Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'importance des PME et de l'artisanat pour l'emploi, et les mesures prises pour assurer son développement, Paris le 19 octobre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'Union des professions artisanales à Paris le 19 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Renaud,
Monsieur le président du Conseil économique et social, cher Jacques,
Messieurs les présidents,
Monsieur le président PERRIN
Chers amis,
J'éprouve quelques scrupules à parler après beaucoup d'autres à la fin de cette journée. Vous avez reçu des candidats, des apprentis candidats, des futurs candidats, vous avez reçu des responsables de grands partis ; je ne suis rien de tout cela, mais chef du Gouvernement. Et c'est bien comme chef du Gouvernement que je m'adresse à vous. Certains seront déçus de ne pas entendre de belles promesses, mais ma responsabilité à moi, ce n'est pas d'être une vedette de la politique, c'est bien d'être un artisan de la politique, un mécanicien, un horloger, un boulanger. C'est dire qu'il faut mettre la main dans le moteur et la main dans la pâte. Ça, vous connaissez bien, et je ne me contente pas de l'affirmer, je suis ici au nom d'un engagement et d'une conviction.
L'engagement, c'est de faire en sorte que tous ceux, dans notre pays, qui veulent entreprendre puissent le faire plus facilement, faire en sorte que tous les patrons de PME et artisans, qui veulent défendre leur activité et l'amour qu'ils ont de leur métier, puissent être mieux reconnus.
Et la conviction, c'est que le dynamisme français repose en grande partie sur ces PME et ces artisans et c'est ce que nous avons dit en fait depuis deux ans. Le dynamisme français dans la création d'emplois, le dynamisme français dans la capacité de s'adapter aujourd'hui à la modernité, le dynamisme français dans la création d'entreprises, c'est sur vous que nous avons voulu le fonder. C'est dire que notre rendez-vous d'aujourd'hui est important. Je sais le rôle central que jouent les artisans dans notre économie, mais aussi dans notre société. Vous êtes, et personne ne doit l'oublier dans notre pays, la « première entreprise de France ». Vous êtes une entreprise qui crée de la richesse et qui anime la vie économique de nos territoires - le bâtiment en est un fort bon exemple. Une entreprise qui crée, vous l'avez dit, plus de 400 000 emplois en 7 ans. On le voit bien, c'est considérable.
Ensuite, parce que vous contribuez clairement à renforcer le lien social. Vous exercez, là encore, un rôle central. Je pense par exemple aux zones rurales, à de nombreux villages, à des villes moyennes où les commerces de proximité sont souvent le premier lieu de rencontre et le premier lieu de convivialité. Je pense aussi aux personnes âgées ou isolées, à qui vous apportez à domicile des services indispensables pour la vie quotidienne. Je vois l'inquiétude de nos compatriotes - j'étais hier à Caen, je déjeunais avec un certain nombre de nos compatriotes qui me disaient : "on est inquiets pour nos services de santé ; quand on veut un médecin, il ne se déplace plus, et quand on cherche des médicaments, c'est parfois toute une nuit qu'il faut chercher. Par contre, nos artisans sont là". C'est vrai, vous êtes là pour répondre aux besoins des Français et je suis là pour vous dire, en leur nom, merci.
Enfin, vous jouez un rôle fondamental pour former les jeunes à travers l'apprentissage. Et c'est dire à quel point, dans cette solidarité vis-à-vis des générations, dans la transmission des savoirs, vous êtes aussi dans un rôle essentiel.
Je veux saluer la mobilisation remarquable des petites entreprises dans ce domaine. Vous y consacrez, je le sais, un temps considérable, bien davantage encore que les grandes entreprises, et à travers cet engagement, vous transmettez aux jeunes une expérience et des savoir-faire parfois très anciens, mais aussi les techniques et les procédés les plus innovants. Vous leur donnez le goût du métier, vous leur apprenez la précision du geste et l'amour du travail bien fait et je peux vous dire que les jeunes vous en sont reconnaissants. Il n'est que de se déplacer dans les différents centres d'apprentissage, de formation, pour constater à quel point leur premier contact avec vous, leur premier contact avec l'entreprise, leur premier contact avec le travail, c'est un geste de solidarité de votre part, c'est un aîné qui donne du temps, du savoir, de la patience, de la compréhension. . Et nous sommes là au coeur d'une tradition française.
Cet effort de formation, il est d'autant plus essentiel qu'il s'adresse à des jeunes de tous les milieux et de tous les horizons. A chacun d'entre eux, vous savez donner la chance d'apprendre un métier, la possibilité de trouver sa place dans la société. Vous leur ouvrez la perspective d'une véritable réussite professionnelle, avec à la clé l'opportunité de se mettre à son compte. En cela, l'artisanat est un vrai moteur de l'ascension sociale et de l'égalité des chances. Il est aussi en première ligne dans la lutte contre les discriminations. Je sais que c'est un axe fort de la politique menée par l'UPA, une préoccupation majeure qui s'inscrit pleinement dans les priorités du gouvernement.
Aujourd'hui, c je suis venu vous dire que nous avons plus que jamais besoin de vous, besoin de votre dynamisme, besoin de votre engagement. Je suis venu vous dire ma détermination, celle de Renaud DUTREIL et de l'ensemble du gouvernement pour vous aider à vous développer et à créer toujours davantage d'activité.
1. D'abord, nous voulons vous permettre d'embaucher davantage.
Aujourd'hui, le principal gisement d'emploi dans notre pays, ce sont les petites entreprises. Vous le savez mieux que personne : pour développer votre activité, pour élargir votre clientèle, il est souvent indispensable de recruter de nouveaux salariés. Mais pour vous, c'est toujours une décision difficile à prendre, une décision qui engage l'avenir de votre entreprise, qui vous demande un investissement personnel considérable. Vous hésitez d'autant plus à franchir le pas que les formalités administratives sont parfois complexes et les risques juridiques et financiers importants.
Pour vous permettre d'embaucher plus facilement, nous avons voulu mettre tous les atouts de votre côté.
Premier atout : le service public de l'orientation. Vous l'avez appelé de vos voeux. Un délégué interministériel à l'orientation a été nommé au mois de septembre pour le mettre en place. Il s'appuiera notamment sur les conclusions du rapport HETZEL qui me sera remis mardi prochain. Ce service permettra d'orienter dès la troisième les jeunes qui le souhaitent vers vos métiers.
Deuxième atout : le Contrat Nouvelles Embauches. Ce contrat, je l'ai voulu pour vous, artisans, pour vous dirigeants de petites entreprises, pour vous qui avez besoin de souplesse. Et c'est un contrat qui marche : en moins d'un an, 662 000 contrats ont été signés. Cela représente au moins 70 000 créations nettes d'emplois.
Le troisième atout, ce sont les allègements de charges sur les bas salaires, qui ont fait la preuve de leur efficacité pour favoriser la création d'emplois.
Comme je m'y étais engagé dans mon discours de politique générale, en juin 2005, ces allégements ont été pérennisés dès la loi de finances pour 2006.
J'ai décidé de franchir un pas supplémentaire dès la loi de finances pour 2007, en supprimant toutes les charges sociales relevant de la sécurité sociale au niveau du SMIC dans les entreprises de moins de 20 salariés. Cette mesure aura un impact favorable jusqu'à 1,6 SMIC. Cela représentera un allègement supplémentaire de 320 millions d'euros dès 2007, et de 640 millions en 2008. J'ai bien entendu vos inquiétudes : vous pouvez compter sur la détermination du gouvernement pour permettre l'adoption de cette mesure qui créera grâce à vous de nombreux emplois.
Le quatrième atout pour recruter, ce sont de nouveaux avantages que vous pourrez proposer à vos salari??s. Je sais, Monsieur le Président, que c'est pour vous un sujet d'inquiétude : les artisans, les petites entreprises doivent pouvoir offrir à leurs salariés les mêmes avantages que les grandes. C'est essentiel si nous voulons vous donner la possibilité de recruter des salariés de qualité. C'est pour cela que j'ai souhaité avancer dans deux directions.
La première, c'est la participation aux bénéfices, qui permet de mieux associer les salariés aux résultats de l'entreprise. Aujourd'hui, ce sont surtout les salariés des entreprises dont les effectifs sont supérieurs à 50 qui en bénéficient. Grâce à la loi « participation et actionnariat salarié » en cours d'adoption au Parlement, sa diffusion dans les plus petites entreprises sera favorisée, notamment grâce à la possibilité de bénéficier des formules de participation et d'intéressement négociées par les branches professionnelles. Il s'agit d'une avancée majeure pour ouvrir aux petites entreprises de nouvelles possibilités de rémunération. D'autres possibilités d'accès à la participation sont, vous le savez, en cours de discussion au Parlement : notre objectif est bien que toutes les entreprises qui le souhaitent puissent bénéficier d'une formule avantageuse permettant de redistribuer à leurs salariés une partie de leurs résultats.
La deuxième direction, c'est la prise en charge par les petites entreprises d'une partie du coût des mutuelles complémentaires. J'ai demandé à Renaud DUTREIL de conduire, en liaison avec Gérard LARCHER et Xavier BERTRAND, des consultations rapides avec l'ensemble des acteurs concernés. L'objectif, c'est d'élaborer un plan d'action qui réponde aux attentes des petites entreprises. Nous devons notamment trouver des solutions pour rééquilibrer le rapport de forces avec les grandes compagnies d'assurances au moment de la négociation des contrats.
Ces deux avancées concrètes, nous n'avons pas voulu en faire des contraintes supplémentaires pour les chefs d'entreprises. Nous avons voulu au contraire vous donner de véritables outils pour rendre vos emplois plus attractifs et pour faciliter l'embauche. C'est pour cela que ces dispositifs reposeront sur le volontariat.
2. Au-delà de cette action déterminée en faveur de l'emploi, ce que nous voulons, c'est conforter la place de l'artisan dans la société française.
Avec Renaud DUTREIL, dont vous connaissez l'engagement en faveur de l'artisanat, nous avons donc décidé d'accélérer l'entrée en vigueur de réformes qui vous sont chères.
Le gouvernement a mis en place la reconnaissance du conjoint collaborateur. Il s'agit d'une réforme fondamentale, qui donne un vrai statut aux 600 000 conjoints, pour l'essentiel conjointes, qui sont souvent un pilier essentiel de vos entreprises.
Comme je m'y étais engagé devant la CAPEB en avril dernier, le décret d'application du statut du conjoint collaborateur voté dans la loi en faveur des PME a été publié cet été.
Il sera complété par un décret fixant les taux de cotisations sociales proposés au chef d'entreprise pour la couverture sociale de son conjoint. Ce décret sera publié dans les tout prochains jours.
Nous avons également développé les fonds d'assurance formation. Renaud DUTREIL l'a préparée sur la base des propositions de l'UPA et de l'APCM. Je souhaite qu'elle soit examinée le plus rapidement possible par Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER. C'est indispensable si nous voulons donner un nouvel élan à la formation continue des artisans.
Nous avons aussi voulu franchir une nouvelle étape en matière de simplification administrative. Je sais que pour vous, c'est un sujet de préoccupation quotidienne : nous devons vous permettre de consacrer tout votre temps et toute votre énergie à votre métier.
C'est tout le sens du chèque TPE, qui permet déjà à près de 40 000 entrepreneurs de se décharger de la totalité des formalités liées à l'embauche : contrat de travail, déclaration des données sociales, établissement de la fiche de paie.
C'est aussi l'objectif de la création du Régime Social des Indépendants. A partir de 2008, vous serez en relation avec un interlocuteur social unique et avec un seul organisme de recouvrement des cotisations. Je sais combien il a fallu de détermination et de volonté pour surmonter les oppositions à cette réforme. Je tiens à remercier le Président de l'UPA, et le Président de l'ACOSS, pour leur rôle actif dans l'avancement de ce chantier.
Pour simplifier encore davantage vos relations avec l'administration, nous nous sommes fixés un objectif ambitieux pour 2007 : réduire de 20 % le coût des 110 formalités administratives les plus courantes, ce qui représente pour vous au total une économie de 200 millions d'euros. Jean-François COPE a d'ores et déjà engagé le travail de simplification sur une trentaine de procédures. Par ailleurs, il a demandé l'examen de 200 nouvelles démarches administratives parmi les plus lourdes pour les entreprises. Il me présentera un plan avant la fin de l'année.
Enfin, la quatrième réforme, c'est la réforme du dialogue social. Le Président de la République en a fixé les grands principes. Nous présenterons prochainement un projet de loi en ce sens. Vous pouvez compter sur notre engagement pour faire en sorte que le dialogue social dans les petites entreprises soit bien pris en compte.
A côté de ces réformes, il y a les dossiers concernant le commerce de proximité. Nous devons les aborder avec la plus grande prudence, en veillant en permanence à ce que l'artisanat et le commerce de centre-ville ne soient pas fragilisés. En ce qui concerne l'ouverture des commerces le dimanche, vous le savez, la réglementation est extrêmement complexe et les enjeux très importants. J'ai donc décidé de demander au Conseil Economique et Social, dont je salue le président, Monsieur Jacques DERMAGNE, de se saisir de cette question, dans le cadre des travaux qu'il mène actuellement sur le thème « consommation, commerce et mutations de la société ». Il me remettra son avis fin février. Nous devons aborder tous les aspects du problème.
Je pense naturellement à la question de la concurrence entre le grand et le petit commerce.
Je pense aussi à la nécessité de faire respecter la règle du repos dominical pour les salariés qui le souhaitent.
Je pense enfin aux conséquences de l'ouverture des commerces le dimanche sur d'autres activités, comme la pratique sportive ou les sorties culturelles qui se font le dimanche.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant de conclure, je souhaiterais dire un mot de l'annulation hier par le Conseil d'Etat d'une partie de l'accord collectif concernant le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Vous le savez, le soutien aux PME est une priorité de l'action gouvernementale. Le secteur des hôtels cafés restaurants joue un rôle déterminant pour développer l'activité économique, le tourisme et l'emploi dans notre pays. Dans ce cadre, la garantie des droits des salariés est une nécessité. Le Gouvernement appelle donc à l'ouverture immédiate de nouvelles négociations entre les partenaires sociaux. Elles devront porter notamment :
- sur les heures travaillées,
- sur une nouvelle grille salariale,
- et sur les congés payés.
Vous savez par ailleurs que le Gouvernement aide à la modernisation des hôtels cafés restaurants, au développement de l'emploi, et à l'amélioration du pouvoir d'achat grâce aux allégements de charges. Vous pouvez compter sur nous pour défendre ce secteur essentiel pour l'économie, le tourisme et la gastronomie de notre pays.
Vous le voyez, le gouvernement est à vos côtés. Grâce aux premières mesures que nous avons prises, les choses commencent à bouger et nous commençons à obtenir des résultats. En un an, le nombre de chômeurs a baissé de 310 000, le nombre de créations d'entreprises n'a jamais été aussi élevé : plus de 230 000, soit 40 % de plus qu'en 2001. La croissance est désormais fermement établie : elle devrait atteindre 2,3 % en 2006, son plus haut niveau depuis 6 ans.
Ces résultats, c'est à vous, je le sais, que nous les devons, c'est à votre travail et à votre énergie, c'est au dynamisme de vos entreprises. Ce dynamisme, le Programme Anti-Morosité (PAM) que vous avez lancé en est la meilleure illustration. C'est un message auquel je suis très sensible et je veux vous en remercier.
Ces résultats, ils doivent nous encourager à poursuivre nos efforts au quotidien. Ce n'est pas le moment d'attendre. Notre pays est engagé dans la bonne direction. A nous de prendre ensemble dès aujourd'hui les mesures nécessaires pour renforcer davantage encore la place de l'artisanat, pour conforter la croissance et créer des emplois. Et je sais que chacune et chacun d'entre vous a à coeur de répondre "présent" à ce rendez-vous.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 octobre 2006