Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Conseils Généraux,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de me réjouir que le congrès de l'Association des départements de France - le 76ème - se tienne cette année à Reims.
Reims : une ville dont l'histoire pluri-séculaire et prestigieuse répond à l'ancienneté et à l'enracinement des départements dans notre paysage institutionnel.
Reims : une ville entreprenante et résolument tournée vers l'avenir avec son université, ses entreprises, son pôle de compétitivité et l'arrivée prochaine du TGV ; une ville dynamique et réactive, auxquelles répondent là encore les fonctions d'avenir et la gestion moderne et efficace des départements.
Cette année, vous avez choisi pour thème général de votre Congrès : « le département, collectivité des solidarités sociales et territoriales ». Un thème qui met bien en avant le rôle central et la légitimité même de l'institution départementale.
En vous confiant des compétences toujours plus larges et complètes en matière sociale, les législateurs successifs ont agi, de mon de point vue, avec bon sens mais aussi de manière pleinement consciente sur l'ampleur des responsabilités qui étaient ainsi dévolues aux départements.
La gestion de proximité est, en effet, une condition essentielle de l'efficacité des politiques sociales. Or le département, au même titre que la commune, est un échelon politique de proximité.
J'ajoute que, fort de ses responsabilités en matière d'aide sociale, il a acquis, au fil des ans, une compétence reconnue en matière de gestion sociale.
C'est pourquoi le Parlement vous a confié la responsabilité de l'allocation personnalisée d'autonomie. Je sais d'ailleurs les soucis que ce texte vous a procurés, comme j'ai pu m'en rendre compte dans mes précédentes fonctions.
C'est pourquoi, surtout, l'acte II de la décentralisation a conforté la place du département, renforcé son rôle et consolidé sa légitimité.
C'est pourquoi, enfin, le Gouvernement vous a confié :
- la gestion du RMI
- et de nouvelles compétences dans le domaine du handicap.
Doté de compétences élargies, le département est aujourd'hui une institution bien vivante, à l'avenir prometteur. Une institution inscrite dans la vie quotidienne des Françaises et des Français.
I. Vos compétences anciennes et nouvellement acquises en matière d'insertion font du département un acteur majeur de la lutte contre l'exclusion.
A. L'insertion, et non l'assistance, doit être l'horizon de toute politique sociale. C'est le « I » qui fait tout le sens du RMI. C'est avant tout en vue de l'insertion et du retour à l'emploi qu'il doit être conçu.
Aujourd'hui, plus de six millions de personnes, soit 10 % de la population, vivent de ces minima.
400 000 personnes sont au RMI depuis plus de cinq ans.
Par conséquent, les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent pas. Se contenter de verser un minimum social, c'est entretenir l'exclusion. Nous en sommes tous convaincus.
Nous avons donc le devoir impératif d'inciter et d'aider activement à reprendre un emploi toutes les personnes qui en sont aujourd'hui éloignées.
Il n'y a pas de fatalité au non emploi, pour peu que nous nous donnions les moyens d'accompagner convenablement les personnes qui en sont exclues.
Pour y parvenir, l'Etat a besoin des départements. Vos compétences en matière sociale, votre proximité, votre gestion efficace et réactive sont des atouts clés pour réussir les politiques de retour à l'emploi.
B. En témoignent les efforts importants que vous faites pour activer la gestion des dépenses du RMI.
Je tiens à vous en féliciter.
Je voudrais en donner quelques exemples :
- Le département du Vaucluse a mis en place un diagnostic d'insertion systématique à l'entrée dans le dispositif, réalisé par un prestataire privé.
Chaque Rmiste fait l'objet d'un double accompagnement, par un travailleur social et par une personne spécialisée dans l'insertion professionnelle.
- Dans les Hauts-de-Seine, l'accompagnement des RMIstes de longue durée a été confié à un partenaire privé, avec mobilisation intensive.
- Le département du Nord a fait un effort considérable pour remédier à la faiblesse du nombre de contrats d'insertion au moment de la décentralisation (seulement 30 %). Le recrutement de 300 référents supplémentaires est programmé.
- Le département du Rhône a lancé une opération « perdu de vue » de relance systématique des allocataires qui ne voyaient plus les services sociaux.
- Le Territoire de Belfort a créé son propre contrat aidé, le contrat départemental d'accès à l'emploi (CDAE), d'une durée de 35 heures hebdomadaires, alternant périodes de formation et de travail en entreprise, et avec engagement de l'employeur d'embaucher en CDI ou en CDD de plus de 6 mois au terme du CDAE.
- Dans les Bouches-du-Rhône, le nombre d'allocataires du RMI est passé de 70 000 début 2005 à 63 770 aujourd'hui, soit une baisse de 10 % en un an, grâce à une politique de contrôle renforcé et à une politique active d'insertion par l'emploi.
- Et enfin, ici même dans la Marne, comment ne pas saluer l'action du président Savary qui, avec et ses équipes, recrute des Rmistes en contrat d'avenir, les forme, en fait des animateurs d'insertion, lesquels deviennent des intermédiaires entre les entreprises, les acteurs d'insertion et les autres Rmistes.
Il n'en demeure pas moins qu'en moyenne, au plan national, le nombre de titulaires du RMI sous contrat d'insertion ne dépasse pas la moitié des bénéficiaires de l'allocation.
Et un peu moins de 12 % des allocataires bénéficient d'une mesure spécifique d'aide à l'emploi, qu'il s'agisse de l'intéressement actuel, du CI-RMA ou du contrat d'avenir.
Il nous faut donc nous mobiliser davantage.
II. Le Gouvernement a pris des mesures en faveur de l'insertion qui appuient vos efforts et nous sommes prêts aujourd'hui à aller plus loin.
A. L'ensemble des leviers de l'insertion ont été activés que ce soit l'incitation à la reprise d'emploi, les contrats aidés ou les structures d'insertion.
1. Nous avons réformé les contrats aidés pour qu'ils répondent mieux à leur objectif : le retour durable à l'emploi.
- La loi du 18 décembre 2003 a créé, au profit des allocataires du RMI, un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) destiné au secteur marchand.
- La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 en a étendu le bénéfice aux titulaires de l'API et de l'ASS et a créé, dans le secteur non marchand, un contrat spécifiquement destiné aux bénéficiaires de minima sociaux, le contrat d'avenir.
Des interrogations se sont faites jour sur la compensation des montants de RMI activés dans le cadre des contrats d'avenir.
Je tiens à réaffirmer tout à fait clairement que non seulement les Conseils généraux ne sont pas pénalisés quand ils signent des contrats d'avenir, mais encore qu'ils ont un double intérêt financier à le faire :
- d'une part, les allocations activées sont prises en compte pour l'intégralité de leur montant dans la compensation au titre des dépenses de RMI ;
- d'autre part, l'effort de conclusion de contrats aidés sera lui-même pris en compte simultanément à travers la part "insertion" du Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (le montant de ce fonds ayant, en outre, été porté de 80 à 500 millions d'euros).
2. Deuxième étape de l'action du Gouvernement : nous avons lancé, conformément au Plan de cohésion sociale, une réforme globale des minima sociaux.
La loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux en constitue la première étape, consacrée à la refonte de l'intéressement.
La réforme poursuit un double objectif :
- encourager la reprise d'activité en rendant plus attractif le revenu du travail que celui de l'assistance ;
- favoriser des emplois d'une durée suffisante pour assurer la sortie de la précarité.
Elle entrera en vigueur le 1er octobre prochain par la promulgation des textes d'application de la loi.
A partir de cette date, chaque titulaire du RMI, de l'API ou de l'ASS qui reprendra un emploi d'au moins 78 heures par mois bénéficiera :
- pendant 3 mois, d'un cumul de son minimum social avec son salaire ;
- d'une prime de 1000 euros pour lui permettre de faire face aux frais de reprise d'emploi ;
- et pendant les 9 mois suivants d'une prime mensuelle de 150 euros pour les personnes seules, portée à 225 euros pour les autres personnes.
Comme vous le voyez, c'est simple, clair, lisible.
La prime de 1000 euros, je dois le préciser, est entièrement prise en charge par l'Etat.
L'effet incitatif de ce dispositif sera, en outre, renforcé par l'augmentation considérable de la prime pour l'emploi :
- La loi de finances pour 2006 l'a déjà augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps.
- Et le Premier ministre vient d'annoncer son quasi-doublement : elle passera de 540 euros cette année à 940 euros dès le 1er janvier pour les salariés au SMIC. C'est quasiment l'équivalent d'un 13ème mois.
Il reste que l'architecture complexe et peu cohérente du système des minima sociaux et de leurs droits connexes entraîne d'inévitables effets contre productifs :
- effets de seuils conduisant à des pertes brutales de revenu,
- décalages dans le calendrier de versement de prestations qui fragilisent la gestion de budgets déjà très serrés.
Ces effets ont été fort bien décrits par Mme Valérie Létard dans son rapport sur les minima sociaux (« Mieux concilier équité et reprise d'activité »).
Il reste aussi que certains allocataires ne bénéficient d'aucun accompagnement professionnel, je pense notamment aux allocataires de l'API.
Un constat mis en avant par le rapport de Michel Mercier et Henri de Raincourt (« Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux d'insertion »).
D'autres réformes restent donc à faire, concernant :
- l'accompagnement vers l'insertion,
- et les avantages complémentaires attribués par l'Etat.
Nous devons poursuivre en commun la réflexion sur ces deux chantiers majeurs.
Je rappelle, par ailleurs, que, pour vous permettre d'optimiser la gestion du RMI, le dispositif de sanction a été réformé, à l'initiative du Parlement.
- Les sanctions étaient injustes car différentes pour chacune des allocations. La loi les a harmonisées.
- Les sanctions étaient disproportionnées et de ce fait inappliquées (dans 75 % des cas, les plaintes des caisses d'allocation familiales sont classées sans suite). La loi a allégé la sanction pénale.
- Les poursuites pénales étant souvent lourdes à mettre en oeuvre, la loi a donné au Président du Conseil général la possibilité de prononcer, après avis de la commission locale d'insertion, une amende administrative.
3. Autre levier important de l'insertion : les structures d'insertion par l'activité économique.
Le Gouvernement a lancé, en juin dernier, une réforme des Conseils départementaux d'insertion par l'activité économique.
Leur fonctionnement se caractérise actuellement par une conception souvent trop administrative du conventionnement des structures au détriment de la réflexion stratégique de développement de l'offre d'insertion.
La réforme vise à les repositionner sur un rôle d'instance de pilotage et de collaboration entre les principaux acteurs de l'IAE, dont, au premier chef, les Conseils généraux.
Il s'agit d'aider les CDIAE à développer une stratégie d'évolution de leur offre d'insertion, en fonction des besoins des publics et des territoires.
Pour ce faire, ils devront se doter, dès le début 2007, d'un outil de diagnostic stratégique de l'offre d'insertion sur leur territoire.
Ce travail permettra d'entamer une vraie réflexion sur les performances des structures au regard notamment des taux de retour à l'emploi.
Et il fournira les premiers outils pour la mise en place de véritables parcours d'insertion des salariés.
Ce travail pourrait déboucher sur une remise à plat des procédures de pilotage de l'insertion par l'activité économique pour que nous répondions, ensemble, aux insuffisances qui auront été identifiées.
B. Au-delà de ces réformes, le Gouvernement souhaite poursuivre le passage d'une décentralisation de guichet à une décentralisation de responsabilité, selon l'expression du Président Mercier.
Cela suppose que les départements soient associés à toutes les mesures susceptibles d'affecter le niveau du RMI ou le nombre des allocataires mais aussi qu'ils soient forces de propositions et d'actions en matière d'insertion.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre une expérimentation ayant pour objectif d'améliorer, de simplifier et de mieux coordonner les dispositifs d'insertion existants afin d'encourager et de faciliter le retour à l'emploi.
Cette expérimentation est inspirée par les préconisations de la Commission famille, vulnérabilité, pauvreté dans son rapport d'avril 2005. L'auteur de ce rapport, Martin Hirsch est venu hier vous présenter les idées qui peuvent être reprises et mises en oeuvre dans le cadre de l'expérimentation.
Certains départements ont déjà fait connaître leur intérêt pour participer à une telle expérimentation locale en partenariat avec l'État.
Les départements volontaires disposeront de trois nouveaux champs d'initiative à l'égard des bénéficiaires du RMI :
1) Ils pourront définir librement les incitations financières associées à la reprise d'un emploi, avec pour objectif de réduire les effets de seuil sur la reprise d'activité.
2) Ils pourront simplifier les conditions d'accès aux emplois aidés en modifiant certains critères, la combinaison des assouplissements prévus pouvant aller jusqu'à expérimenter une fusion entre le contrat d'avenir et le contrat insertion - revenu minimum d'activité.
3) Ils pourront, enfin, mettre en place des dispositifs destinés à réduire les autres obstacles au retour à l'emploi, je pense aux conditions de mobilité ou de garde des enfants, par exemple.
Ce dispositif d'expérimentation va donc très loin, plus loin même que les recommandations du rapport de Michel Mercier sur la décentralisation du RMI.
Il ne se contente pas, en effet, de vous donner la maîtrise du CIRMA et du contrat d'avenir.
Il vous rend aussi responsable sur l'incitation financière au retour à l'emploi.
Il vous confie ainsi l'ensemble des dispositifs d'intéressement au retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI.
La mise en place de cette expérimentation témoigne de la confiance qu'a le Gouvernement dans la capacité des Conseils généraux d'innover et de dynamiser la politique d'insertion des titulaires de minima sociaux.
Je vous informe que le texte de cette réforme a été validé hier soir et qu'il va être transmis à l'ADF pour discussion et concertation en vue de son inscription dans la loi de finances pour 2007.
Cette concertation, nous la souhaitons à très brève échéance, mais rassurez-vous, nous pouvons attendre la fin de votre Congrès et nous donner rendez-vous la semaine prochaine.
Je crois profondément, et mon attachement pour Reims en témoigne, à la capacité de mobilisation des collectivités territoriales.
Parce que la connaissance du terrain, la connaissance des femmes et des hommes directement concernés par les politiques mises en oeuvre par ces collectivités, en un mot la proximité, est pour elles un puissant facteur d'initiative et de responsabilité.
La façon dont les départements se sont saisis de la gestion du RMI en témoigne. A nous maintenant, Gouvernement et départements, de poursuivre, dans le cadre d'un dialogue républicain constructif, les réformes indispensables pour doter notre pays d'un dispositif d'aide à l'insertion qui soit systématique et pleinement efficient.
Le Gouvernement sait qu'il peut compter sur vous.
Je vous remercie.Source http://www.departement.org, le 20 septembre 2006