Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec TF1 le 24 juillet 2006, sur le bilan de sa tournée au Proche-Orient et les perspectives de règlement du conflit israélo-libanais.

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Circonstance : Tournée de Philippe Douste-Blazy au Proche-Orient du 21 au 23 juillet 2006

Média : Site web TF1 - Le Monde - TF1

Texte intégral

Q - Vous vous êtes rendu, notamment, en Israël et au Liban. Est-ce que vous avez l'impression et en quoi cette visite fait avancer les choses ?
R - De ma tournée au Proche-Orient, je retire trois certitudes.
Premièrement, c'est qu'il n'y aura pas de règlement purement militaire à ce conflit et, en particulier, contre le Hezbollah, que nous condamnons par ailleurs.
Deuxièmement, le seul objectif de la communauté internationale, et de la France en particulier, c'est de garantir la souveraineté du Liban. Le président de la République l'a dit pour l'Irak, la France le dit toujours : il faut respecter l'intégrité, la souveraineté et l'indépendance d'un pays.
Troisièmement, la France ne peut agir que dans le cadre des Nations unies.
Nous observons une terrible détérioration de la situation comme jamais depuis 1973 ; vous le voyez sur ces images. Le Hezbollah envoie des roquettes sur Israël tous les jours et Israël ne fait pas de différence entre la guérilla du Hezbollah et la population.

Q - Pour l'instant, la diplomatie n'a pas porté les fruits que l'on aurait pu attendre, êtes-vous optimiste quant à la réunion internationale de mercredi à Rome ?
R - Le président de la République a demandé, en priorité, des corridors humanitaires et il les a obtenus d'Israël. Maintenant, il faut agir. Ne rien faire, ce serait effrayant et injustifiable. Il faut donc demander un cessez-le-feu et pour le mettre en place il faut des conditions politiques avant cette force internationale dont vous parlez.

Q - Ces conditions, que pourraient-elles être ?
R - Tout d'abord, évidemment, le désarmement du Hezbollah et la libération des deux soldats israéliens.

Q - Sur ces deux points-là, déjà, Israël a dit qu'il ne ferait pas d'échange de prisonniers et pour l'instant, le Hezbollah refuse toute perspective de désarmement. Nous n'y sommes donc pas encore !
R - En effet, mais justement, c'est là où on revient à la souveraineté du Liban car il faut que nous donnions la possibilité au Liban de déployer sa Force armée au sud du pays, à la frontière avec Israël.

Q - On parle beaucoup d'une force d'interposition internationale et notamment européenne, êtes-vous favorable à cette idée ?
R - Pourquoi pas, mais il faut que les conditions politiques soient acceptées par les deux parties. Vous n'aurez rien si ce n'est pas le gouvernement libanais dans son ensemble qui demande le cessez-le-feu et qui permet ainsi le déploiement de l'armée libanaise.
Il faudra également parler du sort des prisonniers libanais en Israël et des fermes de Cheba.
Autrement dit, il faut trouver une solution politique et ne pas poursuivre dans la voie de la violence qui n'a aucun sens.

Q - Vous parlez des efforts que doit faire, de son côté le gouvernement libanais, la France est un ami du Liban, des contacts ont-ils été établis ?
R - Nous avons des contacts quotidiens avec le gouvernement de M. Siniora et nous lui avons dit combien nous le soutenions car il est vrai qu'il s'agit d'un pays ami avec lequel nous avons des relations séculaires. Nous croyons en son avenir et nous faisons beaucoup sur le plan humanitaire.
Nous avons lancé un pont aérien et maritime, et un plan humanitaire. Mais surtout, il faut des conditions politiques favorables. Nous devons être là, avec eux, pour les aider à obtenir des conditions générales de cessez-le-feu. C'est ce discours de paix et de démocratie que nous tiendrons à Rome, mercredi, et au Conseil de sécurité des Nations unies que nous présidons.

Q - On a quand même l'impression que le règlement de ce conflit dépend beaucoup de la position américaine qui, on le sait, est très écoutée par le gouvernement israélien.
R - Si les Etats-Unis veulent mettre en oeuvre une Force d'interposition internationale alors qu'il n'y a pas de cessez-le-feu, cela pourrait interpeller d'autres pays de la région.
Il faut qu'il y ait, d'abord, une cessation des hostilités et des conditions politiques pour un cessez-le-feu. Nous pourrons alors mettre en place un système qui permette le déploiement de l'armée libanaise au Sud-Liban et le départ du Hezbollah.

Q - En 30 secondes, diriez-vous que vous êtes optimiste ?
R - Je suis optimiste concernant la diplomatie en tout cas. Je pense que la violence ne servira à rien. Avant de terminer, je voudrais remercier du fond du coeur les équipes du ministère des Affaires étrangères et des ambassades de France au Liban, à Chypre et en Israël, dont les agents épuisés ont déjà permis à 4.500 Français de rejoindre la France. Jeudi, 8.000 Français auront été rapatriés du Liban.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2006