Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Je voulais d'abord rendre hommage au ministre, au Premier ministre et au gouvernement tunisien pour la qualité de nos échanges, l'amitié entre nos deux pays et leur volonté farouche de défendre l'environnement, régler un certain nombre de problèmes et relever un certain nombre de défis, pour rendre cette terre plus vivable, plus acceptable, et donner aux générations futures une planète dans un état autre.
Cette visite fait suite à la visite du Premier ministre en France, en mai dernier, et je dirais que nous avons approfondi les relations entre entreprises.
En ce qui concerne ma visite durant ces trois jours, trop courts, hélas, je ne vous cacherai pas la chaleur que j'ai ressentie de la part de Monsieur le Ministre et de tous ses collaborateurs ni cette volonté que nous avons de resserrer encore nos liens d'amitié et notre coopération.
Nous avons donc approfondi le dialogue franco-tunisien sur les questions de développement durable et d'environnement qui sont l'une des priorités de l'étroite coopération entre nos deux pays. J'ai choisi d'associer aussi à cette visite non seulement les organismes publics qui sont au coeur de la coopération environnementale française en Tunisie, l'AFD, l'ADEME, le Conservatoire du littoral, mais aussi des représentants du secteur privé qui sont particulièrement actifs dans ce secteur dynamique de l'économie tunisienne. Quatre PME ont intégré ma délégation et m'ont accompagnée au cours de cette visite.
Je voudrais vous rappeler quelques données sur le partenariat franco-tunisien en matière d'environnement. Vous le savez, la France est le premier partenaire de coopération de la Tunisie, avec un volume annuel de crédits de 100 millions d'euros. La France est également un partenaire commercial de premier plan. Elle est le premier fournisseur (24 %) et le premier client (33 %) de la Tunisie. Elle est le premier investisseur (hors énergie) avec 14 % des stocks fin 2005, devant l'Italie et l'Allemagne, et deuxième derrière l'Espagne en termes de flux (15 %) en 2005. 1100 entreprises à participation française (41 % du total des entreprises étrangères) sont recensées en Tunisie, à un rythme de 50 à 80 nouvelles implantations par an, une majorité de PME/PMI mais aussi des grands groupes. Cela représente un nombre important d'emplois, c'est à dire 93.000 salariés.
Dans le domaine spécifique de l'environnement, notre partenariat se concentre sur les priorités suivantes :
- eau, assainissement, littoral,
- gestion des déchets et des polluants,
- climat et qualité de l'air.
C'est pourquoi notre programme de travail et de visite a été particulièrement ciblé sur ces trois thèmes.
Ces visites nous ont permis de mieux comprendre les attentes tunisiennes en matière d'appui aux politiques publiques menées dans ce secteur, tout en faisant valoir l'expertise française publique et privée sur les projets d'avenir.
Nous venons de signer trois accords de coopération. Le premier est un projet d'agro-écologie qui porte sur la technique des semis directs avec 1,4 millions d'euros. Je peux vous dire que cette nouvelle technique nous a permis de comprendre quelle était l'importance des recherches qui avaient été conduites et de voir que cette terre, dont nous avons abusé pendant des années, s'était appauvrie. Cette culture permet, premièrement, de ressourcer la terre, de lui redonner de la santé. Deuxièmement, c'est une culture à économie d'eau, ce qui est un problème crucial chez vous comme chez nous, sans pour autant pénaliser l'agriculteur qui peut aujourd'hui procéder à deux plantations et donc deux récoltes de produits différents.
Le deuxième projet est un projet d'assainissement de la plage de Sfax qui a été polluée par les résidus de l'exploitation d'une usine de transformation du phosphate. Cela porte sur huit millions d'euros.
Le troisième est un accord cadre sur les Mécanismes de développement propre, ce qu'on appelle MDP, qui est établi par le Protocole de Kyoto. Cet accord ouvre la porte à des financements privés français pour appuyer les efforts de réduction d'émission de gaz à effet de serre en Tunisie.
Enfin la France appuie le rôle de la plate-forme régionale jouée par la Tunisie en matière de désertification.
J'ajouterai à cet exposé que j'ai été extrêmement impressionnée par la politique menée (en Tunisie) qui est très volontariste, très organisée et qui s'attaque à tous les secteurs, d'une manière largement étudiée, bien élaborée. J'en veux pour preuve les pesticides, avec un plan d'élimination que vous avez mis en place en peu de temps, Monsieur le Ministre et je vous rends hommage.
Il y a donc vraiment en Tunisie des démarches tout à fait pionnières en matière d'environnement, d'écologie et de développement durable que je souhaite réellement saluer et je crois que c'est avec la volonté qui est celle de ce pays que nous avancerons et que nous arriverons à relever les défis qui représentent pour l'avenir une vraie préoccupation.
Q - Ma question porte sur le succès de la gestion des déchets en France. Je crois que les déchetteries sont vraiment des éléments de succès du tri sélectif. En Tunisie, des associations font la même chose mais ce n'est pas encore le succès et nous attendons l'exécution des projets nationaux dans ce domaine.
R - En matière de politique des déchets, c'est vrai que nous avons mis en place depuis fort longtemps des usines d'incinération et des centres d'enfouissement techniques. Cette politique a effectivement des résultats aujourd'hui.
Mais on ne peut pas avoir un seul mode de traitement. Nous avons donc commencé à faire aussi du tri sélectif. Aujourd'hui, le tri sélectif est mis en place sur la quasi-totalitéé du territoire français, ce qui permet d'avoir des coûts de traitement des déchets réduits. Ensuite, nous avons aussi fait remettre aux normes les usines d'incinération pour ne pas être en infraction avec l'Union européenne. Parallèlement à cela, nous avons développé un certain nombre de filières : la filière des déchets électroniques et électriques qui fait l'objet d'une politique spécifique ; la filière des véhicules hors d'usage dont on sait combien ils peuvent polluer et les dégâts qu'ils créent à la nature ; et la filière des pneus. Nous avons eu pendant des années en France des décharges innommables avec des tonnes et des tonnes de déchets mais en deux ans, nous avons éliminé 75 000 tonnes de pneus et je ne désespère pas de "tordre le cou" aux décharges illégales dans l'année qui vient. Nous en avons déjà fermé plus de la moitié en un an. C'est donc une politique qui marche et nous avons l'impression qu'il y a une prise de conscience.
Je rappelle quand même que notre politique tend aussi à faire diminuer les quantités de déchets parce que la production de déchets française est catastrophique. Elle représente 360 kilos par an et par habitant, dont 290 kilos qui sont retraités. L'objectif est de ramener cette quantité à 250 kilos d'ici cinq ans et à 200 kilos d'ici dix ans. De grandes campagnes de communication et de sensibilisation sont entreprises et nous faisons aussi un vrai travail avec les producteurs, de manière à ce qu'il y ait un peu plus de produits libérés de leurs emballages dans le commerce.
J'ajouterai que je m'aperçois depuis que j'ai ces fonctions de ministre de l'Ecologie, et au travers des campagnes de sensibilisation que nous conduisons en direction des adultes ou des scolaires, qu'il y a réellement aujourd'hui une prise de conscience du danger et que les choses seront vraiment très graves si rien n'est fait.
Q - Je voudrais savoir quels sont les avantages des crédits qui seront accordés par la France à la Tunisie ? Y a-t-il en outre une possibilité de recycler des crédits pour l'environnement ?
R - Aujourd'hui, notre coopération est ciblée uniquement sur l'environnement. Tous les accords que nous signons, toutes les aides que nous pouvons apporter sont vraiment consacrées à l'environnement. J'ai l'air d'être alarmiste mais c'est un vrai défi que nous avons à relever. Toutes les politiques doivent être transversales et l'environnement est une priorité pour laquelle chaque pays doit dégager des moyens.
Je crois que la Tunisie s'honore de mettre de gros moyens à disposition, aidée en cela par l'Agence française de développement (AFD), par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et par d'autres partenariats. Il y a notre collaboration, notre coopération, notre amitié depuis des années avec la Tunisie et puis la volonté que ce pays met dans la bataille pour l'environnement qui déclenche automatiquement l'envie d'aider.
Q - Est-ce que votre visite représente un signe de bonne santé de la coopération tuniso-française ?
Ma deuxième question porte sur la gestion des déchets toxiques. On a entendu parler de beaucoup de problèmes en Côte d'Ivoire et, auparavant, avec le fameux porte-avions.
R - D'abord, si je suis là, c'est effectivement pour poursuivre. Ce n'est pas une novation. Nos relations avec la Tunisie remontent à longtemps et nos coopérations dans bien des domaines remontent à longtemps mais nous avons toujours intérêt à retravailler, à renforcer.
Et puis l'environnement, contrairement à ce que l'on peut penser, est un sujet relativement nouveau. Pendant des années, nous n'avons pas parlé d'environnement et nous pensions que nous pouvions abuser de la terre. Si vous voulez, quand on voit la volonté d'aller de l'avant du gouvernement et du ministre qui est à mes côtés, il est de notre devoir et de notre amitié de faire en sorte d'avoir une coopération encore plus serrée, encore plus étroite et, au-delà des promesses et des discours, d'échanger nos expériences et nos bonnes pratiques comme cela a été le cas hier, et puis d'accompagner un certain nombre de projets.
Sur le traitement des déchets toxiques, si vous voulez parler du "Clémenceau", je vais être très claire. Beaucoup a été dit par les journaux et je n'ai pas apprécié ce qui a été rapporté. Il faut quand même savoir que la France, dans l'affaire du "Clémenceau", a été plutôt exemplaire. Elle aurait très bien pu prendre le navire, l'envoyer couler en mer et personne n'aurait rien dit. C'est ce qui se fait dans la plupart des cas aujourd'hui.
Mais nous avons voulu une opération très ouverte. Nous avions des accords avec le pays qui recevait le bateau. Nous avions formé le personnel qui était là-bas. Ce n'était pas un chantier de "travail au noir" mais un chantier de travail on ne peut plus clair avec des normes de sécurité, des horaires qui correspondaient au travail que demandait la France et la formation du personnel sur place.
Donc, tout était transparent. Cela s'est mal passé, je le regrette, mais je tiens à rétablir la vérité. Nous n'avons pas voulu agir dans l'ombre et nous avons plutôt voulu jouer la transparence. Le résultat n'a pas été effectivement au rendez-vous mais, comme dans toute histoire, on en tire des conséquences. Le Premier ministre a demandé à ce que nous mettions en place un groupe de travail pour les navires en fin de vie et j'ai relayé cette affaire auprès du commissaire européen Stavros Dimas. Il y a donc maintenant un groupe de travail au niveau de l'Union européenne pour les navires en fin de vie parce que ce problème n'est pas uniquement un problème français. Tous les pays ne savent pas quoi faire de leurs bateaux en fin de vie et nous n'avons pas en Europe de structure particulière pour traiter ce genre de dossiers. Maintenant, le groupe de travail est en place et une expérience malheureuse permet d'avancer.
Sur les déchets de la Côte d'Ivoire, la France n'est responsable en rien de cette affaire, je tiens quand même à le dire. Ce n'est pas la France qui a envoyé les déchets toxiques ; ce n'est pas la France qui a fait quoi que ce soit. C'est par contre une entreprise française qui a été retenue par le gouvernement ivoirien comme étant la plus compétente. Elle a aujourd'hui exploré tous les sites et repéré tous les sites de pollution. Elle a évacué pour le moment tous les déchets et ses déchets seront rapatriés en France où nous avons une société spécialisée dans le traitement des déchets dits dangereux. Donc, là aussi, l'affaire est on ne peut plus transparente, on ne peut plus claire, et la France s'honore d'avoir de telles sociétés pour venir en aide à des pays qui étaient en grande difficulté.
Je vais vous dire quand même mon sentiment : je trouve que cette affaire est honteuse et scandaleuse. Il y a tout de même eu des morts, neuf ou dix. Il y a eu des malades, des gens contaminés. Je considère qu'il s'agit d'un crime dont j'espère que les auteurs seront punis comme tels.
Q - Un chercheur français a parlé de la prolifération d'une algue tueuse, la taxifolia, qui représente une menace pour la Méditerranée. Certains médias ont indiqué que les côtes tunisiennes étaient touchées. Y a-t-il un plan entre la Tunisie et la France pour lutter efficacement contre ce phénomène ?
R - D'abord, tout ce qui est fait en France - et je suppose qu'en Tunisie c'est la même chose - se fait sur des bases scientifiques. Aujourd'hui, nous avons des rapports mais nous n'avons pas tous les rapports qui nous permettent de juger de la situation par rapport à la plante. Le deuxième point, mais je parle sous le contrôle de Monsieur le Ministre, c'est qu'il ne m'est pas venu à l'oreille que cette algue avait traversé la Méditerranée. Elle est très localisée sur les côtes françaises. Je tiens donc à rétablir la vérité. Nous sommes extrêmement vigilants et des mesures de sécurité ont été prises.
Nous avons par ailleurs un autre problème, celui des gens qui partent en voyage et qui pensent pouvoir ramener soit un hippocampe, soit une tortue, soit de belles plantes. D'abord, ils détruisent la nature et ensuite ils polluent. Nous avons aujourd'hui en France tous nos étangs de Sologne complètement envahis par la jussie qui était une plante d'ornement. Je me suis rendue sur place il y a quelques semaines et nos étangs sont en train de mourir. Or c'est une plante qu'on ne peut arracher qu'à la main, un travail phénoménal parce que des gens n'ont pas pris conscience qu'ils créaient un vrai danger en ramenant cette plante là.
C'est pour cela que le travail de la CITES (Convention on international trade in endangered species) est un travail remarquable et important et que nous devons diffuser de plus en plus ses informations. D'ailleurs, à ce propos là, nous avons réalisé une plaquette que nous donnons à tous les passagers en partance vers des destinations dites de rêve pour qu'ils sachent qu'il ne doivent pas rapporter un certain nombre de choses. Comme je suis moi-même allée distribuer cela au comptoir des passagers, à l'aéroport Charles-de-Gaulle, pendant une matinée entière, Air France a été ravie de cette opération et l'a mise sur le film proposé sur les vols long courrier. J'ai demandé à mes amis allemands que j'ai rencontrés récemment de faire la même chose. Je crois, Monsieur le Ministre, qu'on pourrait aussi le faire sur les vols de Tunisair parce que cela permettrait d'éduquer les gens car ramasser quelque chose peut détruire la nature mais aussi avoir des conséquences beaucoup plus graves.
Je vous remercie et je pars avec beaucoup de nostalgie. Cet accueil chaleureux m'a beaucoup touchée. J'ai quelque part des racines ici et cela m'a rappelé beaucoup de souvenirs de mon enfance. Je pense donc revenir en visite non officielle, quelques jours avant la fin de l'année prochaine pour revivre un certain nombre de choses que je n'ai pas réussi à retrouver.
Merci à vous tous et merci à Monsieur le Ministre pour son accueil chaleureux et la qualité de nos entretiens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2006
Mesdames et Messieurs,
Je voulais d'abord rendre hommage au ministre, au Premier ministre et au gouvernement tunisien pour la qualité de nos échanges, l'amitié entre nos deux pays et leur volonté farouche de défendre l'environnement, régler un certain nombre de problèmes et relever un certain nombre de défis, pour rendre cette terre plus vivable, plus acceptable, et donner aux générations futures une planète dans un état autre.
Cette visite fait suite à la visite du Premier ministre en France, en mai dernier, et je dirais que nous avons approfondi les relations entre entreprises.
En ce qui concerne ma visite durant ces trois jours, trop courts, hélas, je ne vous cacherai pas la chaleur que j'ai ressentie de la part de Monsieur le Ministre et de tous ses collaborateurs ni cette volonté que nous avons de resserrer encore nos liens d'amitié et notre coopération.
Nous avons donc approfondi le dialogue franco-tunisien sur les questions de développement durable et d'environnement qui sont l'une des priorités de l'étroite coopération entre nos deux pays. J'ai choisi d'associer aussi à cette visite non seulement les organismes publics qui sont au coeur de la coopération environnementale française en Tunisie, l'AFD, l'ADEME, le Conservatoire du littoral, mais aussi des représentants du secteur privé qui sont particulièrement actifs dans ce secteur dynamique de l'économie tunisienne. Quatre PME ont intégré ma délégation et m'ont accompagnée au cours de cette visite.
Je voudrais vous rappeler quelques données sur le partenariat franco-tunisien en matière d'environnement. Vous le savez, la France est le premier partenaire de coopération de la Tunisie, avec un volume annuel de crédits de 100 millions d'euros. La France est également un partenaire commercial de premier plan. Elle est le premier fournisseur (24 %) et le premier client (33 %) de la Tunisie. Elle est le premier investisseur (hors énergie) avec 14 % des stocks fin 2005, devant l'Italie et l'Allemagne, et deuxième derrière l'Espagne en termes de flux (15 %) en 2005. 1100 entreprises à participation française (41 % du total des entreprises étrangères) sont recensées en Tunisie, à un rythme de 50 à 80 nouvelles implantations par an, une majorité de PME/PMI mais aussi des grands groupes. Cela représente un nombre important d'emplois, c'est à dire 93.000 salariés.
Dans le domaine spécifique de l'environnement, notre partenariat se concentre sur les priorités suivantes :
- eau, assainissement, littoral,
- gestion des déchets et des polluants,
- climat et qualité de l'air.
C'est pourquoi notre programme de travail et de visite a été particulièrement ciblé sur ces trois thèmes.
Ces visites nous ont permis de mieux comprendre les attentes tunisiennes en matière d'appui aux politiques publiques menées dans ce secteur, tout en faisant valoir l'expertise française publique et privée sur les projets d'avenir.
Nous venons de signer trois accords de coopération. Le premier est un projet d'agro-écologie qui porte sur la technique des semis directs avec 1,4 millions d'euros. Je peux vous dire que cette nouvelle technique nous a permis de comprendre quelle était l'importance des recherches qui avaient été conduites et de voir que cette terre, dont nous avons abusé pendant des années, s'était appauvrie. Cette culture permet, premièrement, de ressourcer la terre, de lui redonner de la santé. Deuxièmement, c'est une culture à économie d'eau, ce qui est un problème crucial chez vous comme chez nous, sans pour autant pénaliser l'agriculteur qui peut aujourd'hui procéder à deux plantations et donc deux récoltes de produits différents.
Le deuxième projet est un projet d'assainissement de la plage de Sfax qui a été polluée par les résidus de l'exploitation d'une usine de transformation du phosphate. Cela porte sur huit millions d'euros.
Le troisième est un accord cadre sur les Mécanismes de développement propre, ce qu'on appelle MDP, qui est établi par le Protocole de Kyoto. Cet accord ouvre la porte à des financements privés français pour appuyer les efforts de réduction d'émission de gaz à effet de serre en Tunisie.
Enfin la France appuie le rôle de la plate-forme régionale jouée par la Tunisie en matière de désertification.
J'ajouterai à cet exposé que j'ai été extrêmement impressionnée par la politique menée (en Tunisie) qui est très volontariste, très organisée et qui s'attaque à tous les secteurs, d'une manière largement étudiée, bien élaborée. J'en veux pour preuve les pesticides, avec un plan d'élimination que vous avez mis en place en peu de temps, Monsieur le Ministre et je vous rends hommage.
Il y a donc vraiment en Tunisie des démarches tout à fait pionnières en matière d'environnement, d'écologie et de développement durable que je souhaite réellement saluer et je crois que c'est avec la volonté qui est celle de ce pays que nous avancerons et que nous arriverons à relever les défis qui représentent pour l'avenir une vraie préoccupation.
Q - Ma question porte sur le succès de la gestion des déchets en France. Je crois que les déchetteries sont vraiment des éléments de succès du tri sélectif. En Tunisie, des associations font la même chose mais ce n'est pas encore le succès et nous attendons l'exécution des projets nationaux dans ce domaine.
R - En matière de politique des déchets, c'est vrai que nous avons mis en place depuis fort longtemps des usines d'incinération et des centres d'enfouissement techniques. Cette politique a effectivement des résultats aujourd'hui.
Mais on ne peut pas avoir un seul mode de traitement. Nous avons donc commencé à faire aussi du tri sélectif. Aujourd'hui, le tri sélectif est mis en place sur la quasi-totalitéé du territoire français, ce qui permet d'avoir des coûts de traitement des déchets réduits. Ensuite, nous avons aussi fait remettre aux normes les usines d'incinération pour ne pas être en infraction avec l'Union européenne. Parallèlement à cela, nous avons développé un certain nombre de filières : la filière des déchets électroniques et électriques qui fait l'objet d'une politique spécifique ; la filière des véhicules hors d'usage dont on sait combien ils peuvent polluer et les dégâts qu'ils créent à la nature ; et la filière des pneus. Nous avons eu pendant des années en France des décharges innommables avec des tonnes et des tonnes de déchets mais en deux ans, nous avons éliminé 75 000 tonnes de pneus et je ne désespère pas de "tordre le cou" aux décharges illégales dans l'année qui vient. Nous en avons déjà fermé plus de la moitié en un an. C'est donc une politique qui marche et nous avons l'impression qu'il y a une prise de conscience.
Je rappelle quand même que notre politique tend aussi à faire diminuer les quantités de déchets parce que la production de déchets française est catastrophique. Elle représente 360 kilos par an et par habitant, dont 290 kilos qui sont retraités. L'objectif est de ramener cette quantité à 250 kilos d'ici cinq ans et à 200 kilos d'ici dix ans. De grandes campagnes de communication et de sensibilisation sont entreprises et nous faisons aussi un vrai travail avec les producteurs, de manière à ce qu'il y ait un peu plus de produits libérés de leurs emballages dans le commerce.
J'ajouterai que je m'aperçois depuis que j'ai ces fonctions de ministre de l'Ecologie, et au travers des campagnes de sensibilisation que nous conduisons en direction des adultes ou des scolaires, qu'il y a réellement aujourd'hui une prise de conscience du danger et que les choses seront vraiment très graves si rien n'est fait.
Q - Je voudrais savoir quels sont les avantages des crédits qui seront accordés par la France à la Tunisie ? Y a-t-il en outre une possibilité de recycler des crédits pour l'environnement ?
R - Aujourd'hui, notre coopération est ciblée uniquement sur l'environnement. Tous les accords que nous signons, toutes les aides que nous pouvons apporter sont vraiment consacrées à l'environnement. J'ai l'air d'être alarmiste mais c'est un vrai défi que nous avons à relever. Toutes les politiques doivent être transversales et l'environnement est une priorité pour laquelle chaque pays doit dégager des moyens.
Je crois que la Tunisie s'honore de mettre de gros moyens à disposition, aidée en cela par l'Agence française de développement (AFD), par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et par d'autres partenariats. Il y a notre collaboration, notre coopération, notre amitié depuis des années avec la Tunisie et puis la volonté que ce pays met dans la bataille pour l'environnement qui déclenche automatiquement l'envie d'aider.
Q - Est-ce que votre visite représente un signe de bonne santé de la coopération tuniso-française ?
Ma deuxième question porte sur la gestion des déchets toxiques. On a entendu parler de beaucoup de problèmes en Côte d'Ivoire et, auparavant, avec le fameux porte-avions.
R - D'abord, si je suis là, c'est effectivement pour poursuivre. Ce n'est pas une novation. Nos relations avec la Tunisie remontent à longtemps et nos coopérations dans bien des domaines remontent à longtemps mais nous avons toujours intérêt à retravailler, à renforcer.
Et puis l'environnement, contrairement à ce que l'on peut penser, est un sujet relativement nouveau. Pendant des années, nous n'avons pas parlé d'environnement et nous pensions que nous pouvions abuser de la terre. Si vous voulez, quand on voit la volonté d'aller de l'avant du gouvernement et du ministre qui est à mes côtés, il est de notre devoir et de notre amitié de faire en sorte d'avoir une coopération encore plus serrée, encore plus étroite et, au-delà des promesses et des discours, d'échanger nos expériences et nos bonnes pratiques comme cela a été le cas hier, et puis d'accompagner un certain nombre de projets.
Sur le traitement des déchets toxiques, si vous voulez parler du "Clémenceau", je vais être très claire. Beaucoup a été dit par les journaux et je n'ai pas apprécié ce qui a été rapporté. Il faut quand même savoir que la France, dans l'affaire du "Clémenceau", a été plutôt exemplaire. Elle aurait très bien pu prendre le navire, l'envoyer couler en mer et personne n'aurait rien dit. C'est ce qui se fait dans la plupart des cas aujourd'hui.
Mais nous avons voulu une opération très ouverte. Nous avions des accords avec le pays qui recevait le bateau. Nous avions formé le personnel qui était là-bas. Ce n'était pas un chantier de "travail au noir" mais un chantier de travail on ne peut plus clair avec des normes de sécurité, des horaires qui correspondaient au travail que demandait la France et la formation du personnel sur place.
Donc, tout était transparent. Cela s'est mal passé, je le regrette, mais je tiens à rétablir la vérité. Nous n'avons pas voulu agir dans l'ombre et nous avons plutôt voulu jouer la transparence. Le résultat n'a pas été effectivement au rendez-vous mais, comme dans toute histoire, on en tire des conséquences. Le Premier ministre a demandé à ce que nous mettions en place un groupe de travail pour les navires en fin de vie et j'ai relayé cette affaire auprès du commissaire européen Stavros Dimas. Il y a donc maintenant un groupe de travail au niveau de l'Union européenne pour les navires en fin de vie parce que ce problème n'est pas uniquement un problème français. Tous les pays ne savent pas quoi faire de leurs bateaux en fin de vie et nous n'avons pas en Europe de structure particulière pour traiter ce genre de dossiers. Maintenant, le groupe de travail est en place et une expérience malheureuse permet d'avancer.
Sur les déchets de la Côte d'Ivoire, la France n'est responsable en rien de cette affaire, je tiens quand même à le dire. Ce n'est pas la France qui a envoyé les déchets toxiques ; ce n'est pas la France qui a fait quoi que ce soit. C'est par contre une entreprise française qui a été retenue par le gouvernement ivoirien comme étant la plus compétente. Elle a aujourd'hui exploré tous les sites et repéré tous les sites de pollution. Elle a évacué pour le moment tous les déchets et ses déchets seront rapatriés en France où nous avons une société spécialisée dans le traitement des déchets dits dangereux. Donc, là aussi, l'affaire est on ne peut plus transparente, on ne peut plus claire, et la France s'honore d'avoir de telles sociétés pour venir en aide à des pays qui étaient en grande difficulté.
Je vais vous dire quand même mon sentiment : je trouve que cette affaire est honteuse et scandaleuse. Il y a tout de même eu des morts, neuf ou dix. Il y a eu des malades, des gens contaminés. Je considère qu'il s'agit d'un crime dont j'espère que les auteurs seront punis comme tels.
Q - Un chercheur français a parlé de la prolifération d'une algue tueuse, la taxifolia, qui représente une menace pour la Méditerranée. Certains médias ont indiqué que les côtes tunisiennes étaient touchées. Y a-t-il un plan entre la Tunisie et la France pour lutter efficacement contre ce phénomène ?
R - D'abord, tout ce qui est fait en France - et je suppose qu'en Tunisie c'est la même chose - se fait sur des bases scientifiques. Aujourd'hui, nous avons des rapports mais nous n'avons pas tous les rapports qui nous permettent de juger de la situation par rapport à la plante. Le deuxième point, mais je parle sous le contrôle de Monsieur le Ministre, c'est qu'il ne m'est pas venu à l'oreille que cette algue avait traversé la Méditerranée. Elle est très localisée sur les côtes françaises. Je tiens donc à rétablir la vérité. Nous sommes extrêmement vigilants et des mesures de sécurité ont été prises.
Nous avons par ailleurs un autre problème, celui des gens qui partent en voyage et qui pensent pouvoir ramener soit un hippocampe, soit une tortue, soit de belles plantes. D'abord, ils détruisent la nature et ensuite ils polluent. Nous avons aujourd'hui en France tous nos étangs de Sologne complètement envahis par la jussie qui était une plante d'ornement. Je me suis rendue sur place il y a quelques semaines et nos étangs sont en train de mourir. Or c'est une plante qu'on ne peut arracher qu'à la main, un travail phénoménal parce que des gens n'ont pas pris conscience qu'ils créaient un vrai danger en ramenant cette plante là.
C'est pour cela que le travail de la CITES (Convention on international trade in endangered species) est un travail remarquable et important et que nous devons diffuser de plus en plus ses informations. D'ailleurs, à ce propos là, nous avons réalisé une plaquette que nous donnons à tous les passagers en partance vers des destinations dites de rêve pour qu'ils sachent qu'il ne doivent pas rapporter un certain nombre de choses. Comme je suis moi-même allée distribuer cela au comptoir des passagers, à l'aéroport Charles-de-Gaulle, pendant une matinée entière, Air France a été ravie de cette opération et l'a mise sur le film proposé sur les vols long courrier. J'ai demandé à mes amis allemands que j'ai rencontrés récemment de faire la même chose. Je crois, Monsieur le Ministre, qu'on pourrait aussi le faire sur les vols de Tunisair parce que cela permettrait d'éduquer les gens car ramasser quelque chose peut détruire la nature mais aussi avoir des conséquences beaucoup plus graves.
Je vous remercie et je pars avec beaucoup de nostalgie. Cet accueil chaleureux m'a beaucoup touchée. J'ai quelque part des racines ici et cela m'a rappelé beaucoup de souvenirs de mon enfance. Je pense donc revenir en visite non officielle, quelques jours avant la fin de l'année prochaine pour revivre un certain nombre de choses que je n'ai pas réussi à retrouver.
Merci à vous tous et merci à Monsieur le Ministre pour son accueil chaleureux et la qualité de nos entretiens.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2006