Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur la situation politique, le rôle du PS comme force de proposition et d'anticipation auprès du gouvernement, et sur les priorités du PS pour 1999 notamment l'emploi, la justice sociale et l'Europe, Paris, janvier 1999.

Prononcé le 1er janvier 1999

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Circonstance : Présentation des voeux à la presse par le premier secrétaire du PS, François Hollande, en janvier 1999

Texte intégral

Depuis 18 mois, le Parti socialiste -principale force de la majorité plurielle soutient un gouvernement qui agit conformément à ses engagements, notamment par rapport aux trois objectifs fixés en 1997 : emploi, justice sociale, pacte républicain.
A la fin de l'année 1998, les premiers résultats sont apparus ; aussi bien par rapport aux créations d'emplois (350 000), à la diminution du chômage, par rapport à la justice sociale; et la confiance des Français en eux-mêmes semble revenir.
L'année 1999 s'ouvre dans un contexte politique à bien des égards semblable à celui qui avait présidé nos débats en 98 et en même temps, à d'autres égards, ce contexte est en train de changer.
La cohabitation
L'invariant c'est la cohabitation ; c'est un cadre désormais connu, prévu par la Constitution et accepté par les Français. Nous ne l'avons pas particulièrement souhaitée, elle supporte sans doute des critiques, mais, en même temps, elle s'impose à nous jusqu'en 2002. C'est la seule échéance qui compte à nos yeux ; c'est pourquoi il nous reste encore plus de 3 ans pour poursuivre notre action en utilisant toutes les marges prévues dans nos institutions.
Jacques Chirac
Dans ce cadre, le Chef de l'Etat joue depuis plusieurs mois un rôle convenu ; il est supposé -comme il le dit lui-même- " montrer la voie ". En fait, Jacques Chirac nous montre le chemin du retour, car il a défini dans ses vux un programme qui ressemble trait pour trait à ce qu'avait engagé Alain Juppé avec le succès que l'on sait. Le rappel de la baisse des charges pour les entreprises, la baisse des impôts pour les plus favorisés au nom de la " libération des énergies ", la nostalgie des fonds de pension et une certaine frilosité sur les réformes de société (PACS, limitation du cumul des mandats ou la justice). Ce même programme qui avait justifié tout d'abord une confrontation dans la rue puis dans le pays à travers la dissolution.
Au-delà de la cohabitation, des interventions du Chef de l'Etat, il y a des éléments nouveaux dans le paysage politique et d'abord l'attitude de la Droite.
La Droite
Certes, depuis plusieurs mois le RPR, l'UDF, Démocratie Libérale sont engagés dans une opposition systématique à la Gauche ; c'est une posture traditionnelle, même si elle n'est pas forcément la plus efficace. Cette opposition systématique s'est manifestée à l'occasion des débats parlementaires sur le PACS, de la réforme du mode de scrutin des élections régionales et de la modernisation de la vie politique. Néanmoins, une illustration immédiate de ce comportement s'est produite au sein du Conseil régional de Rhône-Alpes ce week-end.
Philippe Seguin, Président du RPR et de l'Alliance, avait donné à ses amis une consigne qu'il savait impossible à appliquer ; c'est-à-dire de refuser à la fois les voix de l'Extrême-droite et l'appoint de la Gauche plurielle... c'était à coup sûr envoyer son propre camp dans une impasse. Et à partir de là, c'est Philippe Seguin -dès l'origine- qui porte la responsabilité de ce qui s'est produit durant 48h au sein du Conseil régional de Rhône-Alpes.
On aurait pu voir dans cette position un souci légitime d'indépendance par rapport à l'extrême-droite et de refus de toute confusion avec la Gauche plurielle. Mais Philippe Seguin, à l'ultime moment, a préféré faire voter pour le candidat de Millon, appuyé par le Front National de Jean-Marie Le Pen, plutôt que pour la candidate de l'Alliance, celle qu'il avait acceptée aux deux premiers tours du scrutin et qu'une partie des élus du RPR soutenait en fait.
En ayant finalement fait ce choix, il a donné quitus à ceux de son mouvement ou de Démocratie Libérale, voire même de l'UDF, qui ont soutenu Charles Millon en Rhône-Alpes et qui soutiennent Messieurs Blanc, Baur et Soisson dans les trois autres régions.
Dès lors, il est possible de dire que non seulement cette stratégie a échoué, mais qu'elle confirme la droitisation du RPR sur les positions de Démocratie Libérale.
A partir de là nous pourrions nous réjouir de cette implosion ou de cette impasse. Mais nous avons là une Droite qui, lorsqu'il faut faire le choix ultime entre le camp de la République et l'autre, est tentée hélas de faire le plus mauvais.
La Gauche aurait pu revendiquer la responsabilité de l'exécutif en Rhône-Alpes. Nous avions autant d'élus que la Droite ; nous avions un candidat qui avait fait le plein de ses voix aux deux tours du scrutin (Jean-Jacques Queyranne), mais nous avons préféré en toute lucidité et en toute responsabilité, à partir de choix essentiels qui sont ceux de la République, mettre en conformité nos actes avec nos paroles.
Depuis de longs mois, nous avions engagé dans ce conseil régional comme dans les trois autres, un combat qui paraissait pour certains désespéré, un combat qui était apparu à d'autres comme systématique et qui pourtant visait bien à clarifier les éléments du débat. Nous avions dit, dans cette région, que pour sortir de l'impasse nous étions prêts à faire le choix de la République, que nous étions prêts, dans certaines conditions, à apporter nos suffrages à un ou une candidate républicaine. Et bien, au moment ultime, toute la Gauche plurielle a su prendre la décision qui s'imposait. Elle n'était pas facile à prendre, mais la solution républicaine permettait d'écarter la politique du pire.
A partir de cette décision de principe, nous aurons dans ce conseil régional, le souci de refuser la confusion et la cogestion, mais en même temps de prendre les orientations qui, à chaque fois, correspondent à cette responsabilité républicaine.
L'UDF qui dans ce conseil à travers Mme Comparini, a su là encore avoir une attitude digne, doit désormais réfléchir dans les trois autres conseils régionaux sur sa position.
L'Extrême-droite
Quant au Front national, il éclate sur une banale affaire de leadership, sur une sordide querelle de chefs. Mais, à travers le voile qui se déchire, nous voyons mieux ce que devinions hier : les financements, un service d'ordre aux méthodes musclées. Je me félicite d'ailleurs que l'Assemblée ait diligenté une commission d'enquête pour en savoir d'avantage sur le DPS. Enfin, le racisme puisqu'ils s'accusent mutuellement de xénophobie et ils doivent être bien informés sur eux-mêmes.
Par rapport à cette situation, on sent bien que la Droite s'intéresse aux conséquences qu'elle peut éventuellement en retirer -et je ne suis pas sûr qu'elle ait tiré les leçons qui conviennent-; la Gauche elle -qui se félicite de l'éclatement du Front national- doit continuer à agir sur les causes du phénomène, les causes qui ont conduit un certain nombre d'électeurs à aller jusque là.
La Majorité Plurielle
En tant que socialistes, nous sommes très attachés à la majorité plurielle. La Gauche plurielle, depuis juin 1997, est une stratégie gagnante ; nous avons remporté les élections législatives grâce à ce choix ; nous avons également -cela fut légèrement masqué par les alliances de la Droite avec le Front national- marqué de nombreux points lors des élections régionales et connu des succès éclatants aux cantonales sur cette base là. Donc, globalement et pour chacune des composantes de la majorité plurielle, cette stratégie est victorieuse. Nous devons veiller à en préserver la dynamique, notamment par rapport aux échéances européennes.
Nous avions donc souhaité une réforme du mode de scrutin pour les élections européennes car nous en connaissons les défauts qui sont toujours ceux de l'indifférence et de la dispersion. Cette réforme n'ayant pas pu aboutir, nous en revenons donc à un système électoral qui, rappelons le, en 1994 avait abouti à une dispersion maximale des forces de la Gauche, puisqu'il y avait -en 1994- une liste socialiste, une liste communiste, une liste verte, une liste MDC et une liste Radicale. Nous devons éviter la reproduction de ce scénario ; en même temps, si l'union est souhaitable (elle l'est forcément) elle ne peut se faire que sur la base d'un accord sur le fond, sur le contenu même de nos engagements européens, sinon c'est ramener la politique simplement à des accords d'états-majors. Nous aurons donc des discussions avec ceux qui envisagent peut-être des listes communes où nous aurions notre place, laquelle je le pense sera éminente. Nous, nous prenons déjà en compte le fait que les Verts sont déjà en campagne et nous ne voulons pas les retenir, nous n'y pouvons rien.
Ces discussions ont déjà commencé avec les radicaux, se poursuivront cette semaine avec le MDC ; une première réunion aura lieu cet après-midi sur les questions programmatiques.
Le Parti communiste a pour tradition de présenter une liste pour les élections européennes, et je prends acte du fait qu'il ne souhaite pas en changer pour le moment.
Je propose, une fois qu'on aura essayé de rapprocher les points de vue de ceux qui imaginent possible une liste de rassemblement, que quelles que soient les stratégies des uns et des autres, nous ayons dans cette campagne un code de bonne conduite de façon à ce que nous évitions tout propos inutilement blessant ou toute polémique excessive.
L'objectif, en définitive, c'est de faire le meilleur résultat possible pour l'ensemble de la Gauche plurielle, même si le Parti socialiste doit également penser à ses propres intérêts.
LE ROLE DU PARTI SOCIALISTE
Un lieu de dialogue
Justement, quel est le rôle du Parti socialiste pour 1999 Je rappellerai qu'elle est aujourd'hui notre volonté. Nous voulons être une force de dialogue avec le Gouvernement.
Il y aura donc une rencontre de tous les secrétaires de section du Parti socialiste le 17 janvier à la Mutualité et Lionel Jospin, comme d'autres ministres participeront à ces travaux. Le thème sera " les Français et l'Europe " avec la volonté pour nous de poursuivre les mêmes objectifs en Europe que pour notre pays.
Nous organiserons aussi un séminaire du Bureau national le 6 février avec les membres socialistes du Gouvernement sur les questions liées au territoire et nous inviterons les deux ministres compétents sur ces dossiers, Dominique Voynet et Jean-Pierre Chevènement.
Nous aurons aussi une volonté de dialogue avec les Français et leurs représentants; et c'est pourquoi depuis plusieurs mois, nous avons souhaité organiser un certain nombre de rencontres avec les forces syndicales, les grandes associations, avec ceux qui sont des élus de terrain et qui ont des informations à nous donner.
Dans ce cadre là, nous aurons des rencontres qui vont se dérouler tout au long des prochains jours avec les représentants du patronat, nous y attachons un certain prix.
Une force de proposition
La deuxième fonction du Parti socialiste, c'est de proposer. Ça vaut pour les textes du Gouvernement, en ce sens que nous sommes associés à leur élaboration, mais que nous avons vocation aussi à les corriger, à les amender, à les améliorer et nos groupes parlementaires jouent un rôle décisif en cette matière.
Nous aurons par exemple une réunion importante demain au Bureau national sur l'Energie, réunion préparatoire au débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale la semaine prochaine.
Une force d'anticipation
L'une des fonctions du Parti socialiste est aussi d'anticiper. Nous avons marqué, à l'occasion de notre convention entreprises, combien nous étions attachés à une certaine forme de création d'emplois. Nous aurons la même démarche au cours de notre convention " Nation-Europe " qui se déroulera le 27 mars prochain et qui est déjà engagée par un certain nombre d'auditions, par un questionnaire envoyé à nos militants.
Il y aura aussi au second semestre une convention nationale sur les villes et les territoires qui participera de la même démarche. Nous aurons une conférence sur l'Outre-mer le 26/27 février et nous poursuivrons nos réflexions en matière sociale, notamment sur les retraites, enfin, nous organisons un colloque sur l'environnement le 30 janvier.
C'est donc un parti qui travaille, qui anticipe sur les choix du Gouvernement et les décisions du Parlement.
Un renforcement de sa place sur la scène internationale
La troisième fonction du Parti socialiste est de renforcer sa place sur la scène européenne et internationale. Vous savez que depuis plusieurs semaines, nous travaillons à l'élaboration du Manifeste Européen -Henri Nallet en est tout spécialement chargé au niveau du Parti socialiste européen; nous aurons un sommet des leaders les 29 et 30 janvier à Vienne et nous essaierons de marquer dans ce document notre propre conception de la construction européenne. Ce document, d'ailleurs, sera adopté définitivement au Congrès de Milan du PSE qui se tiendra les 1er et 2 mars prochains.
Nous voulons faire en tant que socialistes français du PSE une véritable force politique.
Nous avons vocation aussi à peser sur les débats internationaux, nous le faisons à travers notre secteur international (Pierre Guidoni et Henri Nallet), mais nous voulons aussi faire que l'Internationale Socialiste poursuive sa tâche qui est menée par Pierre Mauroy depuis plusieurs années, et nous accueillerons avec beaucoup de plaisir le Congrès de l'Internationale Socialiste les 8/9/10 octobre à Paris.
131 partis sont invités, beaucoup de chefs de Gouvernement y seront. Il nous est apparu que dans la mondialisation, la globalisation, la présence d'une force politique à l'échelle du globe était indispensable. Pas simplement pour accumuler des adhésions à une grande organisation mais pour peser véritablement sur les débats qui doivent être ceux de la régulation des marchés.
Instrument de cohésion de la majorité plurielle
Et puis il y a une fonction que je n'ai pas précisée mais qui va de soi : assurer la cohérence de la majorité plurielle. Non pas que d'autres partenaires seraient dans l'incohérence, mais nous avons vocation à être la force de synthèse, la force qui doit représenter la recherche de l'intérêt général de la Gauche plurielle, au-delà même des intérêts particuliers y compris du nôtre. Parce que nous sommes peut-être le plus gros, gardons-nous de toute hégémonie, on nous le reprochera même si nous sommes enclin à la générosité. Refusons l'hégémonie mais participons de l'esprit de synthèse et de recherche d'intérêt général. Nous devons donc veiller au respect de l'identité de nos partenaires, et en même temps faire prévaloir la responsabilité. Si nous voulons faire de la Gauche, et c'est indispensable, un pôle de stabilité, il faut que le PS ait une mission particulière par rapport à cette légitime ambition.
Quels sont les objectifs du Parti socialiste pour 1999 en matière de grandes réformes.
Nous avons trois ou quatre grandes priorités :
I - L'EMPLOI
1°- Chute du chômage
Nous sommes tout à fait conscients que le chômage régresse; le taux de chômage a baissé d'un point l'année dernière et c'est considérable; mais en même temps, nous savons parfaitement que cette tâche doit être amplifiée. Nous savons parfaitement que ce qui compte ce n'est pas seulement les emplois créés, même s'il y en a eu 350 000, ce sont les emplois de demain.
a) soutien de la croissance :
Nous souhaitons que la croissance soit soutenue à travers la consommation. Il est clair que, compte tenu des évolutions internationales, nos exportations seront moins florissantes, il faut néanmoins observer que nous avons dégagé un excédent du Commerce extérieur de plus de 200 milliards de Francs en 1998. Lorsque cela dure 3 ans avec cette même ampleur, il est clair que nous ne pouvons pas demander au reste du monde de tirer notre croissance. L'investissement doit être encouragé et toutes les mesures qui ont été prises dans le budget 1999, notamment la baisse de la taxe professionnelle, vont dans ce sens. C'est la consommation qui reste le moteur principal.
La fin de l'inflation, même si quelques banquiers centraux ne s'en sont pas encore complètement rendu compte -peut-être ne font-ils pas leurs courses tous les ours-, provoque une évolution heureuse avec des gains en pouvoir d'achat qui ne seraient pas apparus autrement.
Nous avons mécaniquement un soutien de la consommation, s'il venait à manquer, il faudrait amplifier les mesures que nous appelons de nos vux depuis plusieurs mois de baisse de la TVA, de baisse ciblée pour encourager la consommation.
b) les emplois jeunes :
Il faut consolider et amplifier les emplois jeunes en les élargissant au secteur privé et de donner toute leur place aux mesures de lutte contre le chômage de longue durée.
La croissance crée l'emploi, c'est une évidence, mais l'emploi fait la croissance. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dissocier traitement social et traitement économique. Le traitement économique est bien sûr ce qui coûte le moins et rapporte le plus. Mais en même temps, les emplois jeunes, la lutte contre le chômage de longue durée permettent de réduire le taux de chômage et d'entretenir un moral des Français qui n'apparaîtrait pas si nous n'avions pas mis en place ces dispositifs.
2° - Les 35 heures
Il faut réussir les 35 heures. Sur 200 branches de plus de 10 000 salariés, une centaine sont en négociation ; 30 ont signé des accords ; certains de ces accords conviennent et respectent l'esprit, d'autres un peu moins. Il y a eu plus de 1000 accords d'entreprises en 1998, donc le mouvement est en marche; il faut néanmoins en accélérer le rythme et le secteur public de ce point de vue un modèle ; félicitons nous des accords à Air France et EDF. C'est cela qui doit nous conduire à préparer et à tenir ces rencontres avec les organisations patronales. A bien des égards, c'est d'ailleurs une première. Non pas parce que le MEDEF est une nouvelle organisation, il me semble que c'est une reconstitution non pas d'une ligue dissoute, mais en tout cas d'une structure qui existait précédemment. C'est une première d'inviter pour dialoguer, discuter, les organisations patronales. Nous les invitons toutes d'ailleurs, pas simplement le MEDEF, mais aussi la CGPME, l'union des artisans, la CAPEB... nous n'avons exclu personne.
Quel est l'esprit qui est le nôtre ? Nous voulons aborder cinq sujets qui nous tiennent à cur. Le premier, c'est les 35 heures. Nous sommes en faveur d'une deuxième loi qui devra être votée à la fin de cette année. Deuxièmement, nous sommes pour qu'il y ait une négociation, et à défaut si ces discussions n'aboutissaient pas une loi pour lutter contre la précarité de l'emploi. Nous sommes également soucieux de prévenir les licenciements. Nous voulons enfin une réforme des cotisations patronales, idée qui a été avancée à la fin de 1998 et qui doit trouver sa traduction en 1999. Enfin, nous sommes pour que les jeunes trouvent davantage leur place dans les entreprises.
C'est donc la première priorité des socialistes : l'emploi.
II - AMELIORATION DE LA VIE QUOTIDIENNE DES FRANCAIS
1°- Aménagement du territoire
Des textes très importants en matière d'aménagement du territoire, d'intercommunalité vont venir au Parlement. Nous souhaitons qu'il y ait une cohérence. Si nous voulons aménager le territoire, il faut traiter à la fois les villes et les agglomérations et en même temps les zones rurales. Car le malaise est également vrai dans les deux parties du territoire, entre des villes qui éclatent et des zones rurales qui se désertifient nous devons avoir la même priorité. Il faut parler de l'unité territoriale, de la cohésion territoriale. De ce qui fait le ciment d'une nation. Et donc l'aménagement de l'espace participe de cette ambition nationale; bien sûr en conformité avec nos engagements européens, en utilisant l'Europe comme réductrice d'inégalités. Il faut donc avoir une volonté politique forte en matière de territoire.
2°- La sécurité dans le pacte républicain
Il nous ensuite mettre la sécurité dans le pacte républicain. On ne peut pas parler de la sécurité en soi; il faut parler de la citoyenneté. C'est une politique globale. C'est une politique équilibrée : c'est agir à la fois sur les causes et sur les conséquences. Les causes sont bien sûr des villes qui n'arrivent pas à organiser leur développement, c'est l'emploi qui, notamment pour les plus modestes, notamment pour les plus jeunes, notamment pour les plus jeunes des quartiers difficiles, se pose avec beaucoup d'acuité. C'est aussi l'intégration et les services publics.
Agir sur les conséquences, nous avons commencé à le faire à travers les contrats locaux de sécurité, c'est à la fois une politique de prévention, de dissuasion, de réparation pour les victimes et une politique de sanction. Nous, en tant que socialistes, nous n'écartons aucun élément de ce dispositif. En matière de délinquance des mineurs, nous poursuivons depuis de longs mois cette discussion au sein du Bureau national et nous sommes bien évidemment avec ceux qui disent qu'il faut avoir une politique qui soit à la fois conforme à nos principes, nos engagements, nos valeurs et éloigne des quartiers les mineurs multirécidivistes.
III - LA JUSTICE SOCIALE
1°- Lutte contre l'exclusion
Nous veillerons à ce que le projet sur la Couverture maladie universelle corresponde à nos engagements. C'est une grande avancée sociale car il n'est pas tolérable que dans notre pays certains soient conduits à repousser des soins essentiels pour des raisons de couverture sociale et notre parti travaille sur ces questions, notamment Marisol Touraine.
2°- Politique de redistribution
Nous avons comme objectif la redistribution à l'égard des catégories les plus fragiles; les familles et nous sommes toujours favorables à ce qu'il y ait une aide pour le premier enfant; les jeunes pour lesquels il faut imaginer, et Jean Glavany lorsqu'il était secrétaire national à l'emploi avait fait des propositions, une allocation d'insertion dans le cadre des emplois jeunes du secteur privé.
3°- Politique fiscale
Elle doit privilégier, si baisse des prélèvements obligatoires il doit y avoir et nous la souhaitons, les baisses d'impôts qui concernent tous les Français. C'est pourquoi nous privilégions la baisse ciblée de TVA. Nous n'excluons pas qu'il y ait d'autres aménagements. Par exemple, pour la CSG, nous souhaitons qu'il y ait sans doute des rectifications par rapport aux ménages non imposables qui ont eu des assujettissements trop lourds par rapport à leur revenu d'épargne; la proposition d'un abattement est de bon sens.
Sur l'encouragement à l'innovation... Comment imaginer que les socialistes ne soient pas favorables à l'innovation ! Et même à la création d'entreprises; nous l'avons montré lors de cette convention " entreprises " qu'avaient animée Vincent Peillon et Michel Sapin. Nous sommes pour qu'il y ait des dispositifs qui encouragent la création d'entreprises; mais en même temps, le projet sur les stocks-option n'était pas la bonne option. Il faut donc avoir plutôt en tête un dispositif de renforcement de l'épargne salariale qui peut intéresser un certain nombre de catégories dans l'entreprise. Si on appelle cela " bon de croissance " cela ne nous gêne pas; si l'on peut appeler cela " bon d'emploi ", non plus.
Nous sommes pour que notre dispositif fiscal, notre dispositif social donnent priorité à la création de richesses et d'emplois.
IV - L'EUROPE
L'année 1999 est une année européenne d'abord parce qu'elle a commencé sous ces auspices là avec l'introduction de l'Euro, monnaie unique, voulu en France par François Mitterrand et Jacques Delors et mise en place par le Gouvernement de Lionel Jospin. Nous avons la fierté de voir que ceux qui ont lancé cette grande aventure de l'Euro -parce qu'ils avaient en tête la grande aventure européenne et notamment la volonté politique qu'il y avait de constituer sur ce continent des institutions qui nous soient communes et qui permettent d'influencer le monde, avaient vu juste.
Nous sommes pour la continuité de ces engagements, mais nous sommes pour que cet instrument monétaire, au-delà de la satisfaction des salles de marché, soit au service de la croissance et de l'emploi.
Nous sommes d'autant plus satisfaits de cette introduction de l'Euro que les conditions que nous avions fixées ont été pour l'essentiel respectées. Nous voulons poursuivre cette réorientation de la construction européenne. Ce sera l'objet de la convention nationale " Nation - Europe " que préparent Pierre Guidoni, Pervenche Beres et Alain Bergounioux. Nous le ferons avec le souci de mettre l'emploi et la croissance au cur. L'emploi et la croissance, cela veut dire de faire de ce Conseil de l'Euro un vrai lieu de coordination des politiques économiques; de se fixer comme objectif la lutte contre le chômage; d'avoir des critères en matière d'emploi qui soient de même nature que les critères financiers.
Europe sociale
Cela veut dire avoir une Europe sociale à travers des normes minimales; avoir une charte des droits sociaux; avoir une harmonisation fiscale, et je suis heureux de voir que les socialistes allemands sont les plus ardents militants de cette harmonisation qui doit éviter que certains pays se dotent davantage au détriment des autres à travers l'arme fiscale.
Enfin une Europe politique, et c'est tout l'objet de la réforme institutionnelle, et de la politisation des institutions.
La Gauche dans l'Europe
Il faut marquer l'influence de la Gauche en Europe. 11 Gouvernements sur 15 : nous en sommes très satisfaits. Ce qui doit compter maintenant, alors que nous sommes majoritaires au Conseil européen grâce à la présence de ces gouvernements de gauche, c'est que nous devons être majoritaires au Parlement européen; c'est cela l'objectif que nous nous fixons pour ces prochaines élections. Que la Gauche, que les sociaux-démocrates notamment, soient le pôle majoritaire de ce Parlement. Nous revendiquons aussi que la présidence de la commission, émanation du Conseil européen mais sous le contrôle du Parlement européen, revienne à une personnalité de Gauche. Et c'est par rapport à cette influence de la Gauche en Europe que nous préparons le manifeste européen qui est notre programme commun, notre charte commune, qui n'empêchera pas bien entendu, l'expression de position nationale par rapport à cette ambition européenne. Et pour marquer ce caractère " socialiste " et " européen " de la campagne, le PS proposera un grand rassemblement réunissant les principaux dirigeants socialistes et sociaux-démocrates européens vraisemblablement au mois d'avril.
Nous engagerons -bien évidemment et sous une forme que je ne peux totalement arrêter puisque cela dépendra beaucoup des discussions que nous aurons avec nos partenaires- une procédure de désignation de nos candidats, car nous aurons des candidats, le 18 janvier 1999 et elle s'achèvera fin mars avec le vote des militants sur cette liste qui sera bien sûr encadrée par une excellente tête de liste à l'image des militants du parti socialiste.
CONCLUSION
Nous, les socialistes, nous voulons réussir dans la durée. Nous sommes dans la majorité le pôle le plus important; nous avons des responsabilités particulières au Gouvernement; le Premier ministre est un des nôtres. Nous sommes élus pour une législature et nous voulons gouverner durant toute cette législature. Nous voulons travailler dans la durée mais en même temps nous devons faire de chaque année une urgence. Et c'est en ce sens que nous avons cette noble ambition de traiter l'immédiat et en même temps de préparer l'avenir. Nous essaierons d'être à la hauteur de cette ambition tout au long de l'année 1999 que nous vous souhaitons belle et que nous espérons aussi agréable que possible pour nous-mêmes.
(source http:// www.parti-socialiste.fr, le 9 février 2001)