Texte intégral
Discours de M. Charles Josselin
Merci d'être venus pour que je puisse vous présenter ce que fait la France à l'occasion de cette journée mondiale de l'eau, dont le principe a été arrêté en 1993 par les Nations unies et qui invite les Etats membres des Nations unies à profiter de ce moment pour apporter un éclairage particulier à un dossier qui est tout à fait considérable. On en parlera un peu plus complètement tout à l'heure. Mais puisqu'il s'agit bien, d'abord, de sensibilisation du public à ces différentes questions, je voudrais déjà vous présenter un certain nombre de documents que le ministère des Affaires étrangères a réalisés et qui permettent évidemment de sensibiliser à la question de l'eau, mais aussi d'éclairer la coopération que la France conduit dans ce domaine.
Il y a d'abord un coffret intitulé "L'eau en partage", qui contient une brochure qui présente les enjeux de l'eau dans le monde, qui présente aussi notre expérience et nos actions et puis dix fiches qui sont des exemples de coopération, des exemples choisis pour illustrer la diversité des zones d'interventions mais aussi les principaux thèmes sur lesquels nous concentrons nos actions de coopération dans le domaine de l'eau. Dans le même coffret un CD-ROM avec l'ensemble des données traduites en allemand, en anglais, en arabe, en espagnol, toutes informations qui sont accessibles sur le site Internet du ministère. Et puis en plus une autre série de fiches documentaires qui, dans le cadre d'une collection qui a pour titre "L'eau, la vie, l'environnement", sont bâties de façon à illustrer les différentes façons d'aborder le thème de l'eau ; la collection comprend trois volets :
- "les enjeux de l'eau" : (les usages, la gestion des eaux, la bataille de l'eau, le thème développement et coopération )
- "entre eau et terre" qui prend en compte en particulier la pratique de l'agriculture, les exigences écologiques
- et puis "l'eau, reflet de la vie" qui sont des chroniques autour de la vie et de l'eau.
En tout, 42 documentaires que je considère comme tout à fait remarquables qui illustrent des notions trop longtemps méconnues : la culture de l'eau, les liens entre la culture et la coopération technique. Et c'est cette approche entre culture et coopération technique qui est, je crois, une des marques de l'expérience de la France et promouvoir notre expertise, notre savoir-faire dans le domaine de l'eau c'est aussi dans une certaine mesure un mode de diffusion de la culture française.
Autre outil de communication, une exposition sur l'eau qui vient compléter la collection documentaire. Elle a été conçue par les organismes de recherche français spécialisés dans le domaine de l'eau et constitue une synthèse des connaissances sur cette ressource et les enjeux qui lui sont liés. Ces éléments - collection, exposition- sont repris dans un catalogue introduit par Madame Voynet et moi-même, qui souligne notre souci de coordination et de continuité dans nos actions tant en France qu'à l'étranger.
Enfin un dossier technique "eau et santé" réalisé sur financement du ministère des Affaires étrangères par le programme Solidarité-Eau dont le président est monsieur l'ambassadeur Réthoré. Un programme qui a le mérite en plus d'organiser la collaboration entre les ONG et les collectivités locales françaises qui interviennent dans les projets d'eau dans les pays en développement. Et ce guide est destiné à tout opérateur intervenant dans la réalisation ou la maintenance des équipements destinés à fournir de l'eau potable aux populations des pays en développement. Sa réalisation est le fruit d'un travail de spécialistes que je tiens à saluer - d'ailleurs certains de ceux qui ont collaboré à ce document sont dans la salle- et ceci a été fait avec l'appui d'un réseau de la société civile française et des pouvoirs publics. Voilà donc les actions spécifiques que la France a choisies de conduire à l'occasion de cette Journée mondiale de l'eau.
Sur le fond du problème je voudrais que vos médias nous aident à sensibiliser l'opinion française sur l'importance des enjeux :
- L'enjeu sanitaire : cinq millions de personnes meurent chaque année par manque d'eau potable, dont trois millions d'enfants.
- L'enjeu social : un milliard d'individus dans le monde n'ont pas accès encore à l'eau potable et deux milliards et demi n'ont pas d'assainissement, ce qui est évidemment considérable et les deux, du point de vue de la santé et de l'hygiène marchent étroitement ensemble.
- L'enjeu du point de vue de l'alimentation : 40% de l'alimentation du monde est produite par une agriculture irriguée, provient directement de l'irrigation, et l'accroissement attendu de la population mondiale accentue encore la difficulté que nous allons rencontrer dans l'usage de l'eau pour produire de l'alimentation.
- Les enjeux financiers, économiques : 300 milliards, c'est le prix payé par les consommateurs, principalement dans les grandes villes à l'échelle de la planète. Les investissements - 75 milliards de dollars investis chaque année -, mais on considère que pour les 25 ans qui viennent, il faudrait en investir 180 milliards chaque année si on devait mettre en place les équipements nécessaires à la fois pour maîtriser, traiter, distribuer l'eau potable et en organiser le partage. Et le partage soulève précisément la question - peut-être une des plus délicates qui rejoint là l'enjeu politique- : la plupart des grands fleuves sont partagés entre plusieurs pays. Chacun veut l'utiliser au mieux, parfois au plus et un usage excessif en amont compromet la santé du fleuve en aval. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'enjeu que peut représenter le Jourdain dans le conflit du Moyen-Orient, les relations difficiles entre les riverains de l'Indus ou du Gange, pour prendre d'autres grands exemples. Des conventions internationales ont souvent été prévues pour gérer cette relation difficile mais le manque d'eau que d'aucuns redoutent - et les études qui ont été faites par la Banque mondiale à cet égard ne sont pas très rassurantes- à horizon 2050 par exemple pourraient bien transformer en guerre ce qui est aujourd'hui un conflit d'usage.
C'est dire assez le besoin que nous avons tous de prendre mieux conscience de tous ces enjeux et d'aboutir à une politique globale cohérente ce qui n'est pas le plus simple.
Alors ce que la France va préconiser c'est d'abord de poursuivre l'effort financier entrepris. La France, pour sa part consacre un milliard 200 millions de francs chaque année au titre de l'aide publique au développement à l'eau, ce qui est une part importante de son aide publique. Le premier opérateur avec lequel évidemment la France fait vivre cette coopération internationale c'est l'Agence française de développement qui depuis dix ans aura consacré quelque dix milliards de francs à cette coopération en matière d'eau. Mobiliser les grandes institutions financières - elles le sont déjà mais elles doivent l'être davantage encore- et puis avoir une meilleure cohérence entre les politiques conduites par les différents ministères qui s'en occupent. Il faut savoir que, sans en faire une liste exhaustive, nombreux sont les collègues concernés : l'Agriculture bien sûr, l'Environnement, la Santé, les Transports, l'Urbanisme et bien sûr les Affaires étrangères à cause de la coopération internationale, nous sommes conscients du besoin de renforcer la cohérence interministérielle et nous allons mettre en place une structure spécifique pour atteindre cet objectif.
Second objectif important, c'est un partenariat plus serré avec le secteur privé. Les entreprises françaises sont probablement parmi les meilleures au monde sur ce marché de l'eau, je ne les cite pas, vous les connaissez, elles sont présentes sur les cinq continents, investissent au sud, mais elles ont aussi réussi à gagner plusieurs marchés importants, notamment dans la gestion de l'eau des villes américaines par exemple. Nous les rencontrons, mais nous n'avons pas jusqu'alors pris le temps d'une réflexion stratégique commune pour voir avec elles comment prendre en compte les besoins d'alimentation en eau potable des capitales africaines ou de l'organisation des grands fleuves. Tout à l'heure j'aurai l'occasion de rencontrer les dirigeants de ces entreprises et nous allons voir ensemble comment nous pourrions resserrer notre collaboration car nous sommes convaincus que c'est bien aussi d'une relation concertée entre les pouvoirs publics - les Etats, les collectivités locales qui ont un rôle considérable à jouer dans ce domaine et le combat de la décentralisation que nous accompagnons au sud est à cet égard très important car au-delà de la décentralisation c'est la citoyenneté en quelque sorte des consommateurs d'eau qu'il s'agit de faire vivre. Pas de solution s'il n'y a pas une culture presque individuelle de l'eau et là il y a un travail considérable à faire. La France considère qu'elle a en quelque sorte un avantage comparatif dans un certain nombre de domaines. L'appui institutionnel - nous avons là aussi une longue expérience, notamment de ces statuts juridiques adaptés que sont les concessions, les affermages - il y a besoin de mettre en place des outils institutionnels juridiques pour gérer l'eau. Il y a évidemment là aussi une expérience importante, cette relation entre l'eau et l'agriculture, nous avons nous-mêmes encore beaucoup de progrès à accomplir dans ce domaine. Et puis il y a justement cette articulation entre formation, information. Les métiers de l'eau vont nécessiter des actions de formation très importantes et là encore la France qui a une longue habitude dans ces domaines, se propose d'apporter son appui aux pays qui en exprimeraient le besoin et ils sont nombreux dans cette situation.
Il est important de rappeler la dimension internationale. Je vous ai rappelé la mise en place de la cellule interministérielle chargée de l'eau qui va être placée au ministère des Affaires étrangères et donc chargée de concevoir, de coordonner et d'évaluer les politiques menées dans le domaine de l'eau et une des premières missions va être pour cette cellule interministérielle de réaliser un tableau de bord des interventions françaises dans le domaine de l'eau, qui permettra à tous de connaître les réseaux d'experts, ce qui est très important, les opérateurs mobilisables, les moyens financiers et aussi l'agenda des événements internationaux. Plusieurs grandes conférences ont essayé de faire avancer la réflexion internationale sur le sujet, d'autres sont en préparation, nous pensons notamment à la grande Conférence de Bonn, sur laquelle nous travaillons déjà en liaison avec nos amis allemands. Nous allons d'ailleurs créer un fonds d'études pour orienter les recherches et peser sur les débats internationaux, car nous considérons là aussi que la France doit être plus présente dans les enceintes où l'avenir de ce dossier de l'eau doit être traité. Le ministère des Affaires étrangères a initié un projet intitulé "vers une gestion durable des ressources en eau" qui a d'ailleurs pour but de renforcer la dimension régionale et internationale de notre coopération et de coordonner les acteurs français de l'eau à l'international. La coordination avec les autres bailleurs de fonds, je vous le disais, est importante. Lors de la réforme de l'aide européenne au développement sous présidence française, j'ai eu l'occasion d'y insister et j'ai saisi récemment la présidence suédoise de l'Union européenne, afin qu'un travail de fond sur le thème de l'eau et du développement soit initié, là encore le besoin de coordination des initiatives européennes se vérifie pour les renforcer et les prolonger. Je rappelle enfin que le montant de l'aide destiné aux projets eau dans le cas du Fonds européen du développement se situe aux alentours de 900 millions d'euros - traduisez 5 milliards et demi de francs, ce qui n'est pas négligeable, faut-il préciser que le Fonds européen du développement est financé à hauteur de presque 28 % par la France./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2001)
Entretien de M. Charles Josselin avec les radios
Q - Monsieur Josselin, enjeux multiples que la question de l'eau sur l'ensemble du monde, quels sont-ils ? Quels sont les principaux ?
R - Des enjeux sanitaires d'abord : je crois que 5 millions de personnes meurent par manque d'eau potable dont 3 millions d'enfants. Je ne parle pas des centaines de millions de gens malades par manque d'eau potable.
Enjeux d'alimentation : 40 % de l'alimentation du monde est produite par des systèmes d'irrigation.
Enjeux économiques : le chiffre d'affaires, si je puis dire, de la consommation mondiale de l'eau, je parle de ceux qui la paient - ce sont 300 milliards de dollars - ce qui est tout à fait important. Les investissements annuels se montent à 75 milliards et il faudrait au moins les doubler dans les 25 ans qui viennent si on veut prendre en charge l'augmentation des populations urbaines notamment.
Enjeu environnemental : la population, aujourd'hui, deux des grands fleuves sur trois, c'est vrai aussi souvent des plans d'eau des nappes souterraines, ce sont des questions tout à fait considérables.
Et puis, il y a les enjeux géopolitiques : le partage de l'eau. L'eau est source de conflit, notamment dans les pays où il n'y en a pas beaucoup, elle pourrait être cause de guerre.
Des conventions internationales existent pour organiser le partage des eaux qu'il s'agisse du Mékong, de l'Indus ou du Gange, mais si je prends l'exemple du Jourdain, vous voyez bien la sensibilité extrême qu'est la question de l'eau dans la relation internationale.
Q - Vous avez dit, "pour ceux qui la paient", selon vous, faut-il faire payer l'eau et partout, y compris dans... ?
R - Je pense qu'il vaut mieux la faire payer si elle est de qualité et à prix raisonnable, plutôt que de voir, comme aujourd'hui, les plus pauvres l'acheter très chère à des porteurs d'eau, sans garantie de qualité. Je crois que, paradoxalement, l'intervention des sociétés privées dans la distribution de l'eau peut représenter un progrès social considérable pour mettre fin à cette inégalité insupportable, ce sont les plus pauvres qui, aujourd'hui déjà la paient le plus cher.
Q - Avec des enjeux financiers qui, en ce qui concerne la France sont parfois très importants. Quelle est votre approche ?
R - Conjuguer la faible solvabilité de toutes ces populations des pays du sud avec leurs besoins d'une eau facile d'accès et de qualité n'est évidemment pas très simple. Mais, j'observe que les sociétés qui investissent dans ce domaine, dès lors que l'aide publique au développement a pu souvent prendre en charge par exemple la question des études préalables qui est souvent lourde, acceptent de retarder le moment où il y aura un retour sur investissements et prennent en quelque sorte le risque d'être mal payées ou sous-payées, pendant les premières années, en pariant que l'accroissement des réseaux, l'augmentation du nombre de consommateurs progressivement les amènera à une situation d'équilibre. Mais il faut, et vous avez raison de le souligner, qu'à cet investissement privé s'ajoute nécessairement une aide publique au développement. C'est l'affaire de la communauté internationale, c'est aussi l'affaire des Etats eux-mêmes qu'il faut sensibiliser car, même s'ils ont peu de moyens, il faut qu'ils en consacrent une partie à l'alimentation en eau de leur population.
Q - En matière d'aide publique au développement, la question est traitée en France par des intervenants divers et variés, avez-vous une solution pour articuler cela de manière plus globale ?
R - Nous avons fait le choix de mettre en place un office interministériel de l'eau, convaincus en effet qu'il faut qu'il y ait davantage de cohérence entre les interventions du ministère des Affaires étrangères de son côté, de l'Environnement, de la Santé, de l'Agriculture en encore beaucoup d'autres. Je pense que c'est une lettre de mission du Premier ministre qui va mettre en place dans les prochaines semaines ce lieu interministériel qui devrait nous donner plus de cohérence et j'espère plus d'efficacité.
Q - Qui siégera ? Où ?
R - C'est le ministère des Affaires étrangères qui est chargé de son fonctionnement, c'est donc probablement dans un des locaux du ministère des Affaires étrangères que cette agence va s'installer, mais je ne peux pas préjuger de la rue car nous avons un immobilier un peu compliqué dans Paris.
Q - L'Afrique représente une part importante en matière de problématique aquatique dans l'aide au développement extérieure de la France, quelles sont les priorités selon vous ?
R - L'Afrique, bien sûr, car c'est avec l'Afrique que nous avons la coopération en matière de d'aide au développement la plus poussée. L'Afrique aussi, parce que c'est là que la question de la relation entre l'eau et l'alimentation est la plus importante et surtout, c'est parce le régime climatique et hygrométrique soulève le plus de difficultés. Désormais, chaque programme de coopération avec l'Afrique intègre la question de l'eau d'une manière ou d'une autre, soit au travers des programmes liés à la ville, soit à travers des programmes liés à l'hydraulique agricole. Je crois que cela va se développer et je suis heureux de voir que la Banque mondiale par exemple attache, elle aussi, de plus en plus d'importance à ces investissements autour de la question de l'eau.
Q - Nous sommes dans une période de privatisation, la question de l'accès à l'eau potable dans l'Afrique se pose toujours de manière très cruciale, des entreprises privées, notamment françaises sont impliquées dans ces questions, comment voyez-vous tout cela ? Qu'est-ce qui vous paraît fondamental à gérer pour que les citadins mais aussi les villageois puissent avoir accès à une eau à peu près saine ?
R - Il faudrait plein de temps pour répondre complètement à cette question. C'est toute la problématique que vous soulevez. Il y faut des institutions qui soient gérées sérieusement, même l'eau est menacée parfois par la corruption ordinaire. Il y faut de la formation au métier de l'eau, c'est une spécialité. Il faut une formation à la maintenance des réseaux, le drame souvent dans ces pays, c'est que le réseau est installé et 10 ans après, parce que l'on n'a pas fait le nécessaire pour l'entretenir, tout est à refaire. Il y a une culture de la maintenance des installations qui n'est pas acquise. Je crois enfin qu'il faut qu'il y ait, au niveau de la population, une implication des citoyens, je pense qu'il n'y a pas de solution si elle n'est pas participative dans la gestion de l'eau et je crois que, de ce point de vue, la société civile, celle du nord comme celle du sud ont un rôle considérable à jouer. Je veux dire que c'est souvent par le biais associatif que l'on va réussir à faire passer cette culture de l'eau, c'est un point tout à fait fondamental.
Q - Monsieur le ministre, peut-on parler d'une initiative de la France aujourd'hui pour cette journée mondiale de l'eau. Pouvez-vous résumer cette initiative ?
R - La France en tout cas à choisi cette année de donner un meilleur éclairage à un dossier dont on sous-estime aujourd'hui les enjeux sanitaires, d'alimentation, économiques, politiques, d'environnement et nous sommes convaincus que c'est d'une prise de conscience généralisée de l'importance de ces enjeux que l'on peut peut-être prévenir les conflits qui ne manqueraient pas de naître si le manque d'eau annoncé par certains se vérifie dans les 50 ans qui viennent.
La France en plus a quelques raisons supplémentaires de parler de l'eau, d'abord, parce que l'aide publique au développement de la France est une des plus importantes au monde, il est bon que les Africains le sachent et s'en souviennent, parfois, on a le sentiment qu'ils l'oublient un peu. Sur cette aide publique au développement, la France consacre une part importante déjà à la question de l'eau et également, nous avons un secteur industriel français particulièrement performant qui s'investit non seulement au sud mais qui aujourd'hui a pris en charge la question de l'eau dans un nombre important de capitales américaines par exemple mais dans le reste du monde aussi. Nous pensons que la solution doit être aussi recherchée dans une meilleure relation entre les responsables politiques et les industriels. Je n'oublie pas les chercheurs qui ont leur rôle à jouer, et quand je dis les responsables politiques, ce ne sont pas seulement les Etats, ce sont aussi les collectivités locales, car c'est au plus près qu'il faut gérer cette question de l'eau au moins, pour l'alimentation en eau potable. S'agissant d'irrigation, c'est parfois à un niveau plus élevé que la maîtrise des grands fleuves doit être organisée, c'est même à un niveau international qu'elle doit l'être, car souvent, ces grands fleuves sont partagés par plusieurs pays et la question de l'usage collectif de ces ressources en eau doit être prise en compte au niveau international.
Q - A la fois plus de centralisation et en même temps, plus de terrain, n'est-ce pas un peu contradictoire ?
R- Plus de centralisation, parfois plus d'internationalisation pour prendre en compte les grands problèmes que posent ces grands fleuves et une meilleure implication des acteurs de terrain, les collectivités locales, je l'ai dit, mais aussi les citoyens eux-mêmes, les femmes doivent faire l'objet d'une implication plus forte, d'une sensibilisation plus grande, elles ont, pour plein de raisons, besoin d'être davantage associées à la gestion de ces problèmes.
Q - La gestion des villes africaines comme à Tétouan ou ailleurs en Afrique, c'est un modèle qui peut fonctionner, le prix de l'eau peut être payé par les consommateurs, il y a des solutions ?
R - Je le disais à l'instant, ce sont les plus pauvres qui paient l'eau le plus cher et moderniser la distribution de l'eau ne signifie pas forcément en augmenter le prix pour ceux qui la reçoivent. C'est en plus, la garantie d'avoir une eau sanitairement convenable, ce qui n'est pas rien. Il est évident que les consommateurs dans ces pays n'ont pas la capacité de payer l'eau le prix que nous la payons, ils n'ont pas non plus la possibilité d'en consommer d'ailleurs autant que nous. Et nous en gaspillons. Je pense que la combinaison de l'investissement privé et de l'aide publique au développement doit permettre de trouver le point d'équilibre, malgré le manque de moyens de ces consommateurs. Leur besoin est tellement grand, notamment du point de vue de la santé que nous n'avons pas seulement une obligation de moyens, nous avons vraiment une obligation de résultats.
Q - L'eau n'a pas de prix ?
R - Non mais elle a un coût. Mais, je crois que s'il y a cette solidarité internationale, la prise de conscience par les gouvernements, l'implication des chercheurs, des entreprises, je crois que nous avons toutes les raisons d'espérer que nous trouverons les solutions à ces problèmes.
Q - Vous avez parlé de la volonté de la France de mener une réflexion au niveau international pour prévenir l'élitisme autour du passage de l'eau. Cette réflexion ira-t-elle jusqu'à la stratégie dans les conflits des guerres car les pays occidentaux sont responsables des contaminations de l'eau ?
R - Je suis convaincu que nous n'avons pas, jusqu'à présent, su intégrer suffisamment les conséquences éventuelles sur l'eau des actions entreprises, qu'il s'agisse de grands projets de développement parfois, qu'il s'agisse d'actions de guerre. Je ne crois pas que la guerre ait jamais d'effets heureux sur l'environnement, c'est impossible. Qu'il y ait une prise de conscience au niveau des responsables politiques du monde du besoin d'intégrer aussi les conséquences à moyen et long terme de certaines décisions aide certaines actions sur la question de l'eau, cela me paraît très important. Et c'est vrai que la France, dans les enceintes internationales où l'on débat de ces questions ne manquera pas d'y insister car cela nous paraît fondamental.
Q - La France a passé l'hiver avec des discussions sur le climat. Pensez-vous pouvoir mener une réflexion avec les Etats-Unis sur ces sujets ?
R - J'espère bien que, même aux Etats-Unis il y a des gens qui pensent comme nous que l'industrie américaine doit appliquer les règles internationales que la communauté essaie de se donner pour préserver notre planète. Les Etats-Unis, c'est une réalité un peu complexe, il y a même des ONG aux Etats-Unis qui se préoccupent de l'environnement mais il faut que la communauté internationale en effet fassent pression sur tous ceux, pas seulement les Etats-Unis, qui ne font pas selon nous, ce qu'il peuvent, ce qu'ils doivent faire pour participer à la santé du monde.
Q - ()
R - J'ai appris avec regret que M. Bush n'était pas disposé à inciter les industries américaines à lutter contre l'effet de serre, c'est dommage.
Q - J'aimerai savoir si vous pensez que l'eau peut être dessalée à un coût raisonnable ?
R - Oui, on peut mais la question du dessalement n'est pas l'essentiel, c'est celle de sa distribution. Le prix de la production de l'eau n'est qu'une part somme toute limitée d'un réseau d'eau. Et c'est pour cela que, si c'est une solution possible sur quelques villes littorales, cela ne peut pas constituer la réponse, mais cela peut être utilisée. Il n'y a pas qu'une réponse à la question de l'eau, il y en a plusieurs et le dessalement de l'eau est probablement l'une d'entre elles dans certaines circonstances bien particulières, pays désertiques, villes au ras de l'eau et éventuellement quelques moyens pour financer ces installations. Mais, on pense par exemple aux pays du Golfe, ceux-là ont, pour certains commencé, à se lancer dans cette technique, elle est probablement appelée à se développer, mais elle ne peut pas s'appliquer partout elle ne règle pas l'ensemble du problème.
Q - C'est donc surtout au niveau de la distribution qu'il y a un problème ?
R - C'est la distribution pour que la qualité de la vie et les gens s'en ressentent. L'objectif est d'éviter ces longues heures passées par les femmes et les filles à chercher, à porter l'eau. On parlait du coût tout à l'heure mais la pénibilité, la fatigue, la souffrance même est aussi à prendre en considération.
Q - Si le gouvernement a décidé de créer une mission interministérielle, c'est qu'il estime que ce problème n'était pas suffisamment pris en considération ou que les interventions n'étaient pas coordonnées.
R - Pas assez, il y a besoin d'une meilleure coordination car nombreux sont les militaires compétents d'ailleurs et il y a une sorte de perte en ligne. Il faut que nous soyons capables de réfléchir ensemble, les spécialistes dont disposent le ministère de l'Agriculture, de l'Environnement puissent travailler plus étroitement avec nos missions de coopérations sur le terrain pour essayer d'inventer des solutions permettant de gérer ces contradictions que nous évoquions tout à l'heure entre l'immensité des besoins et parfois, la pauvreté des moyens.
Q - Mieux utiliser l'argent ?
R - Le ministère de l'Agriculture en France consacre, pour sa part, des sommes très importantes à cette question de l'eau. Je rappelle qu'en France, le partage se fait entre ville et campagne. Dans les territoires ruraux, l'eau relève de la responsabilité de l'Agriculture, ce sont les directions départementales de l'Agriculture (DDA), et de plus en plus des collectivités locales avec en France, ont tendance à l'oublier. On parlait du modèle français qui peut être exporter, notamment au travers d'agences de bassins où les usagers sont impliqués. C'est un modèle original. Dans ces agences, il y a les administrations concernées, les DDA, qui concerne l'alimentation en eau dans le monde rural et, c'est là que la question de l'eau et de l'agriculture est en particulier posée et les directions départementales de l'équipement, les DDE comme l'on dit qui sont compétentes pour les questions d'eau en ville.
La coordination entre ces deux ministères existent, nous pensons qu'elle pourrait être encore renforcée, nous pensons surtout que la somme de compétences que représente ces administrations pourrait être mieux mobilisé à l'international.
Nous avons besoin de constituer un gisement d'expertise capable de mobiliser les compétences de l'ensemble des ministères concernés. Nous ne le faisons pas suffisamment. L'autre élément sur lequel je voulais attirer votre attention aussi, c'est le besoin d'une réflexion stratégique en amont entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises. Là encore, il faut réfléchir ensemble à la manière de combiner l'aide publique et l'investissement privé. La France est d'autant plus concernée que nous avons parmi les plus grandes sociétés un avantage comparatif évident.
Q - Ceci m'amène à ma deuxième question, le problème de l'eau sur la planète est énorme, vous l'avez décrit, cette terre alimentaire etc. Voyez-vous des axes privilégiés d'intervention, cela semble être, d'après ce que j'ai entendu, la réalisation de réseaux de distribution surtout en Afrique. Mais est-ce que ce n'est pas un peu trop tôt ?
R - C'est difficile de répondre à une telle question, parce que ce dont les documents que nous avons distribués et que vous allez pouvoir prendre connaissance, parlent le plus, c'est du besoin d'une réponse globale. Le problème de l'eau est à ce point complexe, que tous les enjeux se mêlent et sont presque aussi importants les uns que les autres. Privilégier la santé sur l'alimentation, vous voyez bien la difficulté.
Q - Oui, alors comment faire ?
R - L'un et l'autre, l'enjeu santé, l'enjeu alimentation renvoient la question enjeu écologique, c'est-à-dire la lutte contre la pollution. Parce que si on ne maîtrise pas la pollution de l'eau, la question sanitaire, comme la question d'alimentation ne sont pas résolues. Des problèmes géopolitiques se superposent à cela dans des régions qui sont déjà souvent malheureusement l'objet de conflits difficiles, comme la question du Jourdain, qui peut apporter encore de tensions dans la relation entre Israël et ses voisins et on a malheureusement cette situation dans beaucoup de pays. C'est pour cela que je dis, répondre à ceci ou cela nécessite une réponse globale. Il faut traiter l'ensemble de ces enjeux avant de prendre une décision, car ensuite il faut traiter les effets pervers, y compris certains grands ouvrages, dont on s'aperçoit après coup qu'on n'a pas pris le temps de mesurer les effets sur le paysage, le régime de l'eau et même les maladies qu'ils peuvent à leur tour transporter.
Q - Je ne comprends pas comment on peut avoir une réponse globale maintenant. Donc, il faut bien axer au départ une intervention quelque part.
R - Le ministère de la Coopération est davantage concerné par la coopération avec les pays de la Zone de solidarité prioritaire, traduisez par l'Afrique beaucoup, l'Asie un peu, le Mékong est un dossier dans lequel nous sommes appliqués parce que le Mékong concerne le Cambodge et le Laos, qui sont nos partenaires. Mais n'oublions pas les pays du Sahel en général, précisément parce que la sécheresse donne à la question de l'eau une acuité particulière et puis les pays de l'Afrique du Nord, c'est tout le bassin méditerranéen qui connaît des situations de tension et ce n'est pas pour rien que la France intervient à côté des Palestiniens, des Libanais, pour les aider à régler ce problème./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2001)
Merci d'être venus pour que je puisse vous présenter ce que fait la France à l'occasion de cette journée mondiale de l'eau, dont le principe a été arrêté en 1993 par les Nations unies et qui invite les Etats membres des Nations unies à profiter de ce moment pour apporter un éclairage particulier à un dossier qui est tout à fait considérable. On en parlera un peu plus complètement tout à l'heure. Mais puisqu'il s'agit bien, d'abord, de sensibilisation du public à ces différentes questions, je voudrais déjà vous présenter un certain nombre de documents que le ministère des Affaires étrangères a réalisés et qui permettent évidemment de sensibiliser à la question de l'eau, mais aussi d'éclairer la coopération que la France conduit dans ce domaine.
Il y a d'abord un coffret intitulé "L'eau en partage", qui contient une brochure qui présente les enjeux de l'eau dans le monde, qui présente aussi notre expérience et nos actions et puis dix fiches qui sont des exemples de coopération, des exemples choisis pour illustrer la diversité des zones d'interventions mais aussi les principaux thèmes sur lesquels nous concentrons nos actions de coopération dans le domaine de l'eau. Dans le même coffret un CD-ROM avec l'ensemble des données traduites en allemand, en anglais, en arabe, en espagnol, toutes informations qui sont accessibles sur le site Internet du ministère. Et puis en plus une autre série de fiches documentaires qui, dans le cadre d'une collection qui a pour titre "L'eau, la vie, l'environnement", sont bâties de façon à illustrer les différentes façons d'aborder le thème de l'eau ; la collection comprend trois volets :
- "les enjeux de l'eau" : (les usages, la gestion des eaux, la bataille de l'eau, le thème développement et coopération )
- "entre eau et terre" qui prend en compte en particulier la pratique de l'agriculture, les exigences écologiques
- et puis "l'eau, reflet de la vie" qui sont des chroniques autour de la vie et de l'eau.
En tout, 42 documentaires que je considère comme tout à fait remarquables qui illustrent des notions trop longtemps méconnues : la culture de l'eau, les liens entre la culture et la coopération technique. Et c'est cette approche entre culture et coopération technique qui est, je crois, une des marques de l'expérience de la France et promouvoir notre expertise, notre savoir-faire dans le domaine de l'eau c'est aussi dans une certaine mesure un mode de diffusion de la culture française.
Autre outil de communication, une exposition sur l'eau qui vient compléter la collection documentaire. Elle a été conçue par les organismes de recherche français spécialisés dans le domaine de l'eau et constitue une synthèse des connaissances sur cette ressource et les enjeux qui lui sont liés. Ces éléments - collection, exposition- sont repris dans un catalogue introduit par Madame Voynet et moi-même, qui souligne notre souci de coordination et de continuité dans nos actions tant en France qu'à l'étranger.
Enfin un dossier technique "eau et santé" réalisé sur financement du ministère des Affaires étrangères par le programme Solidarité-Eau dont le président est monsieur l'ambassadeur Réthoré. Un programme qui a le mérite en plus d'organiser la collaboration entre les ONG et les collectivités locales françaises qui interviennent dans les projets d'eau dans les pays en développement. Et ce guide est destiné à tout opérateur intervenant dans la réalisation ou la maintenance des équipements destinés à fournir de l'eau potable aux populations des pays en développement. Sa réalisation est le fruit d'un travail de spécialistes que je tiens à saluer - d'ailleurs certains de ceux qui ont collaboré à ce document sont dans la salle- et ceci a été fait avec l'appui d'un réseau de la société civile française et des pouvoirs publics. Voilà donc les actions spécifiques que la France a choisies de conduire à l'occasion de cette Journée mondiale de l'eau.
Sur le fond du problème je voudrais que vos médias nous aident à sensibiliser l'opinion française sur l'importance des enjeux :
- L'enjeu sanitaire : cinq millions de personnes meurent chaque année par manque d'eau potable, dont trois millions d'enfants.
- L'enjeu social : un milliard d'individus dans le monde n'ont pas accès encore à l'eau potable et deux milliards et demi n'ont pas d'assainissement, ce qui est évidemment considérable et les deux, du point de vue de la santé et de l'hygiène marchent étroitement ensemble.
- L'enjeu du point de vue de l'alimentation : 40% de l'alimentation du monde est produite par une agriculture irriguée, provient directement de l'irrigation, et l'accroissement attendu de la population mondiale accentue encore la difficulté que nous allons rencontrer dans l'usage de l'eau pour produire de l'alimentation.
- Les enjeux financiers, économiques : 300 milliards, c'est le prix payé par les consommateurs, principalement dans les grandes villes à l'échelle de la planète. Les investissements - 75 milliards de dollars investis chaque année -, mais on considère que pour les 25 ans qui viennent, il faudrait en investir 180 milliards chaque année si on devait mettre en place les équipements nécessaires à la fois pour maîtriser, traiter, distribuer l'eau potable et en organiser le partage. Et le partage soulève précisément la question - peut-être une des plus délicates qui rejoint là l'enjeu politique- : la plupart des grands fleuves sont partagés entre plusieurs pays. Chacun veut l'utiliser au mieux, parfois au plus et un usage excessif en amont compromet la santé du fleuve en aval. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'enjeu que peut représenter le Jourdain dans le conflit du Moyen-Orient, les relations difficiles entre les riverains de l'Indus ou du Gange, pour prendre d'autres grands exemples. Des conventions internationales ont souvent été prévues pour gérer cette relation difficile mais le manque d'eau que d'aucuns redoutent - et les études qui ont été faites par la Banque mondiale à cet égard ne sont pas très rassurantes- à horizon 2050 par exemple pourraient bien transformer en guerre ce qui est aujourd'hui un conflit d'usage.
C'est dire assez le besoin que nous avons tous de prendre mieux conscience de tous ces enjeux et d'aboutir à une politique globale cohérente ce qui n'est pas le plus simple.
Alors ce que la France va préconiser c'est d'abord de poursuivre l'effort financier entrepris. La France, pour sa part consacre un milliard 200 millions de francs chaque année au titre de l'aide publique au développement à l'eau, ce qui est une part importante de son aide publique. Le premier opérateur avec lequel évidemment la France fait vivre cette coopération internationale c'est l'Agence française de développement qui depuis dix ans aura consacré quelque dix milliards de francs à cette coopération en matière d'eau. Mobiliser les grandes institutions financières - elles le sont déjà mais elles doivent l'être davantage encore- et puis avoir une meilleure cohérence entre les politiques conduites par les différents ministères qui s'en occupent. Il faut savoir que, sans en faire une liste exhaustive, nombreux sont les collègues concernés : l'Agriculture bien sûr, l'Environnement, la Santé, les Transports, l'Urbanisme et bien sûr les Affaires étrangères à cause de la coopération internationale, nous sommes conscients du besoin de renforcer la cohérence interministérielle et nous allons mettre en place une structure spécifique pour atteindre cet objectif.
Second objectif important, c'est un partenariat plus serré avec le secteur privé. Les entreprises françaises sont probablement parmi les meilleures au monde sur ce marché de l'eau, je ne les cite pas, vous les connaissez, elles sont présentes sur les cinq continents, investissent au sud, mais elles ont aussi réussi à gagner plusieurs marchés importants, notamment dans la gestion de l'eau des villes américaines par exemple. Nous les rencontrons, mais nous n'avons pas jusqu'alors pris le temps d'une réflexion stratégique commune pour voir avec elles comment prendre en compte les besoins d'alimentation en eau potable des capitales africaines ou de l'organisation des grands fleuves. Tout à l'heure j'aurai l'occasion de rencontrer les dirigeants de ces entreprises et nous allons voir ensemble comment nous pourrions resserrer notre collaboration car nous sommes convaincus que c'est bien aussi d'une relation concertée entre les pouvoirs publics - les Etats, les collectivités locales qui ont un rôle considérable à jouer dans ce domaine et le combat de la décentralisation que nous accompagnons au sud est à cet égard très important car au-delà de la décentralisation c'est la citoyenneté en quelque sorte des consommateurs d'eau qu'il s'agit de faire vivre. Pas de solution s'il n'y a pas une culture presque individuelle de l'eau et là il y a un travail considérable à faire. La France considère qu'elle a en quelque sorte un avantage comparatif dans un certain nombre de domaines. L'appui institutionnel - nous avons là aussi une longue expérience, notamment de ces statuts juridiques adaptés que sont les concessions, les affermages - il y a besoin de mettre en place des outils institutionnels juridiques pour gérer l'eau. Il y a évidemment là aussi une expérience importante, cette relation entre l'eau et l'agriculture, nous avons nous-mêmes encore beaucoup de progrès à accomplir dans ce domaine. Et puis il y a justement cette articulation entre formation, information. Les métiers de l'eau vont nécessiter des actions de formation très importantes et là encore la France qui a une longue habitude dans ces domaines, se propose d'apporter son appui aux pays qui en exprimeraient le besoin et ils sont nombreux dans cette situation.
Il est important de rappeler la dimension internationale. Je vous ai rappelé la mise en place de la cellule interministérielle chargée de l'eau qui va être placée au ministère des Affaires étrangères et donc chargée de concevoir, de coordonner et d'évaluer les politiques menées dans le domaine de l'eau et une des premières missions va être pour cette cellule interministérielle de réaliser un tableau de bord des interventions françaises dans le domaine de l'eau, qui permettra à tous de connaître les réseaux d'experts, ce qui est très important, les opérateurs mobilisables, les moyens financiers et aussi l'agenda des événements internationaux. Plusieurs grandes conférences ont essayé de faire avancer la réflexion internationale sur le sujet, d'autres sont en préparation, nous pensons notamment à la grande Conférence de Bonn, sur laquelle nous travaillons déjà en liaison avec nos amis allemands. Nous allons d'ailleurs créer un fonds d'études pour orienter les recherches et peser sur les débats internationaux, car nous considérons là aussi que la France doit être plus présente dans les enceintes où l'avenir de ce dossier de l'eau doit être traité. Le ministère des Affaires étrangères a initié un projet intitulé "vers une gestion durable des ressources en eau" qui a d'ailleurs pour but de renforcer la dimension régionale et internationale de notre coopération et de coordonner les acteurs français de l'eau à l'international. La coordination avec les autres bailleurs de fonds, je vous le disais, est importante. Lors de la réforme de l'aide européenne au développement sous présidence française, j'ai eu l'occasion d'y insister et j'ai saisi récemment la présidence suédoise de l'Union européenne, afin qu'un travail de fond sur le thème de l'eau et du développement soit initié, là encore le besoin de coordination des initiatives européennes se vérifie pour les renforcer et les prolonger. Je rappelle enfin que le montant de l'aide destiné aux projets eau dans le cas du Fonds européen du développement se situe aux alentours de 900 millions d'euros - traduisez 5 milliards et demi de francs, ce qui n'est pas négligeable, faut-il préciser que le Fonds européen du développement est financé à hauteur de presque 28 % par la France./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2001)
Entretien de M. Charles Josselin avec les radios
Q - Monsieur Josselin, enjeux multiples que la question de l'eau sur l'ensemble du monde, quels sont-ils ? Quels sont les principaux ?
R - Des enjeux sanitaires d'abord : je crois que 5 millions de personnes meurent par manque d'eau potable dont 3 millions d'enfants. Je ne parle pas des centaines de millions de gens malades par manque d'eau potable.
Enjeux d'alimentation : 40 % de l'alimentation du monde est produite par des systèmes d'irrigation.
Enjeux économiques : le chiffre d'affaires, si je puis dire, de la consommation mondiale de l'eau, je parle de ceux qui la paient - ce sont 300 milliards de dollars - ce qui est tout à fait important. Les investissements annuels se montent à 75 milliards et il faudrait au moins les doubler dans les 25 ans qui viennent si on veut prendre en charge l'augmentation des populations urbaines notamment.
Enjeu environnemental : la population, aujourd'hui, deux des grands fleuves sur trois, c'est vrai aussi souvent des plans d'eau des nappes souterraines, ce sont des questions tout à fait considérables.
Et puis, il y a les enjeux géopolitiques : le partage de l'eau. L'eau est source de conflit, notamment dans les pays où il n'y en a pas beaucoup, elle pourrait être cause de guerre.
Des conventions internationales existent pour organiser le partage des eaux qu'il s'agisse du Mékong, de l'Indus ou du Gange, mais si je prends l'exemple du Jourdain, vous voyez bien la sensibilité extrême qu'est la question de l'eau dans la relation internationale.
Q - Vous avez dit, "pour ceux qui la paient", selon vous, faut-il faire payer l'eau et partout, y compris dans... ?
R - Je pense qu'il vaut mieux la faire payer si elle est de qualité et à prix raisonnable, plutôt que de voir, comme aujourd'hui, les plus pauvres l'acheter très chère à des porteurs d'eau, sans garantie de qualité. Je crois que, paradoxalement, l'intervention des sociétés privées dans la distribution de l'eau peut représenter un progrès social considérable pour mettre fin à cette inégalité insupportable, ce sont les plus pauvres qui, aujourd'hui déjà la paient le plus cher.
Q - Avec des enjeux financiers qui, en ce qui concerne la France sont parfois très importants. Quelle est votre approche ?
R - Conjuguer la faible solvabilité de toutes ces populations des pays du sud avec leurs besoins d'une eau facile d'accès et de qualité n'est évidemment pas très simple. Mais, j'observe que les sociétés qui investissent dans ce domaine, dès lors que l'aide publique au développement a pu souvent prendre en charge par exemple la question des études préalables qui est souvent lourde, acceptent de retarder le moment où il y aura un retour sur investissements et prennent en quelque sorte le risque d'être mal payées ou sous-payées, pendant les premières années, en pariant que l'accroissement des réseaux, l'augmentation du nombre de consommateurs progressivement les amènera à une situation d'équilibre. Mais il faut, et vous avez raison de le souligner, qu'à cet investissement privé s'ajoute nécessairement une aide publique au développement. C'est l'affaire de la communauté internationale, c'est aussi l'affaire des Etats eux-mêmes qu'il faut sensibiliser car, même s'ils ont peu de moyens, il faut qu'ils en consacrent une partie à l'alimentation en eau de leur population.
Q - En matière d'aide publique au développement, la question est traitée en France par des intervenants divers et variés, avez-vous une solution pour articuler cela de manière plus globale ?
R - Nous avons fait le choix de mettre en place un office interministériel de l'eau, convaincus en effet qu'il faut qu'il y ait davantage de cohérence entre les interventions du ministère des Affaires étrangères de son côté, de l'Environnement, de la Santé, de l'Agriculture en encore beaucoup d'autres. Je pense que c'est une lettre de mission du Premier ministre qui va mettre en place dans les prochaines semaines ce lieu interministériel qui devrait nous donner plus de cohérence et j'espère plus d'efficacité.
Q - Qui siégera ? Où ?
R - C'est le ministère des Affaires étrangères qui est chargé de son fonctionnement, c'est donc probablement dans un des locaux du ministère des Affaires étrangères que cette agence va s'installer, mais je ne peux pas préjuger de la rue car nous avons un immobilier un peu compliqué dans Paris.
Q - L'Afrique représente une part importante en matière de problématique aquatique dans l'aide au développement extérieure de la France, quelles sont les priorités selon vous ?
R - L'Afrique, bien sûr, car c'est avec l'Afrique que nous avons la coopération en matière de d'aide au développement la plus poussée. L'Afrique aussi, parce que c'est là que la question de la relation entre l'eau et l'alimentation est la plus importante et surtout, c'est parce le régime climatique et hygrométrique soulève le plus de difficultés. Désormais, chaque programme de coopération avec l'Afrique intègre la question de l'eau d'une manière ou d'une autre, soit au travers des programmes liés à la ville, soit à travers des programmes liés à l'hydraulique agricole. Je crois que cela va se développer et je suis heureux de voir que la Banque mondiale par exemple attache, elle aussi, de plus en plus d'importance à ces investissements autour de la question de l'eau.
Q - Nous sommes dans une période de privatisation, la question de l'accès à l'eau potable dans l'Afrique se pose toujours de manière très cruciale, des entreprises privées, notamment françaises sont impliquées dans ces questions, comment voyez-vous tout cela ? Qu'est-ce qui vous paraît fondamental à gérer pour que les citadins mais aussi les villageois puissent avoir accès à une eau à peu près saine ?
R - Il faudrait plein de temps pour répondre complètement à cette question. C'est toute la problématique que vous soulevez. Il y faut des institutions qui soient gérées sérieusement, même l'eau est menacée parfois par la corruption ordinaire. Il y faut de la formation au métier de l'eau, c'est une spécialité. Il faut une formation à la maintenance des réseaux, le drame souvent dans ces pays, c'est que le réseau est installé et 10 ans après, parce que l'on n'a pas fait le nécessaire pour l'entretenir, tout est à refaire. Il y a une culture de la maintenance des installations qui n'est pas acquise. Je crois enfin qu'il faut qu'il y ait, au niveau de la population, une implication des citoyens, je pense qu'il n'y a pas de solution si elle n'est pas participative dans la gestion de l'eau et je crois que, de ce point de vue, la société civile, celle du nord comme celle du sud ont un rôle considérable à jouer. Je veux dire que c'est souvent par le biais associatif que l'on va réussir à faire passer cette culture de l'eau, c'est un point tout à fait fondamental.
Q - Monsieur le ministre, peut-on parler d'une initiative de la France aujourd'hui pour cette journée mondiale de l'eau. Pouvez-vous résumer cette initiative ?
R - La France en tout cas à choisi cette année de donner un meilleur éclairage à un dossier dont on sous-estime aujourd'hui les enjeux sanitaires, d'alimentation, économiques, politiques, d'environnement et nous sommes convaincus que c'est d'une prise de conscience généralisée de l'importance de ces enjeux que l'on peut peut-être prévenir les conflits qui ne manqueraient pas de naître si le manque d'eau annoncé par certains se vérifie dans les 50 ans qui viennent.
La France en plus a quelques raisons supplémentaires de parler de l'eau, d'abord, parce que l'aide publique au développement de la France est une des plus importantes au monde, il est bon que les Africains le sachent et s'en souviennent, parfois, on a le sentiment qu'ils l'oublient un peu. Sur cette aide publique au développement, la France consacre une part importante déjà à la question de l'eau et également, nous avons un secteur industriel français particulièrement performant qui s'investit non seulement au sud mais qui aujourd'hui a pris en charge la question de l'eau dans un nombre important de capitales américaines par exemple mais dans le reste du monde aussi. Nous pensons que la solution doit être aussi recherchée dans une meilleure relation entre les responsables politiques et les industriels. Je n'oublie pas les chercheurs qui ont leur rôle à jouer, et quand je dis les responsables politiques, ce ne sont pas seulement les Etats, ce sont aussi les collectivités locales, car c'est au plus près qu'il faut gérer cette question de l'eau au moins, pour l'alimentation en eau potable. S'agissant d'irrigation, c'est parfois à un niveau plus élevé que la maîtrise des grands fleuves doit être organisée, c'est même à un niveau international qu'elle doit l'être, car souvent, ces grands fleuves sont partagés par plusieurs pays et la question de l'usage collectif de ces ressources en eau doit être prise en compte au niveau international.
Q - A la fois plus de centralisation et en même temps, plus de terrain, n'est-ce pas un peu contradictoire ?
R- Plus de centralisation, parfois plus d'internationalisation pour prendre en compte les grands problèmes que posent ces grands fleuves et une meilleure implication des acteurs de terrain, les collectivités locales, je l'ai dit, mais aussi les citoyens eux-mêmes, les femmes doivent faire l'objet d'une implication plus forte, d'une sensibilisation plus grande, elles ont, pour plein de raisons, besoin d'être davantage associées à la gestion de ces problèmes.
Q - La gestion des villes africaines comme à Tétouan ou ailleurs en Afrique, c'est un modèle qui peut fonctionner, le prix de l'eau peut être payé par les consommateurs, il y a des solutions ?
R - Je le disais à l'instant, ce sont les plus pauvres qui paient l'eau le plus cher et moderniser la distribution de l'eau ne signifie pas forcément en augmenter le prix pour ceux qui la reçoivent. C'est en plus, la garantie d'avoir une eau sanitairement convenable, ce qui n'est pas rien. Il est évident que les consommateurs dans ces pays n'ont pas la capacité de payer l'eau le prix que nous la payons, ils n'ont pas non plus la possibilité d'en consommer d'ailleurs autant que nous. Et nous en gaspillons. Je pense que la combinaison de l'investissement privé et de l'aide publique au développement doit permettre de trouver le point d'équilibre, malgré le manque de moyens de ces consommateurs. Leur besoin est tellement grand, notamment du point de vue de la santé que nous n'avons pas seulement une obligation de moyens, nous avons vraiment une obligation de résultats.
Q - L'eau n'a pas de prix ?
R - Non mais elle a un coût. Mais, je crois que s'il y a cette solidarité internationale, la prise de conscience par les gouvernements, l'implication des chercheurs, des entreprises, je crois que nous avons toutes les raisons d'espérer que nous trouverons les solutions à ces problèmes.
Q - Vous avez parlé de la volonté de la France de mener une réflexion au niveau international pour prévenir l'élitisme autour du passage de l'eau. Cette réflexion ira-t-elle jusqu'à la stratégie dans les conflits des guerres car les pays occidentaux sont responsables des contaminations de l'eau ?
R - Je suis convaincu que nous n'avons pas, jusqu'à présent, su intégrer suffisamment les conséquences éventuelles sur l'eau des actions entreprises, qu'il s'agisse de grands projets de développement parfois, qu'il s'agisse d'actions de guerre. Je ne crois pas que la guerre ait jamais d'effets heureux sur l'environnement, c'est impossible. Qu'il y ait une prise de conscience au niveau des responsables politiques du monde du besoin d'intégrer aussi les conséquences à moyen et long terme de certaines décisions aide certaines actions sur la question de l'eau, cela me paraît très important. Et c'est vrai que la France, dans les enceintes internationales où l'on débat de ces questions ne manquera pas d'y insister car cela nous paraît fondamental.
Q - La France a passé l'hiver avec des discussions sur le climat. Pensez-vous pouvoir mener une réflexion avec les Etats-Unis sur ces sujets ?
R - J'espère bien que, même aux Etats-Unis il y a des gens qui pensent comme nous que l'industrie américaine doit appliquer les règles internationales que la communauté essaie de se donner pour préserver notre planète. Les Etats-Unis, c'est une réalité un peu complexe, il y a même des ONG aux Etats-Unis qui se préoccupent de l'environnement mais il faut que la communauté internationale en effet fassent pression sur tous ceux, pas seulement les Etats-Unis, qui ne font pas selon nous, ce qu'il peuvent, ce qu'ils doivent faire pour participer à la santé du monde.
Q - ()
R - J'ai appris avec regret que M. Bush n'était pas disposé à inciter les industries américaines à lutter contre l'effet de serre, c'est dommage.
Q - J'aimerai savoir si vous pensez que l'eau peut être dessalée à un coût raisonnable ?
R - Oui, on peut mais la question du dessalement n'est pas l'essentiel, c'est celle de sa distribution. Le prix de la production de l'eau n'est qu'une part somme toute limitée d'un réseau d'eau. Et c'est pour cela que, si c'est une solution possible sur quelques villes littorales, cela ne peut pas constituer la réponse, mais cela peut être utilisée. Il n'y a pas qu'une réponse à la question de l'eau, il y en a plusieurs et le dessalement de l'eau est probablement l'une d'entre elles dans certaines circonstances bien particulières, pays désertiques, villes au ras de l'eau et éventuellement quelques moyens pour financer ces installations. Mais, on pense par exemple aux pays du Golfe, ceux-là ont, pour certains commencé, à se lancer dans cette technique, elle est probablement appelée à se développer, mais elle ne peut pas s'appliquer partout elle ne règle pas l'ensemble du problème.
Q - C'est donc surtout au niveau de la distribution qu'il y a un problème ?
R - C'est la distribution pour que la qualité de la vie et les gens s'en ressentent. L'objectif est d'éviter ces longues heures passées par les femmes et les filles à chercher, à porter l'eau. On parlait du coût tout à l'heure mais la pénibilité, la fatigue, la souffrance même est aussi à prendre en considération.
Q - Si le gouvernement a décidé de créer une mission interministérielle, c'est qu'il estime que ce problème n'était pas suffisamment pris en considération ou que les interventions n'étaient pas coordonnées.
R - Pas assez, il y a besoin d'une meilleure coordination car nombreux sont les militaires compétents d'ailleurs et il y a une sorte de perte en ligne. Il faut que nous soyons capables de réfléchir ensemble, les spécialistes dont disposent le ministère de l'Agriculture, de l'Environnement puissent travailler plus étroitement avec nos missions de coopérations sur le terrain pour essayer d'inventer des solutions permettant de gérer ces contradictions que nous évoquions tout à l'heure entre l'immensité des besoins et parfois, la pauvreté des moyens.
Q - Mieux utiliser l'argent ?
R - Le ministère de l'Agriculture en France consacre, pour sa part, des sommes très importantes à cette question de l'eau. Je rappelle qu'en France, le partage se fait entre ville et campagne. Dans les territoires ruraux, l'eau relève de la responsabilité de l'Agriculture, ce sont les directions départementales de l'Agriculture (DDA), et de plus en plus des collectivités locales avec en France, ont tendance à l'oublier. On parlait du modèle français qui peut être exporter, notamment au travers d'agences de bassins où les usagers sont impliqués. C'est un modèle original. Dans ces agences, il y a les administrations concernées, les DDA, qui concerne l'alimentation en eau dans le monde rural et, c'est là que la question de l'eau et de l'agriculture est en particulier posée et les directions départementales de l'équipement, les DDE comme l'on dit qui sont compétentes pour les questions d'eau en ville.
La coordination entre ces deux ministères existent, nous pensons qu'elle pourrait être encore renforcée, nous pensons surtout que la somme de compétences que représente ces administrations pourrait être mieux mobilisé à l'international.
Nous avons besoin de constituer un gisement d'expertise capable de mobiliser les compétences de l'ensemble des ministères concernés. Nous ne le faisons pas suffisamment. L'autre élément sur lequel je voulais attirer votre attention aussi, c'est le besoin d'une réflexion stratégique en amont entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises. Là encore, il faut réfléchir ensemble à la manière de combiner l'aide publique et l'investissement privé. La France est d'autant plus concernée que nous avons parmi les plus grandes sociétés un avantage comparatif évident.
Q - Ceci m'amène à ma deuxième question, le problème de l'eau sur la planète est énorme, vous l'avez décrit, cette terre alimentaire etc. Voyez-vous des axes privilégiés d'intervention, cela semble être, d'après ce que j'ai entendu, la réalisation de réseaux de distribution surtout en Afrique. Mais est-ce que ce n'est pas un peu trop tôt ?
R - C'est difficile de répondre à une telle question, parce que ce dont les documents que nous avons distribués et que vous allez pouvoir prendre connaissance, parlent le plus, c'est du besoin d'une réponse globale. Le problème de l'eau est à ce point complexe, que tous les enjeux se mêlent et sont presque aussi importants les uns que les autres. Privilégier la santé sur l'alimentation, vous voyez bien la difficulté.
Q - Oui, alors comment faire ?
R - L'un et l'autre, l'enjeu santé, l'enjeu alimentation renvoient la question enjeu écologique, c'est-à-dire la lutte contre la pollution. Parce que si on ne maîtrise pas la pollution de l'eau, la question sanitaire, comme la question d'alimentation ne sont pas résolues. Des problèmes géopolitiques se superposent à cela dans des régions qui sont déjà souvent malheureusement l'objet de conflits difficiles, comme la question du Jourdain, qui peut apporter encore de tensions dans la relation entre Israël et ses voisins et on a malheureusement cette situation dans beaucoup de pays. C'est pour cela que je dis, répondre à ceci ou cela nécessite une réponse globale. Il faut traiter l'ensemble de ces enjeux avant de prendre une décision, car ensuite il faut traiter les effets pervers, y compris certains grands ouvrages, dont on s'aperçoit après coup qu'on n'a pas pris le temps de mesurer les effets sur le paysage, le régime de l'eau et même les maladies qu'ils peuvent à leur tour transporter.
Q - Je ne comprends pas comment on peut avoir une réponse globale maintenant. Donc, il faut bien axer au départ une intervention quelque part.
R - Le ministère de la Coopération est davantage concerné par la coopération avec les pays de la Zone de solidarité prioritaire, traduisez par l'Afrique beaucoup, l'Asie un peu, le Mékong est un dossier dans lequel nous sommes appliqués parce que le Mékong concerne le Cambodge et le Laos, qui sont nos partenaires. Mais n'oublions pas les pays du Sahel en général, précisément parce que la sécheresse donne à la question de l'eau une acuité particulière et puis les pays de l'Afrique du Nord, c'est tout le bassin méditerranéen qui connaît des situations de tension et ce n'est pas pour rien que la France intervient à côté des Palestiniens, des Libanais, pour les aider à régler ce problème./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2001)