Déclaration de M. Philippe Meurs, président de Jeunes Agriculteurs, sur les élections en chambre d'agriculture, l'installation des jeunes agriculteurs, le carburant professionnel et le paiement anticipé des aides PAC, Vergezac le 8 septembre 2006.

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Circonstance : Finale nationale de labour Vergezac le 8 septembre 2006

Texte intégral


Je voudrais tout d'abord saluer la présence de notre ministre de tutelle, Monsieur Dominique Bussereau, qui nous fait l'amitié, comme chaque année, d'être au rendez vous pour participer à notre manifestation grand public « Terre Attitude » qu'est notre finale nationale de labour.
« Terre en fête au pays des Volcans » est déjà notre 53ème édition. Vous le voyez, vous pouvez compter sur nous dans la durée !
Je ne vous cache pas que lorsqu'arrive le dimanche soir d'une finale nationale de labour, nous commençons tous à relâcher quelque peu la pression.
Cela est d'autant plus vrai dans ces moments là, pour le président des Jeunes agriculteurs du département qui nous accueille, Laurent Duplomb, cette année, comme pour le président du Comité d'organisation de cette manifestation, Jean Julien Deygas.
Je vous propose de leur faire une ovation.
Vous avez « mouillé votre chemise » pour faire de cette manifestation un moment inoubliable, autour de rencontres fortes et d'émotions intenses. Nous ne sommes pas prêts d'oublier notre passage en Haute Loire et la lentille du Puy !
Je pense également aux « petites mains agiles » qui ont oeuvré, depuis des semaines, pour rendre possible l'organisation de cette manifestation d'envergure nationale. Soyez en tous vivement remerciés.
Je n'oublie pas TOTAL, le partenaire inconditionnel de nos grands événements « Terre
Attitude », d'hier et de demain.
Ce sont des occasions comme celles-ci qui témoignent de la vitalité de notre réseau, que beaucoup nous envient.
Ce réseau, qui maille l'ensemble de notre territoire, jusque dans les départements d'Outre Mer (je salue d'ailleurs le président de l'Interdom), et cela est la force de notre syndicat de jeunes, la force de nos actions comme la force de nos réussites.
J'en veux pour preuve l'opération de solidarité d'août dernier.
Vous, Jeunes agriculteurs, répondez toujours présents, qu'il s'agisse de promouvoir notre métier, de fêter avec passion l'agriculture mais également de se mobiliser pour les grandes échéances électorales qui rythment notre vie syndicale.
[Elections chambres]
Les élections aux chambres d'agriculture, qui se dérouleront en janvier 2007, sont un événement vital pour nous les Jeunes agriculteurs comme pour nos « aînés » avec qui nous faisons front commun.
Elles sont l'occasion de défendre un projet politique ambitieux pour l'agriculture. Mais, rassurez vous, nous le travaillons depuis longtemps, ce projet sur l'avenir de notre métier.
Car entre deux élections, nous ne « chômons » pas : nous sommes particulièrement fiers de nos réussites passées, tant sur le front de l'installation, de l'énergie verte que sur nos batailles pour une meilleure répartition de valeur ajoutée...
Monsieur le Ministre, je vous remets la liste de nos réussites auxquelles, forcément, vous avez été indirectement associé ! (remise du tract)
Ce sont des résultats concrets, solides que nul ne peut nous contester.
Les petites phrases assassines, les coups d'éclats médiatiques ou les procédures judiciaires ne sont pas notre tasse de thé.
Ce qui nous intéresse, nous Jeunes agriculteurs, c'est le débat d'idées et la mise en oeuvre d'actions concrètes : donner des perspectives au monde paysan est notre seule priorité.
[Installation]
Car s'il y a bien une politique qui mérite que l'on redouble d'attention, c'est bien celle qui renouvelle les créateurs d'entreprises agricoles de demain.
Nous avons manifestement la fibre entrepreneuriale. Mais, pour qu'elle puisse pleinement s'exprimer, il faut nous donner les moyens de faciliter l'entrée et l'installation dans le métier.
Vous aviez annoncé, aux Sables d'Olonne pendant notre congrès, le principe d'une défiscalisation de la DJA. Il ne nous reste plus qu'à le mettre en oeuvre puisqu'elle fait l'unanimité au sein du gouvernement, nous a-t-on dit avant hier !
Nous vous proposons une solution simple :
Nous souhaitons une exonération totale d'impôt du jeune agriculteur l'année où il reçoit sa Dotation Jeune Agriculteur.
Les années suivantes, les modalités d'exonération du revenu du jeune restent inchangées.
L'installation de jeunes en agriculture ne doit souffrir d'aucune hésitation : ni dans les discours, ni dans les financements. Nous ne pouvons que nous réjouir du dynamisme des créations d'entreprises agricoles, notamment dans certaines régions, quitte à envisager une mutualisation du reliquat des enveloppes régionales pour faire face à un dépassement des installations prévues.
Le financement ne doit jamais devenir un facteur limitant pour les installations à venir : nous ne l'accepterons pas ! Nous souhaitons, Monsieur le Ministre, que vous vous engagiez fortement sur ce point!
Surtout, lorsque nous entendons qu'il serait possible de reporter le stage préparatoire à l'installation des uns ou le stage 6 mois (c'est-à-dire d'immersion professionnelle) des autres au motif que leur installation ne serait pas considérée comme urgente !
Nous devrions au contraire nous réjouir que la politique d'accompagnement à l'installation soit victime de son succès dans certaines régions ! Et son succès doit s'accompagner de financements adéquats et à la hauteur de ces réussites.
Nous entendons bien les contraintes budgétaires de l'Etat mais il ne faudrait pas déduire de cette situation que, finalement, le parcours à l'installation n'est pas adapté !
Prenons le temps de discuter de la modernisation du parcours de formation des jeunes agriculteurs. Nous n'accepterons pas de perdre la main sur ce sujet.
Mais, il ne faut pas nous précipiter : la date du 1er janvier 2007 n'est pas fatidique en la matière. Dans tous les cas, elle ne nous est pas imposée par l'Union européenne, pour une fois, n'est-ce pas ?
Et, ce ne sont pas les 50 demandes de dérogations qui vous parviennent sur une année qui doivent remettre complètement à plat le dispositif de notre parcours, largement éprouvé ! 95% des jeunes installés grâce au parcours à l'installation sont toujours agriculteurs 10 ans plus tard.
Il y a un autre point, Monsieur le Ministre, que nous n'avons toujours pas compris.
Comment se fait-il que l'installation en agriculture ne figure pas aux nombres des priorités des Contrats de Projets Etat-Régions ? Alors que l'emploi est une grande priorité du gouvernement !
L'implication des collectivités locales sur ce sujet nous est indispensable, d'autant qu'elles sont prêtes à formaliser leurs engagements dans ces contrats. Nous y gagnerions en lisibilité, en efficacité et en stabilité.
L'installation ne peut pas souffrir d'incessants changements de caps, d'incessants changements de circuits financiers ! Les impératifs liés aux évolutions des techniques budgétaires ne nous regardent pas !
Nous avons besoin d'une Europe forte qui accompagne notre projet sur l'installation mais pas seulement.
Une Europe minimaliste qui se contenterait d'agir sur les risques, sur les nouveaux usages ou sur la conquête de la valeur ajoutée n'est surement pas à la hauteur de nos ambitions !
Nous ne pouvons concevoir notre politique agricole qu'à l'échelon européen : faire machine arrière, ce serait aller à contre courant de nos organisations de marchés !
C'est bien dans cet esprit que nous nous battons quotidiennement pour améliorer le projet agricole commun (le PAC) pour être plus forts à 25 à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.
Notre schéma européen est clair : il s'articule autour de la préférence communautaire, de l'harmonisation des conditions d'échange entre pays, d'un droit de la concurrence plus juste pour les producteurs au bénéfice des consommateurs.
Tout cela, dans le but de renforcer la position de notre agriculture au niveau mondial.
Nous nous félicitons de la position du gouvernement français qui, à Genève, a réussi à convaincre nos représentants européens de la nécessité d'aller plus loin dans les négociations. Ces négociations s'avéraient destructrices pour l'avenir de nos économies.
Profitons de cette pause inespérée pour réfléchir autrement la place et le rôle que nous voulons demain confier à notre agriculture en matière alimentaire et non alimentaire.
Sur ce dernier point, je voudrais ouvrir une rapide parenthèse.
De nouvelles missions s'offrent à nous, jeunes agriculteurs, et dans toutes les régions. Pour preuve ici, en valorisant les surfaces boisées pour le chauffage, comme vous avez pu le voir sur ce site. Ailleurs aussi, ce seront des débouchés dans l'énergie, les nouveaux matériaux, les produits de santé ou cosmétiques. Nous devrons être vigilants sur ces débouchés si les négociations internationales venaient à reprendre.
[Carburant professionnel-TIPP]
Depuis un an, le renchérissement du coût du pétrole a engendré une hausse des charges de 15 à 20% sur les exploitations (que l'on parle de carburant, de plastiques, d'engrais...). Cela pèse d'autant plus quand l'on est un jeune agriculteur.
Notre demande ancienne, qui consiste à pouvoir bénéficier d'un carburant professionnel, nous apparaît au jour le jour de plus en plus incontournable. Il va falloir s'y attaquer !
L'intérêt d'un carburant totalement détaxé nous exonèrerait, et puis vous aussi, de toutes ces contraintes administratives !
Et puis entre nous, l'octroi des 0,66 cts d'euros supplémentaires aux 5 cts promis coûte surement moins cher que le traitement du remboursement actuel de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers.
Ce qui est sûr, c'est que nous sommes impatients de soulager nos trésoreries.
[Paiement anticipé des aides PAC]
Nos trésoreries qui, par ailleurs, mériteraient un coup de pouce particulier dès les jours à venir : le paiement anticipé des aides de la Politique Agricole Commune au 16 octobre 2006 (au lieu du 1er décembre) serait particulièrement le bienvenu, quelle que soit la région concernée.
[Calamités]
Car cet été aura particulièrement marqué les agriculteurs, que l'on parle de sécheresse ou d'inondations.
Les agriculteurs touchés au moins deux années sur quatre doivent être particulièrement soutenus. Jeunes agriculteurs demande la revalorisation du taux d'indemnisation des calamités de 28 à 35 %.
Concernant les zones inondées du Nord de la France, soyons conscients aussi de leurs besoins au travers du Fonds national des calamités.
Et puis, prenons le temps dans les semaines à venir de reparler précisément d'assurance récolte obligatoire par régions et par productions : C'est peut-être la vraie réponse aux calamités naturelles et à la prise en compte de la réalité des exploitations !
[Montagne]
Nous sommes aujourd'hui sur un site de montagne particulièrement impressionnant puisque nous avons une vue magnifique sur le seul volcan strombolien d'Europe.
Mais le panorama qui s'offre à nous, ce sont aussi des prairies, des cultures, des troupeaux : ils forment le « paysage » de nos montagnes.
Mais, ne nous cachons pas derrière des images d'Epinal : c'est grâce à des politiques agricoles ciblées que nous avons réussi à maintenir des Hommes et des exploitations nombreuses sur ces territoires.
Je pense tout d'abord aux Indemnités Compensatrices de Handicaps Naturels. Nul doute de leur nécessité aujourd'hui dans ces territoires soumis à des contraintes climatiques et physiques particulièrement sévères.
Alors la revalorisation promise de cette indemnité sur les 25 premiers hectares ne serait que justice.
Il nous faut également soutenir la collecte des produits en zone de montagne afin de restaurer la compétitivité de ces territoires. Nous sommes au coeur de la problématique de l'aménagement des territoires ruraux, que l'on parle de l'installation de jeunes, de l'entretien de routes ou de maintien d'entreprises de transformation.
Et puis pas de montagne sans parler de la nécessité de maintenir une véritable politique de
l'herbe. Sur ce sujet d'ailleurs, c'est bien plus que les territoires de montagne qui sont visés.
[PHAE]
La Prime Herbagère Agro-Environnementale est un sujet déstabilisant à plusieurs points de vue puisque nous entendons parler :
- d'un financement entièrement national désormais mais de contraintes européennes inchangées,
- d'un souci de simplification des conditions d'attribution louable mais particulièrement poussé à l'extrême où l'on passerait de 220 cahiers des charges spécifiques à 1 seul. Tout est une question de juste milieu.
Quid de certaines adaptations et des souplesses d'application de ce dispositif, surtout concernant les taux de chargement et les critères de maintien de la biodiversité?
La simplification des politiques est souhaitable mais surement pas au détriment de la politique d'installation.
Il serait inacceptable que des nouveaux installés ne puissent pas bénéficier de la PHAE et ce quelle que soit leur région d'appartenance.
Il est inconcevable qu'un Jeune agriculteur installé en 2007 ne puisse pas bénéficier de la politique de l'herbe tandis que ce même JA installé en 2006 y aurait droit !
On ne peut pas décemment encourager l'installation d'un côté et décourager les installés de l'autre au travers des politiques publiques.
La prise en compte de la réalité des systèmes d'exploitation doit primer sur les grandes théories bruxelloises ou même nationales.
[Bâtiments d'élevage]
Concernant les bâtiments d'élevage, le plan que vous avez lancé est aujourd'hui victime de son succès : les files d'attente sont nombreuses et il est urgent de réabonder les enveloppes prévues. A nous d'étudier ensemble les modalités de ce nouvel accompagnement !
Nous sommes satisfaits que les jeunes agriculteurs bénéficient d'une incitation supplémentaire dans le cadre de ce plan.
Cependant, matériellement, il serait plus sensé de pouvoir bénéficier de cet avantage au moment de l'engagement des travaux plutôt qu'à leur fin. Nous ne sommes pas toujours maîtres de l'agenda des artisans dans le cadre de la période de notre installation !
Pour finir, je voudrais aborder avec vous deux ou trois sujets sensibles qui méritent de notre part un grand travail de collaboration.
[Viticulture]
Sur l'OCM viti-vinicole, nous devons montrer de la fermeté et une grande unité.
Nous devons d'abord réhabiliter l'utilisation des instruments de régulation de l'Organisation Commune de Marché actuelle.
Concernant la distillation, nous ne devons plus être frileux ! Il faut que très rapidement, les volumes à distiller, qui n'ont pu être pris en charge par la distillation de crise, puissent être reportés sur la distillation dite « alcool de bouche ».
Nos concurrents italiens et espagnols sont d'ores et déjà dans les starting block pour approvisionner cette distillation.
Et puis encourageons significativement tous les candidats à cette nouvelle distillation, dont plus spécifiquement les jeunes viticulteurs français.
Pour l'avenir, nous devons prouver que la viticulture française sera un exemple d'adaptation à la mondialisation des marchés.
Mais, je me permets d'insister sur deux points sur lesquels nous ne transigerons pas.
Concernant l'arrachage définitif, il est exclu de faire de cet instrument le seul outil de régulation de la future OCM. Vous savez comme moi que le potentiel que nous arracherons sera systématiquement planté par nos concurrents.
L'arrachage temporaire doit être privilégié pour réguler notre potentiel viticole. Nous pourrons profiter de ce temps plus favorable sur le marché pour construire l'avenir.
[Principe de précaution]
Pour terminer, Monsieur le Ministre, je voudrais vous faire part de la grande inquiétude que nous éprouvons concernant l'utilisation de ce que l'on appelle « le principe de précaution »
Que l'on parle de fièvre catarrhale ou d'huitres du bassin d'Arcachon, nous regrettons que ce principe soit appliqué avec autant de rigueur.
Il est inadmissible que les mesures sanitaires liées à la restriction des déplacements d'animaux, soient aussi sévères ! dans la mesure où cette fièvre ne se transmet pas et n'est aucunement dangereuse pour l'homme.
Va-t-on devoir mettre en place un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs victimes d'un excès de zèle administratif en matière de sécurité sanitaire ?
Nous vous demandons simplement, Monsieur le Ministre, de prendre des mesures équilibrées qui satisfassent tant l'intérêt des consommateurs que celui des producteurs. Nous avons tous à y gagner.
[OGM]
Et puisque l'on aborde les sujets sensibles, celui des OGM est particulièrement préoccupant. Notre position est claire en la matière : nul n'a le droit aujourd'hui de détruire l'outil de travail des producteurs dans la mesure où ils respectent la légalité.
Et si les contours de la mise en production des OGM ne sont pas suffisamment clairs, c'est à vous, élus et décideurs politiques de légiférer ! Pour notre part, nous ne sommes que des paysans, pas des scientifiques !
[Pierre Fabre]
Pour conclure,
Ne croyons pas que les accidents en agriculture n'arrivent qu'aux autres.
J'aurais une pensée émue pour Pierre Fabre qui nous a quitté accidentellement au mois de juillet. Paysan, syndicaliste, ami, il était l'un des maillons de la force de notre réseau.
Si nous nous engageons pour notre profession et que nous pouvons vous sembler exigeant, Monsieur le Ministre, c'est que nous croyons plus que quiconque en notre avenir.Source http://www.cnja.com, le 11 septembre 2006