Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les orientations budgétaires pour 2007, avec un engagement national de désendettement et les perspectives économiques au vu des indicateurs économiques disponibles pour le 1er trimestre 2006, au Sénat le 29 juin 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents de Commissions,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je veux d'abord vous dire combien nous sommes heureux et fiers, avec X. BERTRAND et JF COPÉ, de venir vous présenter aujourd'hui les grandes orientations de nos finances publiques pour l'exercice 2007. Car ce Débat d'Orientation budgétaire est réellement historique, ce à 3 titres :
- d'abord, le document d'orientation budgétaire que vous avez devant vous intègre de manière exceptionnelle l'engagement national de désendettement, que le Premier ministre avait annoncé dès le mois de janvier lors de la Conférence nationale des Finances publiques, et à la suite du rapport sur la dette que j'avais demandé à M. PEBEREAU. Et je veux dire ici combien je me réjouis du consensus qui est ressorti des travaux de la Commission des Finances de la Haute Assemblée la semaine dernière sur la nécessité de ce désendettement ;
- ensuite, comme à l'habitude, il vous présente les grandes lignes du budget 2007 de l'État, dont nous avons voulu faire une étape essentielle de la trajectoire de désendettement, étape historique même, puisque la dépense de l'État progressera en 2007 de 1 % moins vite que l'inflation : du jamais vu depuis au moins 20 ans !
- enfin, ce DOB intègre cette année les grandes orientations de la politique de sécurité sociale et du PLFSS présenté à l'automne. Je laisserai X. BERTRAND vous les détailler.
Mais je rentre sans plus attendre dans le vif du sujet.
PARTIE 1 - PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
D'abord, quelques mots sur les perspectives de croissance dans lesquelles nous envisageons la construction du PLF et du PLFSS.
1. Les bons résultats du 1er trimestre viennent d'être confirmés par l'Insee ce matin même :
- avec +0,5 %, le 1er trimestre confirme les très bons résultats déjà enregistrés sur le 2e semestre 2005 ;
- d'ailleurs, la composition de cette croissance confirme l'excellente dynamique de notre
économie :
* la consommation des ménages, 1er moteur de l'activité, a progressé très vivement à +0,8 % (plus de 3,2 % en rythme annualisé) apportant une contribution de +0,5 % à la croissance !
* l'exportation, 2nd moteur, qui poursuit son net redressement depuis l'été 2005, affiche une nouvelle progression de +2,9 % sur le 1er trimestre (soit près de +12 % en rythme annualisé) soit le meilleur résultat depuis 6 ans ! Cela permet enfin au commerce extérieur d'apporter une contribution fortement positive à la croissance, de +0,6 %.
2. Les autres indicateurs disponibles confirment d'ailleurs assez largement cet optimisme sur le 2e trimestre :
Les enquêtes disponibles pointent vers une poursuite voire une accélération de cette dynamique au 2e trimestre :
- enquêtes dans l'industrie proches de leur plus haut depuis 5 ans (enquête Banque de France notamment) ;
- enquêtes dans les autres secteurs (services et construction notamment) nettement au-dessus de leur moyenne également.
L'inflation reste extrêmement bien contenue (autour de 2 % sur un an) malgré la hausse du prix du pétrole : contrairement à ce que certains commentateurs ont pu écrire, je ne vois pas d'effet de second tour dans les chiffres d'inflation ;
Ce rythme d'inflation soutient le pouvoir d'achat et la consommation : les Français n'ont jamais autant consommé !
La conjoncture de nos principaux partenaires commerciaux est très favorable, avec un moral des industriels allemands à son meilleur niveau depuis la réunification ;
Enfin et surtout, la situation de l'emploi ne cesse de s'améliorer : le taux de chômage a diminué à 9,3 % fin avril, (soit 210 000 demandeurs d'emploi en moins depuis un an !).
Vous le voyez, la phase de reprise conjoncturelle qu'a connu l'économie française au 2nd semestre de l'an dernier, est bel et bien derrière nous : notre économie est désormais installée sur une tendance de 2 % - 2,5 % - soit la fourchette retenue pour le PLF 2006.
Je note d'ailleurs que la Note de conjoncture de l'Insee publiée la semaine dernière accrédite ce scénario :
- la prévision de croissance de l'Insee, traditionnellement prudente, se situe dans notre fourchette, avec 2 % pour cette année et des progressions trimestrielles sur les trimestres à venir qui se situent sur un rythme de 2,4 % (0,6 % x 4) ;
- l'Insee table en outre sur un chômage revenu à 9 % en fin d'année ;
- comme quoi le scénario que je défends depuis plusieurs mois n'était pas si irréaliste !
3. Pour 2007 et les années suivantes
Je suis confiant dans la capacité de notre économie à absorber les chocs - du type hausse du prix du pétrole ou appréciation de l'euro - et à rester sur un rythme de croissance entre 2 % et 2,5 %. Mais je considère cette hypothèse comme une hypothèse prudente. Vous le savez, mon ambition pour notre économie, c'est une croissance entre 3 % et 4 %. C'est pourquoi j'ai aussi voulu envisager dans ce DOB un scénario à 3 % de croissance, qui nous permettrait d'atteindre plus rapidement nos objectifs de finances publiques, c'est-à-dire avant 2010, tout en améliorant le niveau de vie de nos concitoyens.
J'en viens maintenant au coeur de ce DOB 2006 : l'engagement national de désendettement. Celui-ci doit nous permettre de parvenir à l'équilibre des comptes publics et de ramener notre endettement sous les 60 % du PIB, en 2010 au plus tard.
Nous avons construit cette trajectoire de désendettement en 4 étapes essentielles, qui constituent autant d'engagements. J'ai d'ailleurs souhaité que chacun de ces engagements fasse l'objet de résultats chiffrés, mesurables, sur lesquels nous pourrons être jugés. Et ces 4 étapes ne sont pas des plans sur la comète ! Nous leur associons des moyens précis pour y arriver, que je vais décliner dans un instant. Chacun de ces moyens s'inscrit dans la stratégie globale de désendettement qui repose sur les 3 piliers que je ne cesse de marteler :
- d'abord le relèvement de notre croissance : avec la réforme fiscale, celle du marché du travail, la priorité donnée à la R&D, la politique de développement des PME ... Toutes ces mesures s'inscrivent parfaitement dans la contribution française à la stratégie européenne de Lisbonne ;
- ensuite la maîtrise de la dépense : la dépense de l'État n'aura pas progressé plus vite que l'inflation pendant 4 ans !
- enfin, les cessions d'actifs non stratégiques, et plus généralement, la recherche systématique de tous les leviers de désendettement : plus de 15 Md euros auront ainsi été affectés au désendettement sur les années 2005-2006.
PARTIE 2 : 2005 : RETOUR SOUS 3 %
Je reviens rapidement sur notre 1er engagement sur 2005, ramener le déficit sous 3 %.
C'était l'engagement que j'avais pris devant vous il y a un an en présentant mes objectifs de finances publiques. Cet engagement a été tenu (et au-delà !), malgré les pronostics négatifs ou ironiques que j'ai pu entendre : -2,88 % exactement ! Je précise que la Commission européenne elle-même nous en a donné quitus par la bouche du Commissaire ALMUNIA. Je note d'ailleurs que nous sommes le seul des 4 grands pays européens (Allemagne, UK, Italie) à être revenus sous 3 %.
PARTIE 3 : 2006 : BAISSE DE 2 % DU PIB DE LA DETTE
Notre 2e engagement porte sur 2006 : réduire l'endettement dès cette année d'au moins 2 % du PIB.
1. Je prends l'engagement de ramener l'endettement de 66,6 % à moins de 64,6 % du PIB d'ici la fin de cette année. Ceci montrera que l'effort de désendettement, qui doit par nature s'inscrire dans la durée, peut aussi porter ses premiers fruits rapidement. C'est un point qui me paraît essentiel pour nos compatriotes. À cet égard, je comprends pleinement, Monsieur le Rapporteur, votre voeu de fixer des objectifs de long terme, à 2030 : c'est vrai, la dette est un enjeu de long terme, qui demande un effort dans la durée. Pour autant, je suis convaincu que nous ne pouvons pas attendre pour revenir dans les clous de Maastricht pour ce qui concerne la dette, soit 60 % du PIB. En outre, avoir des objectifs à court terme me paraît indispensable pour pouvoir mobiliser les Français sur cet enjeu majeur du désendettement.
2. Comment ? Par la mise sous tension systématique de l'ensemble des leviers disponibles de désendettement. J'ai ainsi pris la décision d'actionner très rapidement 3 leviers :
D'abord, les recettes de cessions d'actifs seront prioritairement affectées au désendettement. L'affectation du produit des cessions des concessions autoroutières représente déjà 10 Md euros. En outre, la vente des titres d'Alstom et d'ADP représente plus de 2 Md euros supplémentaires. Au total, entre le 1er janvier et le 31 mai 2006, l'Agence France Trésor a déjà racheté 8,6 Md euros de dette, pour l'essentiel grâce aux recettes de cessions.
Ensuite, le pilotage de la trésorerie de l'État va être profondément infléchi. J'ai décidé d'un principe très simple : pas 1 euro d'endettement de plus que le strict nécessaire pour faire face à la gestion courante ! Par conséquent, tout en veillant à ce que la capacité de l'Agence de disposer de la trésorerie dont l'État a besoin reste intacte, l'AFT va d'une part se doter de nouveaux outils tels qu'un BTF à très court terme pour limiter au minimum son matelas de sécurité et d'autre part bénéficier d'une amélioration des remontées d'information de la part des administrations dépensières. Dans ces conditions, j'ai demandé à l'AFT de limiter les émissions de dette aux stricts besoins de la gestion courante :
* ainsi, l'encours de bons du Trésor à court terme (BTF) a été réduit de 11,3 Md euros entre le 31/12/05 et le 31/05/06 ;
* en outre, je peux d'ores et déjà vous annoncer que l'État va, pour la première fois depuis 20 ans, réduire son appel au marché de 10 Md euros par rapport au niveau prévu dans le programme d'émission initial ; ainsi le programme 2006 de financement net à moyen et long terme va passer de 119,5Md euros à 109,5 Md euros.
Enfin, cet effort d'optimisation de la trésorerie doit être partagé par l'ensemble des acteurs publics : État, organismes sociaux, collectivités locales, ou des structures comme la CADES, le FSV ou le FFIPSA par exemple. C'est dans cet esprit que le directeur général du Trésor et de la politique économique coordonnera un Comité interministériel de la trésorerie des administrations publiques, dont j'ai annoncé la création à l'occasion du Conseil d'orientation des Finances publiques que j'ai présidé la semaine dernière.
3. Mais en même temps que nous réduisons de manière substantielle l'endettement, nous poursuivons nos efforts de réduction du déficit public, qui passera de 2,9 % à 2,8 %, (malgré le contrecoup de la soulte IEG pour ½ % de PIB) :
- d'abord, l'exécution du budget 2006 sera tenue de manière rigoureuse, à l'euro près. Nous avons, vous le savez, mis en réserve 6 Md euros dès le début de l'année, aux termes de la LOLF ;
- et concernant les comptes sociaux, nous sommes globalement dans les clous de ce qui était prévu au moment de la LFSS. Xavier BERTRAND y reviendra.
PARTIE 4 : 2007 : REVENIR SOUS LE DÉFICIT STABILISANT
Notre 3e engagement sur 2007 : ramener le déficit public sous le seuil du déficit stabilisant.
1. C'est en effet la condition pour rendre pérenne la dynamique du désendettement amorcée cette année : cette notion est clef dans notre stratégie de désendettement car le "déficit stabilisant" c'est le niveau de déficit pour lequel le ratio dette / PIB se stabilise, en l'absence de tout mouvement d'actifs / passifs. En d'autres termes, dès que ce déficit est atteint, toute amélioration nouvelle du déficit contribue automatiquement à réduire la dette. Avec une croissance de l'ordre de 2,25 %, ce déficit stabilisant est d'environ 2,5 % : c'est bien l'objectif que nous nous fixons pour 2007.
2. Comment ? Jean-François reviendra dans un instant sur ce PLF 2007. Je me contenterai de 3 remarques :
- d'abord la dépense de l'État l'année prochaine progressera de 1 % moins vite que l'inflation (« -1 volume ») ! Je veux souligner qu'à Bercy, nous appliquerons à nous-mêmes dès l'année prochaine la règle du « 0 valeur », c'est-à-dire une stabilisation de nos dépenses en euros courants !
- ensuite, je vous rappelle que ce PLF va permettre de financer par la baisse de la dépense budgétaire la réforme fiscale ;
- enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé, la baisse des plafonds d'effectifs sera de - 15 032 précisément ; pour Bercy seul, le chiffre est de - 2 988.
PARTIE 5 : À PARTIR DE 2008, REJOINDRE PROGRESSIVEMENT L'ÉQUILIBRE A L'HORIZON 2010
Enfin, notre 4e engagement, c'est de mettre en oeuvre dès aujourd'hui les outils de gouvernance de l'ensemble de nos finances publiques, indispensables pour atteindre l'équilibre des comptes au plus tard en 2010 et passer sous les 60 % d'endettement.
1. À partir de 2008, pour atteindre ces objectifs, l'effort de maitrise de la dépense devra se poursuivre ; ce ne sera possible qu'en associant encore mieux l'ensemble des acteurs : c'est tout l'enjeu du Conseil d'orientation des Finances publiques que nous avons mis sur les rails la semaine dernière.
2. Ces objectifs sont ambitieux mais parfaitement crédibles : sous l'hypothèse d'une maîtrise collective maintenue de la dépense publique, l'objectif serait atteint en 2009 avec 3 % de croissance par an. Mais même avec une hypothèse prudente de croissance à 2,25 %, l'objectif serait atteint en 2010.
3. Outre la croissance, l'autre enjeu c'est donc bien la maîtrise de l'ensemble des dépenses publiques :
- celles de l'État d'abord qui doivent rejoindre progressivement le « 0 valeur » ;
- les dépenses sociales ensuite dont il faudra limiter la progression à « +1 volume » sur la période ;
- enfin les dépenses locales qu'il faudra aussi maîtriser, voire les faire tendre vers le « 0 volume », dans le respect évidemment de l'autonomie financière des collectivités locales, pour ne pas risquer une augmentation préjudiciable des prélèvements obligatoires.
L'outil de cette réduction ordonnée et maîtrisée des dépenses publiques, c'est une nouvelle gouvernance plus stable et plus vertueuse des finances publiques, qu'est chargé de proposer le Conseil d'orientation des Finances publiques. Comme premières pistes de travail, je lui ai soumis les différentes options de rénovation de la gouvernance de nos finances publiques qui figurent dans le DOB ou qui ont été évoquées avec les collectivités locales lors de la concertation initiée en mai :
Pour ce qui est de l'État : La mise en oeuvre de la LOLF assure une meilleure gouvernance des finances de l'État ; les audits systématiques ouvrent des pistes nouvelles de réforme de l'État dans un souci de dépenser mieux et moins à qualité de service public maintenu ou amélioré.
Pour ce qui est des collectivités locales : Dans la cadre du Conseil d'orientation des Finances publiques, le Gouvernement souhaite d'une part mieux les associer aux décisions les concernant et élargir leurs marges d'initiative et d'action dans le champ des compétences qui leur ont été transférées, et d'autre part réfléchir aux moyens d'une meilleure maîtrise de la dépense locale. Jean-François y reviendra dans un instant.
Enfin, pour ce qui est des organismes sociaux je laisse évidemment Xavier BERTRAND y revenir plus en détail.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les Sénateurs, le Gouvernement vous présente aujourd'hui par ce DOB un acte majeur de responsabilité politique.
Les efforts inédits de pédagogie et de sensibilisation menés par ce Gouvernement quant aux risques d'un endettement incontrôlé sur notre société ont porté leur fruits : chacun et chacune ont pu s'approprier le sujet. Je constate que les Français considèrent aujourd'hui la dette publique comme l'une de leurs 5 préoccupations majeures.
Je suis convaincu que les orientations que nous sommes venus vous présenter aujourd'hui, répondent aux inquiétudes de nos concitoyens : ce programme pluriannuel de désendettement, ce n'est pas « vous verrez plus tard » : vous pouvez juger sur pièce dès aujourd'hui !
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 30 juin 2006