Interview de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, à "RFI" et "France Inter" le 16 juin 2006, sur les échanges commerciaux entre la France et la Turquie, dans un climat apaisé au lendemain du report de la discussion d'un texte sur le génocide arménien.

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Circonstance : Interview accordée à France Inter et RFI à l'occasion de son déplacement en Turquie le 16 juin 2006

Média : France Inter - Radio France Internationale

Texte intégral

Merci, Cher Collègue et Cher Ami, d'avoir largement commenté le programme de mes entretiens hier. J'ajouterai seulement quelques points.
Cette visite se déroule sous des auspices d'amitié et d'échanges dans le domaine économique et dans le domaine personnel ; ce qui est tout à fait rare dans ce genre de visites et qui est vivement apprécié par toute la délégation française, constituée d'une cinquantaine d'entreprises représentant pour partie des entreprises déjà présentes en Turquie mais également des entreprises qui envisagent de nouer des relations d'affaires en Turquie.
J'ajouterai simplement que lors de la réunion avec le ministre de l'Energie, j'ai eu également l'occasion de l'inviter à effectuer une visite en France pour qu'il puisse apprécier de lui-même un certain nombre de compétences et de technologies très françaises, notamment dans le domaine de l'énergie nucléaire. Nous avons également décidé lors de cet entretien de réactiver une institution un peu dormante entre nos deux pays, qui est un club franco-turc sur les questions énergétiques, qui nous permettra de partager nos expériences que ce soit dans le domaine des technologies traditionnelles ou des énergies renouvelables qui sont un grand sujet d'intérêt que ce soit pour la Turquie ou pour la France.
Et puis je voudrais souligner que la remise des trophées de l'exportation à laquelle nous participerons l'un et l'autre est un événement qui ne s'est pas tenu depuis 1996 et c'est donc la première fois depuis 10 ans qu'il est organisé. Je crois que le plus simple c'est de vous laisser poser toutes les questions que vous souhaiterez poser en complément de ces deux interventions.
Q - En quoi consistait le club franco-turc de l'énergie ? Qu'attendez-vous de la reprise de ses travaux ?
R - C'était un lieu de rencontres institutionnelles entre les deux administrations française et turque sur les questions d'énergie. Elles se rencontraient régulièrement une ou deux fois par an pour échanger leurs points de vue, leurs expériences et leurs recherches. Ces rencontres ne se sont pas tenues depuis cinq ans et c'est cet espace de rencontres que nous souhaitons réactiver.
Q - Est ce que le climat politique un peu tendu entre Paris et Ankara pèse sur le développement des relations économiques ?
R - J'ai toujours beaucoup de mal d'être en désaccord avec mon collègue M. Tüzmen, il n'y a que ses chiffres qui sont parfois meilleurs que les miens. Je constate seulement que quelque soient les incidents, les relations économiques entre nos deux pays sont excellentes. Toutes les courbes, qu'il s'agisse des exportations, des importations ou des IDE, sont toutes à la hausse. Je peux vous dire aussi que quand je fais ce genre de visites, il y a toujours pas mal d'intérêt de la part des entreprises mais cette fois-ci il y avait une très grande liste d'attente. Et l'accueil que nous avons reçu, tant à Ankara qu'à Istanbul, de la part des autorités turques et de la communauté d'affaires est à la hauteur de ces attentes. Il y a véritablement un courant d'échanges très riche et plein d'espérances de part et d'autre.
Q - Dans quels secteurs prévoyez-vous un développement des échanges entre la Turquie et la France ?
R - Je vais juste ajouter un point. Les quinze milliards de dollars que nous nous sommes fixés, ce sont des échanges dans les deux sens. Et je crois que lorsqu'on constate que depuis 1996 le volume d'échanges entre la Turquie et l'Europe a été multiplié par trois, que le taux de croissance des exportations françaises vers la Turquie en 2004 était de plus de 24 %, de plus 10 % en 2005, clairement on navigue au-dessus du taux de la croissance des échanges mondiaux. On a donc toutes les raisons de penser qu'avec une croissance mondiale des échanges qui est estimée à 9 ou 10 % et avec un taux supérieur entre la France et la Turquie, combinée avec les efforts spécifiques que nous consentons pour développer nos exportations en direction de certains pays-cibles dont fait partie la Turquie, on a toutes les raisons de penser que les éléments sont là pour développer les échanges entre nos deux pays. Et ça, c'est seulement pour le commerce. Comme l'a dit le ministre Tüzmen, le mouvement d'investissements et ensuite de commerce qui poursuit l'investissement est un autre volet qui suit son cours et de façon bénéfique pour les deux pays.
Q - Y-a-t-il des firmes françaises qui pensent s'installer en Turquie ?
R - Je pense à plusieurs d'entre elles. Sur les cinquante qui m'ont accompagnée, certaines sont déjà installées en Turquie, comme BNP-Paribas, Calyon, Alstom, Areva, Gaz de France, Veolia, Suez. Tous ces groupes sont soit déjà installés soit envisagent des partenariats. Je pense aussi à la Société Générale. Je pense aussi à la société CGA-CGM qui intervient dans le domaine de la gestion des ports et qui est très clairement intéressée par les projets de privatisation ou de gestion d'infrastructures portuaires.
Q - Quelles sont les conséquences de la crise financière internationale ?
R - Juste un mot pour compléter, ce dialogue euro-méditerranéen qui doit déboucher en 2010 sur une zone franche sur le plan économique peut être très utile pour faire face à des problèmes économiques. Je ne pense pas qu'il faille identifier une crise générale du système à une baisse d'un certain nombre de places boursières dans le monde. Je note qu'en dépit du doublement du prix du baril de pétrole en l'espace de 18 mois, les économies mondiales, notamment l'économie française et l'économie turque, ont très bien résisté à ce qui aurait été une crise majeure il y a encore une vingtaine d'années. Donc il y a des mécanismes et des politiques économiques en place et qui ont permis, soit parce que nous étions déjà bien intégrés dans une région, soit parce que nous avions des éléments de correction internes, de résister à une tension qui est très vive, dans le domaine des sources d'énergie notamment.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2006