Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Brice
Messieurs les députés, cher Louis
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Merci à l'Ecole Supérieure de Commerce de Clermont Ferrand de m'accueillir aujourd'hui pour parler de la mondialisation, sous le regard que je sais attentif d'un de vos éminents pairs, Louis Giscard d'Estaing, diplômé de l'ESC Rouen et de l'INSEAD de Fontainebleau, dont la vocation est justement de former les hauts cadres aux enjeux de la mondialisation.
C'est un réel bonheur pour moi que de revenir à Clermont Ferrand, un de mes tout premiers déplacements en région - une de mes premières terres de mission.
Je suis d'autant plus heureuse que, depuis lors, la mondialisation a pris toute l'importance qu'elle mérite dans le débat public: il ne se passe plus de semaine sans qu'une personnalité intervînt sur la mondialisation : tant mieux, plus on parlera de la mondialisation, mieux on la connaîtra et moins on la craindra.
On dit qu'un bonheur n'est jamais complet. Celui-ci est entaché du souvenir du décès d'Edouard Michelin. Cette disparition subite a, je le sais, vivement affecté cette ville et cette région. Elle a également, j'en témoigne, ému la France entière qui s'est rendu compte alors, qu'elle avait perdu un grand homme. Je tiens à saisir cette occasion aussi pour lui rendre hommage
Clermont Ferrand est le lieu idéal pour parler de mondialisation. Alors que la mondialisation oppose souvent le local, c'est-à-dire l'homme et son terroir, et le global - l'économie mondiale, les multinationales-, Clermont Ferrand présente l'image d'une synthèse harmonieuse entre ces niveaux et entre ces acteurs:
- Clermont Ferrand, c'est une ville de caractère fortement ancrée sur un territoire qui plonge ses racines dans une histoire multiséculaire (décrite par Strabon sous son nom d'origine Nemessos, "le bois sacré", Pascal y naquit)
- Clermont Ferrand, c'est aussi un haut lieu de la modernité, de l'économie globalisée avec la présence de Michelin, leader mondial incontesté des pneumatiques.
1. Il faut réconcilier les français avec la mondialisation
2. La mondialisation: un phénomène positif mais perfectible
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'Homme
1. Il faut réconcilier les français avec la mondialisation
Un constat : l'ouverture au monde a perdu le sens positif que nous lui avions donné. Depuis le début de l'histoire, l'ouverture vers de nouveaux espaces, les échanges commerciaux, la diffusion des idées et la circulation des hommes étaient synonymes de progrès et de croissance: empires anciens, romains, découverte de l'Amérique, monde méditerranéen.
Pour Turgot, l'histoire des progrès et du bonheur, c'était l'histoire de la mondialisation, de l'ouverture vers de nouveaux territoires et d'autres hommes.
- En effet, Turgot a été le premier, au milieu du XVIIIième siècle, à rédiger une histoire du progrès humain dans son « tableau philosophique des progrès successifs de l'esprit humain ».
Dans ce tableau le commerce et la politique étaient indissociables de l'idée de progrès parce qu'ils "réunissent peu à peu les peuples de la terre".
Cette idée, qui fut aussi reprise par Montesquieu, a prévalu jusqu'aux années 80, - avec l'exception notable des années 30 qui ont été marquées par un retour au protectionnisme, entraînant la deuxième guerre mondiale dans son sillage.
Depuis la fin des années 80, la mondialisation a été kidnappée. Elle est devenue un lieu commun, puis une menace, prise en otage par les idéologies.
Le malaise est particulièrement fort chez les Français
- Pour l'eurobaromètre de la Commission, 58 % des français tiennent la mondialisation pour une menace, à l'inverse d'autres pays européens.
- L'université du Maryland a publié un sondage international "pour ou contre la libre entreprise" Alors que la Chine est pour avec 74 %, la France est le seul pays sur vingt dans lequel une majorité substantielle - 50 % contre 36 % - est contre la libre entreprise.
C'est plutôt étrange venant d'habitants d'un pays qui profite largement de la mondialisation :
- plus de 350 milliards d'euros de marchandises exportées en 2005, une position d'acteur commercial majeur 5-4-3-2.
- Les investisseurs étrangers (IDE) sont à l'origine de 30% des exportations françaises et de la création de plus de 30.000 emplois par an, soit deux fois plus que les délocalisations.
- Un salarié sur 7 travaille pour une entreprise étrangère.
C'est aussi injuste, car il existe une envie intense de France dans le monde: tout le monde a envie d'habiter en France une fois dans sa vie; la "french touch" et la "marque France" sont appréciées dans le monde.
Pour réconcilier les Français avec la mondialisation, il faut mieux la connaître et la mettre au service de l'Homme.
2. La mondialisation : un phénomène positif mais perfectible
La mondialisation, c'est un peu comme le Bourgeois Gentilhomme qui faisait de la prose sans le savoir: la mondialisation, on la vit tous les jours mais on ne le sait pas.
La mondialisation est une réalité: elle correspond à l'intégration croissante des économies, couplée à une diffusion des technologies et des connaissances.
C'est un « nouvel age » du capitalisme, marqué par 4 principales caractéristiques:
- Une révolution technologique sous l'impulsion de l'ordinateur, d'Internet et du satellite qui a induit une troisième révolution industrielle succédant à la machine à vapeur au 18e et l'électricité au 19e.
- Une production segmentée dans le temps et l'espace : la recherche, le développement, le design, la fabrication et le marketing sont répartis entre différentes entreprises et différents points de la planète.
- Un modèle industriel dominant fondé sur l'immatériel et la propriété intellectuelle et sur des coûts de productions négligeables. Sur les 110 $ d'une chaussure de sport Nike, moins de 16$ correspondent à la production tandis que la R&D, le design, la distribution et la publicité accaparent le reste.
- Une production industrielle qui tend à se réduire au profit des services -qui représentent plus de 70 % de la richesse nationale.
Je souhaite attirer votre attention sur 3 points qui me semblent importants dans le débat actuel sur la mondialisation:
a) La mondialisation est un phénomène complexe, difficilement accessible dans sa globalité
La mondialisation est ambivalente : ce sont de nouvelles opportunités et des risques. Tout a été dit sur les effets positifs et négatifs de la mondialisation : l'augmentation des échanges, la réduction de la pauvreté, des inégalités, les menaces environnementales...,
La mondialisation ressemble à un iceberg car ses aspects négatifs sont plus visibles que ses aspects positifs: on voit plus facilement la "main invisible" de la mondialisation dans les fermetures d'usine, qu'on ne la perçoit dans les créations d'entreprise alors que les chiffres penchent en faveur de ces dernières (15.000 versus 30.000)
b) L'échange international est souvent perçu de manière caricaturale
Pour les économistes, l'échange est banal : c'est un moyen d'augmenter la production de richesses, comme l'innovation et les gains de productivité en profitant des avantages comparatifs des uns et des autres.
Pour la société, l'échange est suspect, comme l'illustre la parabole de James Ingram publiée dans international Economics en 1983 et souvent reprise par Paul Krugman.
Grâce à l'utilisation d'une technologie secrète, un entrepreneur se lance dans une activité nouvelle et convertit du blé, du bois et autres matières premières américaines en biens de consommation de très bonne qualité et très bon marché.
Cet entrepreneur devient un héros national ; quelques-uns de ses concurrents américains sont certes touchés, mais tout le monde accepte ces convulsions comme le prix à payer pour un bénéfice plus important qui profite à l'économie entière.
Mais un journaliste un peu fouineur découvre qu'en fait, l'entrepreneur exporte le blé et le bois vers l'Asie où il achète des produits manufacturés ; l'entrepreneur est alors dénoncé comme imposteur et accusé de détruire des emplois américains.
Cette vision caricaturale du libre échange ne prévaut donc pas qu'en France.
La peur de la mondialisation, c'est aussi la peur d'en être exclu, alors que le village global nous inonde d'images d'une mondialisation heureuse et riche.
La peur de la mondialisation est certes plus forte en France du fait de notre héritage historique - Etat centralisé - et parce nous avons peut être plus à perdre que les autres. "Tu dois aimer la France parce que Dieu l'a faite belle et l'Histoire l'a faite grande", écrivait Michelet en en-tête de ses manuels d'histoire.
c) Il faut également reconnaître que la mondialisation est imparfaite
Les effets globalement positifs de la mondialisation sur la croissance et le développement ne doivent pas faire oublier ses défauts. J'en discerne trois principaux :
- Des règles du jeu qui ne sont pas toujours justes. La concurrence, qui est le mécanisme essentiel à la base de la créativité et de l'innovation, ne s'exerce pas toujours de manière loyale i.e. dumping en Chine
- Un développement asymétrique de la gouvernance mondiale : très élaborée dans le domaine économique, financier et commercial avec les institutions de Bretton Woods (FMI), et atrophiée dans les autres dimensions i.e. sociales, environnementales et droits de l'homme.
- L'insuffisance des actions en faveur des exclus de la mondialisation : que ce soit les pays exclus de la mondialisation (Afrique) ou les salariés peu qualifiés dans les pays développés.
Conclusion : les politiques doivent tenir compte de cette dimension anxiogène de la mondialisation et apporter des réponses crédibles à nos citoyens.
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'Homme
Une mondialisation plus humaine, c'est une mondialisation qui met l'homme au coeur de son développement, qui le respecte et qui respecte les valeurs qu'il porte.
a) Une mondialisation responsable
Nous sommes tous des acteurs de la mondialisation. En paraphrasant Clemenceau sur la guerre, « la mondialisation est une chose trop importante pour la laisser aux économistes ou aux ONG »
Une mondialisation responsable ce sont des acteurs responsables:
- Des salariés, des citoyens et des consommateurs qui agissent en acteurs et non en spectateurs
* La consommation n'est plus un acte anodin, elle a des conséquences sur le citoyen et le salarié: le consommateur doit pouvoir choisir un produit en fonction de sa nocivité vis-à-vis de l'environnement et refuser d'acheter un produit qui a été fabriqué par des enfants.
* La mondialisation ne pourra être responsable sans un étiquetage qui s'appuie sur des normes crédibles et qui informe le consommateur du contenu social et environnemental des produits.
- La mondialisation responsable, c'est aussi des Etats responsables
* qui modernisent leurs économies en investissant dans la recherche et l'innovation, l'éducation, les infrastructures, bref dans tous les biens publics dont les entreprises et les salariés ont besoin pour faire face à la compétition mondiale.
* qui investissent dans la construction Européenne car seule l'Europe permettra à la France et aux autres EM de faire jeu à armes égales avec les grandes puissances.
* qui protègent les salariés et non les emplois grâce à des actions de formation continue et à des aides ciblées. L'idée d'un fonds français d'ajustement à la mondialisation qui aiderait les salariés touchés par des délocalisations devrait être explorée.
* qui dynamisent les PME grâce à un accès amélioré aux marchés publics
* qui mettent en oeuvre une véritable politique d'influence et d'intelligence économique « Ce sont les idées qui gouvernent le monde » écrivait Auguste Comte.
- La mondialisation responsable, c'est enfin des entreprises responsables qui adoptent des stratégies sur le long terme plutôt que d'imprimer une logique purement financière et de court terme à leurs actions : cf. Michelin
Ma conclusion: pour que la mondialisation soit responsable, il faut que chacun de nous soit informé et sensibilisé aux enjeux de la mondialisation. C'est ce que je fais ici et dans les écoles dans lesquelles j'ai fait distribué des brochures sur la mondialisation destinées à des élèves de CM2 et de 4e.
b) Un commerce loyal
Depuis Adam Smith et Ricardo, on sait que le libre échange permet l'enrichissement réciproque de ceux qui échangent.
Mais la liberté ce n'est pas l'absence de règles: la mise en place du libre échange doit être encadrée. Le Père dominicain Henri Lacordaire disait : " entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et l'esclave, c'est la loi qui libère et la liberté qui opprime". Ces règles, ce sont d'abord les règles multilatérales de l'OMC qui sont assorties d'un mécanisme de règlement des différends.
Un commerce loyal, c'est un juste équilibre entre l'ouverture des marchés et l'application de disciplines. Les Etats, y compris ceux en développement, qui ont tiré profit de l'ouverture doivent comprendre qu'ils n'ont pas que des droits et qu'ils ont aussi des devoirs i.e.Chine.
Un commerce loyal, c'est l'assurance que les règles commerciales sont appliquées effectivement, que le dumping est puni, que la propriété intellectuelle est protégée, - rappelons que la contrefaçon coûte 30.000 emplois en France chaque année.
- Nous disposons bien sûr des moyens de mise en oeuvre que prévoit l'OMC.
- Nous devons faire mieux, notamment en matière de transparence et d'incitation. Je suis favorable à ce qu'un "Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation" évalue les pratiques des principaux acteurs de la mondialisation comme le propose le Sénateur Virapoullé.
- Je suggère d'aller encore plus loin et de faire réaliser un classement mondial des pays en fonction de leurs pratiques commerciales via un indicateur objectif réalisé par un organisme indépendant.
c) Un développement durable
Le développement durable est le grand enjeux du 21e siècle et on attend de la France, qu'elle soit pionnière en la matière. Elle est déjà en première ligne.
La mondialisation doit apporter des réponses globales aux enjeux environnementaux et sociaux qui sont maintenant de nature mondiale. La mondialisation et le commerce peuvent être très efficaces: la convention de Washington sur le commerce des espèces menacées a permis de sauver les populations d'Eléphant d'Afrique.
Les règles du jeu actuelles ne sont pas suffisantes pour éviter le dumping social et la surexploitation des ressources naturelles. Il est normal que nos partenaires commerciaux cherchent à profiter de la mondialisation, il est injuste et inacceptable qu'ils le fassent au mépris des droits de l'homme, des droits fondamentaux du travail et de la protection de l'environnement. Les accords commerciaux doivent être mis à contribution pour lutter contre le dumping social et environnemental:
* des clauses sociales et environnementales ambitieuses doivent être intégrées de manière systématique dans les accords commerciaux négociés par l'UE et à l'OMC;
* des mesures commerciales doivent être mises en oeuvre pour inciter nos partenaires à s'engager dans le combat que le monde engage contre le réchauffement climatique. A ce titre, je me félicite de la proposition du Premier Ministre d'explorer la piste d'une taxe carbone sur les importations en provenance des pays qui refuseraient de s'engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012.
Ensuite, l'ouverture commerciale ne doit pas mettre en danger la juste préservation de nos valeurs, de nos préférences collectives.
- Ces préférences collectives traduisent des demandes sociales et des choix collectifs : ne pas manger de viande de boeuf nourri aux hormones, soutenir la diversité culturelle et une agriculture multifonctionnelle.
- Les citoyens français doivent avoir l'assurance que ces préférences collectives ne seront pas sacrifiées sur l'autel du commerce. Pascal Lamy, lorsqu'il était Commissaire au Commerce, avait proposé d'inclure une clause de sauvegarde dans les règles de l'OMC pour préserver ces préférences collectives. Je pense que c'est une piste intéressante qu'il convient d'étudier avec attention avec nos partenaires européens. Voila l'occasion de réconcilier les français avec l'OMC!
Enfin, l'OMC ne doit pas régner seule :
- nous avons besoin d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, grâce à laquelle l'environnement fera jeu égal avec le commerce international,
- nous avons besoin du renforcement de l'Organisation Internationale du Travail pour mieux défendre les droits fondamentaux du travail dans le monde.
4. Conclusion
La mondialisation ne ferme aucune porte à la France, mais elle lui demande de choisir: choisir sa voie, choisir de maîtriser son avenir en mobilisant ses forces.
N'ayons pas peur, la France, avec l'Europe, a tout les atouts nécessaires pour trouver un chemin qui lui sera propre et créer les conditions pour que la mondialisation bénéficie à tous et soit conforme à ses valeurs.
Nous devons collectivement tout faire pour retrouver cette promesse de bonheur qu'exprimait Turgot, sans tomber dans la naïveté où l'angélisme d'un Fukuyama, qui croyait voir dans la mondialisation la fin des conflits et de l'histoire.
Le train de la mondialisation avance vite. Il est temps d'agir pour la maîtriser, la rééquilibrer, la rendre plus humaine: pour cela il faut une mondialisation plus responsable, un commerce loyal et un développement durable, c'est-à-dire, finalement donner des valeurs et une finalité à la mondialisation.
Le monde attend les propositions de la France sur ce sujet.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 27 novembre 2006
Messieurs les députés, cher Louis
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Merci à l'Ecole Supérieure de Commerce de Clermont Ferrand de m'accueillir aujourd'hui pour parler de la mondialisation, sous le regard que je sais attentif d'un de vos éminents pairs, Louis Giscard d'Estaing, diplômé de l'ESC Rouen et de l'INSEAD de Fontainebleau, dont la vocation est justement de former les hauts cadres aux enjeux de la mondialisation.
C'est un réel bonheur pour moi que de revenir à Clermont Ferrand, un de mes tout premiers déplacements en région - une de mes premières terres de mission.
Je suis d'autant plus heureuse que, depuis lors, la mondialisation a pris toute l'importance qu'elle mérite dans le débat public: il ne se passe plus de semaine sans qu'une personnalité intervînt sur la mondialisation : tant mieux, plus on parlera de la mondialisation, mieux on la connaîtra et moins on la craindra.
On dit qu'un bonheur n'est jamais complet. Celui-ci est entaché du souvenir du décès d'Edouard Michelin. Cette disparition subite a, je le sais, vivement affecté cette ville et cette région. Elle a également, j'en témoigne, ému la France entière qui s'est rendu compte alors, qu'elle avait perdu un grand homme. Je tiens à saisir cette occasion aussi pour lui rendre hommage
Clermont Ferrand est le lieu idéal pour parler de mondialisation. Alors que la mondialisation oppose souvent le local, c'est-à-dire l'homme et son terroir, et le global - l'économie mondiale, les multinationales-, Clermont Ferrand présente l'image d'une synthèse harmonieuse entre ces niveaux et entre ces acteurs:
- Clermont Ferrand, c'est une ville de caractère fortement ancrée sur un territoire qui plonge ses racines dans une histoire multiséculaire (décrite par Strabon sous son nom d'origine Nemessos, "le bois sacré", Pascal y naquit)
- Clermont Ferrand, c'est aussi un haut lieu de la modernité, de l'économie globalisée avec la présence de Michelin, leader mondial incontesté des pneumatiques.
1. Il faut réconcilier les français avec la mondialisation
2. La mondialisation: un phénomène positif mais perfectible
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'Homme
1. Il faut réconcilier les français avec la mondialisation
Un constat : l'ouverture au monde a perdu le sens positif que nous lui avions donné. Depuis le début de l'histoire, l'ouverture vers de nouveaux espaces, les échanges commerciaux, la diffusion des idées et la circulation des hommes étaient synonymes de progrès et de croissance: empires anciens, romains, découverte de l'Amérique, monde méditerranéen.
Pour Turgot, l'histoire des progrès et du bonheur, c'était l'histoire de la mondialisation, de l'ouverture vers de nouveaux territoires et d'autres hommes.
- En effet, Turgot a été le premier, au milieu du XVIIIième siècle, à rédiger une histoire du progrès humain dans son « tableau philosophique des progrès successifs de l'esprit humain ».
Dans ce tableau le commerce et la politique étaient indissociables de l'idée de progrès parce qu'ils "réunissent peu à peu les peuples de la terre".
Cette idée, qui fut aussi reprise par Montesquieu, a prévalu jusqu'aux années 80, - avec l'exception notable des années 30 qui ont été marquées par un retour au protectionnisme, entraînant la deuxième guerre mondiale dans son sillage.
Depuis la fin des années 80, la mondialisation a été kidnappée. Elle est devenue un lieu commun, puis une menace, prise en otage par les idéologies.
Le malaise est particulièrement fort chez les Français
- Pour l'eurobaromètre de la Commission, 58 % des français tiennent la mondialisation pour une menace, à l'inverse d'autres pays européens.
- L'université du Maryland a publié un sondage international "pour ou contre la libre entreprise" Alors que la Chine est pour avec 74 %, la France est le seul pays sur vingt dans lequel une majorité substantielle - 50 % contre 36 % - est contre la libre entreprise.
C'est plutôt étrange venant d'habitants d'un pays qui profite largement de la mondialisation :
- plus de 350 milliards d'euros de marchandises exportées en 2005, une position d'acteur commercial majeur 5-4-3-2.
- Les investisseurs étrangers (IDE) sont à l'origine de 30% des exportations françaises et de la création de plus de 30.000 emplois par an, soit deux fois plus que les délocalisations.
- Un salarié sur 7 travaille pour une entreprise étrangère.
C'est aussi injuste, car il existe une envie intense de France dans le monde: tout le monde a envie d'habiter en France une fois dans sa vie; la "french touch" et la "marque France" sont appréciées dans le monde.
Pour réconcilier les Français avec la mondialisation, il faut mieux la connaître et la mettre au service de l'Homme.
2. La mondialisation : un phénomène positif mais perfectible
La mondialisation, c'est un peu comme le Bourgeois Gentilhomme qui faisait de la prose sans le savoir: la mondialisation, on la vit tous les jours mais on ne le sait pas.
La mondialisation est une réalité: elle correspond à l'intégration croissante des économies, couplée à une diffusion des technologies et des connaissances.
C'est un « nouvel age » du capitalisme, marqué par 4 principales caractéristiques:
- Une révolution technologique sous l'impulsion de l'ordinateur, d'Internet et du satellite qui a induit une troisième révolution industrielle succédant à la machine à vapeur au 18e et l'électricité au 19e.
- Une production segmentée dans le temps et l'espace : la recherche, le développement, le design, la fabrication et le marketing sont répartis entre différentes entreprises et différents points de la planète.
- Un modèle industriel dominant fondé sur l'immatériel et la propriété intellectuelle et sur des coûts de productions négligeables. Sur les 110 $ d'une chaussure de sport Nike, moins de 16$ correspondent à la production tandis que la R&D, le design, la distribution et la publicité accaparent le reste.
- Une production industrielle qui tend à se réduire au profit des services -qui représentent plus de 70 % de la richesse nationale.
Je souhaite attirer votre attention sur 3 points qui me semblent importants dans le débat actuel sur la mondialisation:
a) La mondialisation est un phénomène complexe, difficilement accessible dans sa globalité
La mondialisation est ambivalente : ce sont de nouvelles opportunités et des risques. Tout a été dit sur les effets positifs et négatifs de la mondialisation : l'augmentation des échanges, la réduction de la pauvreté, des inégalités, les menaces environnementales...,
La mondialisation ressemble à un iceberg car ses aspects négatifs sont plus visibles que ses aspects positifs: on voit plus facilement la "main invisible" de la mondialisation dans les fermetures d'usine, qu'on ne la perçoit dans les créations d'entreprise alors que les chiffres penchent en faveur de ces dernières (15.000 versus 30.000)
b) L'échange international est souvent perçu de manière caricaturale
Pour les économistes, l'échange est banal : c'est un moyen d'augmenter la production de richesses, comme l'innovation et les gains de productivité en profitant des avantages comparatifs des uns et des autres.
Pour la société, l'échange est suspect, comme l'illustre la parabole de James Ingram publiée dans international Economics en 1983 et souvent reprise par Paul Krugman.
Grâce à l'utilisation d'une technologie secrète, un entrepreneur se lance dans une activité nouvelle et convertit du blé, du bois et autres matières premières américaines en biens de consommation de très bonne qualité et très bon marché.
Cet entrepreneur devient un héros national ; quelques-uns de ses concurrents américains sont certes touchés, mais tout le monde accepte ces convulsions comme le prix à payer pour un bénéfice plus important qui profite à l'économie entière.
Mais un journaliste un peu fouineur découvre qu'en fait, l'entrepreneur exporte le blé et le bois vers l'Asie où il achète des produits manufacturés ; l'entrepreneur est alors dénoncé comme imposteur et accusé de détruire des emplois américains.
Cette vision caricaturale du libre échange ne prévaut donc pas qu'en France.
La peur de la mondialisation, c'est aussi la peur d'en être exclu, alors que le village global nous inonde d'images d'une mondialisation heureuse et riche.
La peur de la mondialisation est certes plus forte en France du fait de notre héritage historique - Etat centralisé - et parce nous avons peut être plus à perdre que les autres. "Tu dois aimer la France parce que Dieu l'a faite belle et l'Histoire l'a faite grande", écrivait Michelet en en-tête de ses manuels d'histoire.
c) Il faut également reconnaître que la mondialisation est imparfaite
Les effets globalement positifs de la mondialisation sur la croissance et le développement ne doivent pas faire oublier ses défauts. J'en discerne trois principaux :
- Des règles du jeu qui ne sont pas toujours justes. La concurrence, qui est le mécanisme essentiel à la base de la créativité et de l'innovation, ne s'exerce pas toujours de manière loyale i.e. dumping en Chine
- Un développement asymétrique de la gouvernance mondiale : très élaborée dans le domaine économique, financier et commercial avec les institutions de Bretton Woods (FMI), et atrophiée dans les autres dimensions i.e. sociales, environnementales et droits de l'homme.
- L'insuffisance des actions en faveur des exclus de la mondialisation : que ce soit les pays exclus de la mondialisation (Afrique) ou les salariés peu qualifiés dans les pays développés.
Conclusion : les politiques doivent tenir compte de cette dimension anxiogène de la mondialisation et apporter des réponses crédibles à nos citoyens.
3. Un triptyque pour construire une mondialisation au service de l'Homme
Une mondialisation plus humaine, c'est une mondialisation qui met l'homme au coeur de son développement, qui le respecte et qui respecte les valeurs qu'il porte.
a) Une mondialisation responsable
Nous sommes tous des acteurs de la mondialisation. En paraphrasant Clemenceau sur la guerre, « la mondialisation est une chose trop importante pour la laisser aux économistes ou aux ONG »
Une mondialisation responsable ce sont des acteurs responsables:
- Des salariés, des citoyens et des consommateurs qui agissent en acteurs et non en spectateurs
* La consommation n'est plus un acte anodin, elle a des conséquences sur le citoyen et le salarié: le consommateur doit pouvoir choisir un produit en fonction de sa nocivité vis-à-vis de l'environnement et refuser d'acheter un produit qui a été fabriqué par des enfants.
* La mondialisation ne pourra être responsable sans un étiquetage qui s'appuie sur des normes crédibles et qui informe le consommateur du contenu social et environnemental des produits.
- La mondialisation responsable, c'est aussi des Etats responsables
* qui modernisent leurs économies en investissant dans la recherche et l'innovation, l'éducation, les infrastructures, bref dans tous les biens publics dont les entreprises et les salariés ont besoin pour faire face à la compétition mondiale.
* qui investissent dans la construction Européenne car seule l'Europe permettra à la France et aux autres EM de faire jeu à armes égales avec les grandes puissances.
* qui protègent les salariés et non les emplois grâce à des actions de formation continue et à des aides ciblées. L'idée d'un fonds français d'ajustement à la mondialisation qui aiderait les salariés touchés par des délocalisations devrait être explorée.
* qui dynamisent les PME grâce à un accès amélioré aux marchés publics
* qui mettent en oeuvre une véritable politique d'influence et d'intelligence économique « Ce sont les idées qui gouvernent le monde » écrivait Auguste Comte.
- La mondialisation responsable, c'est enfin des entreprises responsables qui adoptent des stratégies sur le long terme plutôt que d'imprimer une logique purement financière et de court terme à leurs actions : cf. Michelin
Ma conclusion: pour que la mondialisation soit responsable, il faut que chacun de nous soit informé et sensibilisé aux enjeux de la mondialisation. C'est ce que je fais ici et dans les écoles dans lesquelles j'ai fait distribué des brochures sur la mondialisation destinées à des élèves de CM2 et de 4e.
b) Un commerce loyal
Depuis Adam Smith et Ricardo, on sait que le libre échange permet l'enrichissement réciproque de ceux qui échangent.
Mais la liberté ce n'est pas l'absence de règles: la mise en place du libre échange doit être encadrée. Le Père dominicain Henri Lacordaire disait : " entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et l'esclave, c'est la loi qui libère et la liberté qui opprime". Ces règles, ce sont d'abord les règles multilatérales de l'OMC qui sont assorties d'un mécanisme de règlement des différends.
Un commerce loyal, c'est un juste équilibre entre l'ouverture des marchés et l'application de disciplines. Les Etats, y compris ceux en développement, qui ont tiré profit de l'ouverture doivent comprendre qu'ils n'ont pas que des droits et qu'ils ont aussi des devoirs i.e.Chine.
Un commerce loyal, c'est l'assurance que les règles commerciales sont appliquées effectivement, que le dumping est puni, que la propriété intellectuelle est protégée, - rappelons que la contrefaçon coûte 30.000 emplois en France chaque année.
- Nous disposons bien sûr des moyens de mise en oeuvre que prévoit l'OMC.
- Nous devons faire mieux, notamment en matière de transparence et d'incitation. Je suis favorable à ce qu'un "Observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation" évalue les pratiques des principaux acteurs de la mondialisation comme le propose le Sénateur Virapoullé.
- Je suggère d'aller encore plus loin et de faire réaliser un classement mondial des pays en fonction de leurs pratiques commerciales via un indicateur objectif réalisé par un organisme indépendant.
c) Un développement durable
Le développement durable est le grand enjeux du 21e siècle et on attend de la France, qu'elle soit pionnière en la matière. Elle est déjà en première ligne.
La mondialisation doit apporter des réponses globales aux enjeux environnementaux et sociaux qui sont maintenant de nature mondiale. La mondialisation et le commerce peuvent être très efficaces: la convention de Washington sur le commerce des espèces menacées a permis de sauver les populations d'Eléphant d'Afrique.
Les règles du jeu actuelles ne sont pas suffisantes pour éviter le dumping social et la surexploitation des ressources naturelles. Il est normal que nos partenaires commerciaux cherchent à profiter de la mondialisation, il est injuste et inacceptable qu'ils le fassent au mépris des droits de l'homme, des droits fondamentaux du travail et de la protection de l'environnement. Les accords commerciaux doivent être mis à contribution pour lutter contre le dumping social et environnemental:
* des clauses sociales et environnementales ambitieuses doivent être intégrées de manière systématique dans les accords commerciaux négociés par l'UE et à l'OMC;
* des mesures commerciales doivent être mises en oeuvre pour inciter nos partenaires à s'engager dans le combat que le monde engage contre le réchauffement climatique. A ce titre, je me félicite de la proposition du Premier Ministre d'explorer la piste d'une taxe carbone sur les importations en provenance des pays qui refuseraient de s'engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012.
Ensuite, l'ouverture commerciale ne doit pas mettre en danger la juste préservation de nos valeurs, de nos préférences collectives.
- Ces préférences collectives traduisent des demandes sociales et des choix collectifs : ne pas manger de viande de boeuf nourri aux hormones, soutenir la diversité culturelle et une agriculture multifonctionnelle.
- Les citoyens français doivent avoir l'assurance que ces préférences collectives ne seront pas sacrifiées sur l'autel du commerce. Pascal Lamy, lorsqu'il était Commissaire au Commerce, avait proposé d'inclure une clause de sauvegarde dans les règles de l'OMC pour préserver ces préférences collectives. Je pense que c'est une piste intéressante qu'il convient d'étudier avec attention avec nos partenaires européens. Voila l'occasion de réconcilier les français avec l'OMC!
Enfin, l'OMC ne doit pas régner seule :
- nous avons besoin d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, grâce à laquelle l'environnement fera jeu égal avec le commerce international,
- nous avons besoin du renforcement de l'Organisation Internationale du Travail pour mieux défendre les droits fondamentaux du travail dans le monde.
4. Conclusion
La mondialisation ne ferme aucune porte à la France, mais elle lui demande de choisir: choisir sa voie, choisir de maîtriser son avenir en mobilisant ses forces.
N'ayons pas peur, la France, avec l'Europe, a tout les atouts nécessaires pour trouver un chemin qui lui sera propre et créer les conditions pour que la mondialisation bénéficie à tous et soit conforme à ses valeurs.
Nous devons collectivement tout faire pour retrouver cette promesse de bonheur qu'exprimait Turgot, sans tomber dans la naïveté où l'angélisme d'un Fukuyama, qui croyait voir dans la mondialisation la fin des conflits et de l'histoire.
Le train de la mondialisation avance vite. Il est temps d'agir pour la maîtriser, la rééquilibrer, la rendre plus humaine: pour cela il faut une mondialisation plus responsable, un commerce loyal et un développement durable, c'est-à-dire, finalement donner des valeurs et une finalité à la mondialisation.
Le monde attend les propositions de la France sur ce sujet.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 27 novembre 2006