Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse d'être ici parmi vous aux Pays-Bas et d'intervenir sur un thème ambitieux et que je ne prétends pas épuiser pendant les quelques minutes de mon intervention : La France, l'Europe, la mondialisation.
Dans mon intervention je vais tenter de traiter les trois sujets : la France parce que c'est mon pays et qu'il m'est cher, l'Europe parce que c'est une belle construction à laquelle nos deux pays sont fortement attachés et la mondialisation parce qu'elle nous concerne tous.
Je ne peux pas m'empêcher de commencer en évoquant les relations anciennes et nombreuses qui lient nos deux pays. Alors que je me trouve dans l'un des meilleurs instituts de réflexion néerlandais, je pense à cette époque où les penseurs français des lumières venaient en Hollande faire éditer des écrits jugés trop subversifs par les autorités parisiennes. Si la France a pu contribuer à l'évolution de la pensée humaine, c'est aux Pays-Bas qu'elle le doit.
Bien avant, René Descartes dont la pensée est si caractéristique de la France, a souvent séjourné dans votre pays et y a même mené ses réflexions les plus novatrices. A l'inverse, c'est la France que Vincent Van Gogh a choisie pour exercer son génie pictural. Plus récemment, les relations entre nos deux pays sont très nombreuses et traduisent, par exemple, l'explosion des transports de personnes dans le monde :
- la France est fière d'accueillir chaque année de nombreux touristes hollandais, de même que de nombreux français sont très heureux de prendre le Thalys ou l'avion pour visiter votre beau pays
- la fusion Air France/KLM a créé la première compagnie européenne au monde en nombre de passagers.km.
Vous le voyez, nos deux pays partagent des intérêts communs et au coeur de la mondialisation.
1. La France au coeur de la mondialisation
C'est un débat récurrent en France de savoir si la France tire profit ou souffre de la mondialisation. Il n'y a qu'à regarder les chiffres : 1,9 million de salariés français travaillent pour une entreprise étrangère et 45 % de la capitalisation boursière du CAC 40 est détenue par des investisseurs étrangers. Avec 33 300 emplois créés en 2005, l'investissement étranger compense largement le phénomène de délocalisation qui entraîne 15 000 emplois en moins par an.
De grandes entreprises françaises internationalisées contribuent chaque jour à promouvoir sur toute la surface de la planète les produits français, les services français, d'une manière générale, l'image de la France.
La France sait ce qu'elle doit à la mondialisation et le Gouvernement est très attaché à renforcer l'attractivité du territoire et l'ouverture de l'économie française sur l'étranger. Une politique active est menée en la matière : incitations fiscales, promotion de la recherche et de l'innovation à travers la création de pôles de compétitivité ou simplification des procédures d'accueil des étrangers en France, notamment les chercheurs et les étudiants, dans le cadre de l'immigration choisie. Les investisseurs néerlandais sont les bienvenus, et ils le savent, et les Français sont très heureux de consommer des produits néerlandais, y compris du fromage !
2. L'Europe : creuset d'une mondialisation acceptable
Le rejet successif du projet de traité constitutionnel européen par nos deux peuples a gelé la construction européenne. C'est un signe que nous devons interpréter, c'est une leçon que nous devons tirer mais cela n'est pas un coup d'arrêt à une dynamique qui a été lancée en 1950 avec la CECA autour de 6 pays dont la France et les Pays-Bas. Sans aucun doute, les peuples d'Europe hésitent, doutent et au fond méconnaissent le projet européen.
Mais tous sont d'accord pour constater que l'Europe a garanti la paix et a contribué à la prospérité économique des pays membres. Si l'Europe a permis cela, c'est en faisant le pari de la libéralisation des échanges. Même si elle est parfois vécue comme une menace pour les tissus industriels et économiques locaux, elle est avant tout une chance et une formidable opportunité pour nos entreprises. L'Union européenne a déjà le marché le plus ouvert au monde et elle contribue de cette manière au développement des pays les moins avancés de la planète. Soyons fiers des initiatives que les pays européens ont pris en la matière notamment grâce à l'initiative "Tout sauf les armes".
L'Europe est l'exemple même d'une mondialisation réussie. Six Etats fondateurs, aujourd'hui 25, demain plus encore, ont pacifiquement décidé d'abandonner ensemble des pans entiers de leur souveraineté pour bâtir un projet collectif qui repose sur la démocratie, la paix et un modèle économique alliant esprit d'entreprise, responsabilité sociale et engagement international au service du développement.
L'Europe a été capable de se relever, de se rassembler, de créer un marché unique garantissant la liberté de circulation des hommes et des femmes, des marchandises et des services. Elle a également adopté cette monnaie commune, l'Euro, qui a une force d'attraction formidable à l'égard du reste du monde.
Le non au référendum sur la constitution en France et aux Pays-Bas nous montre que l'Europe ne réussira que si nous savons l'expliquer et la rendre proche des préoccupations des gens.
C'est la même chose pour la mondialisation. Vous le savez, il peut être tentant pour des hommes politiques d'accuser la mondialisation, ou l'Europe, de tous nos maux. Il est de la responsabilité des dirigeants politiques mais aussi des chefs d'entreprises d'expliquer la mondialisation et d'accepter des règles qui l'organisent et la rendent acceptable car c'est une source d'opportunité et de liberté formidables pour notre jeunesse.
Il suffit d'aller en Asie ou en Amérique pour se rendre compte à quel point l'identité européenne est bien réelle et perçue par nos interlocuteurs.
En tant que Ministre chargé du commerce extérieur, je m'intéresse de près bien évidemment aux négociations dans le cadre de l'OMC. Que pèserait chaque pays européen dans cette négociation de 150 pays si nos intérêts n'étaient pas portés par un Commissaire au nom des 25 pays ?
Que ce soit en Amérique Latine ou les pays de l'Asean, il est un modèle. Il constitue des zones de paix et de prospérité et conduit à une convergence des économies.
Si l'Europe est aussi attractive, c'est grâce à ses talents, à la recherche et à l'innovation, à sa productivité. C'est aussi parce qu'elle est devenue un formidable marché de 450 millions de consommateurs qui est aussi la première puissance économique et commerciale dans le monde. La force d'attraction de l'Europe est extraordinaire. Au Sud, avec le partenariat Euromed, à l'Est avec un partenariat stratégique avec notre grand ami, la Russie qui a toujours joué un rôle actif dans le concert européen.
L'échec des référendums de nos deux pays doit nous amener à imaginer un projet populaire mobilisateur et fédérateur pour l'Europe. Nous devons arriver à rendre le projet européen vivant, concret et quotidien aux yeux de nos compatriotes. Je voudrais lancer plusieurs pistes :
- l'énergie doit être un enjeu majeur des années qui viennent. Alors que le Parlement français discute d'un projet de fusion entre Suez et Gaz de France, nous voyons se profiler la nécessité et l'urgence d'une politique commune tant en matière de production, pour éviter par exemple le black-out italien, qu'en matière de distribution, pour peser dans les discussions avec les producteurs de pétrole et de gaz.
- la santé : les populations européennes vieillissent et nous serons tous confrontés tôt ou tard au financement des prestations pour la vieillesse : dépenses de santé, prise en charge, aménagement de l'environnement urbain, etc.... Une politique commune concertée entre nos pays pourrait permettre à chacun de bénéficier des talents et des idées des autres
- en matière d'économie : nous devons rendre visible que l'Europe profite à nos économies. Par exemple, au nom de la France, je pense formuler des propositions concrètes pour faciliter l'accès des PME au marché public, à l'image de ce qui se fait aux Etats-Unis.
3. Les enjeux de la mondialisation
La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, ce n'est pas à un peuple de marins et d'explorateurs que je vais expliquer l'histoire du commerce. Mais la mondialisation que nous vivons se caractérise par l'évolution exponentielle des échanges beaucoup plus rapide que la croissance mondiale. Ce phénomène n'est pas sans créer des défis, des menaces aussi auxquels nous devons faire face. Il me semble que le siècle à venir se caractérise par trois enjeux auxquels nous devons répondre :
- le défi du commerce équitable : la libéralisation des échanges, l'abaissement des tarifs douaniers et la disparition des barrières au commerce doivent profiter à tous les pays, être le moteur du développement et non les modalités d'un nouvel asservissement. Ceci nécessite une régulation volontaire et adaptée de la mondialisation. Le père dominicain Henri Lacordaire écrivait : "entre le riche et le pauvre, entre la force et le faible, entre le maître et l'esclave, c'est la loi qui affranchit et la liberté qui opprime". C'est ce que nous avons fait en Europe en bâtissant par exemple un droit de la concurrence qui garantit que le marché commun profite aux consommateurs autant qu'aux entreprises. C'est ce que nous devons arriver à faire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. La suspension du cycle de Doha était un échec indiscutable : il serait facile pour moi d'en attribuer la responsabilité à tel ou tel pays mais ce serait stérile. Sachons voir au-delà et créer les conditions d'une reprise des négociations même si elles ne devaient pas intervenir avant plusieurs mois en tout cas pas avant les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. D'ici là, nous exploiterons certainement la possibilité de conclure des accord bilatéraux avec tel ou tel pays mais le multilatéralisme doit rester l'axe moteur de la politique commerciale de l'Union européenne pour les raisons suivantes :
* un accord multilatéral crée un cadre plus stable et plus lisible qu'un réseau d'accords bilatéraux. Nous devons penser à nos entreprises, nos PME, confrontées à la difficulté de démêler les fils et les noeuds d'un "bol de spaghettis" d'accords bilatéraux pour reprendre l'expression de Jagdish Bhagwati, le professeur de l'université de Columbia.
* l'Organisation mondiale du commerce a la légitimité pour garantir l'élaboration de règles commerciales justes et transparentes, par exemple en matière de pratiques anti-dumping
* l'abandon de l'action multilatérale conduirait immanquablement à un accroissement des contentieux commerciaux et donc à une instabilité juridique dont nos entreprises seraient les premières à pâtir
- le défi de la consommation raisonnable : la hausse des prix du pétrole nous rappelle que la Terre n'est une ressource inépuisable. Alors que les écarts entre la consommation moyenne d'un citoyen de France ou des Pays-Bas et celle d'un citoyen d'Afrique est colossal, nous devons apprendre à mieux gérer et maîtriser les ressources disponibles. C'est manifeste pour le pétrole et le gaz, d'où mon appel à une politique énergétique européenne qui pourrait poser les bases d'une politique énergétique mondiale. Cela va être vrai à court terme pour l'eau, qui sera un enjeu majeur pour de nombreuses zones de la planète au 21e siècle. C'est d'ores et déjà le cas pour les ressources halieutiques, les produits de la pêche. Ce sera certainement le cas demain pour d'autres ressources végétales ou animales. Alors que la Chine et l'Inde émergent et représentent à elles seules plus du quart de la population terrestre, il est crucial de porter au niveau mondial les questions de gestion des ressources
- le défi du développement durable : le réchauffement climatique et l'accroissement de la pollution dans certaines zones du monde notamment les pays émergents, rendent urgente la création d'un cadre multilatéral pour discuter des mesures permettant de favoriser le développement de tous les pays sans compromettre la santé de notre planète et donc de l'humanité.
Pour répondre à ces enjeux, je crois que le multilatéralisme est la méthode incontournable : la construction européenne nous a montré que nous avons collectivement la capacité de traiter des problèmes de ce type et d'y apporter des réponses. Nous devons arriver à généraliser ces travaux et cette méthode au niveau mondial.
Le 21e siècle verra s'offrir à nous deux chemins :
- le premier, celui du repli sur soi, du protectionnisme, de la crispation face aux menaces terroristes et de la difficulté à mettre en place un ordre mondial. Il va de soi que ce chemin rétrograde est voué à l'échec.
- le deuxième chemin est celui du dialogue, de la concertation et de l'action collective afin de traiter au niveau planétaire les problèmes qui ne trouveront leur solution qu'à ce niveau.
La France est décidée à agir et à peser pour que l'ensemble des nations empruntent ce second chemin et je sais pouvoir compter sur les Pays-Bas pour nous y accompagner.
Alors que le fatalisme est à la mode en matière économique, environnementale ou géopolitique, je crois au contraire que jamais, autant qu'aujourd'hui, nous n'avons été en mesure d'apporter une réponse collective et mondiale aux grands défis de l'avenir. Sachons y répondre et sachons ajouter à la pertinence du diagnostic, la force et la volonté de l'action.
source http://www.exporter.gouv.fr, le 18 septembre 2006
Je suis très heureuse d'être ici parmi vous aux Pays-Bas et d'intervenir sur un thème ambitieux et que je ne prétends pas épuiser pendant les quelques minutes de mon intervention : La France, l'Europe, la mondialisation.
Dans mon intervention je vais tenter de traiter les trois sujets : la France parce que c'est mon pays et qu'il m'est cher, l'Europe parce que c'est une belle construction à laquelle nos deux pays sont fortement attachés et la mondialisation parce qu'elle nous concerne tous.
Je ne peux pas m'empêcher de commencer en évoquant les relations anciennes et nombreuses qui lient nos deux pays. Alors que je me trouve dans l'un des meilleurs instituts de réflexion néerlandais, je pense à cette époque où les penseurs français des lumières venaient en Hollande faire éditer des écrits jugés trop subversifs par les autorités parisiennes. Si la France a pu contribuer à l'évolution de la pensée humaine, c'est aux Pays-Bas qu'elle le doit.
Bien avant, René Descartes dont la pensée est si caractéristique de la France, a souvent séjourné dans votre pays et y a même mené ses réflexions les plus novatrices. A l'inverse, c'est la France que Vincent Van Gogh a choisie pour exercer son génie pictural. Plus récemment, les relations entre nos deux pays sont très nombreuses et traduisent, par exemple, l'explosion des transports de personnes dans le monde :
- la France est fière d'accueillir chaque année de nombreux touristes hollandais, de même que de nombreux français sont très heureux de prendre le Thalys ou l'avion pour visiter votre beau pays
- la fusion Air France/KLM a créé la première compagnie européenne au monde en nombre de passagers.km.
Vous le voyez, nos deux pays partagent des intérêts communs et au coeur de la mondialisation.
1. La France au coeur de la mondialisation
C'est un débat récurrent en France de savoir si la France tire profit ou souffre de la mondialisation. Il n'y a qu'à regarder les chiffres : 1,9 million de salariés français travaillent pour une entreprise étrangère et 45 % de la capitalisation boursière du CAC 40 est détenue par des investisseurs étrangers. Avec 33 300 emplois créés en 2005, l'investissement étranger compense largement le phénomène de délocalisation qui entraîne 15 000 emplois en moins par an.
De grandes entreprises françaises internationalisées contribuent chaque jour à promouvoir sur toute la surface de la planète les produits français, les services français, d'une manière générale, l'image de la France.
La France sait ce qu'elle doit à la mondialisation et le Gouvernement est très attaché à renforcer l'attractivité du territoire et l'ouverture de l'économie française sur l'étranger. Une politique active est menée en la matière : incitations fiscales, promotion de la recherche et de l'innovation à travers la création de pôles de compétitivité ou simplification des procédures d'accueil des étrangers en France, notamment les chercheurs et les étudiants, dans le cadre de l'immigration choisie. Les investisseurs néerlandais sont les bienvenus, et ils le savent, et les Français sont très heureux de consommer des produits néerlandais, y compris du fromage !
2. L'Europe : creuset d'une mondialisation acceptable
Le rejet successif du projet de traité constitutionnel européen par nos deux peuples a gelé la construction européenne. C'est un signe que nous devons interpréter, c'est une leçon que nous devons tirer mais cela n'est pas un coup d'arrêt à une dynamique qui a été lancée en 1950 avec la CECA autour de 6 pays dont la France et les Pays-Bas. Sans aucun doute, les peuples d'Europe hésitent, doutent et au fond méconnaissent le projet européen.
Mais tous sont d'accord pour constater que l'Europe a garanti la paix et a contribué à la prospérité économique des pays membres. Si l'Europe a permis cela, c'est en faisant le pari de la libéralisation des échanges. Même si elle est parfois vécue comme une menace pour les tissus industriels et économiques locaux, elle est avant tout une chance et une formidable opportunité pour nos entreprises. L'Union européenne a déjà le marché le plus ouvert au monde et elle contribue de cette manière au développement des pays les moins avancés de la planète. Soyons fiers des initiatives que les pays européens ont pris en la matière notamment grâce à l'initiative "Tout sauf les armes".
L'Europe est l'exemple même d'une mondialisation réussie. Six Etats fondateurs, aujourd'hui 25, demain plus encore, ont pacifiquement décidé d'abandonner ensemble des pans entiers de leur souveraineté pour bâtir un projet collectif qui repose sur la démocratie, la paix et un modèle économique alliant esprit d'entreprise, responsabilité sociale et engagement international au service du développement.
L'Europe a été capable de se relever, de se rassembler, de créer un marché unique garantissant la liberté de circulation des hommes et des femmes, des marchandises et des services. Elle a également adopté cette monnaie commune, l'Euro, qui a une force d'attraction formidable à l'égard du reste du monde.
Le non au référendum sur la constitution en France et aux Pays-Bas nous montre que l'Europe ne réussira que si nous savons l'expliquer et la rendre proche des préoccupations des gens.
C'est la même chose pour la mondialisation. Vous le savez, il peut être tentant pour des hommes politiques d'accuser la mondialisation, ou l'Europe, de tous nos maux. Il est de la responsabilité des dirigeants politiques mais aussi des chefs d'entreprises d'expliquer la mondialisation et d'accepter des règles qui l'organisent et la rendent acceptable car c'est une source d'opportunité et de liberté formidables pour notre jeunesse.
Il suffit d'aller en Asie ou en Amérique pour se rendre compte à quel point l'identité européenne est bien réelle et perçue par nos interlocuteurs.
En tant que Ministre chargé du commerce extérieur, je m'intéresse de près bien évidemment aux négociations dans le cadre de l'OMC. Que pèserait chaque pays européen dans cette négociation de 150 pays si nos intérêts n'étaient pas portés par un Commissaire au nom des 25 pays ?
Que ce soit en Amérique Latine ou les pays de l'Asean, il est un modèle. Il constitue des zones de paix et de prospérité et conduit à une convergence des économies.
Si l'Europe est aussi attractive, c'est grâce à ses talents, à la recherche et à l'innovation, à sa productivité. C'est aussi parce qu'elle est devenue un formidable marché de 450 millions de consommateurs qui est aussi la première puissance économique et commerciale dans le monde. La force d'attraction de l'Europe est extraordinaire. Au Sud, avec le partenariat Euromed, à l'Est avec un partenariat stratégique avec notre grand ami, la Russie qui a toujours joué un rôle actif dans le concert européen.
L'échec des référendums de nos deux pays doit nous amener à imaginer un projet populaire mobilisateur et fédérateur pour l'Europe. Nous devons arriver à rendre le projet européen vivant, concret et quotidien aux yeux de nos compatriotes. Je voudrais lancer plusieurs pistes :
- l'énergie doit être un enjeu majeur des années qui viennent. Alors que le Parlement français discute d'un projet de fusion entre Suez et Gaz de France, nous voyons se profiler la nécessité et l'urgence d'une politique commune tant en matière de production, pour éviter par exemple le black-out italien, qu'en matière de distribution, pour peser dans les discussions avec les producteurs de pétrole et de gaz.
- la santé : les populations européennes vieillissent et nous serons tous confrontés tôt ou tard au financement des prestations pour la vieillesse : dépenses de santé, prise en charge, aménagement de l'environnement urbain, etc.... Une politique commune concertée entre nos pays pourrait permettre à chacun de bénéficier des talents et des idées des autres
- en matière d'économie : nous devons rendre visible que l'Europe profite à nos économies. Par exemple, au nom de la France, je pense formuler des propositions concrètes pour faciliter l'accès des PME au marché public, à l'image de ce qui se fait aux Etats-Unis.
3. Les enjeux de la mondialisation
La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, ce n'est pas à un peuple de marins et d'explorateurs que je vais expliquer l'histoire du commerce. Mais la mondialisation que nous vivons se caractérise par l'évolution exponentielle des échanges beaucoup plus rapide que la croissance mondiale. Ce phénomène n'est pas sans créer des défis, des menaces aussi auxquels nous devons faire face. Il me semble que le siècle à venir se caractérise par trois enjeux auxquels nous devons répondre :
- le défi du commerce équitable : la libéralisation des échanges, l'abaissement des tarifs douaniers et la disparition des barrières au commerce doivent profiter à tous les pays, être le moteur du développement et non les modalités d'un nouvel asservissement. Ceci nécessite une régulation volontaire et adaptée de la mondialisation. Le père dominicain Henri Lacordaire écrivait : "entre le riche et le pauvre, entre la force et le faible, entre le maître et l'esclave, c'est la loi qui affranchit et la liberté qui opprime". C'est ce que nous avons fait en Europe en bâtissant par exemple un droit de la concurrence qui garantit que le marché commun profite aux consommateurs autant qu'aux entreprises. C'est ce que nous devons arriver à faire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. La suspension du cycle de Doha était un échec indiscutable : il serait facile pour moi d'en attribuer la responsabilité à tel ou tel pays mais ce serait stérile. Sachons voir au-delà et créer les conditions d'une reprise des négociations même si elles ne devaient pas intervenir avant plusieurs mois en tout cas pas avant les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. D'ici là, nous exploiterons certainement la possibilité de conclure des accord bilatéraux avec tel ou tel pays mais le multilatéralisme doit rester l'axe moteur de la politique commerciale de l'Union européenne pour les raisons suivantes :
* un accord multilatéral crée un cadre plus stable et plus lisible qu'un réseau d'accords bilatéraux. Nous devons penser à nos entreprises, nos PME, confrontées à la difficulté de démêler les fils et les noeuds d'un "bol de spaghettis" d'accords bilatéraux pour reprendre l'expression de Jagdish Bhagwati, le professeur de l'université de Columbia.
* l'Organisation mondiale du commerce a la légitimité pour garantir l'élaboration de règles commerciales justes et transparentes, par exemple en matière de pratiques anti-dumping
* l'abandon de l'action multilatérale conduirait immanquablement à un accroissement des contentieux commerciaux et donc à une instabilité juridique dont nos entreprises seraient les premières à pâtir
- le défi de la consommation raisonnable : la hausse des prix du pétrole nous rappelle que la Terre n'est une ressource inépuisable. Alors que les écarts entre la consommation moyenne d'un citoyen de France ou des Pays-Bas et celle d'un citoyen d'Afrique est colossal, nous devons apprendre à mieux gérer et maîtriser les ressources disponibles. C'est manifeste pour le pétrole et le gaz, d'où mon appel à une politique énergétique européenne qui pourrait poser les bases d'une politique énergétique mondiale. Cela va être vrai à court terme pour l'eau, qui sera un enjeu majeur pour de nombreuses zones de la planète au 21e siècle. C'est d'ores et déjà le cas pour les ressources halieutiques, les produits de la pêche. Ce sera certainement le cas demain pour d'autres ressources végétales ou animales. Alors que la Chine et l'Inde émergent et représentent à elles seules plus du quart de la population terrestre, il est crucial de porter au niveau mondial les questions de gestion des ressources
- le défi du développement durable : le réchauffement climatique et l'accroissement de la pollution dans certaines zones du monde notamment les pays émergents, rendent urgente la création d'un cadre multilatéral pour discuter des mesures permettant de favoriser le développement de tous les pays sans compromettre la santé de notre planète et donc de l'humanité.
Pour répondre à ces enjeux, je crois que le multilatéralisme est la méthode incontournable : la construction européenne nous a montré que nous avons collectivement la capacité de traiter des problèmes de ce type et d'y apporter des réponses. Nous devons arriver à généraliser ces travaux et cette méthode au niveau mondial.
Le 21e siècle verra s'offrir à nous deux chemins :
- le premier, celui du repli sur soi, du protectionnisme, de la crispation face aux menaces terroristes et de la difficulté à mettre en place un ordre mondial. Il va de soi que ce chemin rétrograde est voué à l'échec.
- le deuxième chemin est celui du dialogue, de la concertation et de l'action collective afin de traiter au niveau planétaire les problèmes qui ne trouveront leur solution qu'à ce niveau.
La France est décidée à agir et à peser pour que l'ensemble des nations empruntent ce second chemin et je sais pouvoir compter sur les Pays-Bas pour nous y accompagner.
Alors que le fatalisme est à la mode en matière économique, environnementale ou géopolitique, je crois au contraire que jamais, autant qu'aujourd'hui, nous n'avons été en mesure d'apporter une réponse collective et mondiale aux grands défis de l'avenir. Sachons y répondre et sachons ajouter à la pertinence du diagnostic, la force et la volonté de l'action.
source http://www.exporter.gouv.fr, le 18 septembre 2006