Texte intégral
Q - Après cet attentat de Pierre Gemayel, la France ne lâche pas le Liban ?
R - La France a condamné dans les termes les plus fermes ce qui apparaît manifestement comme une nouvelle tentative de déstabilisation du Liban par la violence, par l'intimidation, par l'assassinat. A travers Pierre Gemayel c'est une grande famille libanaise, toujours élue au centre de la vie politique libanaise, qui est touchée. C'était une personnalité politique engagée dans un combat, celui pour l'indépendance et la souveraineté du Liban. C'est cette indépendance, cette souveraineté du Liban qui ont été visées directement.
Q - Spontanément, les Libanais, s'en prennent à l'ennemi de toujours, la Syrie, qui n'accepte pas son retrait forcé du Liban. On se souvient de la résolution 1559. Mais comme le disait Charles Enderlin, est-ce que ce n'est pas un mauvais moment justement pour Damas, parce que la Syrie était en train de reprendre un dialogue avec les Anglais et les Américains ?
R - Ce qu'il est urgent et indispensable de faire, plus que jamais maintenant, c'est que ceux qui ont perpétré et commandité tous ces assassinats répondent de leurs crimes. Après le gouvernement libanais la semaine dernière, le Conseil de sécurité des Nations unies, cette nuit à New York, a apporté tout son soutien à la création de ce tribunal international. Et nous en avons besoin pour juger les criminels.
Il faut aujourd'hui, justement, ne pas céder à l'intimidation et à la terreur. Et comme l'a déclaré le Secrétaire général des Nations unies, "il n'y aura pas de paix sans justice au Liban". C'est cela le sujet majeur aujourd'hui. Il faut ce tribunal international.
Q - Demain, à Beyrouth, lorsque vous verrez sans doute Amin Gemayel, est-ce que vous avez un message de la France ou de Jacques Chirac ?
R - Je lui dirai d'abord notre consternation, notre immense émotion, celle du président de la République, bien sûr, la mienne et celle des Français après l'attentat qui a coûté la vie à Pierre Gemayel. Dans ces heures tragiques, c'est d'abord et avant tout à sa famille et à ses proches que vont notre sympathie et notre solidarité. Il ne faut pas oublier que la volonté d'indépendance, de souveraineté, de liberté, de démocratie des Libanais en sortira renforcée.
Q - Oui, mais on le dit chaque fois qu'il y a un assassinat. Puis il y a un autre assassinat.
R - La France est présente. Nous avons 1.700 hommes présents. Le président de la République l'a souhaité. C'est nous qui avons pratiquement écrit la résolution 1701 qui a été votée à l'unanimité du Conseil de sécurité entre le 12 et le 13 août. C'est nous qui sommes sur le terrain. Et c'est nous qui souhaitons que le gouvernement de M. Fouad Siniora puisse continuer, car sinon ce sera la déstabilisation et le chaos. Tout le monde dans la région doit le comprendre, à commencer par les Israéliens. Il vaut mieux travailler avec, soutenir Fouad Siniora.
Q - L'aide internationale de nombreux pays donateurs, dont la France, promise après la guerre du Liban au Premier ministre Siniora, est-ce qu'elle pourrait être versée à un nouveau gouvernement si celui-ci tombait ? Ou est-ce une aide à M. Siniora ?
R - Ne faisons pas de politique-fiction. Il est évident que nous souhaitons avoir un Liban souverain. Et ce sont ces valeurs que nous portons : la souveraineté, l'indépendance, la restauration de l'Etat de droit. Et c'est cela que la majorité parlementaire, emmenée par Saad Hariri, et que le gouvernement de Fouad Siniora, veulent. Si tel n'était pas le cas, tout change, évidemment.
Q - Vous avez vous-même fait allusion aux casques bleus français de la FINUL. Ils sont concernés comme les Nations unies par la tension au Sud-Liban. Est-ce que vous redoutez une phase nouvelle de tension dans le Sud-Liban, entretenue par le Hezbollah, les Syriens et les Iraniens ?
R - L'armée française, au côté des autres armées qui ont accepté ce rôle difficile de faire respecter la résolution 1701 des Nations unies, sera là pour la faire respecter. C'est une armée qui est là pour servir la paix dans le monde, et dans cet endroit en particulier. Il est aujourd'hui évident qu'il n'y a plus une seule crise, il y a au moins quatre ou cinq crises au Moyen-Orient. Eh bien, la FINUL, au Sud-Liban, sera là pour faire respecter la résolution 1701.
Q - Vous pensez qu'il peut y avoir une aggravation de la tension dans cette région ?
R - Tout le monde voit qu'il y a une instabilité profonde. On voit bien ce qui se passe en Irak, où a lieu pratiquement une guerre civile. Nous voyons bien que les Américains, en faisant la guerre en Irak, ont déstabilisé une grande partie de la région. On voit bien que l'Iran veut devenir plus que jamais une grande puissance régionale. Et on voit bien aujourd'hui, malheureusement, qu'il y a beaucoup d'intérêts particuliers qui échappent aux Libanais eux-mêmes. C'est cela qui est en jeu. Il faut que le Liban reste souverain, en démocratie et en liberté. C'est cela le rôle de la France au Liban.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2006