Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les conditions de délivrance des visas Schengen par les postes consulaires français, Paris le 18 octobre 2006.

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Circonstance : Présentation des conclusions du rapport de Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur la mission Action extérieure de l'Etat, concernant les conditions de délivrance des visas Schengen par les consulats

Texte intégral

Jérôme Chartier vient de me remettre les conclusions de l'étude qu'il a menée dans le cadre de ses fonctions de rapporteur spécial de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur la mission Action extérieure de l'Etat. Cette étude, qu'il a menée avec mon accord, concerne les conditions de délivrance des visas Schengen par nos postes consulaires. Jérôme Chartier s'est en particulier attaché à examiner la situation de trois postes consulaires : Moscou, qui est le plus important de nos consulats avec 272 000 visas délivrés en 2005, Casablanca et Istanbul. Ces trois postes ont en commun d'être soumis à une très forte pression pour la délivrance des visas.
Ce rapport contient d'excellentes remarques qui rejoignent très largement mon propre diagnostic. C'est vrai notamment sur l'insuffisance des effectifs ; ou sur la faible part des visas par rapport au nombre d'étrangers qui se rendent en France. C'est vrai également sur le caractère marginal du lien entre la délivrance des visas et la présence d'étrangers en situation irrégulière en France et surtout, sur les limites et les dysfonctionnements des conditions d'application des accords Schengen.
L'étude fait effectivement apparaître un certain nombre de difficultés dans le fonctionnement de notre réseau consulaire s'agissant de la délivrance des visas Schengen. Il relève, en particulier, l'insuffisante collaboration entre les consulats des différents Etats Schengen - et c'est un point majeur auquel je souscris totalement et que je souhaite tenter de résoudre avec nos partenaires européens parties à cet accord- mais aussi au sein de l'administration française entre mon ministère et le ministère de l'intérieur. Je suis pleinement conscient de l'importance que revêt la politique des visas qui place notre réseau diplomatique et consulaire aux avant-postes de la politique migratoire française. C'est pourquoi, dès le mois de juin 2005, j'ai décidé que la biométrie dans les visas serait progressivement généralisée.
C'est pourquoi j'ai également souhaité qu'une coopération étroite puisse s'établir entre les services du ministère des Affaires étrangères et ceux du ministère de l'Intérieur : cette coopération s'est traduite notamment par la mise en commun des informations concernant la circulation des étrangers entre les consulats et les préfectures. J'ai rappelé cet objectif lors de la réunion commune que j'ai présidée ici même le 5 septembre dernier, entre les préfets et les consuls.
Il faut aujourd'hui aller plus loin. C'est l'une des principales conclusions du rapport de Jérôme Chartier, à laquelle je souscris. La délivrance des visas, qui constitue, je le rappelle la voie d'entrée normale des étrangers en France, doit assurément demeurer de la compétence du ministère des Affaires étrangères. La délivrance des visas est en effet un élément important de notre action diplomatique et si nos postes consulaires jouent, en amont, un rôle majeur dans la lutte contre l'immigration irrégulière, ils sont aussi un vecteur important de l'attractivité de la France. En revanche, il paraît essentiel de mieux utiliser l'expertise qui est celle des services du ministère de l'Intérieur dans le processus d'instruction des demandes de visas. J'accueille donc avec beaucoup d'intérêt cette idée qui permettrait de renforcer les équipes de nos consulats, qui souffrent trop souvent d'un manque de personnel. Je compte immédiatement proposer au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, des échanges de personnels entre nos services. Des agents du ministère de l'Intérieur pourraient ainsi être très vite affectés dans certains consulats ; de même des agents du ministère des Affaires étrangères seraient mis à disposition de certaines préfectures. L'échange des cultures et des expériences passe aussi par la formation, c'est pourquoi je souhaite que ces agents puissent participer à des programmes de formation croisée.
Au-delà, Jérôme Chartier pose la question de l'emploi de recrutés locaux dans les services délivrant les visas : c'est en effet une question sensible pour ce ministère, que j'ai souhaité traiter activement dans l'ensemble de notre réseau, en liaison notamment avec le ministère du budget.
Car le renforcement de la présence d'agents titulaires dans les services a évidemment un coût. Je ne cesse de plaider d'ailleurs pour le renforcement des moyens humains et budgétaires alloués à la mission consulaire. J'ajoute que la généralisation de la biométrie dans les visas nécessitera à elle seule environ 300 emplois supplémentaires d'ici fin 2008.
S'agissant du cas particulier du consulat de Moscou que Jérôme Chartier aborde longuement dans son rapport, je tiens à souligner qu'une mission d'inspection associant l'inspection générale des affaires étrangères et la direction des français à l'étranger et des étrangers en France a été envoyée sur place à ma demande et qu'elle a commencé son audit au début de cette semaine. Je suis particulièrement préoccupé par le constat que fait Jérôme Chartier des conditions dans lesquelles des visas sont délivrés à des agences de voyage sans véritable contrôle alors même que la destination finale de beaucoup de ces voyageurs n'est pas la France mais d'autres pays de l'espace Schengen. Cette situation est d'ailleurs l'une des causes des difficultés de fonctionnement actuelles de notre consulat. L'autre raison principale de ces difficultés est l'insuffisante coopération entre les Etats Schengen, coopération que nous sommes en train d'intensifier tant à Moscou qu'à Bruxelles dans l'optique d'harmoniser nos pratiques.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, j'ai décidé de confier à une équipe composée d'un préfet et d'un ambassadeur une mission de réflexion destinée à approfondir l'analyse effectuée par Jérôme Chartier. Elle aura notamment pour objet de déterminer de quelle façon organiser une coopération systématique fondée sur des instruments de communication dédiés et sécurisés (réseaux informatiques) entre les postes consulaires du ministère des affaires étrangères et les services du ministère de l'Intérieur (préfectures, police de l'air et des frontières). Elle devra également évaluer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique pleinement efficace en matière de délivrance des visas. Elle devra me faire rapport pour la mi-décembre afin de mettre en oeuvre dès le début de l'année prochaine les conclusions auxquelles sera parvenue cette mission. Nous devons en effet aller de l'avant avec détermination.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 octobre 2006