Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec France 2 le 31 juillet 2006 à Beyrouth, sur la nécessité d'un accord politique entre toutes les parties au conflit israélo-libanais pour une sortie de crise, et sur le rôle incontournable et majeur de l'Iran dans la stabilité de la région.

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Circonstance : Voyage de Ph. Douste-Blazy au Liban le 31 juillet 2006

Média : France 2

Texte intégral

Q - Est-ce qu'on peut faire un premier bilan de cette journée ?
R - Durant toute la journée je me suis rendu compte de la convergence forte qui existe entre le plan français, que nous avons présenté sous forme de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, il y a quelques heures à New York, et le plan libanais qui a été accepté par l'ensemble des parties politiques du Liban, y compris par le Hezbollah.
Je crois qu'il faut maintenant un calendrier diplomatique très précis. D'abord une cessation immédiate des violences - et si on avait écouté la voix française, on aurait pas eu ce drame de Cana avec ce cortège de victimes, en particulier ces enfants. Il faut, ensuite, un accord politique entre toutes les parties : gouvernement libanais et Hezbollah, d'un côté, Liban, Israël et communauté internationale, de l'autre. Et ce n'est que si on obtient un accord politique que nous pourrons éventuellement participer à une force multinationale sous mandat de l'ONU, afin de permettre à l'armée libanaise de se déployer au Sud-Liban.

Q - Plusieurs fois dans la journée vous avez mis sur un même pied d'égalité le Premier ministre Siniora et le Hezbollah ; pour quelle raison ?
R - A aucun moment ; j'ai toujours dit qu'il fallait garantir la souveraineté du Liban. Nous pensons qu'il ne faut entraver, ni la souveraineté, ni l'intégrité territoriale, ni l'indépendance du Liban. Nous pensons qu'il faut aider ce gouvernement qui est aujourd'hui uni, et je tiens à le dire car c'est important pour sa crédibilité.
A côté, il y a le Hezbollah, qui participe au gouvernement. Nous sommes heureux de voir que l'ensemble du plan du gouvernement libanais est soutenu par toutes les parties qui composent le gouvernement, y compris le Hezbollah.

Q - Vous avez vu Nabih Berry qui passe pour être le porte-parole du Hezbollah, qui est le président de l'Assemblée nationale, qu'est-ce que vous vous êtes dit ? Est-ce que vous avez pu obtenir de lui qu'il demande au Hezbollah une cessation des tirs de roquettes sur Israël ?
R - On voit bien, aujourd'hui, qu'il n'y a que deux logiques qui s'affrontent. Il y a, d'une part, la logique militaire - nous ne croyons pas à une solution purement militaire pour régler ce conflit et on voit bien que l'armée israélienne s'en rend compte -, et, d'autre part, une solution politique. Cette solution politique, elle passe par un accord sur la question des soldats israéliens enlevés par le Hezbollah, des prisonniers libanais qui sont toujours détenus en Israël, des fermes de Chebaa; mais également par le désarmement du Hezbollah par des moyens politiques.
Nous avons de tout cela avec Nabih Berry, le président du Parlement et avec le Premier ministre libanais. Nous en avons également parlé avec des ministres aussi du Hezbollah, qui font partie du gouvernement. Car c'est en parlant, en tirant tous les fils diplomatiques - parce qu'il est urgent de le faire -, que nous arriverons à une solution.

Q - Est-ce que Nabih Berry vous a dit que le Hezbollah était prêt à arrêter de tirer sur Israël pour que Israël arrête de riposter ?
R - De tous les contacts que j'ai eus aujourd'hui avec les personnalités politiques du Liban, je retiens que des progrès considérables sont faits sur la voie de la paix ; mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Ce projet de résolution que la France, que le président de la République a voulue soumettre au Conseil de sécurité des Nations unies, est une résolution à partir de laquelle, je l'espère, nous pourrons trouver une solution avec nos partenaires.
Il faut aller très vite ; il y a urgence. Il faut d'abord que les violences s'arrêtent immédiatement et que l'accord politique soit trouvé, seule condition pour qu'une force multinationale puisse venir surveiller et s'interposer dans cet endroit du monde.

Q - Le ministre, votre homologue iranien, arrive à Beyrouth. Est-ce que vous avez fait en sorte de le voir ?
R - Aujourd'hui, nous avons la nécessité de trouver un accord politique entre les parties : le gouvernement libanais et le Hezbollah, d'un côté, Israël, le Liban et la communauté internationale, de l'autre.
Et puis il y a les autres acteurs, et l'Iran fait partie de ceux-là. C'est un acteur incontournable pour la stabilisation de la région. Nous sommes en discussion avec eux sur le dossier nucléaire. Ce sont des acteurs avec lesquels il faut bien sûr parler parce qu'ils jouent un rôle majeur dans la stabilité de la région.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2006