Discours de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, le bilan gouvernemental en matière de sécurité et de politique d'immigration, les priorités du PS en matière d'éducation, de logement et de soutien au pouvoir d'achat, Nantes le 20 septembre 2006.

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Circonstance : Journée parlementaire du parti socialiste à Nantes le 20 septembre 2006

Texte intégral

Chers Camarades,
Jean-Marc, je veux te dire, au nom du Parti socialiste et au nom de tous les parlementaires socialistes, notre gratitude. Je veux te rendre hommage pour ce mandat de 10 ans. C'est long 10 ans. Je le sais, je suis Premier secrétaire depuis 10 ans. Et nous avons fait avec Jean-Marc cause commune, au-delà des vicissitudes de la vie politique. Nous avons pendant cinq ans, avec les Parlementaires socialistes de l'Assemblée nationale comme du Sénat, soutenu loyalement, fidèlement le gouvernement de Lionel Jospin. Puis, après 2002, nous avons fait face à une situation imprévue, cruelle, celle d'un retour à l'opposition et la résistance aux gouvernements de Jean-Pierre Raffarin puis de Dominique de Villepin. Dans ces deux situations, tu étais un grand vecteur du Parti socialiste et, si tu ne seras plus Président du groupe socialiste majoritaire après 2007, je ne doute pas que tu seras appelé à d'éminentes responsabilités.
Nantes aujourd'hui a organisé une « folle journée » parlementaire. Car, quand même, traiter en quelques heures -grâce à une animation exceptionnelle, à une organisation en tout point remarquable, faisant la part de la jeunesse ici présente, de l'expérience partout représentée et être capable d'associer les parlementaires d'aujourd'hui et les parlementaires de demain -nouveaux candidats- est une performance que je veux saluer.
Nous avons, dans cette « folle journée », évoqué notre travail depuis 2002, stigmatisé à juste raison le bilan de la droite, fait nos propositions pour l'avenir, présenté nos nouveaux candidats... Cette journée vient presque mettre un terme à une législature qui s'était ouverte au lendemain d'une défaite invraisemblable et qui doit se terminer sur une victoire incontestable de la gauche en 2007.
C'est, finalement, le seul objet de cette journée : se tourner vers les échéances du printemps 2007, utiliser à la fois notre expérience, notre combat, nos victoires y compris dans ce moment très difficile, rassembler toutes nos énergies, nos courages, nos volontés pour amener le Parti socialiste et la gauche à la victoire. Cette journée parlementaire de Nantes est une étape de plus vers la confrontation de 2007.
Il y a deux sujets d'actualité :
Le premier est dramatique : c'est l'agression de deux CRS à Corbeil-Essonnes. Il ne s'agit pas pour moi, en votre nom, d'utiliser un drame à des fins politiques. Je le laisse à d'autres ou à d'autres époques qui ne sont pas si lointaines. Mais, cet acte de violence inadmissible renvoie, malheureusement, aux émeutes de novembre 2005 et signe l'échec de la politique de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité.
Il en avait fait le fondement de son identité politique, le coeur même de son engagement. Il était Ministre de l'Intérieur pendant quatre ans, mis à part quelques mois consacrés au Ministre de l'Economie et des Finances pour revenir une nouvelle fois Place Beauvau. Il a multiplié les lois répressives. Il en annonce une autre pour les prochains jours, prétendument sur la prévention et qui modifiera, pour la 4ème fois l'ordonnance de 45 sur les jeunes.
Nicolas Sarkozy demandait à être jugé sur ses résultats. Ils sont éloquents : et c'est le Préfet de Seine-Saint-Denis qui vient d'établir le plus terrible des réquisitoires. Que nous dit-il ce Préfet de la République ? Qu'il y a eu dans département, hélas durement frappé par les émeutes urbaines de novembre dernier, une recrudescence de la délinquance à, je le cite, « un niveau inégalé depuis de nombreuses années », augmentation de la violence aux personnes (+ 14 %) sur le seul premier semestre, des vols avec violence (+ 22 %). Avec une augmentation de la part des mineurs dans la délinquance de voie publique. Il révèle ce que l'on savait déjà, ce que beaucoup d'élus de ces villes -et pas simplement en Seine-Saint-Denis- avaient déjà affirmé à regret et interpellé le Ministre, un développement des réseaux intégristes utilisés même comme médiateurs pour éviter les violences. Curieuse conception de la République où ce serait des religieux qui devraient ici ou là s'interposer en lieu et place des forces républicaines. Il nous dit aussi qu'il y a eu une diminution très perceptible, depuis 2002, du nombre de fonctionnaires affectés à la sécurité publique. Ce que nous dénoncions depuis de longs mois, c'est-à-dire que des lois ont pu être votées, des programmations établies, des effectifs supposés arriver et, au bout de la chaîne, on peut constater que c'est dans les villes déshéritées, dans les quartiers les plus difficiles, que les commissariats ne sont pas ouverts, que les forces de police ne sont pas déployées et qu'au contraire, dans les villes prospères, la présence de forces de sécurité est assurée. Il y a effectivement dans notre République des zones de non-droit où les populations sont obligées de se protéger par elles-mêmes.
Sans vouloir faire dire au Préfet ce qu'il n'a pas dit, je peux dire que la politique de Nicolas Sarkozy, c'est une illusion, un mensonge et une impasse.
Voilà l'illusion Sarkozy : des lois plus répressives sans les fonctionnaires pour les appliquer. Des quartiers livrés à eux-mêmes et des élus comme des territoires abandonnés, quand ils ne sont pas stigmatisés par les propos du Ministre de l'Intérieur lui-même.
Voilà le mensonge Sarkozy : masquer la progression de la délinquance, et notamment les violences urbaines, par un discours, une gesticulation, des annonces répétées sans moyens correspondants.
Voilà l'impasse Sarkozy : l'oubli de la prévention, de l'accompagnement individuel, de l'éducation et même de la police de proximité qui avait montré son efficacité... C'est à la fois une politique, le tout répressif, et une méthode, l'esbroufe, qui sont ainsi en échec.
Je ne m'en réjouis pas. Je ne me réjouis pas pour mon pays, pour la République qu'un Ministre de l'Intérieur, aujourd'hui candidat à l'élection présidentielle, président de l'UMP, ait pu établir une politique fondée sur le mensonge, l'illusion et source donc de désillusion. Je ne m'en réjouis pas. Et si la gauche n'est pas l'alternative à cette politique-là, elle aura fait tout simplement le jeu de l'extrême droite et ce sera la dernière responsabilité de Nicolas Sarkozy.
Cette méthode détestable n'est pas, hélas, cantonnée à la question de la sécurité. On la voit également utilisée pour les questions d'immigration. Que peut-on penser d'une démarche qui consiste à demander à des familles de déposer des dossiers, pour ensuite constater que le chiffre des régularisations est rigoureusement égal à celui qui avait été annoncé par le Ministre de l'Intérieur avant même que les dossiers n'aient été déposés. 6 000, c'était le chiffre de Nicolas Sarkozy. Il attendait 20 000 dossiers, 20 000 demandes ; il y en a eu plus de 30 000 et ce fut toujours 6 000 régularisations qui furent décidées. Où est le cas par cas ? Où est l'analyse humaine des situations ? C'est une politique de quota tout simplement. Un Ministre de l'Intérieur a pratiqué l'arbitraire ; il avait fixé le nombre de personnes qui devaient être régularisées ; qu'importe ce que deviendront les autres ! Réduites à la clandestinité, à l'abandon, à la relégation. Car nous sommes aujourd'hui dans un pays où il y a des milliers de personnes qui ne sont ni régularisables ni expulsables. Ceci n'est pas une politique, c'est une mascarade inhumaine qui, aujourd'hui, amène une nouvelle fois des femmes et des hommes à se cacher. Ce qui, dans la République française n'est pas acceptable.
Méthode détestable aussi à Cachan qui consiste à renvoyer sur le Maire, Jean-Yves Le Bouillonnec, la responsabilité d'un problème qui n'est pas le sien, o?? les personnes qui ont été évacuées d'un squat, qui n'ont pas été relogées, sont abritées aujourd'hui dans un gymnase de fortune, faute de l'obligation qui pèse pourtant sur le Ministre de la République de leur fournir un logement digne.
En cette journée parlementaire aujourd'hui, nous devons affirmer clairement que sur ces questions de sécurité et d'immigration, la gauche n'est pas simplement en protestation ou en dénonciation ; elle est en proposition. Sur la sécurité, il faudra dégager les moyens indispensables ; il faudra une politique de prévention, d'éducation mais aussi de sanction ; il faudra trouver des alternatives à la prison ; il faudra trouver des formes qui évitent la récidive ; il faudra mettre en place une Justice et une police de proximité. Nous avons le devoir de répondre à nos concitoyens qui s'inquiètent et leur montrer que nous sommes capables, nous la gauche, de réussir à les protéger sans mettre en cause la liberté.
Sur les questions d'immigration, nous devrons dire qu'au-delà de politiques de co-développement, au-delà de la maîtrise de nos frontières, nous avons à regarder les situations des personnes qui sont depuis longtemps sur notre territoire et qui peuvent avoir droit à la régularisation, si leur situation le permet.
Je ne veux pas que l'on tombe dans la caricature. On essaye de nous faire passer pour ceux qui font des régularisations massives. Ceux qui sont aujourd'hui contraints de faire des régularisations massives, ici ou ailleurs, sont ceux qui justement n'ont pas organisé les régularisations au cas par cas tout au long de l'année. Je préfère la politique humaine, digne et responsable de la gauche plutôt que cette politique-là qui aboutira, nécessairement, à droite à faire des régularisations dans la clandestinité ou dans la honte.
Le second sujet d'actualité, c'est le débat parlementaire sur la privatisation de GDF. Il est décisif pour l'avenir énergétique du pays, pour la sécurité de ses approvisionnements, pour le service public, pour la maîtrise des tarifs -et donc pour le pouvoir d'achat- comme pour la préparation de l'avenir. Ce débat est engagé depuis près de deux semaines. Je veux saluer nos amis députés qui se dévouent sans relâche pour faire valoir nos arguments. Ce débat, avec tous les amendements -c'est bien le droit de tout parlementaire d'en déposer-, a été utile. Nous avons démontré que la privatisation aurait des conséquences majeures sur les tarifs de l'énergie. Nous avons également montré que la fusion GDF-SUEZ non seulement affaiblirait EDF, mais obligerait à un abandon d'activités de SUEZ comme de GDF pour respecter les règles de concurrence imposées par Bruxelles.
Nous avons mis à jour l'improvisation d'une décision (fusion de GDF avec SUEZ aux forceps) dont on ne sait si les actionnaires de SUEZ vont finalement l'autoriser et aux conditions financières prévues. Nous savons, en revanche, que l'impact de cette décision, serait immédiat sur l'ensemble du service public de l'Energie, puisque c'est l'ensemble des services de distribution, aujourd'hui communs EDF GDF, qui se trouverait démantelé.
Nous avons même eu cette satisfaction d'ébranler les convictions de nos collègues de la majorité. Ce n'est pas si fréquent ! Ils n'ont pas toujours cette lucidité ! Nous ne parvenons pas toujours à leur faire prendre conscience de la réalité des choses. Nous l'avons fait avec délicatesse, avec tact, en misant sur leur intelligence -pari risqué, mais nous l'avons fait. Nous avons vu, peu à peu, certains vaciller, se rendre compte qu'effectivement ce projet pouvait d'ailleurs ne pas aboutir à la fusion annoncée, pouvait déstructurer le patrimoine public -organisé tout de même, depuis la Libération, autour de GDF et EDF- et pouvait surtout dans telle ou telle circonscription, de droite comme de gauche car il faut bien le dire le tarif du gaz est le même que l'on soit représenté par un député de droite ou par un député de gauche. Ils se sont rendu compte qu'il fallait payer plus cher le gaz sans doute si l'entreprise qui assurait la prestation était privatisée.
Il est vrai que nous avons envie de prolonger le débat, de faire apparaître de nouvelles contradictions. C'est pourquoi ce débat devra se poursuivre. Jusqu'au 3 octobre si nous en avons terminé ou au-delà si c'est nécessaire. Nous continuerons à défendre nos amendements. En revanche, ce débat ne doit pas se conclure par un 49.3 ; ce serait d'ailleurs un passage en force une nouvelle fois, mais ce serait surtout une commodité pour l'Exécutif pour ne pas avoir à soumettre à sa majorité la responsabilité de voter ou pas ce texte. C'est la raison pour laquelle nous voulons que tous les députés, et bientôt tous les sénateurs, soient saisis de ce texte, le moment venu, pour que chacun prenne véritablement sa responsabilité. Y compris les amis de Nicolas Sarkozy -surtout eux d'ailleurs- qui ont contesté le projet et qui seront contraints de se soumettre ou de rompre. On verra alors que la rupture de Nicolas Sarkozy est d'abord une posture pour ne pas dire une imposture.
Mais, je veux revenir sur le sens même de notre journée.
Evaluer le bilan de la droite depuis 2002
L'échec n'est pas seulement dans le creusement des inégalités -fiscales notamment, dans la montée des précarités, dans le démantèlement des droits sociaux, dans l'affaiblissement de l'école de la République. C'est un échec global : il est économique, financier, commercial, et il doit être mis en regard des résultats de notre propre législature :
. La croissance dont on nous parle aujourd'hui et qui serait, paraît-il, revenue et tant mieux : en 5 ans, elle a atteint en moyenne 1,5 %, soit la moitié du rythme que nous connaissions de 1997 à 2001 ;
. Le chômage : son niveau aujourd'hui, malgré les baisses statistiques, les radiations, les mouvements démographiques et les emplois aidés, est égal à celui d'avril 2002 : aucun progrès ;
. L'emploi : 170 000 auront été créés en 5 ans contre 1,7 millions pendant la période 1997/2002 ; 70 % des nouveaux contrats correspondants à ces créations d'emplois sont en CDD, et l'intérim représente les deux tiers des emplois. Et l'industrie n'a cessé de perdre des emplois : 80 000 sur les douze derniers mois. L'échec, de ce point de vue, est patent.
. L'endettement public a progressé de 10 points par rapport à la richesse nationale, le déficit budgétaire atteint 43 milliards d'euros et le gouvernement, plutôt que de le résorber, va consentir 7 milliards d'euros de baisse d'impôts aux plus favorisés, s'ajoutant aux 10 milliards déjà accordés depuis 2002. Ce qui revient à dire, en bonne orthodoxie financière, que non seulement les baisses d'impôts n'ont pas servi à relancer l'économie mais, qu'en plus, elles n'ont pas été financées par des recettes supplémentaires mais par l'emprunt. Il y a donc eu augmentation de l'endettement pour financer les baisses d'impôts aux plus favorisés. En d'autres termes, ce sont les générations futures qui rembourseront les largesses fiscales qui ont été accordées par Raffarin et De Villepin. Mais, au-delà de la gabegie financière, il y a l'injustice. Cette majorité a inventé le bouclier fiscal qui va profiter à 80 000 contribuables pour un coût estimé à 500 millions d'euros ; 500 millions d'euros, c'est l'augmentation de la PPE en 2007 pour 7 millions de contribuables : l'écart va de 1 à 100. Ce que l'on accorde à un favorisé, il faut 100 pauvres pour en bénéficier. Voilà la politique fiscale du gouvernement ;
Nous aurions pu penser que les prélèvements obligatoires auraient baissé avec les baisses d'impôts ainsi consenties. Or, ils ont progressé depuis 2002 : 43 % de la richesse nationale en 2002, 44 % aujourd'hui. En d'autres termes, cela veut dire que les catégories moyennes et les catégories populaires ont payé plus d'impôts quand les catégories fortunées en ont payé moins. Voilà le bilan de la politique de la droite. Et le pire, c'est qu'il y a un déficit majeur du budget de l'Etat et de la Sécurité Sociale. Pour la seule Sécurité Sociale, depuis 2002, 45 milliards d'euros auront été couverts par la dette pour financer les dépenses d'assurance maladie ou de la vieillesse. La Cour des Comptes vient de faire connaître que d'ici 2009, le besoin de financement de la Sécurité Sociale pouvait être évalué à 37 milliards d'euros. En d'autres termes, plus de dettes et, demain, plus d'impôts et de prélèvements.
. Enfin, la compétitivité des entreprises. Si toutes ces injustices, si toutes ces largesses avaient été au moins compensées par une amélioration de la performance des entreprises, puisque c'est au nom de celles-là qu'ils agissent ou prétendent agir ! Pourtant, la compétitivité des entreprises s'est dégradée depuis 2002. Les comptes extérieurs, la balance commerciale, sont passés dans le rouge en 2005, après 10 ans d'excédent. Et le déficit de la balance commerciale atteint un record historique : 30 milliards en 2006. La France a perdu de son attractivité, les entreprises françaises ont moins de marché à l'extérieur et se laissent dominer à l'intérieur.
Face à tant de difficultés, nous pouvons dresser un tableau de la France qui est loin d'être le meilleur : une France boursouflée par le chômage, écrasée par l'endettement, anémiée par la faiblesse du pouvoir d'achat, diminuée par le sous-investissement, abaissée par le déclassement de nos performances économiques et commerciales.
Nous ne pouvons, là encore, nous réjouir d'une telle situation. Elle marque autant de défis qu'il faudra relever. Mais, malgré ces difficultés, malgré ces contraintes, malgré cet héritage, malgré ces lourdeurs, il faut avoir confiance. Et, le rôle du Parti socialiste, dans ces mois qui nous séparent de la confrontation de 2007, c'est de donner confiance dans nos atouts et ils sont nombreux : une démographie vigoureuse en France par rapport à ce qu'elle est dans les autres pays européens ; un niveau élevé de la Recherche, un esprit d'innovation, une qualité des services publics, une bonne performance de notre système éducatif -quoi que l'on en dise-, cette capacité que nous avons à croire en nous-mêmes, en la France qui n'est pas arrogante comme le dit Nicolas Sarkozy pour s'incliner bassement devant le Président américain et battre sa coulpe pour être Français. Nous, nous sommes fiers de la France généreuse, de la France solidaire, de la France des Droits de l'Homme et nous n'avons pas à nous excuser de ce que nous sommes devant le Président des Etats-Unis.
Mais, il va falloir aussi donner confiance dans l'avenir pour répondre aux exigences du présent qui ne peut plus attendre et la préparation de l'avenir, parce que c'est la condition du progrès. Et donner confiance dans la politique, à la fois dans la parole politique -celle qui a été bafouée depuis 2002- et dans la promesse politique, dans l'engagement politique et dans la façon de faire de la politique.
C'est pourquoi, au-delà de la dénonciation légitime de la politique de la droite, il nous faut promouvoir notre projet. Car, notre premier atout dans la campagne, c'est le projet des socialistes.
Il nous faut imposer nos thèmes. La droite, on le sait, utilisera les mêmes qu'en 2002 : la peur, l'insécurité, l'immigration... Est-elle, l'immigration, responsable de ces dérèglements ?
Nous devons imposer les nôtres sans rien ignorer des peurs et des préoccupations des Français.
Le premier thème est celui du Pouvoir d'achat . Nous y répondons d'une manière diverse. D'abord parce qu'il nous faut affirmer un engagement, celui d'augmenter le SMIC d'ici 2012 (et le plus tôt sera le mieux) pour le porter à 1 500 euros. Mais il faut aussi engager une négociation salariale annuelle -la Conférence des revenus, des salaires- qui devra permettre de relancer les négociations collectives dans toutes les branches et de permettre chaque année, et c'est d'ailleurs une obligation, de discuter du partage de la richesse créée dans chaque entreprise. Mais, il faut aussi y répondre avec nos moyens propres, ce qui relève de l'Etat. C'est pourquoi, nous faisons la proposition d'un impôt citoyen. Il faudra donc revenir sur les baisses d'impôts qui ont été consenties aux plus favorisés depuis 2002, baisser la contribution des ménages les plus modestes, réformer l'impôt local, moduler les cotisations sociales en fonction des créations d'emplois et réintroduire partout de la progressivité dans l'impôt direct. Ce pouvoir d'achat permettra la croissance, mais la croissance devra elle-même produire de l'emploi. À condition que nous l'accompagnons. C'est l'idée de la Couverture Professionnelle Universelle qui doit permettre de donner à chacune et à chacun non pas un emploi à vie, mais la possibilité précisément de changer d'emploi dans de bonnes conditions durant sa vie professionnelle, de garantir les ressources car c'est la condition même de la stabilité et, en même temps, de permettre par un droit individuel à la formation, la promotion professionnelle. Comment peut-on admettre que des salariés puissent être embauchés au SMIC au début de leur carrière professionnelle et, 40 ans après, terminer encore au SMIC et pas toujours dans le même emploi ? C'est pourtant la condition ouvrière la plus générale la plus inacceptable. Il y a aussi l'entrée dans la vie active, avec la proposition que nous faisons de l'allocation d'autonomie. Pour les jeunes, cette allocation d'autonomie qui prendra du temps avant de se généraliser est autre chose que l'allocation de rentrée universitaire accordée généreusement par le Premier ministre à 80 000 étudiants alors qu'ils sont 2 200 000 et 500 000 boursiers !
C'est la différence entre la gauche et la droite. Faire apparaître que, pour nous, il y a une allocation versée à tout le moins aux boursiers, et pour la droite une allocation versée à quelques-uns en laissant penser qu'elle pourrait être versée à tous.
Le deuxième thème est celui du Logement . Le logement n'est pas simplement un droit que l'on veut opposable. C'est un besoin absolu, une nécessité, la condition de l'emploi, de la stabilité familiale, de la réussite scolaire. C'est pourquoi nous nous intéressons à l'ensemble de la chaîne du logement. Le foncier (avec les agences foncières), les logements sociaux avec la proposition d'en faire 120 000 par an, le bouclier-logement pour éviter d'être contraint de prendre plus de 25 % de ses revenus pour les consacrer à la charge locative, la mixité sociale car c'est indispensable et c'est d'ailleurs lié à une politique scolaire et enfin, et ceci constituera un des sujets de confrontation politique avec la droite, nous sommes pour le maintien du Livret A de caisse d'épargne. Car, s'il n'y a plus le Livret A de caisse d'épargne, il n'y a plus de politique sociale du logement. Aujourd'hui, le gouvernement a la volonté de banaliser le Livret A de caisse d'épargne, ce qui affecterait directement le financement du logement social. Nous le défendrons donc. C'est un acquis.
Le troisième thème, c'est l'Education, toujours l'Education, avec la scolarisation obligatoire dès l'âge de 3 ans, l'accompagnement scolaire gratuit car il y a là une inégalité insupportable avec la marchandisation de l'école, avec des sociétés organisées pour l'accompagnement scolaire laissant ceux des catégories plus modestes se confronter à l'échec. Et, il y a ce grand plan indispensable pour l'université française pour permettre la promotion personnelle, l'élévation sociale, mais aussi et surtout pour faire que la France soit dans l'excellence. Les socialistes sont pour l'excellence, mais l'excellence pour tous.
Le quatrième thème est celui de l'Environnement : développement du transport collectif, fiscalité écologique, diversité énergétique, sobriété des consommations, préparation de la société d'après le pétrole et la création d'un pôle public de l'énergie et nous revenons ainsi au débat sur GDF. Il ne s'agit pas pour nous simplement de nous opposer, il s'agit de dire que s'il faut un rapprochement entre une entreprise gazière et une entreprise électrique, pourquoi allons-nous chercher ailleurs ce qui se trouve déjà à notre portée avec EDF et GDF, à la condition bien sûr de respecter les règles de la concurrence.
Tout cela ne sera possible que si nous développons le cinquième thème : la Démocratie. 'N'ayons pas peur de la démocratie ; d'abord comme parlementaires et notre projet indique bien que nous sommes pour une démocratie parlementaire. C'est bien d'avoir un Chef de l'Etat qui oriente, qui décide, qui négocie au plan international, mais c'est bien qu'il y ait aussi un Parlement qui participe de cette décision, qui soit associé aux choix les plus fondamentaux, qui permettent même de faire en sorte que l'Exécutif soit contrôlé par le Législatif, sauf à ériger en principe ce qui se fait depuis, hélas, tant d'années de la République française, c'est-à-dire le régime de l'irresponsabilité, où un Chef d'Etat ne répond de rien, même pas de lui-même. D'ailleurs, où en est sa promesse d'introduction du statut pénal du Chef de l'Etat ? Il n'a plus beaucoup de temps ; je veux saisir cette journée parlementaire à cette fin : « Monsieur le Président, il n'est pas trop tard pour présenter, le plus vite possible, sur le bureau des assemblées le projet qui permettra non pas à vous d'être jugé car vous vous êtes déjà organisé de la meilleure des façons avec la nomination d'un Procureur, mais de connaître dans la République française la responsabilité du premier d'entre nous ».
Mais, la démocratie n'est pas simplement un Parlement qui aurait enfin retrouvé les conditions d'un pouvoir maîtrisé. Nous sommes tous, à juste raison, pour la suppression de l'article 49.3. Ce qui voudra dire qu'il faudra aussi changer un certain mode de discussions parlementaires, sinon là encore nous n'aurions fait que la moitié du chemin. Il faudra aussi faire un acte fondamental de décentralisation. Certes, dans notre projet, nous avons prévu le mandat unique, c'est-à-dire en d'autres termes, le non-cumul des mandats. Mais, si nous allons jusque-là et il faudra aller jusque-là, il faut un acte de démocratie locale, une nouvelle étape de décentralisation, un statut des élus permettant effectivement que la République décentralisée puisse utiliser tous ses pouvoirs et qu'il y ait une véritable politique contractuelle entre les territoires et l'Etat et des élus qui puissent prendre toutes leurs responsabilités avec les financements correspondants.
Démocratie sociale, enfin, et je vais bien au-delà du dialogue social. La démocratie sociale, ce n'est pas simplement de se concerter. La démocratie sociale, c'est accepter qu'il y ait des négociations qui puissent, à un moment, engager les pouvoirs publics. À la condition que ces négociations soient conclues par des accords majoritaires, c'est-à-dire que les organisations syndicales représentant une majorité de salariés puissent donner acte que la négociation s'est faite aux conditions voulues par une majorité de salariés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La démocratie sociale, c'est de traiter la question des retraites dans ce cadre-là. Et, puisque l'on voudrait évoquer les régimes spéciaux de retraite, je veux dire qu'ils ne pourront être corrigés, modifiés, réformés qu'avec la négociation approfondie avec les partenaires sociaux sur des bases qui doivent être fixées par avance : la pénibilité du travail, les conditions d'exercice de la profession, les acquis pour une génération que l'on ne peut faire disparaître en un trait de plume. Mais, en même temps, nous socialistes, nous considérons que l'harmonisation des régimes de retraite sur ces bases-là est un principe que nous acceptons. Mais, dans la négociation et dans la démocratie sociale.
Ceux qui voudront passer en force sur les régimes spéciaux, sur le service minimum ne nous tromperont pas car nous savons parfaitement comment cela se termine : cela se termine avec le plan Juppé... Beau résultat ! En même temps, si cela nous permet d'avoir une dissolution... Enfin, cela dépend de qui est au pouvoir !
PREPARER LES CONDITIONS DE LA VICTOIRE DE 2007
La première condition, c'est de croire en notre projet. C'est de considérer que ce qui va emporter la conviction des Françaises et des Français qui vont voter en mai 2007, ce n'est pas simplement de donner leur confiance à l'un ou à l'une d'entre nous, c'est de croire que ce que nous allons proposer est de nature à changer la vie quotidienne, à nourrir une espérance dans le progrès et dans l'avenir. Nous devons donc donner à la politique, donc au projet, toute sa place dans cette campagne. Et, à cet égard, même s'il y aura débat entre nous pour savoir qui va nous représenter, nous savons d'ores et déjà que ce sera sur la base du projet des socialistes.
La seconde condition, c'est de désigner, de la meilleure façon qui soit, nos candidats. Nous l'avons déjà fait pour les législatives en fonction de l'objectif que nous nous étions donné : la parité et la diversité. Nous n'avons pas à rougir de cet acte démocratique. Il était, en effet, insupportable que le Parti socialiste qui avait lui-même fait voter une loi sur la parité ne l'applique pas à son propre parti. C'est fait. Je veux saluer toutes celles et tous ceux qui ont été de ce combat-là et qui ont permis que nous aboutissions maintenant pour les élections de 2007.
Il nous faut maintenant désigner notre candidat(e) à l'élection présidentielle.
C'est un moment important pour les socialistes, mais aussi pour les Français. Nous ne sommes pas dans un débat entre nous, un débat socialo-socialiste où il faudrait savoir comment nous départager. Il est vrai que dans une élection de cette nature, une primaire, nous sommes sûrs de la gagner puisqu'il y aura qu'un socialiste qui l'emportera. Mais, ce sera une piètre consolation que de ne gagner que cette bataille-là en oubliant la prochaine. La confrontation majeure n'est pas entre nous, mais entre les socialistes et la droite et c'est celle-là qu'il faut gagner. Nous avons donc un moment à traverser. Ce moment, nous l'avons voulu, c'est le vote des militants et il a été pour beaucoup l'occasion d'une ouverture sans comparaison du Parti socialiste vers un certain nombre de ses sympathisants qui sont devenus aujourd'hui des adhérents. Nous devons pleinement utiliser ce moment, mais nous devons parfaitement maîtriser. Organiser des débats qui clarifient, mais qui n'affaiblissent pas. Vouloir des primaires n'impose pas d'être primaires dans nos arguments et nos comportements. Tout doit être fait pour la réussite commune. Elle est attendue, espérée, exigée même par notre électorat. Rien ne doit nous en détourner. Et donc, le rassemblement, l'unité, l'union, qu'importe comment on appellera cette convergence des socialistes vers la victoire est une obligation. Nous portons une ambition collective avant d'être porté par une ambition personnelle.
Le résultat de l'élection présidentielle sera déterminant pour les scrutins qui suivront : pour les législatives car je crois que nul n'imagine que l'on pourrait gagner les législatives après avoir perdu une présidentielle ; de ce point de vue, nous avons déjà essayé en 2002 il n'est pas conseillé de le reproduire. Il y aura aussi des élections municipales, cantonales, sénatoriales au début de 2008. Vaudrait mieux donc gagner en 2007 pour être portés par la « vague ». Une nouvelle donne sera distribuée. Un nouveau cycle sera ouvert et est essentiel pour notre pays.
L'enjeu est majeur. Il s'agira d'une confrontation gauche/droite sans équivalent depuis 1995 et peut-être même depuis 1981. Et cette fois-ci, avec une droite qui se voudra encore plus à droite. Elle s'inscrira dans la continuité avec le chiraquisme et dans la rupture avec le gaullisme. Nicolas Sarkozy a qualifié lui-même d'excellents les deux mandats de Jacques Chirac. Il a de quoi être lui-même fier de ce bilan excellent. Il a participé à toutes les décisions du quinquennat comme Ministre de l'Intérieur, Ministre de l'Economie et des Finances, Ministre d'Etat, Président de l'UMP, Président du Conseil général des Hauts-de-Seine, président du MEDEF, je crois qu'il ne l'est pas encore mais cela viendra. Le bilan de Jacques Chirac c'est donc le sien et il sera donc jugé sur l'ensemble de l'oeuvre de Jacques Chirac. Et son projet, c'est celui de la droite américaine ; là aussi, il a fait allégeance pas simplement aux personnes, mais aux thèmes ; il participe lui aussi de la guerre des civilisations, du libéralisme compassionnel, du communautarisme, de la stigmatisation des pauvres incapables de s'enrichir. C'est de faute aux pauvres s'ils sont pauvres ; c'est la faute aux riches s'ils sont riches, ils l'ont bien mérité.
Face à cette droite-là, il faut une gauche qui soit capable d'être elle-même, sûre de ses valeurs, confiante en son histoire et capable de se renouveler, d'inventer, d'imaginer, de proposer.
La dernière condition est qu'il faudra rassembler toute la gauche. Au premier tour avec les formations qui le voudront. Au deuxième tour, quoi qu'il arrive, pour battre la droite. Et, ensuite, si la victoire est au rendez-vous, pour gouverner ensemble. Ce sera mieux de gouverner tous ensemble. Mais, si les autres ne prennent pas leurs responsabilités, nous, nous les prendrons. C'est notre devoir de socialistes de transformer notre pays, de le réformer. Nous ne renoncerons jamais à cette responsabilité majeure qui est de venir devant le corps électoral, d'assumer un certain nombre de choix et de nous soumettre, ensuite, au verdict du peuple. C'est pour cela que nous avons été socialistes et que nous le restons. C'est notre honneur de socialistes.
Nous sommes les héritiers d'une longue histoire. Nous avons les uns et les autres participé à des victoires historiques : 1981, 1988 avec François Mitterrand, 1997 avec Lionel Jospin. Nous avons connu des épreuves, des épreuves terribles. Nous les avons surmontées à chaque étape : 1986, 1993, 2002, parce que nous portons un idéal qui nous dépasse tous.
Nous mesurons le danger pour notre pays et pour sa cohésion : le danger représenté par la droite aujourd'hui. Nous n'ignorons rien des attentes qui sont portées sur nous ; elles nous font obligation. Nous savons le scepticisme, le fatalisme, la résignation qui encore traversent notre peuple.
Utilisons chaque jour qui nous sépare du 6 mai 2007, à nos places respectives et chacune est essentielle (parlementaires, candidats, militants), pour faire oeuvre utile pour permettre la construction de notre histoire, de l'histoire qui vient, de l'histoire qui nous attend.
Je vous donne rendez-vous, à la place qui sera la nôtre, pour que nous soyons aux prochaines journées parlementaires nombreux, plus nombreux qu'aujourd'hui, majoritaires en France.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 29 septembre 2006