Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à France Info le 15 novembre 2006, sur la présentation au Sénat d'un amendement instaurant le prélèvement social proportionnel au chiffre d'affaires pour les entrepreneurs indépendants.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- Le Sénat a voté cette nuit un de vos amendements, inaugurant un prélèvement social proportionnel pour les entrepreneurs indépendants - on va en parler à 8h15. Avant cela, un petit mot : vous ne vous intéressez pas à Paris, finalement ?
R- Le "finalement" est formidable. Cela fait des mois et des mois que je dis que je serai candidat dans la 21ème circonscription du Nord à Valenciennes et non pas à Lille, puisque pendant six mois cela a été la rumeur, pas plus d'ailleurs que dans le 12ème arrondissement de Paris. Voilà. Donc les choses sont faites comme je l'ai toujours dit. Laissez le "marquis de Source Sûre" continuer à informer les rédactions.
Q- Et les municipales à Paris, c'est la même chose ?
R- Pareil.
[...]
Q- Merci d'être avec nous, J.-L. Borloo, d'autant que vous avez passé une bonne partie de la soirée au Sénat, le Sénat qui a adopté un de vos amendements instaurant un prélèvement social proportionnel pour les entrepreneurs indépendants ; est-ce un bouclier social ?
R- Non. Jusqu'à présent, toute personne qui voulait avoir une activité, monter une entreprise ou même avoir simplement une activité complémentaire de menuiserie, payait, pour être en règle, une taxe forfaitaire, enfin, plus exactement, l'ensemble des charges qu'il avait payé de manière forfaitaire, était de 780 euros par trimestre, dès le premier euro de chiffre d'affaires. Que vous fassiez 1 euros, 10 euros, 100 euros, quand vous démarriez une activité, eh bien vous vous retrouviez avec 3.523 euros au total pour les caisses d'assurance maladie, retraite, enfin l'ensemble des caisses sociales. Ce système, très très franchement, était absurde. Ce système avait deux conséquences ; la première, c'est que quand vous démarriez doucement une activité, en hésitant un peu, vous aviez quasiment des revenus négatifs les premiers trimestres. Cela a dissuadé les gens à s'installer ou à faire ces activités, ou cela entraîne un travail au noir considérable. Donc il a été décidé que pour les trois premières années, l'ensemble de ces charges sociales allait être un pourcentage de votre chiffre d'affaires.
Q- Et au bout de trois ans, on revient au forfait ?
R- Et au bout de trois ans, on revient au système antérieur. Le pourcentage, il est simple, il est d'un peu plus de 24 % pour l'ensemble des activités, aux alentours de 14 % pour le commerce, simplement. J'allais dire "enfin !". Vous savez que l'on est à peu près certains qu'il y aura plus de 300.000 personnes qui travaillent au noir aujourd'hui, d'une manière ou d'une autre - pas forcément à temps plein d'ailleurs -, qui vont se déclarer, qui vont enfin avoir des droits sociaux de toutes sortes et, surtout, qui vont participer à la machine économique et, d'ailleurs, remplir les caisses sociales. On estime également qu'il y aura plus de 300.000 créations déclarées, ce qui porterait à 600.000 ; c'est là-dessus qu'a été établi le projet.
Q- En même temps, vous savez ce que l'on va dire : encore des suppressions de charges pour les petits patrons...
R- Et pourquoi, lorsque l'on démarre une activité, pourquoi vouliez-vous avoir un système qui soit à ce point absurde ? Que je fasse 100 euros de chiffre d'affaires, je paie, quoi qu'il arrive, 3.100. Payer des charges à la proportion du chiffre d'affaires, cela paraît raisonnable. Il ne s'agit pas de ne pas payer de charges, il s'agit de rendre ce système raisonnable, vertueux. Il n'y en aura pas moins, ce sera simplement proportionnel à l'activité.
Q- Pourquoi cette forme de précipitation pour présenter cet amendement ? Il a été soumis aux sénateurs au dernier moment, J. Arthuis, ancien ministre UDF, a déclaré que ce n'est pas une bonne façon de traiter le Parlement.
R- Deux remarques : pour mettre au point ce sujet, où il a fallu mettre d'accord toutes les caisses de Sécurité sociale et tous les ministères, j'y travaille depuis un an et demi. Un an et demi pour monter cela, ce n'est pas tout à fait simple... Cela fait trente ans que l'on en parle de cette histoire, trente ans ! Tous les ministres, les uns derrière les autres, en charge de l'emploi, ont été confrontés à cela, tous.
Q- Mais pourquoi ça coince alors ?
R- Parce que c'était compliqué. Il fallait obtenir cet arbitrage, c'était complexe. Néanmoins J. Arthuis a raison ; là où il a raison, c'est que c'est vrai que l'amendement lui-même a été présenté tardivement par le Gouvernement, il a d'ailleurs été voté tardivement dans la nuit. Je suis navré que l'on travaille un peu trop rapidement dans ces cas là. Cela dit, le président Arthuis a voté l'amendement, comme l'ensemble du groupe UDF ; cet amendement a été très largement voté...
Q- Pas par la gauche.
R- C'est comme ça, c'est un peu surprenant. Mais cela fait trente ans que l'on attendait.
Q- J'aimerais que l'on parle un petit peu de ces mauvaises nouvelles de la croissance ; vous avez entendu sans doute la chronique d'H. Lauret : la croissance ralentit. Est-ce que vous vous attendez à ce que le chômage cesse de baisser ?
R- Les chiffres de la croissance sont des chiffres des trois mois qui viennent de s'écouler, c'est-à-dire en réalité des quatre, le temps d'avoir les chiffres eux-mêmes. Donc on parle de ce qui s'est passé dans les quatre derniers mois, et pour autant, le chômage a continué à baisser, de fait, pendant la même période et de manière assez massive d'ailleurs, de manière assez massive. Pourquoi ? Parce qu'en fait, c'est le mode d'organisation de la relation offre et demande qui a été travaillé par un plan de cohésion sociale, ainsi que l'alternance, les contrats de professionnalisation, les maisons de l'emploi... Enfin, tout ce que l'on a évoqué d'ores et déjà ici. Donc c'est la réduction du chômage qui est structurelle. Néanmoins, j'espère très, très vivement que la croissance sera au rendez-vous au quatrième trimestre.
Q- Mais vous êtes encore optimiste pour l'emploi ?
R- Mais je suis déterminé ! Je vous ai dit...
Q- Déterminé, oui, mais...
R- C'est marrant, parce qu'il a deux ans, ici même, à peu près à la même heure, on était à 10,2 on partait vers 11, et je vous disais : "quel que soit le taux de croissance, on sera à moins de neuf dans dix-huit mois ". Et vous m'avez dit : "mais enfin, monsieur le ministre, ce n'est pas possible, vous savez bien que l'emploi c'est la croissance." Et moi, je vous répondais : "Ce n'est pas forcément comme cela que ça se passe." Nous avons des capacités liées à notre organisation, recevoir les demandeurs d'emploi tous les mois, par exemple, et non pas tous les ans...
Q- Et alors, dans six mois, on sera...
R- ...Avoir un dossier unique. Ça, en revanche, je ne suis pas madame Irma.
Q- Puisque vos prédictions sont bonnes...
R- Je ne suis pas madame Irma ! Mais le travail qui est fait dans ce domaine, et qui est indispensable, en tout état de cause, je veux dire, quoi qu'il arrive, il y aura toujours trop de demandeurs d'emploi et de demandes d'emploi non satisfaites.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 novembre 2006