Texte intégral
Q- Tahitipresse : Quel est votre sentiment sur les événements de ces quinze derniers jours ?
R- François Bayrou: C'est une crise inquiétante pour tout le monde parce que vous voyez bien que les situations de blocage se multiplient. Et ces situations de blocage, elles semblent ne pas avoir d'issue parce qu'on voit que des groupes différents se mélangent pour rendre la situation en Polynésie sans issue. Il y a, depuis longtemps, cet affrontement entre deux clans qui essaient trop souvent d'attiser le feu et c'est une démarche destructrice. Or, la grande majorité des Polynésiens a envie qu'on ait en Polynésie un équilibre et que les choses avancent parce que quand tout est bloqué, tout le monde en souffre et spécialement ceux qui ont besoin de travailler, qui ont besoin de ressources. C'est eux les premières victimes, de même que l'économie est victime (...) bref, c'est une situation qui n'est pas saine.
Q- La majorité locale, et plus récemment le Parti Socialiste, reprochent au gouvernement central son manque d'impartialité, qu'en pensez-vous ?
R- Ce n'est pas facile d'être haut-commissaire en Polynésie. Je suis moi pour que l'État soit impartial. Je suis pour qu'il réagisse vite, je suis pour qu'il ne laisse pas les situations pourrir et je pense que, en l'occurrence, la haut-commissaire a fait un travail de médiation et que ce travail de médiation était bien intentionné (...) J'ai connu beaucoup de périodes (...) où l'État apparaissait comme penchant d'un côté plutôt que comme un point d'équilibre. Mais lorsque l'État fait un travail de médiation, il est exactement dans son rôle (...) Ce qui est effrayant, c'est de voir que les gens ne se parlent pas entre eux, de voir que des crises pourrissent sans qu'il y ait le dialogue nécessaire.
Q- Comment jugez-vous l'action du président Temaru et la politique qu'il mène ?
R- Beaucoup de gens se plaignent que des promesses qui avaient été faites n'ont pas été respectées et aussi que les dossiers n'avancent pas. C'est vrai qu'il y a une ambiance de déception très grande. Moi, ma première déception, c'est que le gouvernement de Polynésie se place dans une vision purement idéologique et que cette vision idéologique ne prenne pas en compte les difficultés que les gens rencontrent dans leur vie.
Q- Et ses prises de position en faveur de l'indépendance ?
R- Je pense que la Polynésie et la France, c'est une aventure qui a entraîné le développement de cette région. Comme toute aventure humaine, elle a des côtés brillants et des côtés sombres, mais, selon moi, il y a plus de côtés brillants que de côtés sombres (...) Je suis absolument persuadé qu'une très grande majorité de la population polynésienne le pense ainsi (...) pour le reste je n'ai aucune raison de dire du mal des uns et des autres. Je ne suis pas là avec une attitude partisane.
Q- Aujourd'hui vous préconisez une modification du mode de scrutin en Polynésie, pour quelle raison ?
R- Le but pour moi essentiel, c'est qu'en Polynésie il y ait une règle du jeu qui soit juste et efficace. Le scrutin que nous avons à l'heure actuelle, il est pour moi injuste et inefficace. Nous l'avons combattu à l'Assemblée quand il a été voté et, à l'époque, l'UPLD le combattait aussi. Les arguments que je reprends, ce sont les arguments de l'UPLD à l'époque. Nous, nous n'avons jamais changé de ligne sur ce sujet. Le jour où on aura une règle efficace et juste, on aura une conséquence immédiate, c'est que les gens seront obligés de travailler ensemble et pas les uns contre les autres. Et c'est cela dont la Polynésie a le plus besoin. Ce qui est effrayant, c'est d'avoir deux clans face à face et qui ne travaillent jamais ensemble, qui passent leur temps à essayer de se piquer des élus, de se tendre des pièges (...) Si je défends l'idée d'une troisième voie en Polynésie, c'est pour qu'on en sorte, pour qu'on n'ait plus perpétuellement cette guerre d'un clan contre l'autre qui paralyse la Polynésie (...) Cette force politique nouvelle, les femmes et les hommes pour la constituer existent. Il suffit qu'ils se mettent autour de la table (...) J'ai beaucoup d'estime pour Philip Schyle (...) c'est un homme intègre, c'est un homme courageux (...) et c'est quelqu'un qui est capable de rassembler.
Q- Et qu'en est-il de la députée Béatrice Vernaudon ?
R- Elle a en effet sa place dans ce rassemblement pour que la Polynésie trouve un autre avenir que cette impasse dans laquelle elle s'enferme. (...) Il y a plusieurs personnalités qui sont pour moi la charpente de ce nouveau rassemblement à construire. Je pense à Philip Schyle, je pense à Nicole Bouteau, je pense à madame Vernaudon, je pense à d'autres qui sont des animateurs de ces courants du centre en Polynésie (...) simplement, il faut qu'ils se rassemblent.
Q- Vous serez probablement candidat à l'élection présidentielle de 2007, si vous étiez élu président de la République, en quoi cela serait-il bénéfique à la Polynésie et aux Polynésiens ?
R- Je garantirai que l'État sera impartial en Polynésie. Je garantirai que la France s'intéressera à la Polynésie. Il y a un certain nombre de responsables politiques qui n'attachent pas d'importance ou qui considèrent que ce n'est pas l'avenir. Moi je pense que la présence de la France dans le Pacifique (...) c'est une chance pour notre pays et c'est une chance pour cette zone (...) Il y a forcement des ombres dans les bilans. Mais tout de même ce qui a été fait, c'est formidable. Il suffit de regarder autour de nous pour voir que c'est un modèle de société exemplaire dans la grande zone Pacifique.
Q- Les "niches fiscales" sont vivement critiquées par certains parlementaires qui visent entre autres la Polynésie française, l'UDF est elle favorable, par exemple, à la pérennisation de l'indexation des salaires des fonctionnaires ?
R- Là encore, il y a une question de dialogue et de transparence. En métropole tout le monde à l'impression que les fonctionnaires d'État notamment, en outre-mer, ont des avantages considérables et puis, quand on met sur la table le niveau des prix, le coût de la vie (....) on s'aperçoit que les avantages ne sont pas forcement du côté où l'on croit.
Q- Vous êtes donc plutôt favorable au maintien de ceux-ci ?
R- Il y a une question qu'il faut que l'on se pose, c'est celle des retraités qui font toute leur carrière en métropole et qui viendraient s'installer ici. Là, je trouve qu'il y a quelque chose qui n'est pas loin d'un abus (...) mais je suis d'accord pour que les avantages justifiés soient maintenus.
Q- Le dossier du nucléaire suscite les passions en Polynésie, comment vous positionnez-vous sur le sujet ?
R- Ma position, c'est la transparence, que chacun ait le droit de participer à l'étude qui doit être faite pour vérifier quelle est la réalité des craintes, que les gens qui participeront à cette étude se voient donner tous les éléments pour savoir exactement quelle est la situation, je n'y vois que des avantages.
Je suis persuadé qu'à ce moment-là aussi, on découvrira qu'il y a beaucoup de peur et de crainte peut-être justifiées, peut-être excessives. Que ces peurs et ces craintes, elles méritent de trouver une réponse (...) La culture du secret ne sert personne. Il y a des secrets qui sont des secrets de défense eh bien, que les gens qui participeront à cette enquête, prêtent le serment de respecter le secret défense, mais qu'on puisse leur donner les éléments de ce qu'a été la réalité d'une période dans laquelle, en effet, il y a eu des essais nucléaires (...) On est un peuple suffisamment adulte pour regarder ces choses en face. (....) Cela a peut-être eu des conséquences négatives mais cela a eu beaucoup d'avantages pour la Polynésie. La Polynésie ne serait pas où elle en est si il n'y avait pas eu cet énorme effort d'investissement. Regardons les deux choses et on s'apercevra que, sans doute, la peur est mauvaise conseillère.
Q- La France se refuse pourtant toujours à reconnaître le lien de causalité entre essais nucléaires et certaines formes de cancers contrairement à d'autres grandes puissances.
R- Si lien de causalité il y a, il doit être reconnu, mais on n'aura prouvé le lien de causalité que lorsque tout le monde aura eu les éléments en main et que les scientifiques auront dit que c'est vrai. Ce jour-là, je serais pour qu'on reconnaisse le lien de causalité.Source http://www.udf.org, le 2 novembre 2006
R- François Bayrou: C'est une crise inquiétante pour tout le monde parce que vous voyez bien que les situations de blocage se multiplient. Et ces situations de blocage, elles semblent ne pas avoir d'issue parce qu'on voit que des groupes différents se mélangent pour rendre la situation en Polynésie sans issue. Il y a, depuis longtemps, cet affrontement entre deux clans qui essaient trop souvent d'attiser le feu et c'est une démarche destructrice. Or, la grande majorité des Polynésiens a envie qu'on ait en Polynésie un équilibre et que les choses avancent parce que quand tout est bloqué, tout le monde en souffre et spécialement ceux qui ont besoin de travailler, qui ont besoin de ressources. C'est eux les premières victimes, de même que l'économie est victime (...) bref, c'est une situation qui n'est pas saine.
Q- La majorité locale, et plus récemment le Parti Socialiste, reprochent au gouvernement central son manque d'impartialité, qu'en pensez-vous ?
R- Ce n'est pas facile d'être haut-commissaire en Polynésie. Je suis moi pour que l'État soit impartial. Je suis pour qu'il réagisse vite, je suis pour qu'il ne laisse pas les situations pourrir et je pense que, en l'occurrence, la haut-commissaire a fait un travail de médiation et que ce travail de médiation était bien intentionné (...) J'ai connu beaucoup de périodes (...) où l'État apparaissait comme penchant d'un côté plutôt que comme un point d'équilibre. Mais lorsque l'État fait un travail de médiation, il est exactement dans son rôle (...) Ce qui est effrayant, c'est de voir que les gens ne se parlent pas entre eux, de voir que des crises pourrissent sans qu'il y ait le dialogue nécessaire.
Q- Comment jugez-vous l'action du président Temaru et la politique qu'il mène ?
R- Beaucoup de gens se plaignent que des promesses qui avaient été faites n'ont pas été respectées et aussi que les dossiers n'avancent pas. C'est vrai qu'il y a une ambiance de déception très grande. Moi, ma première déception, c'est que le gouvernement de Polynésie se place dans une vision purement idéologique et que cette vision idéologique ne prenne pas en compte les difficultés que les gens rencontrent dans leur vie.
Q- Et ses prises de position en faveur de l'indépendance ?
R- Je pense que la Polynésie et la France, c'est une aventure qui a entraîné le développement de cette région. Comme toute aventure humaine, elle a des côtés brillants et des côtés sombres, mais, selon moi, il y a plus de côtés brillants que de côtés sombres (...) Je suis absolument persuadé qu'une très grande majorité de la population polynésienne le pense ainsi (...) pour le reste je n'ai aucune raison de dire du mal des uns et des autres. Je ne suis pas là avec une attitude partisane.
Q- Aujourd'hui vous préconisez une modification du mode de scrutin en Polynésie, pour quelle raison ?
R- Le but pour moi essentiel, c'est qu'en Polynésie il y ait une règle du jeu qui soit juste et efficace. Le scrutin que nous avons à l'heure actuelle, il est pour moi injuste et inefficace. Nous l'avons combattu à l'Assemblée quand il a été voté et, à l'époque, l'UPLD le combattait aussi. Les arguments que je reprends, ce sont les arguments de l'UPLD à l'époque. Nous, nous n'avons jamais changé de ligne sur ce sujet. Le jour où on aura une règle efficace et juste, on aura une conséquence immédiate, c'est que les gens seront obligés de travailler ensemble et pas les uns contre les autres. Et c'est cela dont la Polynésie a le plus besoin. Ce qui est effrayant, c'est d'avoir deux clans face à face et qui ne travaillent jamais ensemble, qui passent leur temps à essayer de se piquer des élus, de se tendre des pièges (...) Si je défends l'idée d'une troisième voie en Polynésie, c'est pour qu'on en sorte, pour qu'on n'ait plus perpétuellement cette guerre d'un clan contre l'autre qui paralyse la Polynésie (...) Cette force politique nouvelle, les femmes et les hommes pour la constituer existent. Il suffit qu'ils se mettent autour de la table (...) J'ai beaucoup d'estime pour Philip Schyle (...) c'est un homme intègre, c'est un homme courageux (...) et c'est quelqu'un qui est capable de rassembler.
Q- Et qu'en est-il de la députée Béatrice Vernaudon ?
R- Elle a en effet sa place dans ce rassemblement pour que la Polynésie trouve un autre avenir que cette impasse dans laquelle elle s'enferme. (...) Il y a plusieurs personnalités qui sont pour moi la charpente de ce nouveau rassemblement à construire. Je pense à Philip Schyle, je pense à Nicole Bouteau, je pense à madame Vernaudon, je pense à d'autres qui sont des animateurs de ces courants du centre en Polynésie (...) simplement, il faut qu'ils se rassemblent.
Q- Vous serez probablement candidat à l'élection présidentielle de 2007, si vous étiez élu président de la République, en quoi cela serait-il bénéfique à la Polynésie et aux Polynésiens ?
R- Je garantirai que l'État sera impartial en Polynésie. Je garantirai que la France s'intéressera à la Polynésie. Il y a un certain nombre de responsables politiques qui n'attachent pas d'importance ou qui considèrent que ce n'est pas l'avenir. Moi je pense que la présence de la France dans le Pacifique (...) c'est une chance pour notre pays et c'est une chance pour cette zone (...) Il y a forcement des ombres dans les bilans. Mais tout de même ce qui a été fait, c'est formidable. Il suffit de regarder autour de nous pour voir que c'est un modèle de société exemplaire dans la grande zone Pacifique.
Q- Les "niches fiscales" sont vivement critiquées par certains parlementaires qui visent entre autres la Polynésie française, l'UDF est elle favorable, par exemple, à la pérennisation de l'indexation des salaires des fonctionnaires ?
R- Là encore, il y a une question de dialogue et de transparence. En métropole tout le monde à l'impression que les fonctionnaires d'État notamment, en outre-mer, ont des avantages considérables et puis, quand on met sur la table le niveau des prix, le coût de la vie (....) on s'aperçoit que les avantages ne sont pas forcement du côté où l'on croit.
Q- Vous êtes donc plutôt favorable au maintien de ceux-ci ?
R- Il y a une question qu'il faut que l'on se pose, c'est celle des retraités qui font toute leur carrière en métropole et qui viendraient s'installer ici. Là, je trouve qu'il y a quelque chose qui n'est pas loin d'un abus (...) mais je suis d'accord pour que les avantages justifiés soient maintenus.
Q- Le dossier du nucléaire suscite les passions en Polynésie, comment vous positionnez-vous sur le sujet ?
R- Ma position, c'est la transparence, que chacun ait le droit de participer à l'étude qui doit être faite pour vérifier quelle est la réalité des craintes, que les gens qui participeront à cette étude se voient donner tous les éléments pour savoir exactement quelle est la situation, je n'y vois que des avantages.
Je suis persuadé qu'à ce moment-là aussi, on découvrira qu'il y a beaucoup de peur et de crainte peut-être justifiées, peut-être excessives. Que ces peurs et ces craintes, elles méritent de trouver une réponse (...) La culture du secret ne sert personne. Il y a des secrets qui sont des secrets de défense eh bien, que les gens qui participeront à cette enquête, prêtent le serment de respecter le secret défense, mais qu'on puisse leur donner les éléments de ce qu'a été la réalité d'une période dans laquelle, en effet, il y a eu des essais nucléaires (...) On est un peuple suffisamment adulte pour regarder ces choses en face. (....) Cela a peut-être eu des conséquences négatives mais cela a eu beaucoup d'avantages pour la Polynésie. La Polynésie ne serait pas où elle en est si il n'y avait pas eu cet énorme effort d'investissement. Regardons les deux choses et on s'apercevra que, sans doute, la peur est mauvaise conseillère.
Q- La France se refuse pourtant toujours à reconnaître le lien de causalité entre essais nucléaires et certaines formes de cancers contrairement à d'autres grandes puissances.
R- Si lien de causalité il y a, il doit être reconnu, mais on n'aura prouvé le lien de causalité que lorsque tout le monde aura eu les éléments en main et que les scientifiques auront dit que c'est vrai. Ce jour-là, je serais pour qu'on reconnaisse le lien de causalité.Source http://www.udf.org, le 2 novembre 2006