Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la nécessité pour les pays confrontés à de graves problèmes de sécurité alimentaire d'investir dans l'agriculture et le développement rural et sur la réforme de la FAO, Rome le 30 octobre 2006.

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Circonstance : 32ème session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (FAO) à Rome le 30 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le Directeur général et Cher Ami,
Monsieur le Vice-Président
Eminence,
Messieurs les Ministres,
Madame la Représentante du Maire de Rome,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Directeur général, de m'inviter à prendre la parole à l'occasion de cette 32ème session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale.
C'est au nom du président de la République, M. Jacques Chirac, qui m'a demandé de le représenter, que je m'exprime devant vous aujourd'hui.
Il y a dix ans, les chefs d'Etat et de gouvernement, rassemblés lors du Sommet mondial de l'alimentation, s'étaient engagés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde d'ici à 2015.
Quatre ans plus tard en 2000, le Sommet du Millénaire faisait de la lutte contre la faim et la malnutrition un objectif central des politiques de développement. La réduction de moitié de la sous-alimentation et de l'extrême pauvreté est maintenant le premier des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Je veux ici rendre hommage à la FAO et à son Directeur général pour leur combat permanent contre ce scandale qu'est la faim, et pour leur action visant à rappeler sans cesse le rôle primordial que joue l'agriculture dans ce combat que nous sommes encore si loin d'avoir gagné.
Malgré nos efforts communs, la situation alimentaire mondiale demeure inacceptable : 854 millions de personnes, essentiellement des ruraux, souffrent encore de la faim. Et nous n'avons malheureusement pas observé de baisse significative de ce chiffre au cours des quinze dernières années.
La faim est une prison dont les murs sont toujours debout pour ces millions d'enfants, de femmes et d'hommes qui se réveillent chaque matin en se demandant s'ils pourront manger avant que le soleil se couche. Nous devons abattre ces murs. Pas seulement par compassion, ni pour nous préserver des extrémismes qu'elle engendre ou des mouvements migratoires qu'elle provoque, mais pour que nos enfants puissent vivre dans un monde plus équilibré aux plans économique, social et environnemental, un monde plus pacifique et plus solidaire.
Pour faire reculer la faim, la réunion de facteurs fondamentaux comme la paix civile et la stabilité politique et institutionnelle est primordiale. Les politiques de développement ne peuvent trouver leur pleine efficacité dans un contexte instable ou incertain.
Nous savons aussi, grâce à l'expertise développée par la FAO depuis plus de 60 ans, que la pauvreté et la malnutrition sont essentiellement des phénomènes ruraux. L'agriculture et le développement rural se trouvent donc au coeur des enjeux de la lutte contre la malnutrition.
Il convient dès lors que tous les pays, ceux du Nord comme ceux du Sud, en tirent les conséquences. Quatre grands axes me semblent devoir être privilégiés :
En premier lieu, nous devons remettre l'agriculture au coeur des politiques de développement et de l'agenda international. En effet, le développement des agricultures des pays confrontés à de graves problèmes de sécurité alimentaire est une condition essentielle pour atteindre les objectifs du plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation.
Deuxièmement, les Etats concernés doivent élaborer des politiques agricoles volontaristes, compatibles avec la protection de l'environnement, avec l'appui des pays développés s'ils le jugent utile et nécessaire. Ce sont en effet les Etats eux-mêmes qui ont la responsabilité d'assurer la sécurité alimentaire de leur population. C'est ainsi qu'ils acquerront la souveraineté alimentaire ; c'est-à-dire leur responsabilité et leur capacité à maîtriser l'alimentation de leurs populations par leur propre production agricole ou en ayant recours aux marchés internationaux.
Dans cette perspective, l'investissement dans le secteur agricole a besoin d'être encouragé. Le développement de l'investissement privé, appuyé sur des formes de financement nouvelles comme le microcrédit, doit être encouragé, sans oublier que l'augmentation des investissements publics est elle aussi essentielle pour réduire la précarité en milieu rural. C'était le thème de la journée mondiale de l'alimentation organisée il y a quelques jours : "Investir pour l'agriculture pour la sécurité alimentaire". Public et privé, l'investissement dans les infrastructures permettant notamment un accès majeur à l'eau et de meilleurs transports est prioritaire.
Enfin, il convient de tenir pleinement compte des pays pauvres dans la définition des règles du commerce mondial. Une libéralisation non régulée des échanges de produits agricoles créera des dommages considérables aux pays les plus pauvres. Ces pays doivent disposer du temps et des instruments politiques nécessaires pour développer leur sécurité alimentaire; c'est-à-dire préserver leurs approvisionnements et mieux protéger le revenu de leurs agriculteurs. Dans cet esprit, l'initiative "Tout sauf les armes" et celle de "l'aide au commerce" portée notamment par l'Union européenne dans les négociations à l'OMC sont essentielles.
La France, pour ce qui la concerne, s'est toujours montrée très mobilisée sur ces questions. Depuis la Déclaration de Rome de 1996, le président de la République a pris de nombreuses initiatives et porté avec d'autres Etats une nouvelle vision du développement, une vision s'appuyant sur l'idée de partenariat qu'exprime notamment l'Alliance contre la faim et la pauvreté.
La France s'est ainsi engagée à mettre en oeuvre le consensus de Monterrey : grâce aux efforts consentis, notre aide publique au développement sera portée à 0,5 % du PIB dès 2007 et atteindra l'objectif fixé de 0,7 en 2012.
Pour répondre à l'insuffisance des fonds d'aide au développement au regard des besoins et au regard des richesses créées par la mondialisation, nous avons, avec d'autres pays, mis en place des sources innovantes de financement, qui permettront d'augmenter les flux financiers nécessaires à la réalisation des objectifs de développement. Ces nouveaux outils permettront une action plus efficace et une répartition plus équitable. Nous devons continuer dans cette voie pour renforcer nos efforts en particulier dans le domaine de la lutte contre la faim et l'accès à l'eau.
Pour être davantage efficaces, les efforts que déploient les membres de la communauté internationale doivent aussi être mieux concertés et coordonnés dans des institutions multilatérales.
Dans cette perspective, notre organisation, la FAO, Monsieur le Directeur général, est le principal outil d'intervention de la communauté internationale, et son rôle doit être soutenu et renforcé. Si nous voulons mener à bien la tâche qui nous a été assignée, j'estime que trois conditions doivent être remplies :
Tout d'abord, nous devons nous retrouver, nous les pays membres, sur les valeurs de confiance et de solidarité qui prévalaient quand nous avons fondé l'organisation.
Ensuite, il faut que nous renforcions l'action du pôle agricole international à Rome, notamment par une collaboration accrue entre les institutions agricoles qui s'y trouvent : la FAO, le PAM (Programme alimentaire mondial) et le FIDA (Fonds international de Développement agricole);
Enfin, il est impératif de moderniser notre organisation. Les réformes engagées, les conclusions à venir du panel de haut niveau et l'évaluation externe indépendante qui est en cours, sont autant d'éléments qui nous guident vers cet objectif. Il est souhaitable de mettre en place très vite la FAO de demain. Une FAO capable de mobiliser de nouvelles ressources et d'initier de nouveaux partenariats. Une FAO qui constituera pour les sociétés civiles des pays bénéficiaires un acteur majeur et indispensable de leur développement. Au-delà des moyens financiers, c'est aussi une évolution des esprits et des méthodes qui est nécessaire dans un monde et un système des Nations unies en évolution.
La tâche est encore immense et nous savons pouvoir compter sur vous, Monsieur le Directeur général, comme sur tout le personnel de la FAO, pour prendre votre part de l'effort à fournir.
Je voudrais enfin, Monsieur le Directeur général, réaffirmer au nom du président de la République la pleine confiance de la France dans votre organisation.
J'en appelle aussi à tous les pays membres pour se mobiliser, retrouver le souffle d'origine qui pourra nous porter vers la victoire que nous devons absolument remporter pour éradiquer la faim et son cortège de souffrances et de menaces.
Aujourd'hui comme hier, la FAO peut compter sur un soutien et un engagement fort de la France qui a toujours été à ses côtés lors des étapes importantes et décisives de son histoire.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2006