Texte intégral
Cette réunion de juin de la commission nationale de la négociation collective est traditionnellement un moment important, pour les partenaires sociaux et l'Etat, pour faire le bilan de la négociation collective dans notre pays de l'année écoulée et présenter les projets de l'année en cours.
Elle est l'occasion d'examiner l'activité conventionnelle au niveau interprofessionnel, des branches et des entreprises de cette année 2005 et de faire notamment un bilan de la loi du 4 mai 2004 après deux ans d'application.
Au delà de ce bilan, je voudrais aussi aborder les perspectives pour l'année 2006 ainsi que les évolutions positives du dialogue social suite au processus de relance des négociations engagé par notre ministère.
Enfin, comme cela est de tradition, j'aborderai, après le tour de table sur le bilan de la négociation, le second point de l'ordre du jour, à savoir le sujet du SMIC.
L'année 2005 témoigne une fois de plus de la vitalité de la négociation collective.
-La négociation au niveau interprofessionnel
La négociation interprofessionnelle est restée particulièrement active en 2005, et s'est concrétisée par la conclusion d'accords particulièrement innovants sur le télétravail, la convention de reclassement personnalisé, ou encore l'accord sur l'emploi des seniors en vue de promouvoir le maintien et le retour à l'emploi des seniors. J'insisterai particulièrement sur cet accord relatif à l'emploi des seniors du 13 octobre 2005 qui illustre l'activité du dialogue social et le sens de l'engagement des partenaires sociaux.
Parallèlement se sont poursuivies les négociations sur la pénibilité au travail.
-La négociation au niveau des branches professionnelles
La négociation de branche, avec 1144 accords conclus, enregistre une progression par rapport à 2004. Si l'augmentation du nombre d'accords de branche est cette année plus modeste qu'en 2004, elle est en hausse.
J'observe surtout un phénomène pour moi essentiel : parmi les 8 nouvelles conventions collectives qui ont été signées en 2005, 4 d'entre elles concernent des secteurs (et donc des salariés) qui n'étaient pas encore couverts par des conventions collectives.
Concernant les thèmes de négociation, je note l'essor de la négociation salariale au niveau des branches : le contexte a été marqué par le retour à un SMIC unique et la mise en place d'un suivi de la négociation sur les salaires minima et les classifications.
Les résultats confirment une négociation salariale nettement plus soutenue qu'en 2004 : le nombre d'avenants est passé de 399 en 2004 à 521 en 2005, soit 30 % de plus. Cette hausse est la plus élevée depuis 10 ans.
Dans les branches de plus de 5 000 salariés, 9,7 millions de salariés (sur 12 millions), contre seulement 7,6 millions en 2004 sont désormais couverts par une nouvelle grille salariale, parfois dans des branches qui n'étaient pas parvenues à un accord depuis plusieurs années.
Par ailleurs, les négociations sur la formation professionnelle se sont poursuivies à un rythme soutenu, avec 245 accords ou avenants (20 % de l'ensemble des accords en 2005).
Depuis l'entrée en vigueur de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 et de la loi du 4 mai 2004, 375 textes ont été signés sur ce thème.
Parallèlement, on a constaté un ralentissement de la négociation sur le temps de travail, sur la mise à la retraite et sur la prévoyance.
Toujours sur les thèmes de négociation, 2 accords professionnels de branche spécifiquement consacrés à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ont été signés en 2005, 30 avenants ou accords abordent ce thème et 7 des 8 nouvelles conventions collectives y font référence.
En revanche, la négociation sur le travail des personnes handicapées reste encore trop faible.
La négociation au niveau des entreprises
La négociation collective est repartie à la hausse en 2005 avec une augmentation de 10 % du nombre d'accords.
Comme pour les branches, le thème des salaires est prépondérant (35 % des accords), surtout dans les grandes entreprises, bien devant le temps de travail (28 %) et l'épargne salariale (16 %).
Comme nous l'avions constaté l'an passé, la part des accords signés par des entreprises de moins de 50 salariés avec des délégués syndicaux poursuit sa diminution (ces accords représentent 17 % des accords signés avec des délégués syndicaux).
Les suites de la loi du 4 mai 2004
Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne les suites de la loi du 4 mai 2004, pour sa deuxième année d'application. J'avais qualifié l'année 2004 « d'année de l'apprentissage ». Je constate qu'en 2005 les partenaires sociaux se sont davantage saisis de certaines de ces dispositions relatives au dialogue social.
Certes, à ce jour, aucune branche n'a mis en place le principe de l'accord majoritaire pour déterminer la validité des accords, au niveau de la branche ou de l'entreprise.
Mais nous avons pu constater que des discussions sur les modes de conclusion des accords ont eu lieu dans plusieurs branches : branches prestataires de services du secteur tertiaire, coiffure, casinos, ou encore hospitalisation privée à but lucratif. Ces négociations n'ont toutefois pas abouti à des accords déposés.
S'agissant du droit d'opposition, son exercice est, semble-t-il, resté mesuré. Au niveau de la branche, les services de la DRT ont identifié moins de 20 oppositions majoritaires sur les 1788 textes signés depuis le 4 mai 2004.
Si l'exercice du droit d'opposition reste rare, la possibilité d'y recourir a visiblement fait évoluer les comportement.
Elle incite les employeurs à rechercher une majorité de signature lors de la conclusion de tout accord et les organisations de salariés à constituer des coalitions.
Sur l'articulation des niveaux de négociation, depuis l'entrée en vigueur de la loi, on constate que un peu plus d'un quart des textes signés au niveau national en 2005 ne comportent pas de clause impérative, et par ce silence, ouvrent donc la possibilité pour les entreprises de conclure des accords qui dérogent à ces dispositions.
Il convient toutefois de préciser, s'agissant de la portée de l'autonomie ainsi conférée aux entreprises par rapport aux accords de branches, que très peu d'entreprises se sont saisies de cette nouvelle faculté.
-Quelques mots maintenant sur la négociation en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise
L'année 2005 a vu la conclusion et l'extension des premiers accords sur le dialogue social, ouvrant la possibilité aux entreprises dépourvues de délégué syndical dans le champ d'application de ces branches, de négocier avec les représentants du personnel ou, à défaut, un salarié mandaté en cas de carence aux élections professionnelles.
Ce bilan nuancé de l'application des dispositions de la loi du 4 mai 2004 montre qu'il faudra encore du temps pour que cette réforme majeure de la négociation collective produise tous ses effets.
Le rapport sur l'application de cette loi prévu en décembre 2007 sera l'occasion probablement de débattre de l'ensemble de ces points, à la lumière du rapport de Raphaël Hadas Lebel qui vous a été présenté lors de la réunion de la Commission nationale de la négociation collective du 30 mai 2006, et du rapport de Dominique-Jean Chertier sur le dialogue social.
Les perspectives du dialogue social pour les mois à venir
Dans la continuité de ce que j'avais affirmé devant cette commission l'année dernière, la démarche du Gouvernement est de rendre au dialogue social toute la place qui doit être la sienne et d'ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective.
Ouverture de nouveaux champs à la négociation collective
L'année 2005 a été l'occasion d'illustrer la nouvelle articulation entre la loi et la négociation collective au profit de cette dernière. De nouveaux champs ont été ouverts à la négociation collective. J'en donnerai trois exemples :
* la loi du 18 janvier 2005 qui fait une large place à la négociation d'accords de méthode et de gestion prévisionnelle des emplois qui permettent d'anticiper les difficultés et de poser à froid les règles collectives permettant de les surmonter ;
* la loi du 31 mars 2005 qui, elle aussi, accroît le champ de la négociation collective pour passer d'une logique législative et réglementaire à une logique conventionnelle.
* le projet de loi sur la participation qui a fait l'objet de longs débats au sein du conseil supérieur de la participation, et qui vise à ouvrir les mécanismes complexes de participation financière et d'épargne salariale à la négociation notamment au niveau des branches.
Ce renvoi croissant à la négociation collective porte ses fruits et je compte suivre de près les effets de ces textes sur la production conventionnelle qui sera présentée lors du prochain bilan de 2006.
Effectivité des négociations
J'ai poursuivi en 2005 une des missions auxquelles j'accorde une importante toute particulière qui est celle de veiller à la tenue des négociations obligatoires et de favoriser leur bon déroulement en jouant le rôle de facilitateur qui doit être le mien.
La relance de la négociation sur les minima salariaux dans les branches s'inscrit pleinement dans cette perspective. A la demande des membres de la sous-commission des salaires que j'ai réunie le 11 mai dernier pour le bilan de l'opération lancée en mars 2005 sur les salaires minima dans les 274 branches de plus de 5 000 salariés, élargie depuis aux branches de moins de 5 000 salariés, il a été décidé de pérenniser ce suivi. Il sera coordonné, à partir de janvier 2007, avec le suivi de la négociation collective et alimentera le bilan annuel.
Le directeur des relations du travail réunira le groupe de travail de la sous-commission des salaires dès la rentrée, pour un premier état des lieux après la revalorisation du SMIC.
En outre, l'année 2005 a également été marquée par un important chantier ouvert en octobre de restructuration des conventions collectives dans le secteur du spectacle mené conjointement avec le Ministre de la culture.
Depuis le mois d'octobre dernier et la mise en place de 8 commissions mixtes paritaires dans le secteur du spectacle vivant et enregistré, plus de 60 réunions de commissions mixtes paritaires se sont tenues, présidées par des représentants de l'état.
Les négociations ont porté sur les champs d'application, le financement du paritarisme, le temps de travail, les listes de fonctions et les conditions de recours au CDD d'usage, ou encore les salaires. Par ailleurs, des négociations au niveau inter-branches vont s'ouvrir sur la prévoyance : une première CMP sur ce sujet dans deux jours (le 28 juin).
Pour finir, je souhaiterai m'arrêter quelques instants sur le travail à temps partiel. Je vous avais fait part, l'année dernière, de ma volonté de faire un état des lieux du dialogue social sur ce sujet et d'identifier les « bonnes pratiques ».
Dès juin 2005, des réunions bilatérales ont été organisées entre mes services et les fédérations professionnelles et les représentants des salariés des principales branches utilisatrices du travail à temps partiel (grands magasins, entreprises de propreté, HCR, entreprises de préventions et de sécurité...). A l'issue de ces concertations, certains secteurs, comme celui de la grande distribution, ont pris des initiatives pour améliorer la qualité de l'emploi à temps partiel. Ces bonnes pratiques doivent se développer et j'ai demandé à mes services de poursuivre les concertations. En conclusion, je retiendrais pour ma part trois grands axes de ce bilan 2005.
-L'année 2005 a été marquée par un nouvel essor de la négociation collective tant au niveau des branches (+ 10 %) que des entreprises (+ 10 %).
Cette forte augmentation du nombre d'accords conclus illustre la vitalité de la négociation collective et va à l'encontre de l'idée répandue d'un dialogue social en panne dans notre pays.
-La négociation sur les salaires est redevenue le premier thème de négociation tant au niveau des branches que des entreprises (pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 1996).
La démarche d'incitation, de suivi et d'appui de l'opération sur les minima salariaux de branches, que nous avons conduit, a porté ses fruits : l'intervention de l'Etat, le suivi de la sous-commission des salaires ainsi que le travail réalisé auprès des négociateurs de branche a été efficace. Pour certains partenaires, une dynamique de négociation a été recréée après parfois des années de blocages.
-Je note enfin la volonté des partenaires sociaux d'enrichir les thèmes de la négociation et de se saisir de sujets très innovants comme le télétravail ou encore l'emploi des seniors. Sur ces thèmes, les partenaires sociaux ont été des précurseurs.
L'an dernier, nos échanges m'avaient conduit à vous proposer que nos débats sur le SMIC puissent être éclairés par l'administration et notamment par la direction des relations du travail à qui j'ai demandé d'établir un rapport sur les fondements, les règles et les évolutions du SMIC.
Ce rapport a été diffusé à l'automne 2005. Il a fait l'objet de commentaires écrits de la part de deux confédérations de salariés et d'une organisation patronale.
Il a eu, je crois, le mérite d'éclairer, comme cela était souhaité, les uns et les autres sur les mécanismes relatifs au salaire minimum de croissance, les enjeux en termes de pouvoir d'achat, de négociation salariale et d'emploi.
Comme vous le savez, au cours de l'année 2005 et encore aujourd'hui, le Gouvernement s'est attaché, pour sa part, à relancer la négociation de branche afin que les minima de grilles soient au moins re-haussés au niveau du SMIC. J'ai déjà eu l'occasion de faire le bilan de cette opération et d'évoquer sa poursuite, notamment après la revalorisation du SMIC au 1er juillet qui constitue le second point à notre ordre du jour.
Après l'intervention du représentant du ministre de l'Economie et des Finances sur les perspectives économiques, je recueillerai l'avis motivé de la Commission sur la revalorisation du SMIC.
Je rappelle, au préalable, que nous revenons cette année aux règles traditionnelles de revalorisation après l'intermède de la loi Fillon qui nous a permis d'assurer la convergence des multiples SMIC et de revenir à une SMIC unique de référence.
Comme je l'ai annoncé lors de la sous-commission des salaires du 11 mai dernier, et comme je vous l'avais déjà indiqué lors de la dernière CNNC de juin 2005, l'achèvement de la convergence des multiples SMIC, nous permet cette année à revenir à la règle de droit commun s'agissant du calcul de la revalorisation légale du SMIC.
Je rappelle qu'en vertu des dispositions des articles L 141-2 et L. 141-5 du code du travail, le SMIC est revalorisé en tenant compte :
* d'une part, de l'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé ;
* d'autre part, de l'évolution du pouvoir d'achat du taux de salaire horaire de base ouvrier (SHBO).
Entre mai 2005 et mai 2006, les prix à la consommation (hors tabac) des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé ont augmenté de 1,9 %.
De mars 2005 à mars 2006, le taux de salaire horaire de base ouvrier a enregistré une hausse de 3,1 %. Les prix ayant progressé de 1,4 % au cours de la même période, il en résulte une augmentation du pouvoir d'achat de 1,7 %. La moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat du SHBO est donc de 0,85 %.
L'application des clauses légales conduit à une augmentation minimale du taux horaire du SMIC de 2,75 %. A celle-ci, le Gouvernement propose d'ajouter un coup de pouce supplémentaire de 0,3 % portant ainsi la revalorisation à 3,05 %. Le montant du SMIC brut horaire s'élèvera donc à 8,27 euros, soit 1254,28 euros mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires.
Les résultats de cette consultation et les avis recueillis feront l'objet d'un rapport qui sera transmis au Gouvernement. Celui-ci arrêtera sa décision à l'occasion de la prochaine réunion du Conseil des Ministres, ce mercredi.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 27 juin 2006