Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, à "RTL" le 13 juin 2006, sur la suppression de postes dans la Fonction publique, la baisse des dépenses budgétaires pour 2007, la privatisation de Gaz de France, Paris le 13 juin 2006.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Jean-Michel Aphatie : Bonjour Jean-François Copé. Qu'avez-vous mis, à 18 heures, sur votre agenda, ce mardi après-midi ?
R- Jean-François Copé : Je suis auditionné par la Commission des Finances !

Q- Vous serez le seul !
R- La vie est sévère ! Je suis auditionné par la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, et j'ai cru comprendre qu'ils ne changeaient pas l'horaire.

Q- Vous n'aimez pas le foot, peut-être ?
R- Oh, si ! Je vais suivre cela sur mes textos.

Q- La France aura moins de fonctionnaires, l'année prochaine, nous dit-on. 15.000, selon les choix que vous avez rendus publics, lundi. Pourquoi avez-vous pris cette décision, Jean-François Copé ?
R- Mais, tout simplement, parce que c'est l'aboutissement d'un raisonnement. C'est-à-dire qu'en fait l'idée est simple : il faut prendre des fonctionnaires, les embaucher là où on en a besoin. Et donc, les 15.000, ce n'est pas une décision a priori, ce n'est pas : "Je décide, pour faire joli, qu'il y ait moins de fonctionnaires", ou pour faire semblant de rassurer tel ou tel. Non. En réalité, on a fait un peignage complet de toutes les missions de l'Etat, avec des audits que nous avons lancés partout, pour comprendre, là où il y avait besoin de plus de monde, là où il y avait besoin de moins de monde. Et, au final, sans que cela, à aucun moment, ne porte atteinte - je vous le garantis - à la qualité du service public qui est offert aux Français, cela se trouve qu'on fera 15.000 fonctionnaires de moins parce que tous les ministères, en réalité, ont vu, partout, qu'il était possible de le faire.

Q- 7.133 postes supprimés dans l'éducation nationale. Donc, il y a besoin de monde à l'éducation nationale ? Ils sont assez ?
R- C'est un très bon exemple, l'éducation nationale. Qu'est-ce qu'on a fait ? D'abord, les audits que nous avons lancés, ont montré que l'organisation des examens à l'éducation nationale pouvait être améliorée dans son fonctionnement. Qu'il y avait besoin de moins de monde, si l'on prenait des décisions de bonne gestion - ce que Gilles de Robien a fait et va continuer de faire. De la même manière, ensuite, on a regardé la démographie. Il y a plus d'élèves dans le primaire : on va donc embaucher un peu plus dans le primaire. Il y a moins d'élèves dans le secondaire : on va donc moins embaucher dans le secondaire. Il y a plus besoin d'effectifs, en revanche, dans l'enseignement supérieur : on va créer dans l'enseignement supérieur. Au total, cela fait le solde que vous avez dit, mais c'est surtout exactement correspondant aux besoins.

Q- "7.133 postes de moins. C'est une véritable saignée" dit Gérard Aschieri, de la F.S.U.
R- Oui, c'est la force des mots, en France. On adore cela ! C'est vrai, bien sûr, les mots montent très vite en gamme. On le voit, à peu près, sur tous les sujets. En même temps, si on essayait ensemble de positiver tout cela. En essayant de se dire : finalement, quel est le problème auquel on est confronté ? On constate, tous les jours, qu'il y a une situation de dette très importante. Alors, que fait-on ? On verse des larmes de crocodiles ou on prend des décisions ? D'où vient la dette ? Plus il y a de déficit, plus il y a de dette. Et bien, on va réduire les déficits. Et donc, on va se demander comment on peut faire de la dépense publique plus efficace qu'avant. Vous savez comment cela se passait avant ? Un ministre qui réussissait, c'était un ministre qui pouvait dire qu'il était fort, parce qu'il avait un budget plus fort que l'année d'avant, plus important. Et bien, là, cela change.

Q- Avant, c'était jusqu'à cette année ?
R- Oui. Parce qu'en réalité, les quatre dernières années, on a fait déjà quelque chose qui était totalement inédit : la dépense n'a jamais augmenté. Maintenant, pour la première fois, elle va baisser. Mais pas baisser pour le plaisir. Pas baisser par idéologie. Baisser parce qu'on va faire de la dépense publique plus efficace. Et les conditions de ce point de vue ont changé, c'est cela que je veux vous dire. C'est qu'il y a une nouvelle constitution budgétaire, la fameuse L.O.L.F, et qu'on a lancé - j'étais en charge de cela, parce qu'on a, désormais, réorganisé réforme de l'Etat et ministère du Budget : les deux ministères sont ensembles - et donc j'ai lancé ces audits. On va couvrir, avec ces audits, 100 milliards d'euros, avec 100 audits, d'ici l'été. Donc, un peignage fin. L'objectif n'est pas de dire, encore une fois, je répète : "je décide, par avance, de supprimer tant de postes et tant de crédits. Mais, par contre, je démontre que j'ai besoin de moins de postes et moins de crédits, parce qu'on peut faire mieux avec la même somme".

Q- Alors, il faut relativiser ces efforts parce que, l'année prochaine, il y a, à peu près, 80.000 fonctionnaires qui partiront à la retraite et l'on disait qu'une règle de bonne gestion serait d'en remplacer, seulement, un sur deux. Donc, là on est à un sur cinq. L'effort n'est quand même pas extraordinaire, en regard des effectifs de la fonction publique, en France ?
R- Il faudrait savoir ! Vous venez de me dire, il y a un instant, que les syndicats étaient atterrés.

Q- Je cite un syndicat !
R- Mais vous avez résumé, en deux secondes, l'état d'esprit de la France d'aujourd'hui.

Q- Je suis fort ! En deux secondes !
R- Et je me disais que finalement : "n'aurait-il pas par hasard, joué, lui aussi, au jeu pour devenir ministre du Budget que j'ai lancé.

Q- Non.
R- Parce que c'est une bonne manière de voir comme ce métier est passionnant, et un peu difficile. Les mêmes qui vous disent, effectivement que vous coupez tel crédit. Et ces mêmes vous disent que vous allez endetter. Voilà, c'est cela notre défi, et c'est pour cela que je dis que l'on va tout démontrer. Il n'y a pas une seule ligne de ce budget - lorsque l'on baisse des crédits ou lorsque l'on supprime des fonctionnaires - qui ne sera pas démontrée. Et donc, le service public sera le même, voire meilleur.

Q- On va continuer à relativiser l'effort budgétaire, pour 2007, Jean-François Copé. En 2007, on sera toujours en déficit, et ce sera - je ne sais pas si vous avez compté - 25ème, 26ème année de déficit continu, en France ?
R- Oui !

Q- C'est extraordinaire, cela ! Un quart de siècle de déficit de l'Etat !
R- Vous êtes d'accord. On ne va pas, vous et moi, prendre tout sur les épaules nous-mêmes ! Je ne vais pas me regarder en versant des larmes de crocodile toute la journée ! Quel est le sujet ? C'est quelle décision on prend pour l'avenir. L'objectif est quand même d'essayer, de temps en temps, de voir si on ne peut pas être positif. Je vais vous donner un élément concret, très concret. En 2003, les quatre plus grands pays de l'Union Européenne : France, Grande Bretagne, Italie, Allemagne étaient au-dessus de 3% de leur P.I.B en déficit. C'est-à-dire des scores qui, en réalité, sont beaucoup plus importants que ce qui est autorisé, dans le cadre de la zone euro. Et bien, le seul des quatre qui est en-dessous de 3%, c'est la France. Alors, comme je sais qu'à chaque fois, on vous coche les cases de ce qui ne marche pas, je propose qu'on mette celle-là dans ce qui marche. Après tout, un jour de coupe du monde, cela vaut la peine !

Q- Valéry Giscard d'Estaing n'avait pas choisi la même case que vous, au Grand Jury, dimanche. Il a dit que, depuis 1981, nous vivons une période de démagogues et de dépensiers.
R- Sauf là !

Q- Non !
R- Ce qui est dommage, c'est qu'il n'ait pas fait son Grand Jury après que je sois venu vous voir.

Q- Il l'a fait deux jours trop tôt !
R- Oui. Réinvitez-le, la semaine prochaine, ou réinvitez-moi. En tout cas, je suis prêt à vous le dire sur les antennes tous les jours.

Q- Démagogues et dépensiers. Il est dur quand même, avec vous, Valéry Giscard d'Estaing !
R- Je ne me suis pas senti, personnellement, concerné. Mais là où il a raison, c'est que nous sommes tous, les uns et les autres, drogués à la dépense publique. On pense que l'administration marche mieux quand il y a plus de crédit qui leur est donné. Ce n'est pas vrai. Et la démonstration que nous allons faire, c'est de mettre l'argent là où on en a besoin. L'idée, c'est que, désormais, un ministre sera une star quand il aura atteint ses objectifs. Pas quand il aura dépensé plus. Quand il aura pris des engagements, et qu'il les tiendra, et qu'on pourra les mesurer. C'est cela l'objectif !

Q- Le conseil des ministres du 21 juin examinera-t-il le projet de privatisation de Gaz-de-France ?
R- Je ne peux pas vous dire. Je n'ai pas l'information précise du calendrier mais, par contre, le processus continue. Là-dessus, les choses sont parfaitement claires.

Q- Et donc, si le processus continue, cela veut dire que le projet de loi va être examiné.
R- En tout cas, je n'ai pas la date précise : je ne peux pas vous le confirmer aujourd'hui. Mais ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'aujourd'hui, le processus - je le répète - suit son cours. La phase de dialogue social a été largement développée par Thierry Breton, en particulier. Et puis, maintenant, on rentre dans la phase du débat parlementaire.

Q- Mais "le processus suit son cours" : cela veut-il dire qu'il y aura un projet de loi rapidement ?
R- C'est-à-dire que le processus suit son cours : donc, oui, il y aura un projet de loi, bien sûr.

Q- Je croyais que vous aviez arrêté la langue de bois ?
R- Comment ? Mais, je viens de vous le dire. Non, il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus. Encore faut-il que j'aie l'information sur la date. Je ne peux pas, aussi, vous faire les calendriers de tout.

Q- Vous qui êtes un ancien suppléant de Guy Drut - en 95, puis vous lui avez succédé à l'assemblée nationale - Avez-vous avez été heureux de son amnistie individuelle ?
R- On a tout dit, là-dessus.

Q- C'est votre sentiment personnel que je cherche. Avez-vous été heureux qu'il soit amnistié ?
R- Non, mais le problème n'est pas de savoir si on a été heureux, ou non, qu'il soit amnistié. Le problème, en réalité, c'est que, sur cette affaire, il y avait, d'un côté, un enjeu par rapport au C.I.O et, de l'autre, une décision qui était bien difficile à prendre. Juste un mot - puisque vous m'avez posé la question - chacun avait bien compris que cela ne pouvait qu'être impopulaire, bien sûr.

Jean-François Copé - qui ne sera pas devant son téléviseur, à 18 heures, ce soir - mais qui était, ce mardi matin, l'invité de RTL. Bonne journée !

Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juin 2006