Extraits d'une interview de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, dans "La Croix" du 24 mars 2000, sur la proposition de loi réformant l'adoption internationale d'enfants ainsi que sur la décision du tribunal administratif de Besançon autorisant une femme vivant avec une autre femme à adopter un enfant.

Prononcé le

Média : La Croix

Texte intégral

Q - Allez-vous soutenir la proposition de loi du député DL Jean-François Mattei réformant l'adoption d'enfants étrangers ?
R - Je trouve légitime qu'on légifère sur l'adoption internationale, car il faut aujourd'hui clarifier la situation, pour les parents candidats à l'adoption bien sûr, mais également dans l'intérêt des enfants. Aussi j'accueille volontiers une proposition de loi venant d'un député de l'opposition. Cela montre que, s'agissant de la famille, on peut s'élever au-dessus des clivages politiques pour mener un travail commun. Je suis globalement d'accord avec le texte proposé, sauf sur un point - celui des enfants provenant de pays de droit musulman qui excluent l'adoption par principe - et à condition que certaines ambiguïtés soient levées.
Q - Quels problèmes pose aujourd'hui l'adoption internationale ?
R - L'adoption plénière d'un enfant, qui permet de lui transmettre son nom et les droits afférents, est le système auquel aspirent aujourd'hui tous les parents français qui vont chercher un enfant à l'étranger. Encore faut-il que l'enfant ait été clairement abandonné par ses parents biologiques selon les formes légales du pays d'origine. Or, trois types de situations posent aujourd'hui problème : celles des pays qui soit n'ont pas de législation sur l'adoption, soit ne reconnaissent que l'adoption simple, soit enfin - comme dans les pays musulmans - sont opposés à l'adoption, même pour leurs propres ressortissants. Dans ces cas-là, les tribunaux français refusent de prononcer l'adoption, alors même que les familles sont déjà revenues en France avec l'enfant.
Q - Que proposez-vous ?
R - Il faut effectivement légiférer pour régler ces conflits de droits. Les enfants en provenance de pays qui ne reconnaissent que l'adoption simple doivent pouvoir être adoptés de façon plénière, une fois arrivés en France. Ceux qui vivent dans des pays n'ayant pas de législation sur l'adoption doivent pouvoir être adoptés, à condition qu'ils aient été légalement abandonnés. Nous devrons parallèlement rechercher des accords avec les différents pays concernés, comme nous l'avons fait pour le Vietnam. Sur ces différents points, je rejoins Jean-François Mattei. En revanche, je ne peux être d'accord avec lui lorsqu'il propose, pour contourner l'interdiction d'adopter dans les pays musulmans, d'appliquer purement et simplement le droit français. Nous ne voulons et ne pouvons pas imposer notre droit à ces pays, comme s'il était meilleur que le leur. La seule chose à faire est de lever toute ambiguïté en avertissant les parents français que les enfants en provenance de ces pays ne pourront pas être adoptés. Quant à ceux qui sont déjà présents sur le sol français, nous sommes convenus, notamment avec mon homologue marocain, d'examiner leur situation au cas par cas./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2000)
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