Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à France 2 le 3 novembre 2006, sur le rsique de grippe aviaire en métropole et le risque d'épidémie de chikungunya à La Réunion, l'interdiction de fumer dans les lieux publics et la réduction du déficit de la sécurité sociale.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Vous étiez en début de semaine à la Réunion pour faire le point sur l'épidémie de chikungunya, on va en reparler, mais je voudrais d'abord qu'on évoque un autre risque qui concerne, lui, la métropole, c'est-à-dire la grippe aviaire. On sait qu'elle est liée aux migrations des oiseaux, c'est maintenant que les migrations commencent. Est-ce qu'il y a déjà des précautions qui ont été prises ?
R- Oui, une vigilance renforcée, bien évidemment. Et c'est bien, je crois, d'en parler parce que cela fait maintenant bien longtemps que ça ne fait plus la Une de l'actualité, et pourtant l'épidémie de grippe aviaire est toujours très présente dans le monde. On a notamment, en Indonésie, régulièrement des nouveaux cas ; en Egypte, on a également connu des décès. Je tiens à vous dire que pendant tous ces mois qui se sont écoulés, nous avons continué à renforcer l'état de préparation de la France, en faisant l'acquisition notamment de médicaments, de masques, mais aussi en nous préparant, si jamais il y avait une pandémie, à pouvoir conserver une vie ordinaire dans des situations extraordinaires. Nous avons mis en place, par exemple, un comité de vigilance citoyen avec X. Emmanuelli à sa tête, pour imaginer ce que serait la vie avec une pandémie grippale. Tout en sachant...
Q- Par exemple ? Prenons un exemple concret.
R- Comment ferions-nous, par exemple, pour que les hôpitaux continuent à tourner, pour que nous puissions continuer à faire des courses, comment garderait-on les habitudes pour aller travailler ? Comment garderait-on les enfants ? Toutes les questions qui doivent être posées aujourd'hui tranquillement plutôt que d'avoir à réagir dans une crise. Aujourd'hui, l'Organisation mondiale de la santé nous dit que nous ne savons pas si nous serons un jour confronté à une pandémie grippale et si cela interviendra dans cinq mois, dans cinq ans ou dans dix ans. Mais notre rôle, nous, c'est d'anticiper et de nous préparer.
Q- Est-ce que l'on sait si les traitements, si les médicaments sont plus efficaces maintenant ? Est-ce qu'on a fait des progrès dans le traitement par rapport à l'année dernière ?
R- Il y a deux choses. Il y a les médicaments et au moment où je vous parle, la France a sur son territoire national plus de 16 millions de traitements de médicaments. Et puis, il y a ensuite le vaccin, mais pour qu'il y ait un vaccin, il faut qu'il y ait pandémie et que ce virus mute de l'homme à l'homme, ce qui n'a jamais été le cas aujourd'hui sur la planète. Nous avons eu en Indonésie des questions qui se sont posées dans une seule et même famille, mais il n'y a pas eu de mutation du virus. Et puis, il y a aussi un autre aspect, c'est les masques pour pouvoir se protéger ; nous en avons plus d'un milliard en France, entre les masques pour les malades et les professionnels de santé. Tant que nous pourrons améliorer notre état de préparation, nous le ferons.
Q- Donc vous dites qu'aujourd'hui la France est prête dans l'éventualité d'une épidémie ?
R- Oui, préparée. Beaucoup de commentateurs internationaux disent que la France est certainement l'un des pays les mieux préparés ; moi, je ne me contente pas de ce satisfecit, tant qu'on peut améliorer les choses, on le fera.
Q- Sur le chikungunya, je disais que vous étiez en début de semaine à la Réunion. L'année dernière, un tiers de la population a été touchée, est-ce que cette année le risque est le même ?
R- Nous ne savons pas aujourd'hui de quoi demain sera fait. Ce n'est pas parce qu'au moment où je vous parle, il y a cinq à six fois moins de cas de contamination que l'an dernier à la même époque, qu'on peut penser ou qu'on peut dire que le chikungunya est derrière nous. Ce qui est vrai, c'est que la mobilisation a énormément progressé depuis l'an dernier et que sur place, à la Réunion comme d'ailleurs à Mayotte, on a bien pris conscience que le chikungunya était lié aux moustiques. L'an dernier, à peine 50 % de la population pensait que le chikungunya était lié aux moustiques. Or chacun a compris que c'est justement par la prévention, en bloquant le moustique qu'on bloque le chikungunya. J'étais à la Réunion pour la quatrième fois en un peu moins d'un an, et j'ai pu voir un week-end de mobilisation citoyenne où chacun, l'Etat, les collectivités locales, les associations, la population, a justement pris conscience qu'il fallait se protéger, et des moustiques et soi-même aussi, et autour de chez soi.
Q- Sur un tout autre dossier, vous avez eu une passe d'arme avec N. Sarkozy sur la question du tabac. N. Sarkozy disait qu'il fallait adapter le dispositif, notamment dans les zones rurales, en faveur des bureaux de tabacs. Est-ce qu'il y aura adaptation ou pas ?
R- Non, il n'y aura pas deux poids, deux mesures, très clairement. Il faut savoir que nous avons besoin de protéger les salariés dans les lieux qui sont justement exposés au tabagisme, les restaurants, les bars-tabacs, partout, que l'on soit dans une grande métropole ou que l'on soit effectivement en milieu rural. Nous ne pouvons pas avoir une protection des salariés qui serait à la carte. Il faut savoir en plus qu'il y a une décision de la cour de cassation très claire, qui nous dit que l'on doit protéger les salariés qui sont exposés. Encore une fois, il y a chaque année 6.000 personnes qui meurent du tabac et qui, pourtant, ne fument pas. Ce sont les victimes du tabagisme passif, et nous avons 66.000 personnes qui, chaque année, meurent du tabac. Il est important aujourd'hui de nous situer à nouveau à la pointe de ce combat contre le tabagisme. Vous savez, c'est une décision qui était aussi très attendue. Et encore une fois, nous allons pouvoir, dès le 1er février, faire en sorte que les choses changent pour plus de 25 millions de salariés sur leur lieu de travail. Je tiens d'ailleurs à vous dire que dans les administrations, je compte proposer qu'il n'y ait aucune pièce fumeur fermée pour tous les agents d'Etat.
Q- Ça, c'est nouveau, il était prévu justement une pièce pour les fumeurs ; il n'y en aura pas ?
R- Pour l'administration, c'est nous qui sommes responsables, c'est l'Etat qui, justement, a cette responsabilité. J'avais indiqué que dans les hôpitaux, dans les établissements scolaires, il n'y aurait pas de pièce fumeur fermée, donc que nous ne mettrions même pas cette disposition rendue possible ; eh bien ce sera la même chose pour l'ensemble des administrations de l'Etat. Je souhaite que l'Etat soit vraiment exemplaire en la matière, nous pouvons et nous devons montrer l'exemple.
Q- Cette semaine, le budget de la Sécurité sociale a été adopté. C'est un budget qui prévoit 8 milliards de déficit, on est quand même très loin du retour à l'équilibre qu'avait souhaité J. Chirac...
R- Soyons précis, il y a quatre choses quand on parle de la Sécurité sociale : il y a la maladie, la vieillesse, les accidents du travail et la famille. Sur la branche maladie, là où nous avons fait la réforme de l'assurance maladie, on partait de 16 milliards d'euros de déficits fin 2005, et on sera à moins de 4 milliards d'euros fin 2007, en moins de trois ans.
Q- Ce n'est quand même pas l'équilibre...
R- Attendez, on ne va pas jouer sur les mots ; à l'époque, on a dit "retour vers l'équilibre". Vous partez de 16, vous arrivez à moins de quatre, je pense que la pente est claire, et qu'on voit que les efforts des Français qui ont choisi leur médecin traitant, qui prennent des génériques. On a renforcé les contrôles pour éviter les fraudes et les abus ; tout ça, ça marche ! Cela veut dire donc qu'on va garder notre Sécu.
Q- Sur le Sida, il y a aujourd'hui une conférence qui est organisée pour aider les pays pauvres à lutter contre la maladie. Il y a un énorme travail à faire dans ce domaine.
R- Il y a un énorme travail, mais c'est vrai que la France aussi veut se situer à la pointe de ce combat pour justement lutter contre le sida. Je réunis aujourd'hui 32 pays, 32 ministres de la Santé de pays concernés avec ce réseau ESTER. Je travaille avec B. Kouchner sur ce sujet, nous investissons depuis des années dans des hôpitaux, dans des coopérations hospitalières, nous mettons à disposition des médicaments avec United. Il est temps aussi d'investir dans le personnel médical. Il manque plus de quatre millions de personnels médicaux au Sud et il faut aujourd'hui permettre de former sur place et de garder sur place des médecins, c'est tout l'enjeu de cette conférence internationale. C'est une grande première, mais je pense qu'il faut encore faire davantage si l'on veut éviter qu'il y ait 39 millions de séropositifs aujourd'hui qui continuent à augmenter. Nous avons la possibilité de casser ce qui semble être une fatalité du Sida, il n'y a pas de fatalité.
Q- Une question plus politique : on voit beaucoup de personnes à l'UMP qui pourraient être candidates ou candidats à l'élection présidentielle, est-ce que vous envisagez plusieurs candidats UMP à cette élection ?
R- Certainement pas. s'il y a deux candidats UMP au premier tour de la présidentielle, il y aura zéro candidat UMP au second tour de la présidentielle. Il faut bien avoir en mémoire ce qui s'est passé le 21 avril 2002. L'histoire peut toujours se répéter si nous ne retenons pas les leçons de l'histoire et les leçons. Laissons le spectacle de la division à la gauche, quand on voit les réunions du Parti socialiste, les sifflets, les critiques, laissons leur le spectacle de la division, soyons plus intelligents, travaillons.
Q- Et le candidat UMP, ce sera N. Sarkozy ?
R- Le candidat UMP sera désigné à la mi-janvier. Pour l'instant, vous le voyez, vous l'avez vu avec vos sujets, on a pas mal de boulot au Gouvernement, on a beaucoup de travail à faire, surtout si l'on veut continuer à réconcilier les Français avec la politique. Qu'ils choisissent ensuite droite ou gauche, à chacun d'être le meilleur.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 novembre 2006