Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, dans le quotidien "Stuttgarter Zeitung" du 1er août 2006, sur les relations franco-allemandes et la construction européenne.

Prononcé le 1er août 2006

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement en République fédérale d'Allemagne, du 28 juillet au 1er août 2006

Média : Stuttgarter Zeitung

Texte intégral

Q - Il est toujours question du moteur franco-allemand. Pourtant, qu'il s'agisse de l'Union européenne ou de la crise actuelle au Proche-Orient, aucune initiative commune ne vient ni de Paris ni de Berlin.
R - Cette impression est fausse. En réalité, la concertation entre Berlin et Paris est très étroite et je la crois indispensable à la bonne marche de l'Europe. Ce fut le cas pour arriver à un accord sur le budget européen pour la période 2007-2013. Et je suis convaincue que c'est lors des présidences allemande de début 2007 et française de fin 2008 que seront prises les principales décisions sur la poursuite du processus de réforme des institutions.
L'Allemagne et la France jouent également un rôle important dans les négociations relatives au programme nucléaire controversé de l'Iran.
Q - Mais l'intérêt de Paris pour l'Allemagne semble s'estomper. Le consulat français à Stuttgart a été récemment pratiquement dissous.
R - Permettez-moi là aussi de ne pas partager votre point de vue ! La densité et la qualité des échanges politiques, économiques et culturels entre la France et l'Allemagne témoigne précisément du contraire. Pour ce qui me concerne, je me rends très fréquemment en Allemagne tout comme mon homologue se rend en France. Nous avons organisé, à Paris, un forum franco-allemand sur les questions d'intégration il y a une dizaine de jours. Et je me réjouis d'avoir pu venir dans le Bade-Wurtemberg à l'invitation du ministre-président Günther Oettinger.
Q - Et le consulat à Stuttgart ?
R - Le consulat ne sera pas dissous. Dans le cadre de la réorganisation de notre réseau consulaire en Allemagne, nous avons veillé à ce que le futur consul général de France - qui prendra ses fonctions au 1er septembre prochain - reste l'interlocuteur privilégié des autorités du Land. Il pourra à l'avenir également exercer pleinement ses tâches politiques et consulaires.
Q - Quelle valeur ajoutée spécifique ont encore les relations spéciales entre la France et l'Allemagne, 60 ans après la fin de la guerre ?
R - Le couple franco-allemand a une relation particulière du fait de la géographie, de l'histoire et des échanges économiques et humains. Ces données restent fondamentalement inchangées. Nous sommes les premiers partenaires économiques l'un de l'autre. Nous tenons des Conseils des ministres conjoints. Le tissu de jumelages et d'échanges entre collectivités locales est particulièrement riche. Cette relation privilégiée est une force de proposition unique au service de l'Europe et de tous nos partenaires.
Q - Une tentative a été faite pour essayer de se rapprocher de la Pologne et de transformer le duo poussif entre Paris et Berlin en un trio innovant. Mais on n'a pas réussi à insuffler de vie à ce triangle de Weimar. Cette tentative a-t-elle échoué ?
R - Le triangle de Weimar n'a jamais été conçu comme une alternative au couple franco-allemand mais comme une forme complémentaire de coopération dans une Europe qui changeait. Il avait été créé après la chute du mur de Berlin notamment pour accompagner la Pologne dans la perspective de son rapprochement de l'Union européenne.
Q - Cet objectif a-t-il été atteint ?
R - En effet. Cette mission a été remplie avec succès mais ce forum à trois reste utile de notre point de vue. Le triangle de Weimar se tourne désormais vers des thèmes tels l'approfondissement de la coopération dans les domaines de la Justice et des Affaires intérieures, de la Politique européenne de sécurité et de défense, ou encore la politique européenne de voisinage. Nous avons donc regretté le report du sommet prévu le 3 juillet. Nous espérons cependant que le Triangle de Weimar pourra se réunir prochainement au plus haut niveau, pour faire avancer l'idée et les valeurs européennes qui rassemblent nos trois pays à travers des projets concrets communs.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2006