Texte intégral
Monsieur le Ministre, Monsieur le Sénateur-Maire de Marseille, cher Jean-Claude Gaudin,
Monsieur le Ministre, Monsieur le Président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur,
Monsieur le Ministre, Monsieur le Président de l'Etablissement Public Euroméditerranée, cher Renaud Muselier,
Monsieur le Président du Conseil général des Bouches du Rhône,
Monsieur le Préfet de Région,
Madame la Directrice des musées de France, Chère Francine Mariani-Ducray,
Mesdames et Messieurs,
Aujourd'hui, c'est un moment particulièrement fort qui nous rassemble à Marseille. C'est le rendez-vous des engagements respectés, de la parole tenue, de l'addition des énergies déployées par Marseille, par l'Etat, par la région et le département, pour faire vivre un partenariat exceptionnel. Ce partenariat porte ses fruits, avec la convention que nous allons signer dans un instant. C'est véritablement le pacte fondateur du nouveau Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, qui permet d'engager concrètement la construction de ce grand projet urbain, national et international, à la dimension de votre cité, de son histoire, forgée par des millénaires d'échanges, d'activités, de culture, d'ouverture, de générosité, d'initiative, d'intelligence et de passion. Vous pouvez en être fiers ! Soyons-en fiers ! Car ce Musée sera un atout maître, un atout de plus pour le rayonnement exceptionnel de Marseille et de sa région. Ce Musée sera aussi un atout pour la France, une chance pour l'Europe et pour l'ensemble du bassin méditerranéen, pour animer, à partir de la connaissance de nos racines, de nos identités, de notre patrimoine culturel, un authentique dialogue des cultures, fondateur d'un projet et d'un avenir communs.
Le 20 juin dernier, j'accompagnais le Président de la République qui inaugurait le magnifique Musée du Quai Branly. Cette inauguration, en présence du Secrétaire Général des Nations-Unies et de son prédecesseur, a eu dans le monde entier un retentissement exceptionnel. Le projet qui nous rassemble aujourd'hui constitue le second volet d'une même ambition culturelle, celle de la connaissance et du dialogue des peuples et des civilisations, dans leur diversité, comme dans leur profonde unité humaines, plus fortes que les haines, les fractures, les violences, les replis identitaires qui les divisent.
A coté des spectaculaires collections d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie présentées au Musée du Quai Branly à Paris, le MUCEM mettra en valeur les collections européennes et méditerranéennes, issues du musée de l'Homme et de l'ancien musée des Arts et Traditions Populaires, tout en procédant, bien sûr, à des acquisitions propres, grâce au fonds national du patrimoine.
Je tiens à rendre hommage à mon prédécesseur Jacques Toubon, qui préside aujourd'hui avec passion au magnifique projet de la Cité Internationale de l'Immigration, qui ouvrira l'an prochain au Palais de la Porte Dorée à Paris. C'est lui qui a décidé, il y a exactement dix ans, la rénovation et la réhabilitation du Musée des Arts et Traditions Populaires, qui ont donné naissance au projet dont nous scellons aujourd'hui la réalisation. C'est lui qui a désigné Michel Colardelle pour concevoir ce projet, qui est bien plus qu'un simple transfert, puisqu'il renouvelle intégralement l'approche culturelle et scientifique des collections, en dépassant la seule ethnologie, pour bénéficier de l'apport de l'ensemble des sciences de l'homme.
Un tel projet, d'ampleur nationale, exige et la mobilisation de tous et le courage d'une décision importante : celle qu'a prise le Premier Ministre, Dominique de Villepin, en portant, le 3 mars dernier, l'engagement du Gouvernement et de l'Etat, qui se traduira dans un instant par ma signature.
Ce musée nous permettra de comprendre, de l'intérieur, les traits culturels des sociétés qui composent l'espace euro-méditerranéen. Il mettra en lumière la dynamique des cultures qui se transforment, au gré des contacts, des migrations, et s'adaptent aux aléas de l'histoire. C'est aussi cela, la culture populaire, dont ce musée a pour mission de révéler la beauté fondamentale : une manière pragmatique et spontanée qu'a le peuple de se donner, au-delà des prescriptions des autorités, à quelque catégorie qu'elles appartiennent, et parfois en contradiction avec elles, des signes de la possibilité de vivre ensemble. C'est pour vivre ensemble que les sociétés humaines se reconnaissent, à la fois dans la diversité de leurs apparences et dans leurs profondes parentés, leurs profondes singularités et leurs profondes complémentarités. C'est de cette évolution spontanée, permanente, empruntant ici et là sans complexe, que se tissent, même au plus profond des conflits, ces relations, ces ouvertures, ces possibilités que nous partageons, et qui sèment ces graines de paix, toujours prêtes à germer, tout au long de l'histoire. Tel est, sans doute, le signe le plus distinctif de ce que Montaigne nommait « l'humaine condition » qui nous est commune. Telle est l'ambition, telle est la réflexion nourries par le nouveau musée, et qui doivent être appréciées à leur juste valeur dans le monde d'aujourd'hui. La globalisation, le sentiment d'un risque d'uniformisation, mais aussi la contestation de tous les modèles, qu'engendre le monde contemporain, appellent des réponses qui sont de l'ordre de la culture, de la transmission, de la civilisation. La diversité culturelle est désormais consacrée au rang de principe du droit international positif, grâce à l'adoption de la convention de l'UNESCO, dont le Parlement a adopté la semaine dernière le projet de loi de ratification. C'est un pas en avant, qui en appelle d'autres. Nous en franchissons aujourd'hui un nouveau.
Comme le montre avec beaucoup d'éloquence le Musée du Quai Branly, les musées changent. Ils se rénovent, se transforment, s'agrandissent, se métamorphosent. Longtemps immobiles, tant que les oeuvres, les goûts et les savoirs qu'ils conservaient étaient en accord avec cette fraction de la population qui constituait leur public, ils s'adressent aujourd'hui résolument à tous. C'est pourquoi ils évoluent et Marseille montre ici l'exemple. Ce musée sera celui des civilisations du XXIe siècle. A ce titre, il est à la fois, au sens où l'entendait André Malraux, « l'héritage de la noblesse du monde » et un « musée imaginaire », c'est à dire un musée qui s'adresse non seulement au regard, à l'écoute, au sentir, au toucher, mais d'abord à l'esprit, à la vie, à l'intelligence.
Il répondra au besoin de compréhension de ce qui se passe sous nos yeux, en élargissant l'espace de référence, en montrant la permanence de mécanismes sociaux que, faute de mémoire, on pourrait croire nouveaux. Ce sera aussi l'un des lieux majeurs de la recherche et de la mise en valeur, auprès des publics les plus larges, de la culture populaire, l'un des lieux majeurs du débat sur la société que nous construisons. L'enjeu est de taille, à un moment où s'exacerbe l'opposition, elle aussi mondialisée, entre des confessions religieuses parfois tentées par la radicalisation.
Le regard sur la culture populaire invite à la compréhension réciproque. Il révèle, au travers des formes de l'habillement, de la parure, des objets qui nous entourent, des manières de vivre et de mourir, des apparentements insoupçonnés, en donnant des clés de lecture de codes inconnus. Un musée comme celui-ci, comme le Musée du Quai Branly et comme la Cité nationale de l'Immigration, comme le fera aussi à Marseille le Mémorial des Outre-Mers que vous construisez, Cher Jean-Claude Gaudin, appelle à la tolérance et à la paix, en reconnaissant la raison de l'Autre, et en mettant en évidence ce qui, profondément, fait humanité. C'est sur ces valeurs qu'est fondée notre République, et c'est sur ces valeurs que se construit le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée.
Quelle ville mieux que Marseille pouvait être choisie pour une telle institution ? Marseille, dont l'histoire toute entière, depuis sa fondation mythique par le mariage de Gyptis et Protis, le marin oriental épousant la princesse d'ici, voici 26 siècles, jusqu'à la guerre, jusqu'à la décolonisation et au-delà, incarne la rencontre, porte le destin international de la France dans ses relations privilégiées avec l'Afrique et le Moyen-Orient. Marseille, porte du Sud et de l'Orient, lieu privilégié du contact, de la coexistence et du métissage culturel, comme le montrent ses musiques nourries de tous les rythmes et de toutes les sonorités du monde, par lesquelles les jeunes de toutes origines disent avec éclat leur désir de vivre ensemble et de construire un avenir commun.
Quels espaces, mieux que ce Fort Saint-Jean, monument historique dont la restauration vient de commencer, et le môle J4, pouvaient accueillir un tel projet ? Le cadre architectural, en alliant la beauté des vieilles pierres et la radicale modernité de l'architecture conçue par Rudy Ricciotti avec Roland Carta, est un atout majeur pour ce musée. Le Centre des Collections sera situé près de la Gare Saint-Charles, dans un immeuble à construire par l'architecte Corinne Vezzoni, à qui l'on doit le superbe bâtiment des Archives et la Bibliothèque départementales Gaston Defferre.
Ce projet est exemplaire, parce qu'il a été, tout au long de sa conception, discuté en commun, en associant les élus, les fonctionnaires et les spécialistes au sein du Comité de Pilotage présidé par le Préfet de Région, que je remercie de son engagement, au sein du Conseil scientifique international co-présidé par le professeur Christian Bromberger et le docteur Joaquim Pais de Brito, dont je tiens également à souligner l'action enthousiaste, au sein des groupes de travail de l'Etablissement public Euroméditerranée.
L'Etat contribue, à hauteur de 100 millions d'euros, à l'avènement de ce grand projet national, exemplaire de la coopération entre l'Etat et les collectivités territoriales. Un projet de telle ampleur doit vivre avant même l'achèvement de ce programme architectural ambitieux. C'est pourquoi j'ai voulu qu'il s'engage dans une préfiguration active.
La Tour du Roy René va bientôt cesser d'être le seul espace disponible pour des expositions, au succès encourageant. Nous ouvrirons dans moins d'un an le bâtiment Georges-Henri Rivière, dénommé en l'honneur du fondateur du musée des Arts et Traditions Populaires. Je suis certain que vous ferez vivre la prophétie de ce visionnaire, qui écrivait il y a quarante ans : « ces objets traditionnels, trésor incomparable, message d'un monde disparu, feront de notre musée un Louvre».
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 5 juillet 2006