Texte intégral
Merci Miguel, Je voudrais d'abord te remercier pour cette invitation. Je suis très heureux d'être ici à tes côtés, de dire à la presse espagnole notre amitié, une amitié, bien sûr, entre deux ministres des Affaires étrangères de pays amis, comme tu l'as dit, mais aussi une amitié entre deux personnes, entre deux hommes. Je voulais te le dire, ici, très affectueusement, c'est très important pour moi car tu es ministre des Affaires étrangères depuis beaucoup plus longtemps que moi et tu m'as accueilli dans ce milieu ; merci pour cette amitié.
Nous avons beaucoup de choses à faire ensemble. D'abord, parce que nous nous connaissons depuis longtemps. Ensuite parce que nous avons un dialogue régulier très étroit. Enfin, parce que l'Espagne est, pour la France, un partenaire majeur.
Je suis personnellement très attentif à la relation entre l'Espagne et la France et notre entretien d'aujourd'hui est important à plusieurs titres.
D'abord, Miguel l'a dit, un sommet bilatéral aura lieu prochainement en Espagne, le 16 novembre. Nous parlerons du travail commun que nous avons à faire pour lutter contre le terrorisme et je me réjouis, comme tous les Français d'ailleurs, de l'annonce par l'ETA d'un cessez-le-feu permanent.
Nous travaillerons aussi dans le domaine de la lutte contre le trafic des stupéfiants, qui a été couronnée d'ailleurs de très nombreux succès grâce à l'action conjointe de nos services de police. Aujourd'hui, nous devons plus que jamais poursuivre cette coopération. Nous sommes en effet confrontés à de nouveaux défis et nous avons décidé de travailler ensemble pour y faire face.
Il y a, bien sûr, la question de l'immigration qui est particulièrement sensible en Espagne, tout comme en France. L'afflux de clandestins sur les côtes espagnoles pose un problème grave. Ce problème n'est pas uniquement espagnol, c'est notre problème à tous : un problème européen. Je t'ai souvent entendu le dire et tu peux observer qu'à chaque fois que tu le dis, je reprends ensuite la parole pour le répéter. C'est un problème européen qui nécessite une réponse de l'Union européenne et de tous ses Etats membres.
C'est dans cet esprit que la France a participé, le 29 septembre dernier, à la Conférence organisée ici même. Les orientations qui se sont dégagées lors de cette réunion sont pleinement les nôtres.
Nous devons renforcer la coopération opérationnelle dans la surveillance et le contrôle des frontières maritimes. Nous appuyons notamment le renforcement de l'agence Frontex. Nous avons aussi développé notre collaboration avec les pays d'origine et les pays de transit, afin d'anticiper les départs et d'assurer le retour des immigrés clandestins.
Je sais que Miguel Angel Moratinos se rendra dans quelques heures en Afrique. Nous partageons l'un et l'autre la même conviction : que la solution au problème migratoire passe par la politique de développement et de co-développement avec les pays d'origine. Celle-ci est essentielle et nous sommes convenus d'y travailler ensemble.
Nous nous sommes immédiatement rangés du côté du président Zapatero lorsqu'il a parlé de l'Alliance des civilisations. Nous sommes très heureux de travailler ensemble, depuis le début, sur la question des financements de la lutte contre la pauvreté et les pandémies. Et, à cet égard, je sais qu'à chaque fois que je vous parle d'UNITAID, j'ai une oreille attentive de ta part, Miguel, et du Premier ministre espagnol. C'est essentiel pour nous, c'est la philosophie qui est la nôtre, c'est celle qui a inspiré la Conférence de Rabat pour laquelle nos deux pays ont oeuvré ensemble. Il faut développer cet élan, j'en suis convaincu.
Nous travaillons également à la mise en place d'un partenariat pour la recherche et le développement dans les domaines de la santé, des transports et de l'énergie.
Tous ces sujets seront abordés lors du prochain sommet bilatéral et j'espère que nous aboutirons à des coopérations très concrètes.
Enfin, nous allons parler des grands sujets européens, ainsi que des grands sujets d'actualité internationale, en particulier de l'Iran : une réunion prochaine des Six est prévue et il y a aussi tout ce que fait Javier Solana avec M.Larijani. Nous entretenons, tous les deux, un dialogue constant sur la question iranienne.
Nous aborderons également la question du Proche-Orient. La première fois que j'ai rencontré Miguel Angel Moratinos, c'était à Jérusalem où je m'étais rendu après un déplacement à Tel Aviv. J'étais alors député de l'opposition dans mon pays et je représentais ma ville, Toulouse, qui était jumelée avec Tel Aviv. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Miguel Angel Moratinos, à l'époque représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient. Tu portes en toi toute l'histoire de la présence et de la spécificité de l'Union européenne dans le règlement du conflit israélo-palestinien.
Nos entretiens porteront également sur l'Irak, l'Afghanistan et l'Amérique Latine, où nos deux pays sont particulièrement impliqués et où l'Union européenne joue un rôle majeur.
Notre réunion d'aujourd'hui va nous permettre d'approfondir notre concertation sur tous ces dossiers.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Q - Il y a un sujet, évidemment, qui semble s'imposer, c'est celui d'Airbus ; est-ce que vous allez évoquer cette question et qu'est-ce que vous pouvez en dire l'un et l'autre ?
R - C'est un sujet de très grande actualité aussi en France. D'abord, pour l'Espagne, puisque c'est votre question. L'industrie espagnole joue un rôle très important au niveau de la capacité technologique et de la production d'Airbus.
Nous avons eu l'occasion d'en parler lorsque nous avons eu l'honneur de recevoir Sa Majesté le Roi d'Espagne, à Toulouse. Nous avions, je me souviens, évoqué en particulier l'A400M, cet avion de transport militaire dont la réalisation est absolument majeure, aujourd'hui, puisque chaque fois que l'on parle d'opérations de maintien de la paix, on envisage la projection de militaires à parfois plusieurs milliers de kilomètres de nos pays respectifs. J'avais d'ailleurs été tout à fait admiratif de la manière dont Sa Majesté le Roi avait su piloter un Airbus A-380 dans la cabine d'un simulateur de vol.
La question du renforcement de la participation de l'industrie espagnole dans le groupe EADS peut être discutée et nous faisons partie de ceux qui le souhaitent, en concertation, bien sûr, avec l'ensemble des actionnaires. Comme je me permettais de le dire à Miguel Angel Moratinos, je comprends très bien que l'Espagne souhaite augmenter son actionnariat, sa participation. Je crois, au-delà, qu'il y a probablement une réflexion à mener, entre Espagnols et Français, sur l'avion de demain, dans les domaines de la recherche et du développement. Ensuite, tout à fait naturellement, des sociétés communes seraient créées. Je suis persuadé que c'est l'avenir.
Airbus a été et reste le plus grand projet de coopération européen dans le domaine industriel. Cette coopération a produit des résultats qui dépassent tous les espoirs des concepteurs d'Airbus : premier constructeur mondial d'avions, en terme de prise de commandes en 2005 et en terme de livraisons en 2003, en 2004, en 2005. C'est vous dire que, lorsque je lis, partout, qu'il y a une énorme crise et que tout cela serait mis à mal, je dois "remettre les pendules à l'heure", comme on dit en France.
Cette coopération est une réussite technologique aujourd'hui universellement reconnue. Depuis vingt ans, Airbus a tiré et fait progresser la technologie de l'aéronautique. Airbus a engagé depuis plusieurs années une évolution qui doit transformer le groupe d'entreprises de quatre pays européens à un niveau industriel encore plus intégré. L'évolution implique des réorganisations industrielles difficiles mais indispensables. J'ai confiance en la capacité de tous les salariés d'Airbus à réussir cette transformation. Je suis convaincu que les clients d'Airbus lui conserveront également leur confiance.
Au sujet du retard annoncé mardi pour l'Airbus A-380, il s'agit uniquement d'un problème d'organisation de la chaîne de production qui n'affecte aucunement les performances de l'avion et qui n'a rien à voir avec les performances. Je signale que l'Airbus A-380, que nous voyons voler tous les jours à Toulouse, vole avec succès depuis plusieurs mois et le processus de certification suit son cours normal. Donc, les retards ne nuisent évidemment en aucune façon à la qualité finale de l'appareil. L'A-380 est le premier avion civil à disposer de deux cabines parallèles sur toute sa longueur et le câblage est particulièrement complexe. Il est vrai que le programme connaît quelques mois de retard mais c'est quelque chose qui est assez fréquent. Lorsque l'on connaît, comme à Toulouse, le processus de réalisation de nouveaux avions tels que le Concorde ou la Caravelle, on sait que cela se passe toujours comme cela. Enfin, pour terminer, je dirai que les responsables politiques seront particulièrement attentifs à ce qu'il n'y ait pas de licenciements secs, qu'il n'y ait pas de plans sociaux dans une entreprise qui connaît un tel succès sur le plan mondial.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de l'Iran tout à l'heure, est-ce que vous pourriez nous refaire le point sur la situation, notamment suite à la proposition iranienne faite à la France ?
R - Je vais, s'il me le permet, impliquer Miguel Angel Moratinos dans ma réponse, parce que nous travaillons vraiment ensemble sur ce dossier.
Quelle est notre idée ? Notre idée c'est que le dialogue doit prévaloir. Et d'ailleurs, chaque fois que nous nous réunissons, nous n'espérons qu'une chose, que ce soit sur l'Iran ou sur le Proche-Orient, c'est d'amorcer le dialogue. Cela vaut également avec l'Iran sur le dossier nucléaire. Nous avons, vous le savez, proposé l'idée de la double suspension, afin de pouvoir engager les négociations. D'un côté, suspension, de la part de la communauté internationale, de la dynamique créée au Conseil de sécurité sur l'idée de sanctions sur l'Iran ; de l'autre, suspension de l'enrichissement de l'uranium, et des activités nucléaires sensibles, de la part de l'Iran.
Javier Solana a rencontré le négociateur iranien, M. Larijani, il y a trois semaines à Vienne, et la semaine dernière à Berlin. Comme l'a indiqué Javier Solana, il est apparu, lors des derniers contacts, qu'il n'y avait pas d'accord du côté iranien sur cette question de la suspension. Nous allons très prochainement, je pense dans les jours qui viennent, examiner la situation avec nos partenaires du groupe des Six. Javier Solana nous rendra compte de ses contacts et nous envisagerons ensuite ce que sera notre démarche face à l'attitude iranienne.
Q - (En cas de refus iranien de suspendre ses activités nucléaires sensibles)
R - Nous n'aurions donc pas d'autre choix que de reprendre au Conseil de sécurité la procédure de la résolution 1696 qui prévoit la possibilité que le Conseil de sécurité adopte des mesures, placées sous l'article 41, chapitre 7 de la Charte, afin d'amener l'Iran à se conformer aux demandes de la communauté internationale. Mais, même en cas de sanction, la porte du dialogue restera ouverte à tout moment si l'Iran accepte de suspendre ses activités nucléaires sensibles ; les discussions pourraient alors reprendre.
Or, vous nous dites que Monsieur Saïdi, le directeur adjoint de l'Organisation iranienne de l'Energie atomique, a fait des propositions récemment. Ce qui est à l'ordre du jour pour la France, aujourd'hui, ce sont les discussions entre M. Larijani et M. Solana et les conclusions que l'on peut en tirer. Comme M. Solana l'a indiqué, il n'y a pas eu d'accord sur la question des suspensions et les contacts vont se poursuivre entre les Six, pour en tirer les conséquences. La proposition que M. Saïdi a faite à la France est une proposition inédite que nous avons découverte dans le cadre d'une interview qu'il a accordée à une radio française. Vous connaissez l'offre faite par les Six qui inclut des propositions dans le domaine de la coopération nucléaire civile, notamment la participation de l'Iran, en tant que partenaire, à une installation internationale en Russie qui fournirait des services d'enrichissement garantissant l'approvisionnement en combustible des réacteurs nucléaires iraniens. Pour l'heure, la question est de savoir comment entrer dans une vraie négociation dans laquelle les Six et les Iraniens puissent présenter leur point de vue et leurs propositions de voir examinées les différentes options. Il est nécessaire de rétablir la confiance et la confiance passe par la suspension de l'enrichissement d'uranium.
Q - (A propos de la réaction de la communauté internationale à la question nucléaire iranienne)
R - La question qui est posée aujourd'hui par la communauté internationale est très simple : nous avons, le 31 juillet, au Conseil de sécurité, voté, à l'unanimité sauf le Qatar, la possibilité de mesures vis-à-vis de l'Iran, si l'Iran ne suspendait pas, au 31 août, ses activités nucléaires sensibles. Le 31 août est passé et maintenant, il nous faut éviter deux écueils : le premier serait celui d'une confrontation progressive entre l'Iran d'un côté et la communauté internationale de l'autre, sans que l'on puisse dialoguer. La main est tendue, à condition que les Iraniens suspendent leurs activités nucléaires sensibles.
Le deuxième écueil à éviter serait que, à force de tendre la main, à force de demander des réunions, de réunion en réunion, les Iraniens ne gagnent du temps. C'est la raison pour laquelle nous allons nous rencontrer très vite, à Six, pour tirer les conséquences de l'attitude iranienne et leur dire qu'il faut savoir raison garder.
Si l'Iran ne suspend pas ses activités nucléaires sensibles, alors c'est avec fermeté que la communauté internationale réagira. Et ce qui est important dans cette fermeté, c'est qu'elle doit se faire dans l'unité de la communauté internationale. Vous me demandez : "quelles seront les sanctions ?" L'article 41 permet un certain nombre de mesures.
Pour l'instant, nous espérons encore, avec beaucoup d'énergie, que les Iraniens prendront la balle au bond, saisiront leur chance, qui est historique, et ils ne doivent pas s'isoler de la communauté internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 octobre 2006
Nous avons beaucoup de choses à faire ensemble. D'abord, parce que nous nous connaissons depuis longtemps. Ensuite parce que nous avons un dialogue régulier très étroit. Enfin, parce que l'Espagne est, pour la France, un partenaire majeur.
Je suis personnellement très attentif à la relation entre l'Espagne et la France et notre entretien d'aujourd'hui est important à plusieurs titres.
D'abord, Miguel l'a dit, un sommet bilatéral aura lieu prochainement en Espagne, le 16 novembre. Nous parlerons du travail commun que nous avons à faire pour lutter contre le terrorisme et je me réjouis, comme tous les Français d'ailleurs, de l'annonce par l'ETA d'un cessez-le-feu permanent.
Nous travaillerons aussi dans le domaine de la lutte contre le trafic des stupéfiants, qui a été couronnée d'ailleurs de très nombreux succès grâce à l'action conjointe de nos services de police. Aujourd'hui, nous devons plus que jamais poursuivre cette coopération. Nous sommes en effet confrontés à de nouveaux défis et nous avons décidé de travailler ensemble pour y faire face.
Il y a, bien sûr, la question de l'immigration qui est particulièrement sensible en Espagne, tout comme en France. L'afflux de clandestins sur les côtes espagnoles pose un problème grave. Ce problème n'est pas uniquement espagnol, c'est notre problème à tous : un problème européen. Je t'ai souvent entendu le dire et tu peux observer qu'à chaque fois que tu le dis, je reprends ensuite la parole pour le répéter. C'est un problème européen qui nécessite une réponse de l'Union européenne et de tous ses Etats membres.
C'est dans cet esprit que la France a participé, le 29 septembre dernier, à la Conférence organisée ici même. Les orientations qui se sont dégagées lors de cette réunion sont pleinement les nôtres.
Nous devons renforcer la coopération opérationnelle dans la surveillance et le contrôle des frontières maritimes. Nous appuyons notamment le renforcement de l'agence Frontex. Nous avons aussi développé notre collaboration avec les pays d'origine et les pays de transit, afin d'anticiper les départs et d'assurer le retour des immigrés clandestins.
Je sais que Miguel Angel Moratinos se rendra dans quelques heures en Afrique. Nous partageons l'un et l'autre la même conviction : que la solution au problème migratoire passe par la politique de développement et de co-développement avec les pays d'origine. Celle-ci est essentielle et nous sommes convenus d'y travailler ensemble.
Nous nous sommes immédiatement rangés du côté du président Zapatero lorsqu'il a parlé de l'Alliance des civilisations. Nous sommes très heureux de travailler ensemble, depuis le début, sur la question des financements de la lutte contre la pauvreté et les pandémies. Et, à cet égard, je sais qu'à chaque fois que je vous parle d'UNITAID, j'ai une oreille attentive de ta part, Miguel, et du Premier ministre espagnol. C'est essentiel pour nous, c'est la philosophie qui est la nôtre, c'est celle qui a inspiré la Conférence de Rabat pour laquelle nos deux pays ont oeuvré ensemble. Il faut développer cet élan, j'en suis convaincu.
Nous travaillons également à la mise en place d'un partenariat pour la recherche et le développement dans les domaines de la santé, des transports et de l'énergie.
Tous ces sujets seront abordés lors du prochain sommet bilatéral et j'espère que nous aboutirons à des coopérations très concrètes.
Enfin, nous allons parler des grands sujets européens, ainsi que des grands sujets d'actualité internationale, en particulier de l'Iran : une réunion prochaine des Six est prévue et il y a aussi tout ce que fait Javier Solana avec M.Larijani. Nous entretenons, tous les deux, un dialogue constant sur la question iranienne.
Nous aborderons également la question du Proche-Orient. La première fois que j'ai rencontré Miguel Angel Moratinos, c'était à Jérusalem où je m'étais rendu après un déplacement à Tel Aviv. J'étais alors député de l'opposition dans mon pays et je représentais ma ville, Toulouse, qui était jumelée avec Tel Aviv. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Miguel Angel Moratinos, à l'époque représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient. Tu portes en toi toute l'histoire de la présence et de la spécificité de l'Union européenne dans le règlement du conflit israélo-palestinien.
Nos entretiens porteront également sur l'Irak, l'Afghanistan et l'Amérique Latine, où nos deux pays sont particulièrement impliqués et où l'Union européenne joue un rôle majeur.
Notre réunion d'aujourd'hui va nous permettre d'approfondir notre concertation sur tous ces dossiers.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Q - Il y a un sujet, évidemment, qui semble s'imposer, c'est celui d'Airbus ; est-ce que vous allez évoquer cette question et qu'est-ce que vous pouvez en dire l'un et l'autre ?
R - C'est un sujet de très grande actualité aussi en France. D'abord, pour l'Espagne, puisque c'est votre question. L'industrie espagnole joue un rôle très important au niveau de la capacité technologique et de la production d'Airbus.
Nous avons eu l'occasion d'en parler lorsque nous avons eu l'honneur de recevoir Sa Majesté le Roi d'Espagne, à Toulouse. Nous avions, je me souviens, évoqué en particulier l'A400M, cet avion de transport militaire dont la réalisation est absolument majeure, aujourd'hui, puisque chaque fois que l'on parle d'opérations de maintien de la paix, on envisage la projection de militaires à parfois plusieurs milliers de kilomètres de nos pays respectifs. J'avais d'ailleurs été tout à fait admiratif de la manière dont Sa Majesté le Roi avait su piloter un Airbus A-380 dans la cabine d'un simulateur de vol.
La question du renforcement de la participation de l'industrie espagnole dans le groupe EADS peut être discutée et nous faisons partie de ceux qui le souhaitent, en concertation, bien sûr, avec l'ensemble des actionnaires. Comme je me permettais de le dire à Miguel Angel Moratinos, je comprends très bien que l'Espagne souhaite augmenter son actionnariat, sa participation. Je crois, au-delà, qu'il y a probablement une réflexion à mener, entre Espagnols et Français, sur l'avion de demain, dans les domaines de la recherche et du développement. Ensuite, tout à fait naturellement, des sociétés communes seraient créées. Je suis persuadé que c'est l'avenir.
Airbus a été et reste le plus grand projet de coopération européen dans le domaine industriel. Cette coopération a produit des résultats qui dépassent tous les espoirs des concepteurs d'Airbus : premier constructeur mondial d'avions, en terme de prise de commandes en 2005 et en terme de livraisons en 2003, en 2004, en 2005. C'est vous dire que, lorsque je lis, partout, qu'il y a une énorme crise et que tout cela serait mis à mal, je dois "remettre les pendules à l'heure", comme on dit en France.
Cette coopération est une réussite technologique aujourd'hui universellement reconnue. Depuis vingt ans, Airbus a tiré et fait progresser la technologie de l'aéronautique. Airbus a engagé depuis plusieurs années une évolution qui doit transformer le groupe d'entreprises de quatre pays européens à un niveau industriel encore plus intégré. L'évolution implique des réorganisations industrielles difficiles mais indispensables. J'ai confiance en la capacité de tous les salariés d'Airbus à réussir cette transformation. Je suis convaincu que les clients d'Airbus lui conserveront également leur confiance.
Au sujet du retard annoncé mardi pour l'Airbus A-380, il s'agit uniquement d'un problème d'organisation de la chaîne de production qui n'affecte aucunement les performances de l'avion et qui n'a rien à voir avec les performances. Je signale que l'Airbus A-380, que nous voyons voler tous les jours à Toulouse, vole avec succès depuis plusieurs mois et le processus de certification suit son cours normal. Donc, les retards ne nuisent évidemment en aucune façon à la qualité finale de l'appareil. L'A-380 est le premier avion civil à disposer de deux cabines parallèles sur toute sa longueur et le câblage est particulièrement complexe. Il est vrai que le programme connaît quelques mois de retard mais c'est quelque chose qui est assez fréquent. Lorsque l'on connaît, comme à Toulouse, le processus de réalisation de nouveaux avions tels que le Concorde ou la Caravelle, on sait que cela se passe toujours comme cela. Enfin, pour terminer, je dirai que les responsables politiques seront particulièrement attentifs à ce qu'il n'y ait pas de licenciements secs, qu'il n'y ait pas de plans sociaux dans une entreprise qui connaît un tel succès sur le plan mondial.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de l'Iran tout à l'heure, est-ce que vous pourriez nous refaire le point sur la situation, notamment suite à la proposition iranienne faite à la France ?
R - Je vais, s'il me le permet, impliquer Miguel Angel Moratinos dans ma réponse, parce que nous travaillons vraiment ensemble sur ce dossier.
Quelle est notre idée ? Notre idée c'est que le dialogue doit prévaloir. Et d'ailleurs, chaque fois que nous nous réunissons, nous n'espérons qu'une chose, que ce soit sur l'Iran ou sur le Proche-Orient, c'est d'amorcer le dialogue. Cela vaut également avec l'Iran sur le dossier nucléaire. Nous avons, vous le savez, proposé l'idée de la double suspension, afin de pouvoir engager les négociations. D'un côté, suspension, de la part de la communauté internationale, de la dynamique créée au Conseil de sécurité sur l'idée de sanctions sur l'Iran ; de l'autre, suspension de l'enrichissement de l'uranium, et des activités nucléaires sensibles, de la part de l'Iran.
Javier Solana a rencontré le négociateur iranien, M. Larijani, il y a trois semaines à Vienne, et la semaine dernière à Berlin. Comme l'a indiqué Javier Solana, il est apparu, lors des derniers contacts, qu'il n'y avait pas d'accord du côté iranien sur cette question de la suspension. Nous allons très prochainement, je pense dans les jours qui viennent, examiner la situation avec nos partenaires du groupe des Six. Javier Solana nous rendra compte de ses contacts et nous envisagerons ensuite ce que sera notre démarche face à l'attitude iranienne.
Q - (En cas de refus iranien de suspendre ses activités nucléaires sensibles)
R - Nous n'aurions donc pas d'autre choix que de reprendre au Conseil de sécurité la procédure de la résolution 1696 qui prévoit la possibilité que le Conseil de sécurité adopte des mesures, placées sous l'article 41, chapitre 7 de la Charte, afin d'amener l'Iran à se conformer aux demandes de la communauté internationale. Mais, même en cas de sanction, la porte du dialogue restera ouverte à tout moment si l'Iran accepte de suspendre ses activités nucléaires sensibles ; les discussions pourraient alors reprendre.
Or, vous nous dites que Monsieur Saïdi, le directeur adjoint de l'Organisation iranienne de l'Energie atomique, a fait des propositions récemment. Ce qui est à l'ordre du jour pour la France, aujourd'hui, ce sont les discussions entre M. Larijani et M. Solana et les conclusions que l'on peut en tirer. Comme M. Solana l'a indiqué, il n'y a pas eu d'accord sur la question des suspensions et les contacts vont se poursuivre entre les Six, pour en tirer les conséquences. La proposition que M. Saïdi a faite à la France est une proposition inédite que nous avons découverte dans le cadre d'une interview qu'il a accordée à une radio française. Vous connaissez l'offre faite par les Six qui inclut des propositions dans le domaine de la coopération nucléaire civile, notamment la participation de l'Iran, en tant que partenaire, à une installation internationale en Russie qui fournirait des services d'enrichissement garantissant l'approvisionnement en combustible des réacteurs nucléaires iraniens. Pour l'heure, la question est de savoir comment entrer dans une vraie négociation dans laquelle les Six et les Iraniens puissent présenter leur point de vue et leurs propositions de voir examinées les différentes options. Il est nécessaire de rétablir la confiance et la confiance passe par la suspension de l'enrichissement d'uranium.
Q - (A propos de la réaction de la communauté internationale à la question nucléaire iranienne)
R - La question qui est posée aujourd'hui par la communauté internationale est très simple : nous avons, le 31 juillet, au Conseil de sécurité, voté, à l'unanimité sauf le Qatar, la possibilité de mesures vis-à-vis de l'Iran, si l'Iran ne suspendait pas, au 31 août, ses activités nucléaires sensibles. Le 31 août est passé et maintenant, il nous faut éviter deux écueils : le premier serait celui d'une confrontation progressive entre l'Iran d'un côté et la communauté internationale de l'autre, sans que l'on puisse dialoguer. La main est tendue, à condition que les Iraniens suspendent leurs activités nucléaires sensibles.
Le deuxième écueil à éviter serait que, à force de tendre la main, à force de demander des réunions, de réunion en réunion, les Iraniens ne gagnent du temps. C'est la raison pour laquelle nous allons nous rencontrer très vite, à Six, pour tirer les conséquences de l'attitude iranienne et leur dire qu'il faut savoir raison garder.
Si l'Iran ne suspend pas ses activités nucléaires sensibles, alors c'est avec fermeté que la communauté internationale réagira. Et ce qui est important dans cette fermeté, c'est qu'elle doit se faire dans l'unité de la communauté internationale. Vous me demandez : "quelles seront les sanctions ?" L'article 41 permet un certain nombre de mesures.
Pour l'instant, nous espérons encore, avec beaucoup d'énergie, que les Iraniens prendront la balle au bond, saisiront leur chance, qui est historique, et ils ne doivent pas s'isoler de la communauté internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 octobre 2006