Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans le "Midi libre" le 31 août 2006, sur l'UDF et la représentation proportionnelle des partis politiques.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Université d'été de l'UDF à La Grande-Motte (Hérault) du 31 août au 3 septembre 2006

Média : Le Midi Libre - Midi libre

Texte intégral

Q - Vous sentez-vous toujours dans l'opposition, comme vous en a accusé l'UMP en juin ?
R - J'ai assumé ma liberté de parole. Quand les choses ne vont pas, il faut être capable de le dire et d'aller jusqu'au vote, pour marquer sa réprobation et défendre des principes. Cet été, j'ai soutenu Jacques Chirac pour sa conduite de la politique française au Proche-Orient, en dépit des phrases malencontreuses de notre diplomatie par rapport à l'Iran. Là aussi, ma liberté de jugement reste entière. Il est urgent de sortir des attitudes de soumission envers les partis dominants.
Q - Vous parlez de «reconstruire la France». Cela va-t-il si mal ?
R - La France est confrontée à des problèmes et des défis plus graves qu'aucun autre rencontré dans son histoire. C'est un pays riche, mais l'exclusion y est devenue insupportable. Le chômage et le RMI continuent leurs ravages parmi les plus jeunes et les plus de 50 ans. La dette ne cesse de croître. Les problèmes du climat et de l'atmosphère sont préoccupants. Cela mérite une approche nouvelle.
Q - Quel type de réponse politique prônez-vous pour ce faire ?
R - Plutôt que demeurer enfermés dans un gouvernement des étiquettes, il faut rassembler des personnes compétentes sur un programme de gouvernement et des priorités acceptées par tous. C'est le seul moyen de redresser rapidement le pays.
Q - Est-ce un appel à l'ouverture politique ?
R - Cette ouverture est nécessaire. Ceux que l'on appelle les partis majoritaires ne représentent que 20 % des Français et concentrent la quasi-totalité des sièges à l'Assemblée nationale. Mais 20 % ne font pas une majorité. Il faut regrouper des personnes sur des orientations tranchées; l'accord devrait être relativement facile à trouver.
Q - Michel Rocard, qui viendra demain, incarne-t-il cela ?
R - J'ai invité l'ancien Premier ministre socialiste car j'ai beaucoup d'estime pour lui. De plus, il a atteint un stade où sa parole est libre. Quand il dit que la France est politiquement sectaire, je partage ce point de vue.
Q - Comment sortir de ce carcan ?
R - Ce que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal proposent, c'est le monopole de l'un ou de l'autre. Je pense que tous les grands courants politiques doivent être représentés à l'Assemblée, même ceux que j'ai combattus (le Front national et l'extrême gauche) car des millions d'électeurs ont besoin d'être personnifiés pour se sentir légitimés. Il faut donc une proportionnelle, à 50 % pour les territoires et 50 % pour les opinions. Après, il y aura des alliances, des discussions.
Q - Les sondages vous créditent de 8 % à la présidentielle...
R - On sous-estime la volonté de changement et l'indépendance d'esprit des Français. Notre action est de leur dire «vous n'êtes pas coincés dans des choix décidés à l'avance». L'orchestration du face à face Royal-Sarkozy ne se fait pas par hasard, dans plusieurs médias où des intérêts puissants sont en jeu, pour qui l'enjeu est une situation d'intimité avec le pouvoir, quel qu'il soit.
Q - Des députés UDF veulent une Vie République. La même que Montebourg au PS ?
R - Je suis un défenseur des changements institutionnels, pour que les pouvoirs ne soient pas concentrés entre les mêmes mains. Montebourg veut enlever des pouvoirs au Président, mais on ne peut lui enlever le pouvoir de conduire la politique du pays.
Q - Comment le catholique que vous êtes juge-t-il la vie politique actuelle ?
R - Je suis à la fois défenseur de la laïcité et chrétien. En politique, il existe des gens de qualité, conduits à reproduire les mêmes erreurs, car les institutions conduisent à un seul et même pouvoir et non le respect et l'entente avec des gens même différents de soi. Il faut assainir le jeu politique et permettre aux qualités des femmes et des hommes de s'exprimer. Enfin !
Propos recueillis par Philippe Dagneaux source http://www.udf.org, le 31 août 2006