Interview de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur "LCI" le 28 septembre 2006, sur le débat au Parlement sur la privatisation de Gaz de France en vue de sa fusion avec Suez, sur les tarifs du gaz, sur la compétitivité de la France.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q- L. Jospin jette l'éponge. Est-ce une bonne affaire pour N. Sarkozy ?
R- En tout cas, c'est un éléphant de moins. Et puis on voit qu'il faut rassembler et qu'il n'a pas rassemblé.
Q- Donc, c'est le défi pour N. Sarkozy, ça : rassembler et ne pas diviser son camp.
R- Tout à fait, c'est ce qu'il fait en ce moment.
Q- Depuis le 7 septembre, vous campez dans l'hémicycle, quasiment jour et nuit. Quand est-ce que les débats sur la privatisation de GDF vont se terminer ?
R- J'espère aujourd'hui ou demain. Il reste encore beaucoup d'amendements mais nous avons énormément travaillé depuis trois, quatre semaines.
Q- Y a-t-il eu un accord secret PS/UMP, pour accélérer les débats ?
R- Il ne peut pas y avoir d'accord, mais, effectivement, on a accepté - j'ai accepté - de discuter de toutes les questions. Toutes les questions qui sont posées par l'opposition et qui, effectivement, reflètent une préoccupation des Français, eh bien sont légitimes. Il faut les discuter et donc nous avons discuté de toutes les questions et donc le grand nombre d'amendements s'est traduit par des centaines de questions qu'il a fallu discuter et sur lesquelles nous avons apporté les arguments, les raisons pour lesquelles nous proposions ça.
Q- Alors, il y a une question qui est restée sans réponse, c'est celle qui s'adressait à N. Sarkozy. Pourquoi n'est-il pas venu répondre ? Il était contre la privatisation en 2004, il est pour, aujourd'hui, en 2006, il n'est pas venu.
R- Le Gouvernement est uni sur ce projet. Et, entre 2004 et aujourd'hui, la grande différence c'est le prix du pétrole, et le prix du pétrole, c'est aussi le prix du gaz et le prix du gaz, il est tellement élevé, aujourd'hui, que trois, quatre pays, ont un pouvoir extraordinaire dans ce domaine. Il faut être face à eux, suffisamment fort et c'est la raison pour laquelle nous voulons un opérateur beaucoup plus puissant que Gaz de France aujourd'hui qui est surtout le responsable du réseau de transport et de la distribution en France.
Q- Alors, le Gouvernement est peut-être uni mais pas la majorité. Les députés vont voter, donc, solennellement, probablement mardi. Combien vont voter contre, dans la majorité ?
R- Ecoutez, il y en a quelques-uns, sans doute, qui vont voter...
Q- Vous les connaissez tous...
R- Il y en a quelques-uns, je les connais....
Q- C'est 15, c'est 20, c'est 230, c'est 40 ?
R- Non, je ne pense pas, peut-être une dizaine, mais ce que ça veut dire c'est que, au sein de l'UMP, le débat a eu lieu, il a été approfondi, il a été constructif. Et de la même façon que nous avons pris en compte toutes les préoccupations des uns et des autres, nous avons, au sein de l'UMP, permis ce débat très large et très ouvert. Donc on a été très très proche de l'UMP pendant les vacances et depuis que le débat se fait à l'Assemblée, on répond à toutes les questions de l'opposition.
Q- P. Méhaignerie, qui est président de la Commission des Finances, pour voter oui, veut que l'Etat s'engage à faire baisser le prix de l'électricité pour les entreprises qui sont dans le marché non régulé, et qui ont vu ce prix flamber. Vous vous y engagez ?
R- On l'a fait, puisque l'on a inventé un tarif transitoire de retour qui permet effectivement de donner de bonnes conditions à ceux qui sont sortis et qui ont eu un prix beaucoup trop élevé, ils peuvent donc revenir dans le tarif avec un prix plus bas. Après, P. Méhaignerie veut être certain que l'on fait le maximum. Donc, nous allons faire le maximum.
Q- Est-ce que vous êtes sûr que le tarif du gaz ne va pas exploser pour les particuliers, une fois que Suez et GDF auront fusionné ?
R- Il n'y a aucune raison. Le tarif est fait par l'Etat...
Q- Oui, mais le tarif mondial, ce n'est pas vous qui le faites et c'est là dessus que l'on calcule les tarifs aux particuliers.
R- On est obligé de tenir compte du tarif international, parce que dans le gaz qui vous est vendu, il y a 50 % qui vient du prix du gaz sur le marché international. Donc il faut effectivement répercuter. Mais ça n'est pas l'entreprise qui fait le prix, c'est le ministre chargé de l'Economie et le ministre chargé de l'Energie, qui font le prix.
Q- Est-ce que vous êtes sûr que Suez/GDF ne se fera pas dévorer dans une OPA hostile quelques mois après la privatisation ?
R- Nous gardons une minorité de blocage, nous gardons une action spécifique qui nous donne des droits sur tout ce qui est gros investissements stratégiques. Par conséquent, quelqu'un qui voudrait faire une OPA, devrait le faire avec notre autorisation.
Q- Et vous avez confiance dans les actionnaires de Suez pour jouer le jeu avec l'Etat, ensuite ?
R- En ce moment, c'est ce qu'ils disent, ils souhaitent effectivement cette opération qui est à la fois bonne pour Gaz de France et pour Suez.
Q- Combien d'emplois seront supprimés dans cette affaire ? 20.000 disent les syndicats, 10 % disent d'autres syndicats. Combien d'emplois seront supprimés ?
R- Ce sont des chiffres fantaisistes, parce que les activités de l'un et de l'autre n'ont aucune raison de se réduire et au contraire, en ce moment, ces deux entreprises font des embauches ; Suez embauche je crois 1.000 personnes par an, en ce moment, et il n'y a aucune synergie qui se traduit par des réductions d'effectifs. Et leurs activités restent identiques, donc ces chiffres sont fantaisistes.
Q- Alors, les activités vont être rognées, quand même, à la demande de la Commission de Bruxelles qui devra donner son feu vert. On a senti J.M. Barroso un peu frais, un peu tiède, sur cette fusion. Réponse le 17 novembre.
R- Oui. En fait, la procédure fonctionne très bien puisque les deux entreprises ont à dire ce qu'elles sont prêtes à céder pour que la concurrence existe sur tous les marchés où elles travaillent, et c'est principalement en Belgique que ça se passe.
Q- Ça suffira ?
R- Ça suffira puisque la Commission a accepté la proposition de l'entreprise et la fait actuellement expertiser par les concurrents pour savoir si effectivement les concurrents se sentent à l'aise avec le degré de concurrence qui est ainsi créé. Et le fait que cette procédure aille dans le délai le plus court est un excellent signe de la volonté de la Commission d'aboutir à la date prévue le 17 novembre.
Q- 11.000 chefs d'entreprise internationaux ont jugé la compétitivité de la France pour le Forum de Davos. Nous sommes dix-huitièmes, nous perdons six places, nous sommes derrière l'Islande. C'est inquiétant.
R- Oui, nous avons besoin de communiquer mieux sur nos résultats et sur ce que nous sommes. Moi, j'avais hier beaucoup de chefs d'entreprise et beaucoup d'ambassadeurs. J'ai rappelé que la France avait un taux de croissance très intéressant, plus de 2 % en ce moment, que le taux de croissance des investissements est très élevé...
Q- Mais zéro flexibilité sur le travail, c'est ça qu'ils nous reprochent.
R- Nous en avons faite, et nous sommes évidemment dans le contexte international à comparer avec des pays comparables. Je pense que notre problème est un problème de communication dans ce domaine. La France va mieux qu'elle ne le croit elle-même et qu'elle ne le fait savoir.
Q- Le déficit du commerce extérieur : plus de 30 milliards prévus en 2007, ça, ce n'et pas un manque de communication.
R- On n'a jamais autant exporté et on n'a jamais autant produit...
Q- Mais on n'a jamais autant importé.
R- Mais, si on importe, c'est parce que la consommation va bien et c'est parce que le pétrole est cher.
Q- Alors, le budget 2007 ne prévoit que 237 millions d'euros pour les 66 pôles de compétitivité. Cela fait 3,5 millions d'euros par pôle, c'est rien du tout.
R- Eh bien je crois que vous avez mal additionné parce qu'il y a les fonds communs des entreprises qui sont en augmentation...
Q- Ils sont spécifiques.
R- Il y a le doublement de ce qui est OSEO/ANVAR, et puis il y a les crédits de la recherche, du ministère de la Recherche, qui sont en augmentation très importante, c'est-à-dire que les pôles de compétitivité resteront servis au niveau où c'était prévu, et même plus, avec des moyens plus importants en 2007 qu'en 2006. C'est d'ailleurs un très grand succès sur 2006 et j'espère que la qualité des projets qu'ils apporteront sera encore meilleure en 2007.
Q- Vous aurez le temps, ce week-end, d'aller au Mondial de l'automobile, secteur en crise : que pouvez-vous faire ?
R- Eh bien il y a beaucoup à faire pour les entreprises sous-traitantes de l'automobile et nous avons un plan, avec elles, qui permet à la fois de travailler sur les délais de paiement, sur l'innovation, sur le travail coopératif. Et ce que je voudrais, c'est que les grands constructeurs soient effectivement innovants et amènent des nouveaux modèles - ça c'est leur travail - mais qu'ils réfléchissent aussi à l'ensemble du secteur et qu'il y ait, comme au Japon, une réflexion globale entre grands constructeurs et équipementiers.
Q- Une prime type " juppette " pour les voitures anciennes que l'on vend pour racheter une neuve ?
R- Ça c'est un effet d'aubaine et ce n'est pas prévu pour le moment.
Q- Vous appartenez au Parti radical, composante de l'UMP. Est-ce que J.-L. Borloo doit être candidat à la primaire, dans l'UMP, face à N. Sarkozy ?
R- Je ne crois pas. J.-L. Borloo n'en a pas exprimé le souhait. Le Parti radical
défend des idées, des valeurs et souhaite avoir une part respectable pour...
Q- Des députés et des ministres.
R- Voilà, c'est ça la stratégie que je vois actuellement à la tête du Parti radical.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 octobre 2006