Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le projet mutualiste, le rôle des mutuelles et la réforme de l'assurance maladie, Lyon le 10 juin 2006.

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Circonstance : Clôture du 38ème congrès de la Mutualité française à Lyon le 10 juin 2006

Texte intégral


Monsieur le Président, mon cher Jean-Pierre,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
J'ai le sentiment en venant clore ce 38e Congrès que je suis avec une Mutualité en bonne santé : tous les participants à ce congrès en apportent la preuve.
Le projet mutualiste rassemble aujourd'hui 38 millions de nos concitoyens ; c'est un projet fondé sur la solidarité, avec l'objectif d'accroître le niveau de protection sociale et d'améliorer la santé de la population ; c'est aussi un projet fondé sur un idéal démocratique, par l'association directe des assurés mutualistes à la gestion de leurs institutions de solidarité. Alors que nous avons célébré le 60ème anniversaire de la Sécurité sociale l'année dernière, je souhaite ici rappeler combien cette institution doit à la Mutualité et à la mobilisation de ces adhérents que vous représentez ici aujourd'hui. Aux racines du projet mutualiste qui s'est développé dans la seconde moitié du XIXème siècle, il y a la recherche de sécurité par la solidarité, il y a aussi l'affirmation de la fraternité face aux aléas de la vie.
D'ailleurs, conscients du rôle des mutuelles, les fondateurs de notre sécurité sociale ont souhaité, par l'ordonnance du 19 octobre 1945, réaffirmer le rôle des mutuelles en soulignant leur complémentarité par rapport aux régimes de sécurité sociale.
Cette spécificité demeure aujourd'hui. Le gouvernement est très attaché à défendre, le Président de la République l'a rappelé, aux plans national et européen, vos valeurs illustrées notamment par la participation de vos adhérents à la gestion des mutuelles, par l'action sociale que vous menez au bénéfice de vos adhérents dans le besoin. Parce que vous participez aux idéaux de démocratie et de solidarité, votre projet demeure un projet d'avenir, et c'est celui que nous partageons dans notre réforme de l'assurance maladie.
Nous avons su bâtir avec votre Président, Jean-Pierre Davant, que je salue, et l'ensemble des mutualistes un partenariat fructueux, exigeant aussi, afin de pérenniser et d'améliorer notre système, dans la fidélité aux valeurs originelles et partagées de la sécurité sociale et de la Mutualité. Notre objectif en 2004 se situait dans la droite ligne du rapport HCAAM : c'était de moderniser notre système pour le conserver et la réforme du 13 août 2004 était indispensable à cette modernisation. Cette réforme, les Français se la sont appropriés. C'est une réforme qui n'a pas un an et demi, et elle a pu s'appliquer pleinement très rapidement. En effet, je m'étais engagé à publier avant la fin de l'année 2004 80 % des décrets d'application. Nous n'avons pas publié 80 % des décrets, nous en avons publié 85 %.
Au-delà du parcours de soins, avec le parcours de santé mutualiste, vous confirmez cette adhésion, tout en voulant offrir davantage encore de qualité au patient. Vous tracez également la voie pour l'ensemble de l'assurance maladie, avec ce projet de parcours de santé mutualiste.
I/ Notre objectif a été de pérenniser notre système solidaire d'Assurance maladie : nous sommes aujourd'hui en passe de le réaliser.
A/ La réforme de l'assurance maladie a été menée suivant deux axes qui vous sont chers : toujours plus de solidarité et toujours plus de qualité.
*Cette réforme est bien fidèle aux principes de 1945 : cotiser selon ses moyens, être soigné selon ses besoins. Et il n'est pas question de déroger à ces valeurs.
La Sécurité sociale est aujourd'hui un élément essentiel du quotidien de tous les Français, un élément majeur de notre pacte social. Pourtant, je n'ignore pas les risques qui pèsent sur son avenir.
*Voilà pourquoi la réforme vise à mieux organiser notre système de santé, à mieux le gérer, en définitive à dépenser mieux pour soigner mieux. Nous sommes en mesure aujourd'hui, j'en suis convaincu, d'éloigner ces risques.
Pour cela, la réforme vise le changement de comportements des acteurs, tant les patients que les professionnels de santé. Elle renoue avec une logique où l'organisation du système découle des besoins des patients, des besoins des citoyens - et non l'inverse. C'est le sens de la maîtrise médicalisée qui est la seule compatible avec l'esprit de notre système. Il était aussi indispensable de redonner davantage de sens à la qualité des soins grâce au développement des bonnes pratiques et l'amélioration de l'évaluation des services garantis. Enfin, elle prend mieux en compte les priorités de santé publique, notamment la prévention.
Je sais que ces priorités sont au coeur de l'action et de la réflexion de la Mutualité ; je sais aussi que lors de la réforme, vous avez eu, comme vous le rappeliez Jean-Pierre, peu de concurrence sur le plan des idées. Vous avez pris toute votre place dans la réforme. Mais je sais également que tous vos souhaits n'ont pas été exaucés; nous nous en sommes expliqué longuement. Tout au long de cette réforme, qui vous doit beaucoup - vous l'avez rappelé Jean-Pierre Davant -, vous nous avez soutenus, vous nous avez accompagnés, avec cette exigence, en étant particulièrement vigilants quant au respect des valeurs originelles.
B/ Cette réforme, un an et demi seulement après son entrée en vigueur, porte ses fruits, et je veux souligner les évolutions positives sans pour autant minimiser les efforts encore à accomplir.
*Je sais que vous partagez notre vision d'une réduction des déficits qui seule peut garantir l'avenir de notre système, afin de faire de l'héritage de 1945 toujours celui de nos enfants.
Sans la réforme, nous aurions connu un déficit de 16 milliards d'euros à la fin de 2005, avec la réforme nous avons eu 8 Mds d'euros de déficit. Nous avons aussi un objectif cette année , légèrement au-dessus de 6 Mds d'euros pour 2006 : les choses sont claires ; la Sécurité sociale va mieux, même si elle n'est pas guérie.
Et comme elle n'est pas encore guérie, il n'est pas question de relâcher nos efforts. Le retour vers l'équilibre, ce sont les Français qui le construisent, par l'évolution des comportements : il apparaît à notre portée, à condition de poursuivre, avec détermination, constance et dans la durée, la mise en oeuvre de la réforme. C'est mon engagement. Et je veux vous rappeler qu'il ne s'agit pas de réduire les déficits par pur plaisir comptable, mais bien pour dégager de nouvelles marges de manoeuvre pour améliorer la santé de tous.
*Tous les acteurs sont appelés à faire des efforts.
Vous le savez bien, une telle réforme ne peut réussir sans la participation de tous. Nous avons souhaité que la solidarité ne soit pas remise en cause ; en revanche, nous avons replacé la responsabilité au coeur du dispositif, que ce soit celle des industries pharmaceutiques, des médecins ou des assurés. Nous avons en outre été attentifs à ce que cette réforme ne se fasse pas au détriment des organismes complémentaires : si nous avons souhaité responsabiliser les acteurs, nous avons aussi souhaité que les organismes complémentaires adhèrent à cette démarche. C'est tout l'esprit du dispositif des contrats responsables.
L'industrie pharmaceutique a été appelée à contribuer particulièrement au redressement des comptes cette année, par une contribution plus importante, des baisses de prix, et par une action plus soutenue sur les génériques. Notre politique vise à payer au plus juste prix le médicament tout en soutenant l'innovation.
Les médecins libéraux ont eu aussi des obligations claires, écrites noir sur blanc, dans la réforme, le PLFSS, la convention. Les économies prévues pour 2005 par la Convention médicale ont été au rendez-vous, l'évolution des dépenses de ville restant modérée, et inférieure aux objectifs fixés. La maîtrise médicalisée a commencé à produire ses effets dès 2005. La dynamique est bien engagée, et l'avenant à la convention qui a été signée cette année inscrit ce mouvement dans la durée, de façon pluriannuelle.
La responsabilité de tous les assurés est aussi engagée : si la santé n'a pas de prix, elle a un coût, qu'il convient de connaître et non pas de subir. C'est pourquoi le 1G est, comme vous le savez, limité à 50G par patient et par an. S'agissant de la participation forfaitaire de 18G, je voudrais rappeler qu'il s'agit d'une mesure pour laquelle je pense que notre opposition était plus sur la forme que sur le fond. L'élaboration du PLFSS est d'un autre âge ; et elle ne répond pas aux exigences de concertation et de dialogue social, nous en avons eu la preuve. L'UNOC doit être mieux associée aux réunions de préparation du projet de loi de financement pour évoquer les différentes pistes. Je me suis engagé à le faire d'ici la sortie de l'été, et cette démarche d'association concernera tous les domaines. Je voudrais revenir quand même sur cette mesure, qui a été plafonnée, et dont sont exonérés les patients les plus fragiles et les plus malades. Ce n'est pas une mesure qui fait la distinction entre gros risques et petits risques, car je m'opposerai toujours à la définition d'un quelconque panier de soins tant que je serai Ministre de la Santé. Et je défendrai toujours l'accès aux soins des plus fragiles. Il est normal de faire respecter des règles, s'agissant de l'ordonnancier bizone pour les ALD par exemple, mais il n'est pas question de retarder l'accès en ALD, l'accès aux soins.
*N'oublions pas ce que les marges de manoeuvre dégagées nous ont d'ores et déjà permis de faire pour la santé publique.
Nous savons ainsi prendre en charge les traitements innovants, pour un milliard de plus chaque année. Et cette année, à partir de juillet, nous saurons prendre en charge l'ostéodensitométrie ; je sais que de nombreuses mutuelles affiliées à votre mouvement remboursaient déjà cet examen indispensable au dépistage précoce de l'ostéoporose.
Par ailleurs, l'évaluation et la formation des médecins se met en place, enfin : depuis le 15 octobre dernier, une quinzaine d'organisations professionnelles ont reçu l'agrément pour participer à ces procédures d'évaluation. Comme le dit la citation du Pr Luboinski placée en en-tête de votre document de travail : « la médecine à deux vitesses commence à la première porte à laquelle on frappe » : avec l'EPP et la FMC, dont les décrets sont parus le 3 juin, nous voulons, comme vous, assurer à tous, pour tous et partout la meilleure qualité de soins.
La Haute autorité de santé poursuit l'élaboration des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge, notamment pour les ALD. Je sais combien vous êtes attachés à ce travail, auquel vous êtes associés par l'intermédiaire de l'UNOC.
Certains médicaments au SMRI - un mot que je souhaite d'ailleurs voir changé car je n'aime l'idée que cet « insuffisant » traduit pour le patient - ne sont plus remboursés ou le sont moins : vous avez qualifié ce geste de « vrai progrès dans l'utilisation des fonds issus de la solidarité ». Je veux vous féliciter pour votre courage et vous remercier pour votre engagement à mes côtés dans cet exercice de pédagogie difficile mais indispensable.
*N'oublions pas de réfléchir à de nouvelles pistes pour garantir l'avenir de notre système
Ce n'est pas seulement la question des dépenses, de la lutte contre les abus et les fraudes, c'est aussi la question du financement de la Sécurité sociale. Je sais votre réflexion sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales, et vous savez que le Président de la République a annoncé lors de ses voeux l'introduction de la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations patronales, dans un cadre progressif et concerté avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs, je sais combien vous êtes impliqués dans la lutte contre les discriminations dans le domaine de la santé. Ainsi, vous êtes associés à la renégociation de la Convention Belorgey, qui devrait aboutir le 23 juin.
C/ La réforme de l'assurance maladie donne, à de nombreux égards, une place nouvelle aux organismes complémentaires, au premier rang desquels la Mutualité.
L'assurance maladie complémentaire se voit reconnaître un nouveau rôle par la loi du 13 août 2004, que ce soit avec la création de l'UNOCAM ou les crédits d'impôt pour l'acquisition d'une couverture complémentaire.
Et au travers des contrats responsables, les assureurs complémentaires sont reconnus comme des acteurs à part entière de la démarche de gestion du risque.
*Une nouvelle gouvernance se met en place, qui associe davantage la Mutualité
Afin de créer les conditions d'un dialogue entre l'assurance maladie et les complémentaires, la loi du 13 août 2004 a institué l'UNOC. Je sais combien les mutuelles s'investissent dans ce nouveau rôle. Certes, je sais que certains estiment que ce rôle demeure insuffisant. Je souhaite rappeler ici que cette création est une des grandes originalités de la réforme. Je le disais tout à l'heure sur le PLFSS, les textes ont évolué, les esprits doivent aussi évoluer, plus vite encore ; l'Assurance maladie doit davantage associer la Mutualité.
Nous souhaitons aussi vous associer davantage à la régionalisation. Pour lutter contre les inégalités territoriales, je crois aux Agences régionales de santé, mais encore faut-il savoir pour mener quelle politique de santé publique ? Les expérimentations que nous allons menés nous permettront de répondre à cette question. Je souhaite qu'elles associent pleinement la Mutualité, dont l'expérience de terrain est précieuse.
*La Mutualité est aussi davantage associée au pilotage du système de santé
Par le biais de la Haute Autorité de Santé ;
Elle est aussi associée par le biais de l'Institut des données de santé (IDS), créé par la loi du 13 août 2004. La concertation en cours va très prochainement aboutir : les modalités de l'échange d'information sont en cours de précision. J'y suis attentif ; je trouve même que tout ceci n'a pas avancé assez vite, et cela n'est pas de la faute de la Mutualité. Je voulais d'ailleurs vous dire à cette occasion que l'interopérabilité des systèmes d'information constitue l'une de nos priorités dans l'informatisation du système de santé que nous poursuivons avec le DMP, qui sera, je vous le confirme, ouvert à partir de juillet 2007. Le DMP ne doit pas vouloir être une prouesse technologique : son objectif est avant tout de lutter contre la iatrogénie, de lutter contre la redondance, en définitive d'améliorer la qualité et la sécurité des soins.
Je voulais aussi souligner les efforts que vous avez entrepris pour développer vos activités de recherche : votre vision de la réforme, mais aussi plus généralement de l'avenir du système de santé, sait se nourrir d'études sérieuses et documentées.
Mais votre vision sait aussi se nourrir du terrain. J'ai visité à plusieurs reprises certains de vos établissements, comme l'Institut Mutualiste Montsouris, et je sais bien que quand vous parlez de qualité dans notre système, ce ne sont pas des mots : vous la mettez en oeuvre au quotidien.
*Je sais que la Mutualité est également très impliquée dans les contrats responsables.
Vous avez participé à travers la consultation de l'UNOC à la définition des niveaux minima de couverture et des exclusions de prise en charge, qui conditionnent désormais le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux incitant à la couverture maladie complémentaire. Les contrats responsables représentent un dispositif innovant, qui poursuit des objectifs communs à l'assurance maladie et à l'assurance complémentaire, que ce soit par la responsabilité de l'assuré, ou par l'amélioration de l'accès aux soins.
Je sais que vous souhaitez participer pleinement à ce dispositif dans le cadre de la définition du parcours de santé mutualiste.
*Nous devons souligner l'effort entrepris par le gouvernement pour rendre la complémentaire de santé accessible à davantage de Français
La loi du 13 août 2004 a créé un dispositif d'aide à la mutualisation dans le but de faciliter l'acquisition d'une couverture complémentaire pour les personnes dont les ressources excèdent le plafond de la CMU-C.
J'ai proposé au Parlement, dans le cadre de la dernière loi de financement, d'en relever significativement les montants, en particulier pour les plus de 60 ans (400 euros par an).
Le Président de la République a annoncé jeudi l'extension de ce dispositif à toutes les personnes dont les ressources excèdent le plafond de la CMU-C jusqu'à 20%, contre 15% auparavant, afin que tous puissent bénéficier d'une complémentaire santé. Au total, ce sont ainsi 2,9 millions de personnes qui pourront bénéficier d'une aide à l'acquisition d'une complémentaire.
Et c'est aussi pourquoi je vous demande de nous aider à mieux faire connaître encore ce dispositif, car nous devons avoir autant de bénéficiaires que de personnes ciblées par la mesure.
D/ C'est une Mutualité rénovée et modernisée qui participe à cette réforme.
*La Mutualité tout entière a connu un profond bouleversement de son cadre législatif et réglementaire avec le nouveau code de 2001.
Mais nous savons tous que si elle a dû se réorganiser en profondeur pour y faire face, elle en sort renforcée, avec une structure économique plus solide, mais qui ne remet pas en cause vos spécificités ni la solidarité.
Ce mouvement a été accompagné par les autorités publiques, et je veillerai personnellement à la poursuite du dialogue et de la concertation.
*Par ailleurs, je me réjouis du fait qu'une solution satisfaisante ait pu être trouvée sur la question des remises de gestion qui seront stabilisées en euros courants.
*Dans le cadre des évolutions européennes, nous veillons aussi à préserver les spécificités de la Mutualité et à les faire comprendre de nos partenaires.
Le Fonds national de solidarité et d'action mutualiste (FNSAM) accorde des subventions ou des prêts afin d'améliorer les conditions d'exploitation et développer les établissements de soins mutualistes. Si des contraintes liées aux règles communautaires sur les aides d'Etat ont longtemps pesé sur vos possibilités d'intervention, une récente décision de la Commission a largement levé ces obstacles, en permettant un financement plus souple notamment pour les hôpitaux. C'est une opportunité incontestable que vous aurez à coeur, j'en suis sûr, de saisir.
La réglementation européenne a aussi impliqué une refonte du système de protection sociale des agents publics, et notamment question des mutuelles de fonctionnaires. Le gouvernement travaille aujourd'hui, à préserver les solidarités existantes dans le respect du droit communautaire. C'est dans le même esprit que le MINEFI travaille avec vous sur la question de l'exonération de taxe sur les contrats d'assurance.
Enfin, je sais votre attachement à l'idée de Mutualité européenne. Suite à l'abandon du projet de règlement, la France, par la voix de Catherine Colonna, a demandé à la Commission de relancer une initiative sur ce sujet, ce à quoi elle s'est engagée. Le Président de la République vous a redit ici même jeudi qu'il oeuvrerait pour que cette proposition soit rétablie à l'Agenda européen très rapidement.
Je constate que malgré ces évolutions, c'est une Mutualité créatrice, forte de son nouveau rôle, qui se réunit aujourd'hui. Vous êtes porteurs de nombreux projets pour l'avenir de notre sécurité sociale et je vous félicite pour cette réflexion.
II/ Je voudrais maintenant m'arrêter sur le projet qui vous a principalement occupé durant ce colloque : le parcours de santé mutualiste. Il va plus vite que la réforme, car il anticipe beaucoup d'orientations que nous voulons mettre en oeuvre pour l'ensemble des assurés.
Je veux d'abord rappeler que le parcours de soins se met en place, suscitant l'adhésion de nos concitoyens
*Le parcours de soins, dont le médecin traitant constitue le pivot, est au coeur de la réforme : sa mise en place répond au double objectif de mieux organiser le système de santé tout en en améliorant la qualité. Je sais combien, au moment de la préparation de cette réforme, vous étiez attachés à cette idée.
L'adhésion massive des Français, avec près de 40 millions d'assurés qui ont choisi leur médecin traitant, montre que l'ambition de la réforme a été comprise.
Je sais également qu'un certain nombre de modalités doivent être clarifiées, que nous devons également mener un travail d'information et de pédagogie ; et je compte sur la Mutualité pour y participer.
*Je voudrais nous dire aussi cher Jean-Pierre que je ne partage pas votre appréciation sur la complexité du dispositif. Avec le parcours de soins, c'est au contraire un dispositif plus simple et surtout plus de garanties, grâce aux contrats responsables. Quand nous travaillons ensemble, nous pouvons améliorer les garanties apportées aux assurés.
Le parcours de santé mutualiste tel que vous le définissez, est fondé sur la transparence, l'amélioration de la qualité des soins, des tarifs médicaux raisonnables et clairs et un meilleur remboursement.
- Je salue notamment l'effort que vous voulez voir porter sur la prévention, et notamment la lutte contre tabagisme, le dépistage des cancers, et la santé buccodentaire ; les outils que vous voulez développer, notamment le plan personnalisé de prévention, vont dans le sens de notre propre réflexion, notamment sur la prise ne charge des actes de prévention.
- De même, l'accompagnement que vous voulez apporter aux patients et à leurs proches, par le soutien psychologique, les services d'aide à la personne, ou encore l'aide aux aidants me paraît aller dans le sens d'un indispensable recentrage de notre système de santé sur le patient et ses proches.
Je veux justement souligner la différence entre le parcours de santé mutualiste, respectueux de l'histoire de la Mutualité faite de solidarité et de non-discrimination, et les initiatives de certaines sociétés privées qui auraient voulu instaurer un accès prioritaire, plus rapide et privilégié à certains professionnels de santé. Je ne cesserai de m'élever contre ce type de projets, jamais je ne laisserai se développer une certaine forme d'américanisation de notre système. De tels procédés sont inacceptables. Cela me permet d'autant plus de dire que je regarde d'un oeil bienveillant ce que vous voulez faire car je sais que vous n'aurez jamais de telles velléités. Voilà pourquoi je suis à vos côtés pour la mise en oeuvre de ce parcours de santé mutualiste ; voilà pourquoi je suis à vos côtés pour repousser toute atteinte à l'égalité dans l'accès aux soins.
III/ Nous ne sommes pas seulement les gestionnaires du système pour 2006, nous avons aussi l'ambition de construire ensemble le système de santé dans 5, 10, 15 ans.
A/ Nous devons ancrer la prévention dans notre système de santé, et d'ancrer notre système de santé dans la prévention.
*Dans le cadre du parcours de santé, vous mettez particulièrement l'action sur la lutte contre les addictions, le dépistage des cancers et la santé buccodentaire.
Le Président de la République, lors de la présentation du second volet du Plan Cancer le 27 avril dernier, a placé la lutte contre les addictions, qu'il s'agisse du tabac, de l'alcool ou des drogues, au coeur de notre action. Je suis donc en train d'élaborer un plan de lutte.
Concernant la santé buccodentaire, un examen gratuit et obligatoire sera mis en place en 2006 pour les enfants de 6 et 12 ans. Les soins consécutifs seront eux-mêmes pris en charge.
Les progrès dans le domaine du dépistage des cancers sont certains, indéniables, mais il faut encore faire mieux.
Enfin, l'obésité constitue un des défis majeurs de santé au XXIe siècle, et la France, avec 16 % d'enfants en surpoids, n'est pas épargnée. Ainsi, je suis en train de finaliser le deuxième Programme national nutrition santé avec des actions plus ciblées, notamment envers les populations défavorisées, des actions de proximité, une meilleure prise en charge et un dépistage accru, une plus grande sensibilisation des professionnels de santé.
B/ Au-delà de la prévention, nous voulons réduire les inégalités de santé, tant sociales que territoriales.
*Il n'y a pas de fatalité à voir perdurer les inégalités régionales en termes de mortalité et de morbidité.
*Nous devons ainsi réfléchir à la manière dont nous déléguons les crédits : il est nécessaire désormais de réfléchir à une attribution des financements en fonction des objectifs de santé publique et de la situation de la population par rapport à ces objectifs.
*C'est aussi le sens de l'attention portée aux zones sous-médicalisées, afin de faciliter l'accès de tous aux soins.
Mais il va de soi que la vraie question, c'est la crise des vocations. Nous devons ainsi inventer de nouvelles pistes pour valoriser la médecine générale.
C/ Nous devons remettre le patient au coeur du système.
*L'accompagnement des patients et de leurs proches doit être renforcé : dans certaines disciplines, comme la cancérologie, nous généralisons les dispositifs de soutien psychologique et social. Je souhaite que cet axe soit au coeur du futur Plan Hôpital 2012, et j'ai bien acté l'initiative que vous prenez dans le cadre du parcours de santé mutualiste, en termes de soutien psychologique et d'éducation thérapeutique.
Nous devons aussi aux patients davantage de transparence et une meilleure évaluation de la qualité. Je sais que cette demande est au coeur des propositions mutualistes, et je voudrais vous rappeler mon engagement pour la généralisation des indicateurs de qualité. Déjà, avec ICALIN, nous disposons d'un outil de transparence pour les patients et d'un outil de comparaison et d'amélioration pour les professionnels de santé, sur un sujet qui concerne au premier plan les patients, les infections nosocomiales. Plusieurs autres indicateurs de qualité seront publiés courant 2007 : ce sont par exemple les questionnaires de satisfaction des patients ; l'indicateur concernant les établissements renvoyant les comptes-rendus d'hospitalisation au médecin traitant sous 48h ; l'évaluation de la prise en charge de la douleur.
D/ Nous devons dès maintenant, comme vous le soulignez, préparer notre système à relever le défi de la dépendance.
*Le Premier Ministre a dévoilé vendredi 26 mai les grandes lignes du Plan national Solidarité grand âge 2007-2012 :
- Lancement d'un plan national sur les maladies neurodégénératives et création d'une consultation anti-Alzheimer gratuite pour toutes les personnes de 70 ans ;
- Développement de l'hospitalisation à domicile, mise en place d'une filière gériatrique dans les hôpitaux, création de 5000 places par an en établissement.
Et nous devons dès aujourd'hui ouvrir une réflexion sur ce que sera notre société dans 15 ans concernant la place de la dépendance, son financement, et enfin l'articulation entre l'Etat et les services à la personne, comme ceux que vous avez développés dans le cadre de France Domicile.
Mettre notre détermination au service des valeurs qui nous animent et du futur de la protection sociale que nous défendons au quotidien : telle est notre ambition partagée. Et je me félicite de voir que, dans le sens de la réforme et de nos priorités pour faire de l'égalité devant la santé une réalité, vous êtes, comme vous l'avez toujours été, une force de proposition et d'innovation.
La Mutualité a toujours su allier la solidarité, l'égalité et l'universalité : c'est sur ce socle que s'est bâti notre assurance maladie, dont l'expertise, comme l'a souligné le Président de la République jeudi, peut servir à la construction de la protection sociale dans les pays en développement. Et la Mutualité n'est pas seulement garante, elle est partenaire de sa modernisation, et plus largement de la construction de l'avenir de notre système de santé. Votre vision témoigne d'une vraie lucidité, d'une vraie exigence d'une vraie ambition aussi, celle que nous partageons pour offrir demain à tous nos concitoyens davantage de transparence, de qualité et d'égalité dans la santé.
Depuis un an et demi, c'est une réforme de structure, une réforme de comportements, une réforme de mentalités qui est en oeuvre et qui produit ses premiers résultats, de vrais résultats. Mais le chemin est encore long, et ce chemin, nous continuerons à le faire ensemble
La Sécu, comme la Mutualité, est une idée française bien sûr, une idée solidaire, une idée forte, et c'est surtout, grâce à votre mobilisation, une idée d'avenir.Source http://www.sante.gouv.fr, le 13 juin 2006