Texte intégral
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Pendant longtemps, on a parlé au monde rural comme on parle au chevet d'un mourant : en évoquant les heures de gloire passées, en égrenant de vaines promesses, en refusant d'admettre la réalité, tout en sachant l'issue prochaine. On croyait que l'urbanisation et son cortège de modernité viendraient à bout de la ruralité. On pensait que nos agriculteurs ne résisteraient pas aux progrès de leur propre productivité et à l'émergence des nouveaux pays producteurs.
Or, de fait, depuis 1975, plus de deux millions et demi de personnes ont quitté les villes pour s'installer à la campagne. Depuis 1999, la croissance démographique est plus forte en zone rurale qu'en zone urbaine. Et, face à trois défis majeurs du nouveau siècle, le défi démographique, la sécurité alimentaire, la menace écologique, l'existence d'un puissant secteur agricole, capable de répondre à la demande alimentaire mondiale et de se déployer vers les biocarburants, vers la biomasse, vers la chimie verte, est devenue un atout stratégique évident.
Notre conviction absolue, la mienne, celle des parlementaires qui ont préparé cette Convention, c'est qu'il y a un grand espoir pour notre agriculture et un grand avenir pour notre monde rural. Notre projet, c'est une détermination totale pour aller au devant de ces espérances.
Il me faut toutefois commencer par évoquer avec vous le profond mal-être du monde agricole. La moitié des exploitants agricoles qui gagnent moins que le SMIC. Un revenu agricole en baisse depuis 1998. Des inégalités qui se creusent. Certains secteurs qui traversent une crise grave et durable : la viticulture, la volaille, les fruits et légumes, la pêche... Un tiers de nos équipages ont disparu depuis 1990.
La population agricole, c'est 900 000 actifs, mais aussi 3,6 millions de retraités, anciens exploitants et anciens salariés. Leur retraite moyenne est de moins de 400 euros par mois. Qui peut dire que c'est une situation digne et équitable, alors que le métier est par ailleurs si rude ? Oui, je le répète, pour nous à l'UMP, la vérité, c'est qu'il existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et qu'il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas aux régimes spéciaux de retraite.
Et puis, il n'y a pas que la question des revenus. Il y a l'identité. Agriculteur, pêcheur, c'est un projet de vie avant d'être un projet professionnel, c'est un état d'esprit avant d'être un métier. La PAC a été un outil formidable de modernisation de notre agriculture. Mais les aides publiques représentent aujourd'hui près de la moitié du revenu des agriculteurs, parfois davantage. La réglementation tatillonne, d'origine française et communautaire, et les contrôles multiples ont transformé le travail de la terre en une gestion quotidienne de paperasserie administrative. Cette situation donne de nos agriculteurs l'image d'une profession sous perfusion, tandis que ceux-ci s'interrogent légitimement sur l'utilité sociale que notre société leur reconnaît puisque les aides qui leur sont versées peuvent désormais, depuis le fameux « découplage », être indifférentes à leur production.
Notre intérêt évident, c'est le maintien d'une agriculture et d'une pêche de premier plan en France et en Europe.
Pour des raisons d'indépendance et de sécurité alimentaires : l'approvisionnement des Européens ne peut pas dépendre de pays étrangers, au surplus exposés à des crises sanitaires sur lesquelles nous n'aurions aucune maîtrise.
Pour des raisons économiques : ce sont des secteurs qui créent des richesses.
Pour des raisons d'aménagement du territoire. Même si la ruralité ne se confond plus avec l'agriculture et avec la pêche, celles-ci n'en restent pas moins les matrices de l'équilibre et de la vitalité du monde rural et du littoral.
Pour des raisons écologiques enfin : l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique exige que nous progressions rapidement dans l'utilisation des énergies renouvelables, dans la préservation de surfaces agricoles et forestières, qui jouent le rôle de puits de carbone, dans l'amélioration du rendement énergétique de nos industries, de nos transports, de nos logements, et, plus globalement, de notre mode de vie.
Or, notre agriculture peut y contribuer de trois manières. Les biocarburants d'abord. Il faut accélérer leur développement en les défiscalisant, comme l'a fait la Suède, et en créant une « pastille bleue », qui serait attribuée aux véhicules dits propres et qui leur ouvrirait droit à certains avantages comme le stationnement gratuit et la réduction des tarifs de péage.
L'exploitation de la biomasse et des forêts ensuite. Avec le même impact environnemental, nous pourrions tirer deux fois plus de bois de nos forêts. Et avec une filière plus développée en aval, nous pourrions éviter cette situation absurde où nous exportons du bois vers la Chine, qui nous est retourné en meubles.
La chimie verte enfin, c'est-à-dire les débouchés non alimentaires et non énergétiques de l'agriculture, le papier issu du chanvre, le plastique produit avec de la pomme de terre, les solvants avec du tournesol... Notre pays a tous les atouts pour exceller dans ces disciplines qui doivent concilier la puissance agricole, la puissance industrielle et la puissance scientifique.
C'est pourquoi, précisément, il faut que le contexte réglementaire de l'activité agricole soit en phase avec les aspirations de nos agriculteurs, qu'il leur permette de déployer tous leurs talents.
La PAC doit être plus simple, moins paperassière, c'est une évidence.
La PAC doit aller au bout de ses engagements, et, de ce point de vue, il est incompréhensible que la Commission européenne n'ait toujours pas fixé les règles de gestion des crises et des risques agricoles.
La PAC doit être mieux expliquée et mieux défendue. D'abord parce que ses principes fondateurs, le marché unique, la préférence communautaire et la solidarité financière, sont après tout les principes fondateurs de la construction européenne elle-même. Ensuite, parce que la PAC n'a cessé de se réformer depuis 1962 et a toujours rempli les objectifs qui lui étaient assignés. Ce que l'on demande à la plupart de nos concitoyens, c'est en gros de changer trois fois de paradigmes dans leur vie professionnelle. Et encore, certains trouvent que c'est beaucoup. Nos agriculteurs changent tous les quatre ans. Personne ne peut en être satisfait.
Quant au coût de la PAC, il n'est ni injustifié, ni excessif.
Il n'est pas injustifié, pour une raison simple : la baisse des prix agricoles, que nous avons d'abord voulue pour les consommateurs puis acceptée au titre de la libéralisation des échanges, rend impossible le maintien de certaines productions si celles-ci ne bénéficient pas de transferts publics. Or, ces productions, nous en avons besoin, aussi bien pour des raisons d'indépendance alimentaire que pour des raisons d'entretien des paysages. Sans élevage de montagne, plus de pistes de ski, par exemple. Par conséquent, puisque cet argent public est de toutes façons nécessaire, autant qu'il aide nos agriculteurs.
Mais le coût de la PAC n'est pas non plus excessif : la PAC représente 40% du budget communautaire, mais elle est quasiment la seule politique commune. Elle représente moins d'un demi-point du PNB de l'Union, dans un budget européen il est vrai plafonné. Quant à son coût par citoyen, il est inférieur à celui de la politique agricole américaine.
Ce que nos concitoyens doivent dès lors comprendre, c'est que pour ce prix, l'Europe a la garantie de son autosuffisance et de sa sécurité alimentaires, elle offre à ses ressortissants des produits sûrs, gouteux et peu chers, elle préserve et entretient ses paysages, elle équilibre ses campagnes et ses villes, elle a de nombreux emplois, elle dispose d'un instrument de puissance économique et commerciale, et elle a des atouts pour affronter le défi écologique. Assurément, nos agriculteurs, qui produisent 20 % de la production agricole européenne, y sont pour beaucoup. Ils peuvent être fiers de ce résultat.
La dernière réforme de la PAC a fixé des règles jusqu'en 2013. Il n'y a aucune raison d'en changer d'ici là.
Mais cela ne nous dispense aucunement, bien au contraire, ni de répondre au malaise agricole, ni de préparer les échéances futures. 2007-2012, ce n'est pas une période d'attente. Ce doit être une période de choix, de décisions, d'action.
Premièrement, il faut que nos agriculteurs puissent vivre de leur prix, de leur production, de leur travail. C'est la condition de leur dignité. Cela ne signifie pas que les aides vont disparaître. Les aides sont nécessaires. Mais cela veut dire qu'à l'occasion du découplage, il faut tout faire pour orienter davantage la production vers la demande et augmenter la part des prix dans les revenus des agriculteurs.
Concrètement, cela passe par une présence sans complexe sur les marchés internationaux, j'y reviendrai, mais aussi par le développement des produits labellisés, de niche, de terroir, qu'il faut rendre plus lisibles. Cela passe aussi par les circuits courts, la pluriactivité, le tourisme vert, la solvabilisation des activités non agricoles des exploitants.
Je pense que nous avons trop tardé à encourager l'agriculture bio, laquelle ne disqualifie nullement l'agriculture conventionnelle. L'attrait des consommateurs pour ces produits ne se dément pas et il est dommage que nous soyons obligés d'importer plus de la moitié de notre consommation bio. En tant que Président du Conseil général des Hauts-de-Seine, j'ai décidé que les cantines scolaires du département seraient approvisionnées en produits bio pour tous les produits possibles. Il faut créer un marché, et plus la demande sera importante, plus les exploitations seront rentables et moins les prix seront élevés.
Vivre des prix et de la production, c'est aussi mieux s'organiser, entre producteurs et dans les interprofessions, pour que le partage de la valeur ajoutée soit plus équitable, moins localisé vers l'aval, moins évaporé dans les fameux rabais, remises, ristournes et marges arrière de la grande distribution. L'Etat doit pour sa part appliquer sans concession les règles de la concurrence loyale, favoriser la déconcentration de la grande distribution et permettre la transparence des prix.
Deuxièmement, il faut répondre aux problèmes spécifiques de certains secteurs. Notre agriculture est très hétérogène. Certains secteurs ne reçoivent aucune aide de la PAC. C'est le cas par exemple des fruits et légumes, ainsi que du secteur viticole, qui traverse une crise sans précédent.
En ce qui concerne la viticulture, une stratégie de reconquête des marchés internationaux, naturellement conçue avec toutes les parties prenantes, doit être mise en oeuvre. Elle doit donner plus de liberté aux producteurs pour l'étiquetage, permettre la création de marques au niveau international, conduire à une offre plus claire, mieux marketée et mieux organisée selon les différentes cibles du marché mondial. L'INAO doit être un facilitateur et un instrument de conquête, pas un facteur de complexification.
Nous n'avons pas le droit, par ailleurs, d'abandonner notre secteur de la pêche. Il y a une demande des consommateurs. Mais aujourd'hui, nous importons 85 % de notre consommation. Il y a tout un littoral et tout un secteur économique dont la vitalité dépend de la pêche. La pêche imprègne profondément l'identité de certaines de nos régions.
J'ai relevé qu'aux yeux de tous les experts, la ressource halieutique ne manque pas. Cela ne veut pas dire que certaines espèces ne sont pas gravement menacées. Cela veut dire que, si elles étaient mieux gérées, nous n'aurions pas les difficultés que nous connaissons actuellement. C'est un problème avant tout mondial dans lequel la France doit s'investir au niveau international. 1 % des navires sont responsables de 50 % des prises. Mais dans cette grande pêche industrielle, qui est la cause principale du dépeuplement des fonds marins, on trouve surtout des navires asiatiques ou d'Europe du Nord, et quasiment pas de navires français.
Troisièmement, il faut poursuivre la politique d'aide à l'installation de jeunes agriculteurs et mieux maîtriser l'urbanisation progressive d'une partie de nos terres agricoles. Un département de terres agricoles disparaît tous les six ans. Un agriculteur sur deux qui part à la retraite n'est pas remplacé. C'est incompatible avec une demande mondiale de produits agricoles qui va augmenter et à laquelle la France doit pouvoir répondre.
Enfin, il faut investir dans la recherche et l'innovation. La société de la connaissance ne se fait pas contre l'agriculture. Elle est au contraire une promesse de nouveaux produits, plus sains, plus performants, moins polluants, dans tous les domaines de l'agriculture, depuis l'alimentation jusqu'à la chimie verte.
Comme beaucoup de consommateurs et d'agriculteurs, je ne perçois pas, pour le moment, le service réellement rendu par les OGM qui sont mis en culture dans le monde. Je partage donc leurs réticences à ce que nous les utilisions. Je pense en revanche que nous devons poursuivre l'effort de recherche : en premier lieu, parce que c'est la condition de notre indépendance scientifique vis-à-vis de pays qui investissent massivement dans les OGM et qui pourraient être tentés plus tard de nous imposer leurs vues ; en second lieu, parce que rien ne permet d'exclure que les OGM permettent un jour, dans des conditions totalement sûres, des avancées spectaculaires en matière environnementale, en matière d'alimentation humaine, et même en matière médicamenteuse. La France ne doit donc pas rester à l'écart.
Il faut tout faire en contrepartie pour que cette recherche soit entourée des meilleures garanties et que les associations de défense de l'environnement ainsi que les agriculteurs soient réellement associés à la surveillance et à l'encadrement de ces travaux. De manière générale, la transparence, l'information, l'association de tous les partenaires sont en la matière, comme en tout ce qui concerne la santé humaine, une nécessité absolue. C'est la condition de la précaution, mais aussi de la confiance, et donc du progrès.
Quel doit être l'avenir de la PAC ?
Trois principes me paraissent clairs : l'indépendance et la sécurité alimentaires de l'Europe sont des objectifs non négociables ; les exigences de l'aménagement du territoire et de l'équilibre entre les villes et les campagnes, font que nous aurons toujours besoin d'aides publiques pour le développement rural, pour l'installation des jeunes, pour la préservation des petites exploitations. Elles peuvent être réparties différemment, de manière plus égalitaire. Elles seront toujours nécessaires ; enfin, la préférence communautaire est un principe fondateur. Si nous ne sommes pas capables de le défendre, à quoi sert-il que nous fassions l'Europe ?
A l'intérieur de ces principes en revanche, le débat peut se dérouler de manière sereine. Il n'est pas interdit de réfléchir à une meilleure articulation entre ce qui doit relever de l'Union européenne et ce qui doit relever des Etats membres. Il n'est pas non plus indécent de penser que le budget communautaire pourrait augmenter en pourcentage du PIB européen. Nous voulons une Europe des projets concrets. Cela suppose la mobilisation de ressources communes. Mais le choix n'est pas binaire : entre la mise à mort de la PAC et le renoncement à une politique européenne de la recherche, de l'énergie, de l'écologie, il existe une troisième solution, qui a du sens : c'est celle de l'augmentation du budget commun
Quelle que soit la solution, l'agriculture restera en tout état de cause une priorité communautaire. La PAC n'est pas seulement une question budgétaire. C'est une question de puissance et de sécurité. La PAC n'est pas un concept daté, c'est au contraire un concept stratégique. Penser l'agriculture à l'échelle européenne restera une nécessité et le rôle de la France sera de prendre, plus que tout autre, la tête de ce combat.
Pour les mêmes raisons, les négociations au sein de l'OMC doivent repartir sur des bases saines et des objectifs clarifiés. Je réfute vigoureusement la logique qui voudrait que nous échangions notre agriculture contre des services. Non pas que je sois contre les échanges. Non pas que j'ignore nos avantages comparatifs dans le domaine des services. Mais tout simplement, parce que les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres et que l'agriculture est une condition de notre sécurité et de l'équilibre de nos territoires.
La manière dont les intérêts de l'Union européenne sont défendus à l'OMC est stupéfiante. L'Europe négocie sans stratégie parce que les intérêts de ses Etats membres sont divergents. Au cours des derniers mois, elle s'est mise en situation de grand risque, en faisant des concessions importantes sans aucune contrepartie. Je souhaite qu'un représentant politique, se concertant bien plus souvent avec les ministres concernés, représente nos intérêts dans les négociations de l'OMC.
L'ouverture des marchés aux produits des pays les moins avancés doit être équitablement répartie. Il n'y a plus de raison que des pays comme la Chine ou le Brésil n'y prennent pas leur juste part. Il faut également privilégier la création de marchés intégrés au niveau régional. C'est le meilleur moyen de développer les productions locales.
Je pense enfin qu'il est temps de poser un certain nombre de questions dans les enceintes de l'OMC. Au sujet de l'agriculture, mais pas seulement. Qu'en est-il du dumping social, fiscal, sanitaire ? Qu'en est-il du dumping environnemental ?
Je mets très clairement cette alternative sur la table : ou bien l'ensemble des pays du monde développé et émergent, soumet son agriculture au respect de normes environnementales et ses industries au respect de quotas d'émission de gaz à effet de serre, ou bien l'Europe, qui, elle, a institué ces normes et ces quotas, se reconnaîtra le droit de taxer les biens en provenance de pays qui ne font pas les mêmes efforts. A l'heure où de graves menaces écologiques pèsent sur la planète, le commerce mondial ne peut pas faire comme si de rien n'était. Le libre-échange accroît la richesse de tous, mais si c'est pour ruiner notre environnement en faisant fabriquer à Canton des meubles qui pourraient être produits en France parce qu'ils sont construits avec du bois français, quel en est le sens ? La taxe Cambridge permet de refléter dans le prix de chaque bien le coût environnemental de sa production et de son transport. Il est urgent de réfléchir à sa mise en place.
Mes chers amis, vous l'aurez compris, je m'adresse à vous ce soir avec une grande confiance dans l'avenir de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire, et une forte détermination à participer à la construction des promesses du futur.
Pour nous, le monde agricole ne se résume pas à la coexistence de deux types d'exploitants, les uns coupables de tout polluer et de toucher toutes les subventions, les autres parés de toutes les vertus du terroir, de la qualité et du courage. Entre les grandes exploitations de la Beauce, fortement mécanisées, et l'agriculteur de montagne spécialisé dans la production de fromages, il existe toute une variété de situations qui font la richesse de notre agriculture et de notre territoire.
Mais il existe aussi une unité du monde agricole et du monde de la pêche. Une unité fondée sur des valeurs, que, nous, à l'UMP, nous apprécions : le travail, la liberté d'entreprise, le respect de la propriété, la culture du résultat, la solidarité concrète, avec le plaisir du don pour celui qui aide et le sens du devoir pour celui qui reçoit.
Le monde rural est à l'image du monde agricole. Il est divers. Les problèmes de l'Ardèche ne sont pas ceux du Vexin français. Mais il est aussi uni dans les demandes spécifiques qu'il adresse à la puissance publique.
Gardons-nous d'abord d'une vision par trop idyllique de la vie en milieu rural. Certains de nos concitoyens ont choisi d'habiter en zone rurale pour y trouver le calme, une certaine convivialité, et s'éloigner des nuisances de la vie urbaine. Mais beaucoup de Français des classes moyennes habitent en périphérie des villes parce que l'immobilier en centre ville et dans les proches banlieues est devenu inabordable. Ils y rencontrent des difficultés concrètes : des logements anciens ; pas assez de logements locatifs ; un besoin de sécurité exacerbé par l'isolement ; une offre de services publics pas toujours aussi dynamique que la croissance démographique, par exemple en ce qui concerne la garde des jeunes enfants.
Il existe 25 places de crèches pour 100 enfants de moins de trois ans à Paris, ce qui n'est déjà pas beaucoup, mais seulement 4 en zone rurale. Dans la République des droits réels que nous voulons construire, chaque famille qui le souhaite sera assurée de pouvoir faire garder son enfant, car la première égalité entre les hommes et les femmes est que les femmes ne soient plus obligées de choisir entre leur vie de femme, leur vie de mère et leur vie professionnelle.
Gardons également à l'esprit que le repeuplement du monde rural est loin d'être uniforme. Le dynamisme démographique de certains cantons ne saurait dissimuler que l'exode rural se poursuit dans d'autres. Pour environ un quart des communes rurales, le dépeuplement persiste, avec ses conséquences associées : absence de repreneur pour les exploitations agricoles, abandon des maisons, fermeture des commerces et des services publics, isolement des personnes âgées.
Face à ces réalités plurielles, nous avons des convictions et des lignes d'action qui sont celles de notre projet.
D'abord, nous savons que, même en zone rurale, il y a aujourd'hui plus d'emplois dans l'industrie et les services que dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire. Ces dernières restent dominantes dans certains cantons, structurantes dans tous les autres. Mais le dynamisme des zones rurales doit reposer sur l'ensemble des secteurs d'activité.
Des efforts sont à faire dans l'accès aux voies de circulation rapide et dans le développement des transports collectifs. C'est une priorité pour une majorité d'habitants des zones rurales. Il en est de même pour l'équipement en téléphonie mobile et plus encore pour Internet. Internet, c'est indispensable pour toute entreprise, mais c'est aussi une source d'activités nouvelles, aisément localisables à la campagne, comme le télétravail, les centres d'appel, et toutes les formes de travail à distance.
La question des services publics est naturellement tout à fait essentielle.
Nous, toutefois, nous ne l'abordons pas de manière dogmatique. D'abord, parce que ce n'est pas seulement une question de services publics, mais une question de services au public, c'est-à-dire que cela comprend également les commerces, les taxis, les services bancaires, les personnels de santé.... Ensuite, parce que c'est une question polymorphe. Dans le rural profond, c'est la crainte de la fermeture qui fait problème. Dans les zones périurbaines, c'est le décalage entre le dynamisme démographique et l'offre de services publics, qui s'adapte trop lentement.
Les solutions existent. Depuis juillet 2005, ce sont les préfets qui sont chargés, au terme d'une concertation avec tous les acteurs concernés, de proposer et de mettre en oeuvre une organisation des différents services au public répondant aux besoins des habitants des zones rurales dans leur département. C'est en effet dans la mutualisation des services que se trouvent les solutions, comme l'a montré l'expérience réussie et appréciée des Points Poste. Cette approche locale et globalisante est naturellement préférable à la démarche nationale et cloisonnée qui a si longtemps prévalue.
Par ailleurs, nous devons fixer la règle qu'aucune réforme dans l'organisation d'un service public en milieu rural ne doit intervenir en l'absence de solution offrant un service de qualité supérieure. C'est une règle juste et performante. Un Point Poste, ce n'est pas la Poste, mais c'est ouvert plus longtemps, et finalement c'est mieux. Un regroupement d'écoles, ce n'est pas l'école de son enfant dans sa commune, mais si cela permet d'avoir une cantine et deux classes selon les âges au lieu d'une seule, c'est mieux également.
S'agissant de la santé, il faut exploiter toutes les possibilités d'incitation des médecins à s'installer en zone rurale. Mais il faut aussi répondre aux difficultés et même aux risques de la solitude. Une solution est de favoriser le regroupement de médecins généralistes et spécialistes dans des cabinets de groupe ou dans des hôpitaux locaux desservant un ensemble de communes.
Il faut prêter une attention particulière aux questions de logement locatif, de garde des jeunes enfants et d'accompagnement des personnes âgées. Ce sont des attentes prioritaires.
Enfin, je souhaiterais que nous puissions inventer une autre relation, un autre dialogue entre la ruralité et l'environnement, entre l'agriculture et l'écologie.
L'écologie est une préoccupation forte de l'UMP. C'est une préoccupation forte des habitants du monde rural. C'est une préoccupation forte de l'immense majorité des agriculteurs. Pour une raison simple : on ne passe pas sa vie entière à travailler la terre ou à élever des bêtes si l'on n'a aucun sens des équilibres naturels et aucune passion pour la nature. Si nous qui vivons en ville, ressentons régulièrement les effets du changement climatique, comment pourrions-nous croire que nos agriculteurs seraient les seuls à ne pas les percevoir ? Mais jusqu'à ce jour, tout a été fait pour opposer les défenseurs de la nature aux agriculteurs.
Cela ne veut pas dire qu'il faut être complaisant avec les problèmes écologiques posés par certaines activités agricoles. Les efforts entrepris pour une gestion économe de l'eau et le bien-être animal doivent être poursuivis. Il faut également limiter l'usage des pesticides par une formation adaptée des agriculteurs, qui ne doit pas relever uniquement des producteurs de produits phytosanitaires. C'est une priorité, à commencer pour la santé de nos agriculteurs.
Mais le monde rural n'est pas voué à être l'écomusée de la France, pendant que le monde urbain serait autorisé à tout gaspiller, à tout consommer, à tout détruire. Les agriculteurs ne sont pas condamnés à être désignés comme les coupables de nos nuisances écologiques, alors qu'ils sont les premières victimes de l'abus des produits phytosanitaires et que c'est à la campagne que l'on enfouit les déchets des villes. Faire participer nos agriculteurs à la protection de l'environnement, ce n'est pas en faire des jardiniers du paysage. Il y a dans le travail de la terre, tout comme dans l'élevage, la pêche et la pratique de la chasse, une connaissance inestimable des milieux, des sols et des espèces. La France, c'est 54 % de terres cultivées et 27 % de forêts. C'est donc une attitude stérile que d'opposer chasseurs et écologistes, agriculteurs et protecteurs de l'environnement, alors que nous avons tant à gagner à ce que les uns et les autres travaillent ensemble.
Dans un livre récent, remarquable et remarqué, au titre puissamment évocateur, « L'effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », le biologiste américain Jared Diamond a établi la liste des 12 processus par lesquels des sociétés anciennes ou récentes ont endommagé leur environnement et causé leur propre perte, en d'autres termes se sont « écocidées ». Sur ces 12 processus, l'agriculture est concernée de manière directe ou indirecte par 10 d'entre eux : la gestion des forêts, l'utilisation des sols, la gestion de l'eau, la chasse et la pêche, pour ne citer que les principaux. Penser que nous pourrons relever le défi écologique sans ou contre les agriculteurs est tout simplement une aberration.
Mes chers amis, je voudrais pour conclure m'adresser à ceux d'entre vous qui sont pêcheurs, agriculteurs, ou qui vivent en milieu rural, et qui nous ont fait l'honneur d'être parmi nous aujourd'hui.
Je voudrais vous dire très simplement que je suis effectivement issu d'un milieu urbain, que j'y ai fait toute ma carrière politique, que je n'ai pas d'attache dans une province rurale française. Je sais que, de vous, j'ai tout à apprendre.
Mais je vous demande de bien vouloir considérer ceci :
- d'abord, ce n'est pas parce que l'on est urbain, que l'on n'est pas capable d'être à l'écoute du monde rural et du monde agricole. Etre à votre écoute, ce n'est pas forcément être à votre image ;
- ensuite, faites-moi la grâce de bien vouloir croire que les valeurs qui sont les vôtres, ces valeurs qui irriguent en profondeur la société française, le travail, le pragmatisme, la liberté, la ténacité, le souci de construire et de transmettre, je les partage au plus haut degré ;
- enfin, dites-vous bien que, si je n'ai pas d'attaches rurales en France, je n'en suis pas moins capable, du fait de mes origines, de comprendre et de partager ce qui fait le rapport à la terre. Croyez moi, nous partageons sans doute beaucoup plus que ce que pourraient laisser croire les apparences.
source http://www.u-m-p.org, le 19 octobre 2006
Pendant longtemps, on a parlé au monde rural comme on parle au chevet d'un mourant : en évoquant les heures de gloire passées, en égrenant de vaines promesses, en refusant d'admettre la réalité, tout en sachant l'issue prochaine. On croyait que l'urbanisation et son cortège de modernité viendraient à bout de la ruralité. On pensait que nos agriculteurs ne résisteraient pas aux progrès de leur propre productivité et à l'émergence des nouveaux pays producteurs.
Or, de fait, depuis 1975, plus de deux millions et demi de personnes ont quitté les villes pour s'installer à la campagne. Depuis 1999, la croissance démographique est plus forte en zone rurale qu'en zone urbaine. Et, face à trois défis majeurs du nouveau siècle, le défi démographique, la sécurité alimentaire, la menace écologique, l'existence d'un puissant secteur agricole, capable de répondre à la demande alimentaire mondiale et de se déployer vers les biocarburants, vers la biomasse, vers la chimie verte, est devenue un atout stratégique évident.
Notre conviction absolue, la mienne, celle des parlementaires qui ont préparé cette Convention, c'est qu'il y a un grand espoir pour notre agriculture et un grand avenir pour notre monde rural. Notre projet, c'est une détermination totale pour aller au devant de ces espérances.
Il me faut toutefois commencer par évoquer avec vous le profond mal-être du monde agricole. La moitié des exploitants agricoles qui gagnent moins que le SMIC. Un revenu agricole en baisse depuis 1998. Des inégalités qui se creusent. Certains secteurs qui traversent une crise grave et durable : la viticulture, la volaille, les fruits et légumes, la pêche... Un tiers de nos équipages ont disparu depuis 1990.
La population agricole, c'est 900 000 actifs, mais aussi 3,6 millions de retraités, anciens exploitants et anciens salariés. Leur retraite moyenne est de moins de 400 euros par mois. Qui peut dire que c'est une situation digne et équitable, alors que le métier est par ailleurs si rude ? Oui, je le répète, pour nous à l'UMP, la vérité, c'est qu'il existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et qu'il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas aux régimes spéciaux de retraite.
Et puis, il n'y a pas que la question des revenus. Il y a l'identité. Agriculteur, pêcheur, c'est un projet de vie avant d'être un projet professionnel, c'est un état d'esprit avant d'être un métier. La PAC a été un outil formidable de modernisation de notre agriculture. Mais les aides publiques représentent aujourd'hui près de la moitié du revenu des agriculteurs, parfois davantage. La réglementation tatillonne, d'origine française et communautaire, et les contrôles multiples ont transformé le travail de la terre en une gestion quotidienne de paperasserie administrative. Cette situation donne de nos agriculteurs l'image d'une profession sous perfusion, tandis que ceux-ci s'interrogent légitimement sur l'utilité sociale que notre société leur reconnaît puisque les aides qui leur sont versées peuvent désormais, depuis le fameux « découplage », être indifférentes à leur production.
Notre intérêt évident, c'est le maintien d'une agriculture et d'une pêche de premier plan en France et en Europe.
Pour des raisons d'indépendance et de sécurité alimentaires : l'approvisionnement des Européens ne peut pas dépendre de pays étrangers, au surplus exposés à des crises sanitaires sur lesquelles nous n'aurions aucune maîtrise.
Pour des raisons économiques : ce sont des secteurs qui créent des richesses.
Pour des raisons d'aménagement du territoire. Même si la ruralité ne se confond plus avec l'agriculture et avec la pêche, celles-ci n'en restent pas moins les matrices de l'équilibre et de la vitalité du monde rural et du littoral.
Pour des raisons écologiques enfin : l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique exige que nous progressions rapidement dans l'utilisation des énergies renouvelables, dans la préservation de surfaces agricoles et forestières, qui jouent le rôle de puits de carbone, dans l'amélioration du rendement énergétique de nos industries, de nos transports, de nos logements, et, plus globalement, de notre mode de vie.
Or, notre agriculture peut y contribuer de trois manières. Les biocarburants d'abord. Il faut accélérer leur développement en les défiscalisant, comme l'a fait la Suède, et en créant une « pastille bleue », qui serait attribuée aux véhicules dits propres et qui leur ouvrirait droit à certains avantages comme le stationnement gratuit et la réduction des tarifs de péage.
L'exploitation de la biomasse et des forêts ensuite. Avec le même impact environnemental, nous pourrions tirer deux fois plus de bois de nos forêts. Et avec une filière plus développée en aval, nous pourrions éviter cette situation absurde où nous exportons du bois vers la Chine, qui nous est retourné en meubles.
La chimie verte enfin, c'est-à-dire les débouchés non alimentaires et non énergétiques de l'agriculture, le papier issu du chanvre, le plastique produit avec de la pomme de terre, les solvants avec du tournesol... Notre pays a tous les atouts pour exceller dans ces disciplines qui doivent concilier la puissance agricole, la puissance industrielle et la puissance scientifique.
C'est pourquoi, précisément, il faut que le contexte réglementaire de l'activité agricole soit en phase avec les aspirations de nos agriculteurs, qu'il leur permette de déployer tous leurs talents.
La PAC doit être plus simple, moins paperassière, c'est une évidence.
La PAC doit aller au bout de ses engagements, et, de ce point de vue, il est incompréhensible que la Commission européenne n'ait toujours pas fixé les règles de gestion des crises et des risques agricoles.
La PAC doit être mieux expliquée et mieux défendue. D'abord parce que ses principes fondateurs, le marché unique, la préférence communautaire et la solidarité financière, sont après tout les principes fondateurs de la construction européenne elle-même. Ensuite, parce que la PAC n'a cessé de se réformer depuis 1962 et a toujours rempli les objectifs qui lui étaient assignés. Ce que l'on demande à la plupart de nos concitoyens, c'est en gros de changer trois fois de paradigmes dans leur vie professionnelle. Et encore, certains trouvent que c'est beaucoup. Nos agriculteurs changent tous les quatre ans. Personne ne peut en être satisfait.
Quant au coût de la PAC, il n'est ni injustifié, ni excessif.
Il n'est pas injustifié, pour une raison simple : la baisse des prix agricoles, que nous avons d'abord voulue pour les consommateurs puis acceptée au titre de la libéralisation des échanges, rend impossible le maintien de certaines productions si celles-ci ne bénéficient pas de transferts publics. Or, ces productions, nous en avons besoin, aussi bien pour des raisons d'indépendance alimentaire que pour des raisons d'entretien des paysages. Sans élevage de montagne, plus de pistes de ski, par exemple. Par conséquent, puisque cet argent public est de toutes façons nécessaire, autant qu'il aide nos agriculteurs.
Mais le coût de la PAC n'est pas non plus excessif : la PAC représente 40% du budget communautaire, mais elle est quasiment la seule politique commune. Elle représente moins d'un demi-point du PNB de l'Union, dans un budget européen il est vrai plafonné. Quant à son coût par citoyen, il est inférieur à celui de la politique agricole américaine.
Ce que nos concitoyens doivent dès lors comprendre, c'est que pour ce prix, l'Europe a la garantie de son autosuffisance et de sa sécurité alimentaires, elle offre à ses ressortissants des produits sûrs, gouteux et peu chers, elle préserve et entretient ses paysages, elle équilibre ses campagnes et ses villes, elle a de nombreux emplois, elle dispose d'un instrument de puissance économique et commerciale, et elle a des atouts pour affronter le défi écologique. Assurément, nos agriculteurs, qui produisent 20 % de la production agricole européenne, y sont pour beaucoup. Ils peuvent être fiers de ce résultat.
La dernière réforme de la PAC a fixé des règles jusqu'en 2013. Il n'y a aucune raison d'en changer d'ici là.
Mais cela ne nous dispense aucunement, bien au contraire, ni de répondre au malaise agricole, ni de préparer les échéances futures. 2007-2012, ce n'est pas une période d'attente. Ce doit être une période de choix, de décisions, d'action.
Premièrement, il faut que nos agriculteurs puissent vivre de leur prix, de leur production, de leur travail. C'est la condition de leur dignité. Cela ne signifie pas que les aides vont disparaître. Les aides sont nécessaires. Mais cela veut dire qu'à l'occasion du découplage, il faut tout faire pour orienter davantage la production vers la demande et augmenter la part des prix dans les revenus des agriculteurs.
Concrètement, cela passe par une présence sans complexe sur les marchés internationaux, j'y reviendrai, mais aussi par le développement des produits labellisés, de niche, de terroir, qu'il faut rendre plus lisibles. Cela passe aussi par les circuits courts, la pluriactivité, le tourisme vert, la solvabilisation des activités non agricoles des exploitants.
Je pense que nous avons trop tardé à encourager l'agriculture bio, laquelle ne disqualifie nullement l'agriculture conventionnelle. L'attrait des consommateurs pour ces produits ne se dément pas et il est dommage que nous soyons obligés d'importer plus de la moitié de notre consommation bio. En tant que Président du Conseil général des Hauts-de-Seine, j'ai décidé que les cantines scolaires du département seraient approvisionnées en produits bio pour tous les produits possibles. Il faut créer un marché, et plus la demande sera importante, plus les exploitations seront rentables et moins les prix seront élevés.
Vivre des prix et de la production, c'est aussi mieux s'organiser, entre producteurs et dans les interprofessions, pour que le partage de la valeur ajoutée soit plus équitable, moins localisé vers l'aval, moins évaporé dans les fameux rabais, remises, ristournes et marges arrière de la grande distribution. L'Etat doit pour sa part appliquer sans concession les règles de la concurrence loyale, favoriser la déconcentration de la grande distribution et permettre la transparence des prix.
Deuxièmement, il faut répondre aux problèmes spécifiques de certains secteurs. Notre agriculture est très hétérogène. Certains secteurs ne reçoivent aucune aide de la PAC. C'est le cas par exemple des fruits et légumes, ainsi que du secteur viticole, qui traverse une crise sans précédent.
En ce qui concerne la viticulture, une stratégie de reconquête des marchés internationaux, naturellement conçue avec toutes les parties prenantes, doit être mise en oeuvre. Elle doit donner plus de liberté aux producteurs pour l'étiquetage, permettre la création de marques au niveau international, conduire à une offre plus claire, mieux marketée et mieux organisée selon les différentes cibles du marché mondial. L'INAO doit être un facilitateur et un instrument de conquête, pas un facteur de complexification.
Nous n'avons pas le droit, par ailleurs, d'abandonner notre secteur de la pêche. Il y a une demande des consommateurs. Mais aujourd'hui, nous importons 85 % de notre consommation. Il y a tout un littoral et tout un secteur économique dont la vitalité dépend de la pêche. La pêche imprègne profondément l'identité de certaines de nos régions.
J'ai relevé qu'aux yeux de tous les experts, la ressource halieutique ne manque pas. Cela ne veut pas dire que certaines espèces ne sont pas gravement menacées. Cela veut dire que, si elles étaient mieux gérées, nous n'aurions pas les difficultés que nous connaissons actuellement. C'est un problème avant tout mondial dans lequel la France doit s'investir au niveau international. 1 % des navires sont responsables de 50 % des prises. Mais dans cette grande pêche industrielle, qui est la cause principale du dépeuplement des fonds marins, on trouve surtout des navires asiatiques ou d'Europe du Nord, et quasiment pas de navires français.
Troisièmement, il faut poursuivre la politique d'aide à l'installation de jeunes agriculteurs et mieux maîtriser l'urbanisation progressive d'une partie de nos terres agricoles. Un département de terres agricoles disparaît tous les six ans. Un agriculteur sur deux qui part à la retraite n'est pas remplacé. C'est incompatible avec une demande mondiale de produits agricoles qui va augmenter et à laquelle la France doit pouvoir répondre.
Enfin, il faut investir dans la recherche et l'innovation. La société de la connaissance ne se fait pas contre l'agriculture. Elle est au contraire une promesse de nouveaux produits, plus sains, plus performants, moins polluants, dans tous les domaines de l'agriculture, depuis l'alimentation jusqu'à la chimie verte.
Comme beaucoup de consommateurs et d'agriculteurs, je ne perçois pas, pour le moment, le service réellement rendu par les OGM qui sont mis en culture dans le monde. Je partage donc leurs réticences à ce que nous les utilisions. Je pense en revanche que nous devons poursuivre l'effort de recherche : en premier lieu, parce que c'est la condition de notre indépendance scientifique vis-à-vis de pays qui investissent massivement dans les OGM et qui pourraient être tentés plus tard de nous imposer leurs vues ; en second lieu, parce que rien ne permet d'exclure que les OGM permettent un jour, dans des conditions totalement sûres, des avancées spectaculaires en matière environnementale, en matière d'alimentation humaine, et même en matière médicamenteuse. La France ne doit donc pas rester à l'écart.
Il faut tout faire en contrepartie pour que cette recherche soit entourée des meilleures garanties et que les associations de défense de l'environnement ainsi que les agriculteurs soient réellement associés à la surveillance et à l'encadrement de ces travaux. De manière générale, la transparence, l'information, l'association de tous les partenaires sont en la matière, comme en tout ce qui concerne la santé humaine, une nécessité absolue. C'est la condition de la précaution, mais aussi de la confiance, et donc du progrès.
Quel doit être l'avenir de la PAC ?
Trois principes me paraissent clairs : l'indépendance et la sécurité alimentaires de l'Europe sont des objectifs non négociables ; les exigences de l'aménagement du territoire et de l'équilibre entre les villes et les campagnes, font que nous aurons toujours besoin d'aides publiques pour le développement rural, pour l'installation des jeunes, pour la préservation des petites exploitations. Elles peuvent être réparties différemment, de manière plus égalitaire. Elles seront toujours nécessaires ; enfin, la préférence communautaire est un principe fondateur. Si nous ne sommes pas capables de le défendre, à quoi sert-il que nous fassions l'Europe ?
A l'intérieur de ces principes en revanche, le débat peut se dérouler de manière sereine. Il n'est pas interdit de réfléchir à une meilleure articulation entre ce qui doit relever de l'Union européenne et ce qui doit relever des Etats membres. Il n'est pas non plus indécent de penser que le budget communautaire pourrait augmenter en pourcentage du PIB européen. Nous voulons une Europe des projets concrets. Cela suppose la mobilisation de ressources communes. Mais le choix n'est pas binaire : entre la mise à mort de la PAC et le renoncement à une politique européenne de la recherche, de l'énergie, de l'écologie, il existe une troisième solution, qui a du sens : c'est celle de l'augmentation du budget commun
Quelle que soit la solution, l'agriculture restera en tout état de cause une priorité communautaire. La PAC n'est pas seulement une question budgétaire. C'est une question de puissance et de sécurité. La PAC n'est pas un concept daté, c'est au contraire un concept stratégique. Penser l'agriculture à l'échelle européenne restera une nécessité et le rôle de la France sera de prendre, plus que tout autre, la tête de ce combat.
Pour les mêmes raisons, les négociations au sein de l'OMC doivent repartir sur des bases saines et des objectifs clarifiés. Je réfute vigoureusement la logique qui voudrait que nous échangions notre agriculture contre des services. Non pas que je sois contre les échanges. Non pas que j'ignore nos avantages comparatifs dans le domaine des services. Mais tout simplement, parce que les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres et que l'agriculture est une condition de notre sécurité et de l'équilibre de nos territoires.
La manière dont les intérêts de l'Union européenne sont défendus à l'OMC est stupéfiante. L'Europe négocie sans stratégie parce que les intérêts de ses Etats membres sont divergents. Au cours des derniers mois, elle s'est mise en situation de grand risque, en faisant des concessions importantes sans aucune contrepartie. Je souhaite qu'un représentant politique, se concertant bien plus souvent avec les ministres concernés, représente nos intérêts dans les négociations de l'OMC.
L'ouverture des marchés aux produits des pays les moins avancés doit être équitablement répartie. Il n'y a plus de raison que des pays comme la Chine ou le Brésil n'y prennent pas leur juste part. Il faut également privilégier la création de marchés intégrés au niveau régional. C'est le meilleur moyen de développer les productions locales.
Je pense enfin qu'il est temps de poser un certain nombre de questions dans les enceintes de l'OMC. Au sujet de l'agriculture, mais pas seulement. Qu'en est-il du dumping social, fiscal, sanitaire ? Qu'en est-il du dumping environnemental ?
Je mets très clairement cette alternative sur la table : ou bien l'ensemble des pays du monde développé et émergent, soumet son agriculture au respect de normes environnementales et ses industries au respect de quotas d'émission de gaz à effet de serre, ou bien l'Europe, qui, elle, a institué ces normes et ces quotas, se reconnaîtra le droit de taxer les biens en provenance de pays qui ne font pas les mêmes efforts. A l'heure où de graves menaces écologiques pèsent sur la planète, le commerce mondial ne peut pas faire comme si de rien n'était. Le libre-échange accroît la richesse de tous, mais si c'est pour ruiner notre environnement en faisant fabriquer à Canton des meubles qui pourraient être produits en France parce qu'ils sont construits avec du bois français, quel en est le sens ? La taxe Cambridge permet de refléter dans le prix de chaque bien le coût environnemental de sa production et de son transport. Il est urgent de réfléchir à sa mise en place.
Mes chers amis, vous l'aurez compris, je m'adresse à vous ce soir avec une grande confiance dans l'avenir de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire, et une forte détermination à participer à la construction des promesses du futur.
Pour nous, le monde agricole ne se résume pas à la coexistence de deux types d'exploitants, les uns coupables de tout polluer et de toucher toutes les subventions, les autres parés de toutes les vertus du terroir, de la qualité et du courage. Entre les grandes exploitations de la Beauce, fortement mécanisées, et l'agriculteur de montagne spécialisé dans la production de fromages, il existe toute une variété de situations qui font la richesse de notre agriculture et de notre territoire.
Mais il existe aussi une unité du monde agricole et du monde de la pêche. Une unité fondée sur des valeurs, que, nous, à l'UMP, nous apprécions : le travail, la liberté d'entreprise, le respect de la propriété, la culture du résultat, la solidarité concrète, avec le plaisir du don pour celui qui aide et le sens du devoir pour celui qui reçoit.
Le monde rural est à l'image du monde agricole. Il est divers. Les problèmes de l'Ardèche ne sont pas ceux du Vexin français. Mais il est aussi uni dans les demandes spécifiques qu'il adresse à la puissance publique.
Gardons-nous d'abord d'une vision par trop idyllique de la vie en milieu rural. Certains de nos concitoyens ont choisi d'habiter en zone rurale pour y trouver le calme, une certaine convivialité, et s'éloigner des nuisances de la vie urbaine. Mais beaucoup de Français des classes moyennes habitent en périphérie des villes parce que l'immobilier en centre ville et dans les proches banlieues est devenu inabordable. Ils y rencontrent des difficultés concrètes : des logements anciens ; pas assez de logements locatifs ; un besoin de sécurité exacerbé par l'isolement ; une offre de services publics pas toujours aussi dynamique que la croissance démographique, par exemple en ce qui concerne la garde des jeunes enfants.
Il existe 25 places de crèches pour 100 enfants de moins de trois ans à Paris, ce qui n'est déjà pas beaucoup, mais seulement 4 en zone rurale. Dans la République des droits réels que nous voulons construire, chaque famille qui le souhaite sera assurée de pouvoir faire garder son enfant, car la première égalité entre les hommes et les femmes est que les femmes ne soient plus obligées de choisir entre leur vie de femme, leur vie de mère et leur vie professionnelle.
Gardons également à l'esprit que le repeuplement du monde rural est loin d'être uniforme. Le dynamisme démographique de certains cantons ne saurait dissimuler que l'exode rural se poursuit dans d'autres. Pour environ un quart des communes rurales, le dépeuplement persiste, avec ses conséquences associées : absence de repreneur pour les exploitations agricoles, abandon des maisons, fermeture des commerces et des services publics, isolement des personnes âgées.
Face à ces réalités plurielles, nous avons des convictions et des lignes d'action qui sont celles de notre projet.
D'abord, nous savons que, même en zone rurale, il y a aujourd'hui plus d'emplois dans l'industrie et les services que dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire. Ces dernières restent dominantes dans certains cantons, structurantes dans tous les autres. Mais le dynamisme des zones rurales doit reposer sur l'ensemble des secteurs d'activité.
Des efforts sont à faire dans l'accès aux voies de circulation rapide et dans le développement des transports collectifs. C'est une priorité pour une majorité d'habitants des zones rurales. Il en est de même pour l'équipement en téléphonie mobile et plus encore pour Internet. Internet, c'est indispensable pour toute entreprise, mais c'est aussi une source d'activités nouvelles, aisément localisables à la campagne, comme le télétravail, les centres d'appel, et toutes les formes de travail à distance.
La question des services publics est naturellement tout à fait essentielle.
Nous, toutefois, nous ne l'abordons pas de manière dogmatique. D'abord, parce que ce n'est pas seulement une question de services publics, mais une question de services au public, c'est-à-dire que cela comprend également les commerces, les taxis, les services bancaires, les personnels de santé.... Ensuite, parce que c'est une question polymorphe. Dans le rural profond, c'est la crainte de la fermeture qui fait problème. Dans les zones périurbaines, c'est le décalage entre le dynamisme démographique et l'offre de services publics, qui s'adapte trop lentement.
Les solutions existent. Depuis juillet 2005, ce sont les préfets qui sont chargés, au terme d'une concertation avec tous les acteurs concernés, de proposer et de mettre en oeuvre une organisation des différents services au public répondant aux besoins des habitants des zones rurales dans leur département. C'est en effet dans la mutualisation des services que se trouvent les solutions, comme l'a montré l'expérience réussie et appréciée des Points Poste. Cette approche locale et globalisante est naturellement préférable à la démarche nationale et cloisonnée qui a si longtemps prévalue.
Par ailleurs, nous devons fixer la règle qu'aucune réforme dans l'organisation d'un service public en milieu rural ne doit intervenir en l'absence de solution offrant un service de qualité supérieure. C'est une règle juste et performante. Un Point Poste, ce n'est pas la Poste, mais c'est ouvert plus longtemps, et finalement c'est mieux. Un regroupement d'écoles, ce n'est pas l'école de son enfant dans sa commune, mais si cela permet d'avoir une cantine et deux classes selon les âges au lieu d'une seule, c'est mieux également.
S'agissant de la santé, il faut exploiter toutes les possibilités d'incitation des médecins à s'installer en zone rurale. Mais il faut aussi répondre aux difficultés et même aux risques de la solitude. Une solution est de favoriser le regroupement de médecins généralistes et spécialistes dans des cabinets de groupe ou dans des hôpitaux locaux desservant un ensemble de communes.
Il faut prêter une attention particulière aux questions de logement locatif, de garde des jeunes enfants et d'accompagnement des personnes âgées. Ce sont des attentes prioritaires.
Enfin, je souhaiterais que nous puissions inventer une autre relation, un autre dialogue entre la ruralité et l'environnement, entre l'agriculture et l'écologie.
L'écologie est une préoccupation forte de l'UMP. C'est une préoccupation forte des habitants du monde rural. C'est une préoccupation forte de l'immense majorité des agriculteurs. Pour une raison simple : on ne passe pas sa vie entière à travailler la terre ou à élever des bêtes si l'on n'a aucun sens des équilibres naturels et aucune passion pour la nature. Si nous qui vivons en ville, ressentons régulièrement les effets du changement climatique, comment pourrions-nous croire que nos agriculteurs seraient les seuls à ne pas les percevoir ? Mais jusqu'à ce jour, tout a été fait pour opposer les défenseurs de la nature aux agriculteurs.
Cela ne veut pas dire qu'il faut être complaisant avec les problèmes écologiques posés par certaines activités agricoles. Les efforts entrepris pour une gestion économe de l'eau et le bien-être animal doivent être poursuivis. Il faut également limiter l'usage des pesticides par une formation adaptée des agriculteurs, qui ne doit pas relever uniquement des producteurs de produits phytosanitaires. C'est une priorité, à commencer pour la santé de nos agriculteurs.
Mais le monde rural n'est pas voué à être l'écomusée de la France, pendant que le monde urbain serait autorisé à tout gaspiller, à tout consommer, à tout détruire. Les agriculteurs ne sont pas condamnés à être désignés comme les coupables de nos nuisances écologiques, alors qu'ils sont les premières victimes de l'abus des produits phytosanitaires et que c'est à la campagne que l'on enfouit les déchets des villes. Faire participer nos agriculteurs à la protection de l'environnement, ce n'est pas en faire des jardiniers du paysage. Il y a dans le travail de la terre, tout comme dans l'élevage, la pêche et la pratique de la chasse, une connaissance inestimable des milieux, des sols et des espèces. La France, c'est 54 % de terres cultivées et 27 % de forêts. C'est donc une attitude stérile que d'opposer chasseurs et écologistes, agriculteurs et protecteurs de l'environnement, alors que nous avons tant à gagner à ce que les uns et les autres travaillent ensemble.
Dans un livre récent, remarquable et remarqué, au titre puissamment évocateur, « L'effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », le biologiste américain Jared Diamond a établi la liste des 12 processus par lesquels des sociétés anciennes ou récentes ont endommagé leur environnement et causé leur propre perte, en d'autres termes se sont « écocidées ». Sur ces 12 processus, l'agriculture est concernée de manière directe ou indirecte par 10 d'entre eux : la gestion des forêts, l'utilisation des sols, la gestion de l'eau, la chasse et la pêche, pour ne citer que les principaux. Penser que nous pourrons relever le défi écologique sans ou contre les agriculteurs est tout simplement une aberration.
Mes chers amis, je voudrais pour conclure m'adresser à ceux d'entre vous qui sont pêcheurs, agriculteurs, ou qui vivent en milieu rural, et qui nous ont fait l'honneur d'être parmi nous aujourd'hui.
Je voudrais vous dire très simplement que je suis effectivement issu d'un milieu urbain, que j'y ai fait toute ma carrière politique, que je n'ai pas d'attache dans une province rurale française. Je sais que, de vous, j'ai tout à apprendre.
Mais je vous demande de bien vouloir considérer ceci :
- d'abord, ce n'est pas parce que l'on est urbain, que l'on n'est pas capable d'être à l'écoute du monde rural et du monde agricole. Etre à votre écoute, ce n'est pas forcément être à votre image ;
- ensuite, faites-moi la grâce de bien vouloir croire que les valeurs qui sont les vôtres, ces valeurs qui irriguent en profondeur la société française, le travail, le pragmatisme, la liberté, la ténacité, le souci de construire et de transmettre, je les partage au plus haut degré ;
- enfin, dites-vous bien que, si je n'ai pas d'attaches rurales en France, je n'en suis pas moins capable, du fait de mes origines, de comprendre et de partager ce qui fait le rapport à la terre. Croyez moi, nous partageons sans doute beaucoup plus que ce que pourraient laisser croire les apparences.
source http://www.u-m-p.org, le 19 octobre 2006