Texte intégral
Je suis sensible à l'invitation de votre président qui a souhaité ma présence ici aujourd'hui. Le secteur que vous représentez est sans conteste capital pour notre pays, à cause de son importance économique et de son effet d'entraînement : papier, machine, distribution, à cause de son importance sociale, n'est-ce pas en partie dans les ateliers des maîtres imprimeurs qu'à la fin du siècle dernier le syndicalisme moderne est né, enfin à cause de son importance culturelle au sens large du terme, vous qui êtes au centre du processus de communication des informations, des idées, des images.
Je connais bon nombre des difficultés que vous rencontrez : hausse des matières premières, bouleversement technologique, concurrence étrangère mais ces difficultés je les ai prises en compte. Le rapport que j'ai eu à rédiger à la demande du Président de la République et du Premier ministre tenait compte de la réalité des entreprises aujourd'hui et c'est dans un esprit pragmatique que j'ai élaboré à partir de ce rapport 4 ordonnances et 4 lois. Avec elles, il s'agit en fait de valoriser les forces vives de notre pays, dont vous êtes, pour qu'elles puissent affronter plus solidairement les difficultés actuelles et les incertitudes du futur.
En toile de fond à l'ensemble de ces réformes se trouve une conception de l'entreprise qu'il convient de rappeler. L'entreprise est une collectivité de travail où des hommes et des femmes sont rassemblés autour d'un projet économique. C'est précisément pour réunifier cette collectivité, pour rendre son fonctionnement plus dynamique et pour y clarifier la responsabilité des différents acteurs sociaux qui la composent que les différentes réformes ci-dessus rappelées ont été engagées depuis un an. Mais si l'entreprise est un lieu où la démocratie doit entrer de manière plus large que par le passé, elle doit le faire dans les limites même de la fonction de l'entreprise : la production de biens et de services dans les meilleures conditions économiques et sociales. Ainsi doit-elle être un lieu où s'installe la discussion, la concertation mais non pas le débat permanent. C'est un lieu de travail à l'intérieur duquel les seuls acteurs de ce travail doivent intervenir.
Je rappelle brièvement le contenu des textes adoptés qui peuvent être présentés sous 4 thèmes principaux :
- le renforcement des libertés individuelles dans l'entreprise. En ouvrant des possibilités réelles d'expression, en cherchant à mettre fin à ce qui est parfois le règne de l'arbitraire et en créant un véritable droit disciplinaire dans l'entreprise dont l'ensemble des parties ne peut que bénéficier, nous voulons rendre le salarié plus libre, mais aussi plus responsable ;
- la reconstitution de la communauté de travail. C'est une condition nécessaire pour qu'aucun de ceux qui apportent à l'entreprise leur force de travail ne reste en marge du projet collectif par rapport auquel elle se définit. Les ordonnances sur le travail temporaire ou sur les contrats à durée déterminée vont dans ce sens en donnant à chacun des droits équivalents quel que soit son statut ;
- le développement des institutions représentatives du personnel et la clarification du rôle de chacune d'entre elles. Ce développement s'appuie sur la conviction que, pas plus en France qu'ailleurs, l'entreprise de l'avenir ne pourra se soustraire aux règles d'une véritable démocratie industrielle, celle-ci ne pouvant cependant se concevoir sans le respect du pluralisme syndical auquel le mouvement ouvrier s'est toujours montré attaché dans notre pays ;
- l'extension de la politique contractuelle. C'est à travers celle-ci que l'idée de démocratie industrielle passe dans les faits et que la communauté de travail se valorise, fixe ses objectifs et définit ses règles.
Une fois défini ainsi de manière rapide le contenu des ordonnances et des lois, je souhaite insister sur les trois idées essentielles qui sont à la base du projet économique et social majeur qui vient d'être mis en place. Le premier élément touche la méthode choisie pour modifier les relations sociales dans notre pays : le Gouvernement a préféré le contrat à la réglementation. Les deux autres idées de fond sont celles qui touchent à la définition des responsabilités de chaque acteur dans l'entreprise et à la mise en place d'une solidarité accrue au sein de celle-ci, plus globalement, au sein de la nation toute entière.
La préférence donnée au contrat par rapport à la loi et au règlement est absolument essentielle dans notre conception de la politique sociale. Il ne s'agit en effet pas que l'État définisse pour l'ensemble des entreprises et à la place des acteurs sociaux eux-mêmes ce que doit être la réalité des conceptions de vie et de travail dans les entreprises. Bien au contraire il convient que chacun à sa place puisse intervenir dans son champ de responsabilité pour permettre les changements qu'il souhaite dans le cadre de la collectivité à laquelle il appartient.
En outre, la règlementation imposée d'en haut est toujours trop générale et trop rigide pour s'adapter aux situations diversifiées des entreprises sur le plan économique, technique ou géographique. Il faut tenir compte des réalités liées à la taille des entreprises, à leur appartenance au secteur concurrentiel ou non, à leur exposition à la concurrence étrangère ou non, à leur situation économique, et votre secteur est riche de diversité de l'impression de magazines à celle d'étiquettes ou de monnaies, d'où le refus d'une règlementation tatillonne et bureaucratique telle qu'elle a souvent existé par le passé. Le pouvoir politique en charge de l'État doit prendre ses responsabilités mais ne pas les dépasser au risque d'engendrer des rigidités et une inefficacité tant sur le plan économique que social.
Dans ce cadre, le rôle de l'État peut se résumer en quatre idées clés :
- l'État fixe les règles du jeu : c'est dans cet esprit que doivent être lues l'ensemble des quatre lois sur les droits des travailleurs qui viennent d'être votées au parlement. Elles permettent de définir un cadre aux relations sociales dans notre pays et au sein des entreprises.
- l'État doit définir à un moment donné ce qui est considéré comme le minimum de statut des salariés dans un pays comme la France. C'est ainsi qu'il est amené à fixer le niveau du salaire minimum par le biais du Smic, les durées maximales du travail et les règles de base en matière d'hygiène et de sécurité.
- l'État a en troisième lieu une action d'animation de la politique sociale à jouer. Il doit ainsi mettre sur la table des négociateurs, l'ensemble des données économiques et sociales dont il dispose, il doit ainsi aider à clarifier le débat.
- l'État doit enfin être exemplaire dans les secteurs qui dépendent de lui, que ce soit la fonction publique, le secteur public à statut ou le secteur nationalisé concurrentiel, il doit être exemplaire aussi comme client, notamment dans ses délais de paiement.
La place essentielle laissée dans les relations sociales à la négociation est un choix : je considère qu'il était le seul possible pour permettre un réel changement des conditions de vie et de travail des salariés et pour donner la possibilité aux entreprises de faire face à la crise internationale en bénéficiant de l'ensemble des potentialités de ses membres.
Dans cet esprit, la définition des responsabilités de chaque acteur est porteuse d'énergie non exploitée et de potentialités de progrès accrues.
Chacun dans l'entreprise a un rôle à jouer associé à des droits et à des responsabilités.
- tout d'abord les dirigeants d'entreprises. Nous respectons l'unité de direction et la responsabilité de gestion des employeurs, nous les invitons toutefois à mieux intégrer les dimensions sociales et humaines dans leur stratégie d'ensemble. L'esprit d'initiative n'a pas manqué aux chefs d'entreprises dans le passé, il ne doit pas leur manquer aujourd'hui en matière d'investissement social.
- les cadres ont eu aussi un rôle essentiel à jouer : leur goût de l'action et du progrès a été le facteur essentiel du développement économique et social, ce rôle doit s'enrichir par leur intervention dans l'exercice du droit d'expression. Il est hors de question que se créent des hiérarchies parallèles qui n'auraient pas de raison d'être et seraient préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise.
- les salariés qui dorénavant bénéficient d'un droit d'expression sur leurs conditions de travail. L'expression est directe : cela veut dire que chaque salarié, quelle que soit son entreprise ou sa qualification propre, quelle que soit sa place dans la hiérarchie professionnelle, détient et peut exercer ce droit d'expression, car qui est mieux à même de parler de son travail que celui qui l'exerce ? Cela veut dire également qu'elle se différencie des circuits habituels d'expression que l'on connaissait déjà par le passé, que ce soit le canal hiérarchique ou la voie des représentants du personnel, élus ou désignés par les organisations syndicales. Différente, mais complémentaire de ces circuits de communication qui auront évidemment à connaître l`expression des salariés et à en tenir compte sans interférer avec celui-ci.
Directe, l'expression est également collective, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'instituer un rapport individuel salarié/chef d'entreprise, mais de faire en sorte que chacun puisse s'exprimer en tant que membre d'une unité élémentaire de travail - c'est-à-dire un bureau, un atelier, une équipe, un chantier - et en présence de ses collègues de travail qui peuvent avoir tout autant leur mot à dire. Droit individuel donc mais application collectivement dans un cadre et selon des modalités définies.
Le pari engagé est celui d'une organisation démocratique des rapports sociaux fondée sur la confiance, la reconnaissance de la compétence de chacun à parler de son travail et des moyens de l'améliorer ainsi que sur la valorisation des capacités individuelles, à l'instar de nombreux pays qui se sont engagés dans cette voie, cela donnera à la France des chances nouvelles de progrès.
Enfin les représentants du personnel ont des missions essentielles à remplir dans l'entreprise. J'ai essayé de clarifier le rôle de l'ensemble des institutions : les représentants du personnel élus au plus près possible des ateliers et des bureaux doivent porter à l'employeur les revendications individuelles et collectives des salariés qu'ils représentent ; le comité d'entreprise doit être un lieu d'information sur l'évolution économique et technologique de l'entreprise à tous les niveaux où des décisions sont prises : établissement, entreprise, groupe.
Sans cette connaissance de la situation économique, il n'est pas de dialogues fructueux. Que ceux qui reprochent aux représentants du personnel leur dogmatisme ou leur maximalisme se posent la question de savoir s'ils leur ont donné les moyens de connaître les réalités concrètes de l'entreprise et ainsi d'adopter une vision pragmatique.
Les organisations syndicales qui, grâce à leur pluralisme représentent bien les sensibilités différentes de notre pays, devront négocier ce qui constitue les conditions propres de travail des salariés et notamment les rémunérations et la durée du travail. Les représentants syndicaux ont ainsi un réel droit de négociation mais ils auront des positions à prendre et donc des responsabilités à reconnaître quand ils seront amenés à refuser de signer un accord ou à s'opposer à l'application d'un accord dérogatoire, ils devront s'expliquer publiquement sur les raisons de leur choix. Les salariés jugeront d'eux-mêmes.
Je dirais volontiers que pour [que] la politique contractuelle à laquelle nous croyons soit la pratique privilégiée du progrès social, pour que le choix du Gouvernement d'un droit qui stimule plutôt qu'un droit qui encadre soit respecté, il convient de donner aux acteurs sociaux les moyens d'exercer les responsabilités qui sont les leurs.
Je suis persuadé que le choix des relations sociales que nous avons fait était le seul moyen de permettre à la France un progrès économique et social. A cet égard, dans une situation économique difficile c'est un appel à la solidarité que nous souhaitons voir exercée à tous les niveaux où des décisions sont prises. Solidarité entre ceux qui ont un travail et ceux qui n'en n'ont pas, c'est notamment le débat sur le partage du travail. Solidarité entre ceux qui ont un statut protecteur, voire privilégié, et ceux qui restent les plus défavorisés dans notre pays.
Je connais bon nombre des difficultés que vous rencontrez : hausse des matières premières, bouleversement technologique, concurrence étrangère mais ces difficultés je les ai prises en compte. Le rapport que j'ai eu à rédiger à la demande du Président de la République et du Premier ministre tenait compte de la réalité des entreprises aujourd'hui et c'est dans un esprit pragmatique que j'ai élaboré à partir de ce rapport 4 ordonnances et 4 lois. Avec elles, il s'agit en fait de valoriser les forces vives de notre pays, dont vous êtes, pour qu'elles puissent affronter plus solidairement les difficultés actuelles et les incertitudes du futur.
En toile de fond à l'ensemble de ces réformes se trouve une conception de l'entreprise qu'il convient de rappeler. L'entreprise est une collectivité de travail où des hommes et des femmes sont rassemblés autour d'un projet économique. C'est précisément pour réunifier cette collectivité, pour rendre son fonctionnement plus dynamique et pour y clarifier la responsabilité des différents acteurs sociaux qui la composent que les différentes réformes ci-dessus rappelées ont été engagées depuis un an. Mais si l'entreprise est un lieu où la démocratie doit entrer de manière plus large que par le passé, elle doit le faire dans les limites même de la fonction de l'entreprise : la production de biens et de services dans les meilleures conditions économiques et sociales. Ainsi doit-elle être un lieu où s'installe la discussion, la concertation mais non pas le débat permanent. C'est un lieu de travail à l'intérieur duquel les seuls acteurs de ce travail doivent intervenir.
Je rappelle brièvement le contenu des textes adoptés qui peuvent être présentés sous 4 thèmes principaux :
- le renforcement des libertés individuelles dans l'entreprise. En ouvrant des possibilités réelles d'expression, en cherchant à mettre fin à ce qui est parfois le règne de l'arbitraire et en créant un véritable droit disciplinaire dans l'entreprise dont l'ensemble des parties ne peut que bénéficier, nous voulons rendre le salarié plus libre, mais aussi plus responsable ;
- la reconstitution de la communauté de travail. C'est une condition nécessaire pour qu'aucun de ceux qui apportent à l'entreprise leur force de travail ne reste en marge du projet collectif par rapport auquel elle se définit. Les ordonnances sur le travail temporaire ou sur les contrats à durée déterminée vont dans ce sens en donnant à chacun des droits équivalents quel que soit son statut ;
- le développement des institutions représentatives du personnel et la clarification du rôle de chacune d'entre elles. Ce développement s'appuie sur la conviction que, pas plus en France qu'ailleurs, l'entreprise de l'avenir ne pourra se soustraire aux règles d'une véritable démocratie industrielle, celle-ci ne pouvant cependant se concevoir sans le respect du pluralisme syndical auquel le mouvement ouvrier s'est toujours montré attaché dans notre pays ;
- l'extension de la politique contractuelle. C'est à travers celle-ci que l'idée de démocratie industrielle passe dans les faits et que la communauté de travail se valorise, fixe ses objectifs et définit ses règles.
Une fois défini ainsi de manière rapide le contenu des ordonnances et des lois, je souhaite insister sur les trois idées essentielles qui sont à la base du projet économique et social majeur qui vient d'être mis en place. Le premier élément touche la méthode choisie pour modifier les relations sociales dans notre pays : le Gouvernement a préféré le contrat à la réglementation. Les deux autres idées de fond sont celles qui touchent à la définition des responsabilités de chaque acteur dans l'entreprise et à la mise en place d'une solidarité accrue au sein de celle-ci, plus globalement, au sein de la nation toute entière.
La préférence donnée au contrat par rapport à la loi et au règlement est absolument essentielle dans notre conception de la politique sociale. Il ne s'agit en effet pas que l'État définisse pour l'ensemble des entreprises et à la place des acteurs sociaux eux-mêmes ce que doit être la réalité des conceptions de vie et de travail dans les entreprises. Bien au contraire il convient que chacun à sa place puisse intervenir dans son champ de responsabilité pour permettre les changements qu'il souhaite dans le cadre de la collectivité à laquelle il appartient.
En outre, la règlementation imposée d'en haut est toujours trop générale et trop rigide pour s'adapter aux situations diversifiées des entreprises sur le plan économique, technique ou géographique. Il faut tenir compte des réalités liées à la taille des entreprises, à leur appartenance au secteur concurrentiel ou non, à leur exposition à la concurrence étrangère ou non, à leur situation économique, et votre secteur est riche de diversité de l'impression de magazines à celle d'étiquettes ou de monnaies, d'où le refus d'une règlementation tatillonne et bureaucratique telle qu'elle a souvent existé par le passé. Le pouvoir politique en charge de l'État doit prendre ses responsabilités mais ne pas les dépasser au risque d'engendrer des rigidités et une inefficacité tant sur le plan économique que social.
Dans ce cadre, le rôle de l'État peut se résumer en quatre idées clés :
- l'État fixe les règles du jeu : c'est dans cet esprit que doivent être lues l'ensemble des quatre lois sur les droits des travailleurs qui viennent d'être votées au parlement. Elles permettent de définir un cadre aux relations sociales dans notre pays et au sein des entreprises.
- l'État doit définir à un moment donné ce qui est considéré comme le minimum de statut des salariés dans un pays comme la France. C'est ainsi qu'il est amené à fixer le niveau du salaire minimum par le biais du Smic, les durées maximales du travail et les règles de base en matière d'hygiène et de sécurité.
- l'État a en troisième lieu une action d'animation de la politique sociale à jouer. Il doit ainsi mettre sur la table des négociateurs, l'ensemble des données économiques et sociales dont il dispose, il doit ainsi aider à clarifier le débat.
- l'État doit enfin être exemplaire dans les secteurs qui dépendent de lui, que ce soit la fonction publique, le secteur public à statut ou le secteur nationalisé concurrentiel, il doit être exemplaire aussi comme client, notamment dans ses délais de paiement.
La place essentielle laissée dans les relations sociales à la négociation est un choix : je considère qu'il était le seul possible pour permettre un réel changement des conditions de vie et de travail des salariés et pour donner la possibilité aux entreprises de faire face à la crise internationale en bénéficiant de l'ensemble des potentialités de ses membres.
Dans cet esprit, la définition des responsabilités de chaque acteur est porteuse d'énergie non exploitée et de potentialités de progrès accrues.
Chacun dans l'entreprise a un rôle à jouer associé à des droits et à des responsabilités.
- tout d'abord les dirigeants d'entreprises. Nous respectons l'unité de direction et la responsabilité de gestion des employeurs, nous les invitons toutefois à mieux intégrer les dimensions sociales et humaines dans leur stratégie d'ensemble. L'esprit d'initiative n'a pas manqué aux chefs d'entreprises dans le passé, il ne doit pas leur manquer aujourd'hui en matière d'investissement social.
- les cadres ont eu aussi un rôle essentiel à jouer : leur goût de l'action et du progrès a été le facteur essentiel du développement économique et social, ce rôle doit s'enrichir par leur intervention dans l'exercice du droit d'expression. Il est hors de question que se créent des hiérarchies parallèles qui n'auraient pas de raison d'être et seraient préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise.
- les salariés qui dorénavant bénéficient d'un droit d'expression sur leurs conditions de travail. L'expression est directe : cela veut dire que chaque salarié, quelle que soit son entreprise ou sa qualification propre, quelle que soit sa place dans la hiérarchie professionnelle, détient et peut exercer ce droit d'expression, car qui est mieux à même de parler de son travail que celui qui l'exerce ? Cela veut dire également qu'elle se différencie des circuits habituels d'expression que l'on connaissait déjà par le passé, que ce soit le canal hiérarchique ou la voie des représentants du personnel, élus ou désignés par les organisations syndicales. Différente, mais complémentaire de ces circuits de communication qui auront évidemment à connaître l`expression des salariés et à en tenir compte sans interférer avec celui-ci.
Directe, l'expression est également collective, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'instituer un rapport individuel salarié/chef d'entreprise, mais de faire en sorte que chacun puisse s'exprimer en tant que membre d'une unité élémentaire de travail - c'est-à-dire un bureau, un atelier, une équipe, un chantier - et en présence de ses collègues de travail qui peuvent avoir tout autant leur mot à dire. Droit individuel donc mais application collectivement dans un cadre et selon des modalités définies.
Le pari engagé est celui d'une organisation démocratique des rapports sociaux fondée sur la confiance, la reconnaissance de la compétence de chacun à parler de son travail et des moyens de l'améliorer ainsi que sur la valorisation des capacités individuelles, à l'instar de nombreux pays qui se sont engagés dans cette voie, cela donnera à la France des chances nouvelles de progrès.
Enfin les représentants du personnel ont des missions essentielles à remplir dans l'entreprise. J'ai essayé de clarifier le rôle de l'ensemble des institutions : les représentants du personnel élus au plus près possible des ateliers et des bureaux doivent porter à l'employeur les revendications individuelles et collectives des salariés qu'ils représentent ; le comité d'entreprise doit être un lieu d'information sur l'évolution économique et technologique de l'entreprise à tous les niveaux où des décisions sont prises : établissement, entreprise, groupe.
Sans cette connaissance de la situation économique, il n'est pas de dialogues fructueux. Que ceux qui reprochent aux représentants du personnel leur dogmatisme ou leur maximalisme se posent la question de savoir s'ils leur ont donné les moyens de connaître les réalités concrètes de l'entreprise et ainsi d'adopter une vision pragmatique.
Les organisations syndicales qui, grâce à leur pluralisme représentent bien les sensibilités différentes de notre pays, devront négocier ce qui constitue les conditions propres de travail des salariés et notamment les rémunérations et la durée du travail. Les représentants syndicaux ont ainsi un réel droit de négociation mais ils auront des positions à prendre et donc des responsabilités à reconnaître quand ils seront amenés à refuser de signer un accord ou à s'opposer à l'application d'un accord dérogatoire, ils devront s'expliquer publiquement sur les raisons de leur choix. Les salariés jugeront d'eux-mêmes.
Je dirais volontiers que pour [que] la politique contractuelle à laquelle nous croyons soit la pratique privilégiée du progrès social, pour que le choix du Gouvernement d'un droit qui stimule plutôt qu'un droit qui encadre soit respecté, il convient de donner aux acteurs sociaux les moyens d'exercer les responsabilités qui sont les leurs.
Je suis persuadé que le choix des relations sociales que nous avons fait était le seul moyen de permettre à la France un progrès économique et social. A cet égard, dans une situation économique difficile c'est un appel à la solidarité que nous souhaitons voir exercée à tous les niveaux où des décisions sont prises. Solidarité entre ceux qui ont un travail et ceux qui n'en n'ont pas, c'est notamment le débat sur le partage du travail. Solidarité entre ceux qui ont un statut protecteur, voire privilégié, et ceux qui restent les plus défavorisés dans notre pays.