne se montre plutôt inflexible pour l'instant, mais nous souhaitons bien obtenir des avancées rapidement.
S'agissant des questions sanitaires, les professionnels ont reçu des réponses rapides sur les homologations au titre des usages mineurs, grâce à une collaboration active avec les professionnels, les fabricants et ASTREDHOR. L'ensemble des usages devrait être couvert de façon satisfaisante cette année. Nous travaillons par ailleurs à favoriser les échanges avec les États membres où les autorisations sont nombreuses afin de multiplier les possibilités d'homologation par reconnaissance mutuelle. La France a même contribué à l'installation, par la Commission, d'un groupe de travail sur les usages mineurs, auquel nous participons.
Je partage enfin votre préconisation de renforcer les contrôles aux frontières. Je souhaite également conforter les analyses de risques sur les organismes nuisibles dans certains pays tiers, car nous devons être en mesure d'élaborer des stratégies préventives immédiatement applicables. Il faut aussi assurer un dispositif de surveillance du territoire plus performant : mes services ont refondu entièrement en 2005 notre dispositif, avec la nomination de rapporteurs nationaux.
Deuxième axe du rapport : la branche des plantes à parfum, aromatiques et médicinales constitue une mosaïque de plus de cent plantes cultivées ou cueillies. Dans la région PACA, la Drôme et une partie de l'Ardèche, les plantes à parfum et aromatiques jouent un rôle fondamental pour l'équilibre des territoires. Elles portent parfois l'identité d'une région, à l'image de la lavande pour la Provence, mais d'autres régions comme le Bassin parisien ou la région Poitou-Charentes par exemple, bénéficient aussi d'une telle diversification vers des débouchés non alimentaires.
L'amélioration des normes d'abord. Sur la réglementation des plantes médicinales, je travaille en concertation avec mes collègues de la Santé et de l 'é conomie. Le décret qui a été signé le 20 mars 2006 prévoit une procédure de reconnaissance mutuelle pour l'autorisation des plantes utilisées dans les compléments alimentaires commercialisés dans les États membres.
Concernant la question du monopole pharmaceutique, les concertations ne sont pas encore terminées avec les administrations de la Santé et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Mes services interviennent régulièrement auprès du ministre de la Santé pour en accélérer la procédure.
Vous soulevez, en outre, la question de l'homologation des produits phytopharmaceutiques pour la culture des plantes médicinales. Mes services attendent toujours l'avis de l'AFSSAPS. Si aucune réponse n'est obtenue d'ici le mois prochain, j'alerterai mon collègue Xavier Bertrand pour accélérer la rédaction de cet avis.
Vous vous préoccupez également de l'utilisation des produits naturels de protection des cultures en agriculture biologique. La réglementation des produits naturels utilisés comme biocides fait l'objet d'une directive européenne très restrictive. Je m'engage à évoquer ce dossier, signalé au ministère de l'écologie, avec ma collègue Nelly Olin.
Pour l'impact sur la santé humaine et l'environnement de produits naturels utilisés par les industries, un projet de règlement européen, plus connu sous le terme de REACH, est en cours d'élaboration ; nous essayons d'en faire reconnaître la spécificité.
La recherche maintenant. Grâce à l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, des dispositifs sont ouverts à de nombreuses organisations de producteurs pour accroître la force de frappe des entreprises de faible taille. Près de 850 000 euros y sont consacrés.
L'effort budgétaire pour la recherche au cours des années récentes est significatif : celui de l'Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, et aromatiques s'élève à 1 332 000 euros en 2006, soit une hausse de 57 % en dix ans. Son financement est assuré à 77 % par des aides publiques, dont 80 % du ministère de l'Agriculture.
Votre suggestion d'envisager la recherche dans le cadre d'un réseau comprenant l'ITEIPMAI, le centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales et le conservatoire de Milly-la-Forêt, est très pertinente. Déjà une telle orientation est prise grâce aux financements de l'ONIPPAM adressés à chaque structure pilotant un thème de recherche retenu.
Vous avez évoqué la lavande, production à part dans ces filières et qui connaît des difficultés liées à une concurrence étrangère extrêmement agressive, notamment en provenance de Chine. J'ai souhaité une réponse rapide et énergique. Des aides d'urgence à hauteur de 170 000 euros ont été distribuées ou sont en cours de distribution.
Je suis également intervenu auprès de Jean-François Copé pour que soient mises en oeuvre les mêmes procédures de remise ou de report de dettes fiscales que celles destinées aux producteurs de vin et de fruits et légumes. Enfin, j'ai chargé l'ONIPPAM de mettre en place un plan d'urgence à hauteur de 240 000 euros.
La concertation avec la profession a déjà bien avancé sur la régulation des marchés, le renforcement de l'organisation économique, les nouveaux débouchés ou l'innovation technique. Quant à la promotion, nous engageons un partenariat spectaculaire avec les opérateurs du tourisme de la région PACA et Rhône-Alpes, l'ONIPPAM et la profession. Un champ de lavande sera ainsi installé sur la Grande Place de Bruxelles du 16 au 18 juin prochain et un tapis de ces plantes tissé sous la Géode de la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette le 22 juin. Parallèlement à l'inauguration du champ à Bruxelles, un colloque international sera organisé sur l'avenir de ces productions dans l'Union européenne. Quant au tapis de la Géode, il ouvrira une grande exposition dédiée aux plantes à parfum et aromatiques provençales, intitulée « L'Essence de Provence ».
Enfin, l'ensemble de nos départements et territoires d'Outre-mer disposent en abondance de plantes à parfum, aromatiques et médicinales. Contrairement à ce qui vous a été indiqué, les pharmaciens d'officine peuvent vendre des plantes sous leur propre responsabilité, même si elles ne sont pas inscrites à la pharmacopée française. Je ferai néanmoins part à mon collègue Xavier Bertrand de votre souhait d'une intégration dans cette pharmacopée. C'est en effet un principe de prudence légitime.
D'une manière plus générale, je partage votre appréciation sur le potentiel de développement de certaines plantes pour des usages médicinaux, mais aussi cosmétiques ou de parfum. Je vais charger l'ONIPPAM, en liaison avec l'office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer, de me remettre avant la fin de l'année un rapport sur le sujet.
Monsieur le Président, Madame la Rapporteure, Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour les perspectives que vous avez dressées pour le secteur de l'horticulture et des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, porteur d'emplois et d'avenir.
J'ai pris plusieurs engagements devant vous et vous invite à être attentifs aux suites que nous donnerons à ce débat, afin éventuellement à me rappeler à l'ordre si ces engagements n'étaient pas tenus. C'est ensemble, à partir des pistes que vous suggérez et en concertation avec les professionnels, que nous serons en mesure de bâtir l'avenir de ce secteur. C'est mon souhait et ma volonté.
Je vous remercie de votre attention ».
source http://www.ces.fr, le 19 juin 2006