Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
La France est riche d'un important patrimoine culturel immatériel. Elle s'est engagée de longue date pour en effectuer un inventaire scientifique, le sauvegarder et en assurer le respect, ainsi que pour sensibiliser le public à son importance. La Mission à l'ethnologie, les "ethnopôles" et les différents acteurs de la société civile contribuent à mettre en oeuvre cette politique, dont les productions scientifiques et les résultats sont reconnus aujourd'hui dans le monde entier.
Pourtant, la protection du patrimoine culturel immatériel reste une dimension méconnue de l'action publique. L'expression même ne nous est pas familière. Notre pays a longtemps préféré celle de "patrimoine ethnologique", consacrée par la création en 1980 du Conseil du patrimoine ethnologique. D'autres Etats utilisent des terminologies différentes.
Adoptée à l'UNESCO le 17 octobre 2003 et entrée en vigueur le 20 avril 2006, la Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a donc pour premier mérite de créer un cadre universel de compréhension et de coopération pour ces politiques. Elle définit de manière opératoire le patrimoine culturel immatériel comme "les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel". Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales (y compris la langue), aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, aux savoirs-faire liés à l'artisanat traditionnel, toutes formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.
La Convention prévoit également que les Etats parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger, et leur propose une palette d'instruments pour sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel immatériel et en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés concernées. Les engagements souscrits sont compatibles avec ceux relatifs aux droits de la propriété intellectuelle ou à l'usage des ressources biologiques et écologiques.
Cette Convention n'ajoute aucune contrainte à ce que notre pays fait déjà, mais inscrit et valorise son action dans un cadre multilatéral reconnu. Sa ratification n'implique donc aucune modification de notre droit. Elle constituera en revanche, au plan interne, un pas supplémentaire dans la reconnaissance de ce patrimoine dans notre pays, et illustrera, au plan international, notre forte implication dans la défense de la diversité culturelle.
Plus globalement, cette Convention marque également un jalon important pour compléter le droit international du patrimoine, dont l'UNESCO est la source et le garant, et auquel nous sommes traditionnellement très attachés. Sa négociation a répondu à la demande d'Etats du Sud, notamment africains et océaniens, qui se reconnaissent peu dans les dispositions de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972, qui n'appréhende le patrimoine culturel que sous l'angle du patrimoine bâti, au détriment d'une conception plus large. La dimension immatérielle du patrimoine, qui est à la fois la plus fondamentale, la plus vulnérable, méritait qu'on lui consacre un instrument international à part entière. C'est désormais chose faite, et le président de la République, dont vous connaissez l'engagement en faveur de la diversité culturelle, a salué à l'UNESCO cette Convention, qui, a-t-il dit, "rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent, année après année, dans l'indifférence de l'humanité, des peuples pourtant dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits."
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je ne doute pas que la représentation nationale saura reconnaître à son tour l'importance de ce texte. En autorisant sa rapide ratification, vous illustrerez notre constance dans nos engagements. Vous enverrez aux 52 Etats membres de l'UNESCO qui l'ont déjà approuvé un message de solidarité de la France, et vous manifesterez notre intérêt pour la défense de la diversité culturelle, sous toutes ses formes.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2006