Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur l'amélioration des conditions de travail et la modernisation du système de prévention, Paris le 28 février 2001.

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Circonstance : Conseil supérieur de la prévention des risques professionels, à Paris le 28 février 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
L'embellie économique que connaît notre pays et la remarquable amélioration du marché de l'emploi remettent au premier plan la question des conditions de travail qui avait été largement supplantée par celle de la lutte contre le chômage.
La promotion de la qualité des emplois est devenue un des axes prioritaires des politiques sociales à l'échelle européenne. Le Gouvernement y accorde encore plus d'importance que les mauvaises conditions de travail sont identifiées comme un des obstacles principaux au développement de l'emploi dans bien des secteurs professionnels et que la sauvegarde de la santé et de la sécurité au travail fait partie des exigences croissantes des Français à l'égard du système de santé publique.
Plus que jamais les salariés sont désireux que la vie de travail ne soit pas une cause d'usure prématurée, d'atteinte à leur santé ou à leur intégrité physique ou psychique.
Dans cette lutte que vous menez, que nous menons ensemble, je sais que nous partageons le même objectif et les mêmes convictions. L'objectif est d'assurer le maintien de la santé et de la sécurité de tous ceux qui travaillent.
Pour moi, la politique de prévention dans le champ du travail s'inscrit dans la lutte que je mène sur tous les plans contre les risques de la vie.
Les convictions ont été forgées par l'expérience. Nous avons appris que cette politique doit être menée avec vigueur, avec constance, qu'elle doit s'adapter en permanence, se remettre en question. Nous avons appris que nous devions travailler ensemble pour réussir.
La modernisation de notre système de protection de la santé et de la sécurité au travail n'est donc pas achevée. Il est difficile de penser qu'elle le soit un jour, tant il est vrai que des risques nouveaux apparaissent au fur et à mesure des évolutions de nos systèmes productifs, avec l'introduction de technologie nouvelles et de produits nouveaux. La sensibilité au développement des cancers d'origine professionnelle est là pour en témoigner.
Le rôle important qu'a joué et que joue la communauté européenne dans ces domaines va se poursuivre. Le socle normatif européen est encore destiné à s'élargir.
Mais la densification de notre législation n'est pas la seule garantie du progrès. Il faut nous attacher, de plus en plus, à l'efficacité des politiques de prévention, qui passe par un engagement plus prononcé des acteurs, le choix de méthodes de communication et d'action qui change les pratiques en profondeur et notamment dans les petites et moyennes entreprises.
C'est pourquoi la conclusion de l'accord interprofessionnel sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels me paraît un signe important. Il témoigne de la volonté des représentants des entreprises et des salariés d'agir plus efficacement sur le terrain des conditions de travail en mobilisant les structures de prévention existantes et en les développant.
L'Etat veillera à ce que cet accord produise tous ses effets en adaptant, lorsque c'est nécessaire, la réglementation. Il le fera sans délaisser les responsabilités qui lui reviennent, s'agissant d'un domaine qui relève de l'ordre public social parce qu'il touche à la protection de l'intégrité physique des salariés. Il me revient aussi de veiller à ce que les moyens d'action de l'Etat soient renforcés, conjointement avec ceux qui relèvent de la responsabilité des partenaires sociaux au sein des structures de prévention de la CNAM et dans les entreprises.
Je reviendrai sur tous ces points dans quelques instants, en vous exposant les deux orientations essentielles de la politique que je me propose de mener et que je soumets à votre réflexion :
- la première concerne la relance d'une politique vigoureuse d'amélioration des conditions de travail,
- la deuxième vise à la modernisation de notre système de prévention.
RELANCER UNE POLITIQUE VIGOUREUSE D'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL
La conjoncture économique s'y prête
Durant les quinze dernières années, conditions de travail et emploi ont été trop souvent opposées, en Europe comme en France. On a eu parfois la tentation de donner la priorité au maintien ou à la reconquête du nombre d'emplois, sur la protection globale de la santé et la garantie de bonnes conditions de travail.
Devant les faits, les acteurs - économiques, en premier lieu - sont obligés d'admettre que de bonnes conditions de travail sont un facteur de productivité. L'agence européenne de Bilbao estime au plan macro économique le coût des mauvaises conditions de travail à un montant beaucoup trop élevé puisqu'il varie entre 2,6 et 3,2 % du PIB au sein de l'Union européenne et que leur sont imputables 600 millions de journées de travail perdues, chaque année, en Europe.
Mais pour moi le coût insupportable est d'abord humain, il touche au respect de la " dignité au travail " à laquelle nous appelle le BIT.
Il faut donc saisir l'opportunité de la croissance économique, des changements dans l'organisation du travail, le renouveau du dialogue social pour utiliser les évolutions technologiques comme facteur d'amélioration des conditions de vie au travail des salariés, de la qualité des emplois et pour améliorer la productivité des entreprises.
C'est une nécessité
En tout état de cause, nous devons veiller à ce que la création rapide d'emplois en quantité importante ne réponde pas aux seules lois du marché. Nous devons éviter que se multiplient le " travail en miettes ", la précarisation, les horaires difficilement compatibles avec la vie hors travail ou l'intensification du travail.
Nous devons être attentifs, dans une conjoncture de ce type, à l'évolution des chiffres en matière de risques professionnels. Si l'on peut noter une diminution de la fréquence des accidents du travail jusqu'au niveau le plus bas enregistré - 42 accidents avec arrêt pour 1 000 salariés en 1999 - nous devons rester particulièrement vigilants, dans un contexte de reprise de l'activité, et suivre également, de très près, les évolutions concernant les maladies professionnelles, plus délicates à cerner. En effet, nous ne disposons, ici, que d'un indicateur juridique. De ce fait, le triplement depuis 15 ans des maladies " reconnues " professionnelles -près de 17 500 en 1998- traduit d'abord le progrès d'un système plus ouvert à la réparation, plus qu'une véritable dégradation de l'état sanitaire.
Cependant, l'intensification du travail liée à une compétitivité exacerbée multiplie les risques de troubles musculo-squelettiques, le développement du stress.
Cette intensification du travail écarte du marché de l'emploi les travailleurs les plus avancés en âge alors que nous devons relever le taux d'activité des travailleurs de cette tranche d'âge si nous voulons faire fructifier le capital de compétences dans des conditions de travail adaptées, et faire face aux évolutions démographiques contraignantes.
C'est une orientation européenne
Le développement d'emplois de qualité s'inscrit maintenant, grâce à l'action de la Présidence portugaise amplifiée et concrétisée par la Présidence française, dans la dynamique de l'Agenda social européen, qui structure l'action future de l'Union européenne pour les années à venir. Cette notion rejoint celle de " travail décent " développée par l'OIT.
Dans ce cadre, une communication stratégique de la Commission européenne est prévue en 2001 notamment sur les questions de la santé et de la sécurité au travail. Cet apport viendra, au côté des aspects de conditions de travail, rémunération, égalité entre les sexes, équilibre entre flexibilité et sécurité, relations sociales, compléter et donner corps au contenu des emplois de qualité.
D'ores et déjà, la protection de la santé et de la sécurité au travail repose sur un socle normatif communautaire très important. Une cinquantaine de directives sont là pour le rappeler et, ce dispositif s'est renforcé sous notre Présidence. Car il faut avoir en mémoire que les travaux en hauteur sont la première source d'accidents du travail graves en Europe et que les vibrations sont, un facteur important, la première cause de maladies professionnelles dans l'Union européenne. Ces dispositions pour lesquelles il a fallu batailler, en Conseil, à Bruxelles sont pour moi la marque d'une Europe concrète, proche des citoyens.
Bien sûr, ces règles européennes doivent toujours évoluer. J'entends d'ailleurs apporter mon soutien aux Présidences suédoise et beige pour mener à bien l'indispensable et prioritaire révision de la directive sur la protection des travailleurs exposés à l'amiante, que l'absence de proposition de la Commission européenne ne nous a pas permis de traiter.
I - Il faut réduire le décalage entre le droit et la réalité
Il s'agit d'abord renforcer l'action de l'Etat :
Le thème de l'affectivité du droit est une exigence politique et morale à laquelle je suis extrêmement attachée. Le droit n'existe pas pour lui-même mais au service d'objectifs concrets d'intérêt général. Un droit idéal sur le papier mais dépourvu de pratique est une illusion. Je veux réduire l'écart entre une théorie satisfaisante et une réalité insatisfaisante. C'est une uvre collective car vous êtes les premiers acteurs sur le terrain. Mais c'est aussi une responsabilité publique. Pour cela nous devons renforcer l'action de l'Etat car la santé et la sécurité au travail relèvent, sans exclusive, de ses compétences.
C'est pourquoi il est du ressort des pouvoirs publics d'assurer le développement des fonctions de veille en matière de connaissances et d'évaluation des risques pour la santé. Sur ce point, je me réjouis de la mise en place de l'Institut de veille sanitaire : je souhaite que son unité " santé au travail ", puisse rapidement assurer l'ensemble des missions qui lui sont confiées.
Mais je vous le disais, il serait inutile de continuer à développer la réglementation si elle n'était pas appliquée. C'est pourquoi je souhaite que s'intensifient les contrôles de l'inspection du travail sur le terrain. Les inspecteurs du travail disposent d'une totale indépendance de jugement dans le cadre de leur contrôle et j'y tiens. Ils assurent une plus grande présence de l'Etat sur le terrain. Le cadre du programme annuel de l'inspection du travail, adressé en janvier aux services, est là pour indiquer les priorités.
J'ai bien conscience des difficultés que rencontrent les inspecteurs et contrôleurs du travail chargés de veiller au respect de normes sans cesse plus complexes, pour protéger la santé et la sécurité des salariés. Ils disposeront des supports dont ils ont besoin en informations, formations et appuis méthodologiques. Ceci suppose le renforcement des moyens de l'inspection du travail, de l'inspection médicale et des ingénieurs de prévention. J'y veillerai, lors de l'élaboration du prochain budget.
Je compte aussi sur le rôle essentiel des partenaires sociaux :
Pour réussir à réduire le décalage entre droit et réalité, l'Etat et ses services de terrain, comme les partenaires sociaux, doivent agir dans le même sens. Une complémentarité des rôles est nécessaire et celui des partenaires sociaux est fondamental pour assurer l'affectivité du droit et le faire évoluer.
C'est pourquoi je prends acte que les négociations, lancées début 1999, sur l'évolution du système français de prévention se sont conclues positivement, fin 2000 par la signature d'un accord interprofessionnel. Cet accord est important même s'il n'est pas la seule source des refontes de structures envisagées.
Les représentants des salariés au sein des entreprises doivent être en mesure d'assurer pleinement leur rôle, notamment dans le cadre des CHSCT (Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Pour revitaliser ces fonctions essentielles, l'Etat soutiendra les initiatives ayant pour but de renforcer la formation des représentants des salariés aux questions de santé et sécurité au travail. Il s'efforcera également d'organiser la diffusion et le partage des connaissances en matière de risques pour la santé et la sécurité au travail.
Les partenaires sociaux à travers les organismes de prévention de la Sécurité sociale ainsi que l'OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) et l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), ont aussi un rôle essentiel en matière de prévention des risques professionnels. Les branches professionnelles sont les mieux placées pour aider et conseiller les petites et moyennes entreprises notamment en matière d'évaluation des risques et de techniques de prévention.
Les maladies professionnelles :
Le décalage entre le droit et la réalité impose que l'on fasse, ici, mention de la question de la reconnaissance des maladies professionnelles.
L'écart entre le nombre de maladies reconnues et le nombre de maladies d'origine professionnelle n'est plus à démontrer. L'absence d'informations et de formation suffisantes des médecins traitants, les difficultés à retrouver les preuves des expositions pour les maladies à effet très différés, expliquent bien cet écart. Mais ces facteurs explicatifs laissent entier le désarroi personnel et familial dans lequel se trouvent les travailleurs victimes de maladies professionnelles, désarroi auquel je suis extrêmement sensible.
Or, vous le savez tous, la loi de 1898 sur la réparation est remise en cause par de nombreux acteurs. De plus en plus de victimes contournent la logique des tableaux de maladies professionnelles pour obtenir un meilleur niveau d'indemnisation. Les pouvoirs publics eux-mêmes ont été amenés à mettre sur pied un dispositif spécifique pour les victimes de l'amiante.
Le problème est donc plus général, c'est pourquoi j'attends beaucoup de la mission confiée au Professeur Masse, Président de la commission spécialisée des maladies professionnelles qui a été chargé de réfléchir aux évolutions nécessaires du système.
La réparation passe aussi par l'actualisation constante des règles de reconnaissance à travers le système des tableaux de maladies professionnelles. J'entends qu'elle progresse rapidement. La mobilisation d'organisations qui défendent les intérêts des victimes et leur fonction d'alerte y contribue, en particulier pour ce qui concerne les cancers professionnels.
II - Moderniser le système de prévention
La modernisation du système de prévention ne peut se réaliser qu'en agissant dans la pleine complémentarité des rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux.
L'accord professionnel sur la santé au travail :
C'est pourquoi, l'accord interprofessionnel sur la santé au travail est un point d'appui utile. Il combine des orientations dont la mise en uvre revient aux partenaires sociaux qui administrent des réseaux experts (CNAM, CRAM, Agences régionales pour l'amélioration des conditions de travail, services médicaux) et des orientations qui appellent à modifier ou à créer du droit. Il ouvre ainsi la voie à une réforme de structure, marquée par une volonté de décloisonnement et un souci d'action concrète.
De mon point de vue, il peut faciliter une meilleure prévention des risques professionnels dans les petites entreprises grâce à la création de commissions paritaires interprofessionnelles départementales.
De même, la désignation d'un salarié dûment formé pour s'occuper des activités de prévention des risques professionnels dans les entreprises de 11 à 50 salariés ne disposant pas de délégués du personnel est une innovation utile dès lors qu'elle n'est pas comprise comme concurrençant les instances représentatives dont j'entends revitaliser les pratiques.
Enfin, la constitution d'un niveau régional d'orientation et d'échanges entre tous les acteurs de la prévention est un facteur de dynamisation de la coordination des préventeurs. Cette initiative rejoint d'ailleurs une orientation de l'administration, exprimée depuis plusieurs années. Il est donc indispensable d'articuler les deux démarches sur ce point.
Les évolutions législatives et réglementaires :
Naturellement, la modernisation du système de prévention passe aussi par des évolutions législatives et réglementaires qui relèvent de la responsabilité de l'Etat.
Certaines mesures sont déjà en cours ou entreront prochainement en vigueur.
Je pense à la mise en place d'une obligation de formaliser les résultats de l'évaluation préalables des risques par l'employeur, cette démarche doit devenir plus concrète pour les travailleurs et faciliter, à la fois, le dialogue autour de la prévention des risques et le contrôle par l'inspection du travail.
Je pense aussi au renforcement du rôle des représentants des salariés dans les petites entreprises. En effet, les ordonnances qui viennent d'être promulguées étendent le principe de consultation sur les changements technologiques à toutes les entreprises ainsi que la formation à la sécurité au bénéfice des délégués du personnel.
D'autres évolutions restent à construire.
A cet égard certaines des orientations de l'accord méritent un débat notamment devant votre instance.
Ainsi en va-t-il des critères du suivi médical qui doivent être fixés par l'Etat en liaison avec les partenaires sociaux, en se fondant sur une appréciation scientifique des risques. De même, la possibilité de moduler la surveillance périodique est intéressante à condition qu'elle ne s'applique pas aux salariés placés en surveillance médicale renforcée et qu'elle conduise à réserver le temps médical ainsi dégagé à une action renforcée des médecins en milieu de travail.
Une série de mesures traduisant des orientations convergentes doivent être mises rapidement en chantier :
Une médecine du travail renforcée dans son indépendance, des services de santé au travail plus efficaces grâce à la pluridisciplinarité, plus transparents dans leur gestion grâce à un contrôle social plus exigeant, telles sont les voies de modernisation que je vous propose de mettre en place.
De même, il faut avancer sur la consécration juridique d'une approche pluridisciplinaire des services de prévention qui va pousser à une modernisation indispensable du système français et nous mettre en accord avec l'Europe.
Il reste, et c'est essentiel, que cette modernisation n'est possible qu'en apportant une réponse globale au problème du déficit de médecins du travail qui ronge le système, car l'évolution de la démographie médicale est tout à fait inquiétante. Dans ce domaine, l'Etat prendra ses responsabilités. Il n'est pas dans mes intentions de tergiverser mais il s'agit d'une question délicate. Je crois donc qu'il faut travailler sur un plan d'ensemble, à moyen terme :
1. Je souhaite proposer en premier lieu la régionalisation de l'internat " dit européen ", ci qui devrait faciliter le recrutement d'un certain nombre de médecins du travail.
Dans les plus brefs délais un système de reconversion de médecins généralistes volontaires, après formation et examen de contrôle des connaissances doit être instauré. Cette solution est, par nature, temporaire et ne tend à répondre qu'à une situation d'urgence. Il ne s'agit donc pas d'une " deuxième voie " définitive venant contourner l'internat. Car, je suis attachée au modèle français de médecine du travail et je souhaite qu'à terme, le système trouve son équilibre durable dans le cadre de la réforme générale des études médicales.
2. Il nous appartiendra pour l'avenir de réfléchir ensemble à l'évolution des missions du médecin du travail afin de le décharger d'une partie de ses tâches actuelles au profit d'autres spécialistes dans le cadre de la pluridisciplinarité. Il retrouvera ainsi du temps pour se consacrer dans de meilleures conditions à ce qui est son véritable métier.
Parallèlement, il me paraît nécessaire de mettre en place une opération de régularisation au profit des médecins " non diplômés ", que de nombreux services de médecine du travail, ont été conduits à recruter pour assurer leur fonctionnement. Cette opération, limitée dans le temps, ne sera acceptable qu'à la condition qu'elle corresponde à des besoins validés par les médecins inspecteurs régionaux, que les médecins concernés consacrent la totalité de leur activité à la médecine du travail et qu'une formation de qualité leur soit dispensée.
Les nouveaux défis :
Ces réformes de structure dont nous mesurons tous la portée ne doivent pas nous conduire à laisser dans l'ombre le travail de fond sur des sujets permanents aux enjeux lourds.
C'est l'objet de nombreuses réunions que tiendront vos diverses commissions, l'objet de l'activité quotidienne des services du ministère. Je rappellerai, en particulier la nécessité d'actualiser en permanence les règles techniques en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques. Ce que le ministère fait, de manière constante qu'il s'agisse de l'amiante, des rayonnements, des substances dangereuses ou plus récemment de l'ESB, pour laquelle un plan de protection des travailleurs a été rapidement mis sur pied, à ma demande. L'application du principe de précaution nous oblige à une vigilance aiguisée qui ne peut s'exercer sans l'appui des dispositifs de veille sanitaire mis en place. Mais je tiens à préciser qu'appliquer le principe de précaution ne signifie pas traiter de la même façon des risques de nature et de niveau différents. La cohérence des décisions, la proportionnalité des mesures, l'analyse bénéfices/risques, sont des lignes directrices d'ailleurs proposées par la Commission européenne auxquelles il me semble intéressant de se référer.
Afin d'informer de façon complète votre Conseil et afin que celui-ci puisse pleinement jouer son rôle, plusieurs précisions doivent être, ici, apportées.
Il y a d'abord la situation des travailleurs victimes de l'amiante. Nous avons révisé les tableaux de maladies professionnelles liées à l'amiante et mis en place le fond d'indemnisation. Mais reste encore à améliorer la procédure, trop complexe et trop lente, de cessation anticipée d'activité des travailleurs. De même, dans la ligne de la " conférence de consensus " de novembre 1999, une priorité doit être accordée pour renforcer l'efficacité du suivi post-exposition des travailleurs dans les régions pilotes retenues. Cette expérience nous sera, par ailleurs, particulièrement utile dans la mise en uvre du décret du 1er février 2001 sur les produits cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.
Il y a ensuite la question des éthers de glycol qui vient de faire l'objet de ce décret, ce dernier posant, notamment, un principe de substitution - qui est une forme d'interdiction - et, à défaut, un régime de protections renforcées. Est-il nécessaire et possible d'aller plus loin ? Certains d'entre vous le demandent et je souhaite que votre Conseil soit précisément un lieu d'échange de vues et d'informations qui, à côté des travaux scientifiques en cours, éclaireront les pouvoirs publics sur cette question difficile.
Enfin, quelques remarques sur les interrogations actuelles de certains médecins du travail sur la notion d'aptitude médicale. Cette notion est déterminante dans l'action préventive des médecins du travail. Elle est directement liée au rôle majeur que ceux-ci jouent dans notre système de prévention des risques professionnels. En même temps, il faut comprendre les conséquences, quelquefois gravissimes, qui s'attachent à la délivrance de la fiche d'aptitude et les doutes, de nature déontologique, des médecins face à cette responsabilité particulière. C'est pourquoi je souhaiterais que votre Conseil se penche sur cette question difficile, au cur même des questions de santé au travail, ceci de façon à ce que les premières conclusions de vos travaux sur ce point puissent être tirées au début de l'année 2002.
En conclusion je voudrais souligner que le "mieux travailler" est une des composantes du "mieux vivre",. Le " mieux travailler " est un enjeu de société. C'est un gage d'une meilleure qualité de vie pour les salariés, d'une meilleure productivité pour les entreprises et, en un mot, d'une société plus solidaire et plus efficace. Ce doit donc être l'objectif de tous, c'est en cela que cette réunion autour de cette table au sein de votre conseil est symbolique : c'est l'objectif des salariés et de leurs syndicats, des entreprises et de leurs organisations professionnelles et de l'Etat. Ce dernier - et je l'affirme ici solennellement - assumera ses responsabilités, dans une démarche participative, avec le souci constant d'user de tous les moyens normatifs, budgétaires et administratifs dont il dispose pour améliorer la santé et la sécurité au travail.

(source http://www.social.gouv.fr, le 7 mars 2001)