Conférence de presse de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les relations franco-roumaines et l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, à Bucarest le 30 novembre 2006.

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Circonstance : Déplacement en Roumanie, le 30 novembre 2006

Texte intégral

Je suis heureuse d'être aujourd'hui, à Bucarest, pour une visite qui m'a permis de rencontrer les plus hautes autorités du pays, le président Basescu, le Premier ministre Tariceanu, que nous quittons à l'instant. J'ai eu aussi des entretiens, d'ores et déjà approfondis, et que nous poursuivrons avec votre ministre de l'Intégration européenne, Mme Boagiu. Cet après-midi, je verrai votre commissaire désigné, M. Orban. Avec lequel je m'étais déjà entretenue au téléphone, pour le féliciter naturellement. Nous sommes dans la salle où, tout à l'heure, s'est déroulé le colloque organisé par la Fondation Ithaka. Je voudrais remercier Mme Calin de tout ce qu'elle fait pour rapprocher nos deux pays, pour que leur compréhension, d'ores et déjà excellente, progresse encore, surtout, à partir de maintenant, pour bien faire comprendre l'Union européenne. C'était d'ailleurs le thème du colloque de ce matin.
Ma visite s'inscrit dans le cadre d'un dialogue entre nos deux pays qui est à la fois dense, régulier et confiant. Ma visite prend surtout place à la veille de votre fête nationale. Et, c'est un signal important, à quelques semaines de l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne. Bien évidemment, le moment de cette visite ne doit rien au hasard : la France a toujours accompagné et soutenu la Roumanie dans toutes ses étapes, dans sa marche vers l'Union européenne et elle tenait à être présente jusqu'à ce moment où vous vous apprêtez à entrer dans l'Union à part entière.
Au-delà des entretiens que nous menons sur tel ou tel sujet, ma visite est donc d'abord une visite d'amitié et de confiance. Je vous l'ai dit, mon pays a toujours soutenu le vôtre parce qu'il considère que c'est l'intérêt de l'Europe que de réussir cette oeuvre d'unification du continent, dans la paix et dans la démocratie, comme vient de le dire la ministre. Nous avons pris notre part et nous sommes particulièrement heureux de voir que la Roumanie a réussi dans ses efforts, et que ses efforts ont été récompensés par la décision unanime prise par les pays européens de l'accueillir au sein de la famille européenne à partir du 1er janvier. Je veux saluer devant vous les efforts qui ont été accomplis. Nous mesurons pleinement, sachez-le, que c'est un chemin qui a été difficile et que ces efforts ont été considérables. Vous avez réussi à franchir, en peu de temps, des étapes que d'autres auraient peut-être mis plus de temps à franchir. Je veux, par là-même, saluer les efforts du peuple roumain et pas seulement ceux de son gouvernement. Je l'ai fait à l'adresse de la ministre et je tiens à le faire publiquement, devant vous.
Nous savons qu'il y a beaucoup à faire et qu'après le 1er janvier, il y a le 2 janvier, et que l'intégration européenne de la Roumanie reste à parfaire. Sachez que la France sera aux côtés de votre pays pour poursuivre les coopérations qu'elle avait menées dans la phase de préparation. Elle le sera, une fois l'adhésion faite, dans la phase d'intégration. J'ai fait part aux autorités roumaines de la disponibilité de la France à continuer à être aux côtés de la Roumanie pour des programmes de jumelage, pour des coopérations administratives, pour la transformation du pays. Nous avons parlé de tout, ouvertement, et nous avons aussi parlé de ce qui reste à faire, en particulier dans le domaine de la justice et de la sécurité intérieure. Il s'agit de progresser et d'obtenir des résultats dans le domaine de la réforme de la justice ou de la lutte contre la corruption, par exemple, qui ont été deux des domaines identifiés par la Commission européenne et par les Etats membres comme des secteurs où il reste encore des progrès à faire. Et je le dis de cette façon-là, positive : nous sommes aux côtés de la Roumanie, comme tous nos autres partenaires, pour l'aider à progresser dans une démarche positive, et dans nulle autre. Cet après-midi, je visiterai le Point national focal national de coopération policière pour illustrer cette coopération et voir comment les choses se passent concrètement. Nous encourageons la Roumanie à poursuivre dans la voie qu'elle a choisi, et qui a été récompensée. Nous serons à ses côtés pour renforcer ses capacités administratives, juridiques, économiques et sociales. Nous avons encore beaucoup à faire, mais c'est un message de confiance que je veux exprimer aujourd'hui.
Nous avons aussi abordé nos relations bilatérales. J'en parlerai brièvement parce qu'elles sont excellentes. Elles sont denses sur le plan politique. Il y a eu des visites qui ont eu lieu en France de votre président, du Premier ministre, de Mme Boagiu, régulièrement, pour convaincre tout le monde, y compris notre Parlement. Madame la Députée, je tiens à vous saluer publiquement et je tiens aussi à remercier le Parlement français d'avoir ratifié, à l'unanimité des deux chambres, l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne.
Nos relations économiques sont de bonne qualité mais je tiens à dire qu'elles peuvent encore progresser. Nous sommes venus très tôt, au début des changements de la Roumanie, pour apporter notre contribution à la modernisation du pays. Nous sommes votre 4ème partenaire et nous sommes présents dans un certain nombre de grands secteurs appelés à se développer. Nos investissements font déjà de nous un partenaire de poids, avec plusieurs milliards d'euros cumulés d'investissements. Et pourtant, puisque ce 1er janvier est à la fois un accomplissement et un commencement, nous souhaitons progresser et nous souhaitons continuer à cheminer ensemble dans la nouvelle phase qui s'ouvre.
Pour conclure, je voudrais dire un mot d'un sujet qui nous tient à coeur, la Francophonie et la diversité culturelle. Ici, en Roumanie, je sais qu'on le comprend, je n'ai pas besoin d'insister. C'est une certaine vision du monde que nous avons en commun et je suis sûre que la Roumanie aura à coeur de nous aider à la défendre.
De même que je suis certaine que la Roumanie, qui va fêter son entrée dans l'Europe dans quelques semaines, sera pour elle un atout. En France, nous pensons que ce qui a été accompli par la Roumanie a été remarquable. Nous pensons aussi que c'est l'intérêt de tous, de votre pays, de notre pays, de nombreux pays de l'Union européenne. Nous savons que nous avons en la Roumanie un grand pays, un partenaire fiable, solide et un partenaire qui s'attachera à faire progresser, comme nous, une vision de l'Europe qui soit une vision ambitieuse, soucieuse du bien-être de nos peuples, soucieuse de dégager toujours l'intérêt général. Nous travaillons donc pour une Europe politique, pour une Europe solidaire, une Europe qui se fasse pour le bien de nos peuples, comme nous avons décidé de le faire il y a 50 ans. Nous fêterons, vous le savez, le 25 mars prochain, le 50ème anniversaire du Traité de Rome. Si je prends cette référence historique, c'est pour qu'on mesure, mieux qu'on ne le fait parfois, le chemin extraordinaire qui a été accompli grâce à la construction européenne, pour notre continent, divisé en deux il y a peu, trop souvent ravagé par les guerres. Nous avons réussi quelque chose d'exceptionnel. Nous devons poursuivre nos efforts pour continuer à réussir. Et je le dis avec confiance.
Je vous remercie.
Q - Vous avez dit que la France était un partenaire de la Roumanie, qui l'a aidée et qui va l'aider à l'avenir. Au cas où l'Allemagne demanderait la mise en oeuvre de clauses de sauvegarde à partir du 1er janvier, la France soutiendrait-elle la Roumanie, en ce sens qu'elle n'attendrait pas les résultats des premiers rapports ? Et la deuxième question : vous avez dit que la France a ouvert son marché de travail pour la Roumanie, pour 62 métiers, j'ai vu souvent des groupes de Roumains expulsés de France. Cette situation changera-t-elle, est-ce que les Roumains pourront travailler légalement en France ?
R - Merci de vos questions. Je vous réponds très simplement et très directement à la première question, de façon positive. Mon pays n'a pas l'intention de demander la mise en oeuvre de clauses de sauvegarde. Sur la recommandation de la Commission européenne, nous venons, tous ensemble, tous les pays européens réunis, de prendre une décision qui est d'accepter l'adhésion de la Roumanie à compter du 1er janvier. Nous l'avons fait compte tenu des efforts qui ont été accomplis et des résultats enregistrés. Dans le même temps, nous avons décidé de mettre en place un certain nombre de mécanismes de coopération pour que soient faits les derniers pas qui doivent être faits. C'est important, évidemment. Mais ce mécanisme venant d'être décidé par l'ensemble des pays européens, notre approche ne peut pas consister à appliquer , d'ores et déjà, des clauses de sauvegarde que rien ne justifie. Nous savons qu'il y a des pas à accomplir et nous sommes disposés et disponibles pour aider la Roumanie à les accomplir. Nous comptons sur elle pour que les progrès continuent mais nous verrons si ces progrès ont été faits. Quand ? Non pas maintenant, mais au moment agréé entre nous, c'est-à-dire fin mars quand votre pays transmettra, à ses partenaires et à la Commission européenne, un rapport de progrès. Nous serons ensuite appelés à l'évaluer au Conseil européen du mois de juin. Pour notre part, nous avons toute confiance dans la détermination de la Roumanie à franchir les pas qu'il lui faut franchir, et dans sa capacité à le faire.
Sur votre seconde question, nous avons pris, en effet, cette décision d'ouvrir aux travailleurs roumains et bulgares, progressivement et de façon maîtrisée, le marché du travail en France. Ceci se fera sur un certain nombre de métiers, les mêmes que ceux qui avaient été ouverts, il y a quelques mois, à nos nouveaux partenaires d'Europe centrale. Et ceci, sans attendre les deux années que ces pays avaient dû attendre pour continuer de progresser. C'est un choix politique - je vous le disais tout à l'heure - qui est celui de notre confiance à l'endroit de la Roumanie et qui est aussi le choix de l'équité et, j'ose le dire, de la simplicité. Tout le monde sera traité de la même façon. Mais votre question était un peu différente et là, les règles n'ont pas changé. Ceux qui sont en France en situation régulière sont les bienvenus. Ils apportent leur talent, ils découvrent - je l'espère aussi - des choses et nous n'avons aucun problème particulier avec eux. Ceux qui sont roumains ou de toute autre nationalité, européens ou non-européens, qui se trouveraient sur le territoire national en situation illégale ont vocation à retourner dans leur pays. Là, rien ne change. Quand je dis rien ne change, je sais, qu'en fait, je me trompe parce que nous avions malheureusement un certain nombre de flux de travailleurs irréguliers et que je suis convaincue que l'ouverture progressive de notre marché du travail va aider à lutter contre ce travail illégal dont sont responsables non pas tant les pays d'origine ou les personnes viennent travailler chez nous que ceux qui, dans notre pays, les entretiennent dans l'illégalité. C'est ceux-là que je veux dénoncer et non pas vos compatriotes. Nous avons d'ailleurs renforcé considérablement nos dispositifs de contrôle et de gestion de ces flux, il le fallait. Donc, tous ceux qui sont dans notre pays régulièrement sont les bienvenus. Je crois qu'il sont d'autant mieux accueillis maintenant que les choses ont été faites de façon à leur faciliter la vie.
Q - Quels sont les domaines, les secteurs ouverts à ces 62 métiers ?
R - La liste en est publique et nous pouvons d'ailleurs vous la communiquer. Il s'agit de sept secteurs importants et de soixante-deux métiers. C'est une liste que nous avons élaborée en prenant soin de regarder les secteurs dans lesquels il y a des besoins d'emplois dans notre société. Ce sont beaucoup de métiers en développement, où nous n'arrivons pas à satisfaire les besoins d'emplois par nos seules ressources nationales. Beaucoup relèvent du secteur du bâtiment et des travaux publics. Je sais que ceux-ci se développent aussi chez vous et je ne voudrais donc pas vous priver de vos forces vives ! Nous en avons d'ailleurs parlé avec Mme Boagiu et le Premier ministre. Il s'agit également de l'hôtellerie, de l'agriculture. Il existe un certain nombre de métiers pour lesquels nous allons essayer de faire que les besoins et les compétences des uns et des autres s'ajustent.
Q - En ce qui concerne l'audition de M. Orban, il y a des points qui ne sont pas clairs en ce qui concerne son portefeuille, ou est-ce une façon pour le Parlement européen de demander plus de compétences ?
R - Avec votre permission, Madame la Ministre, je vais compléter votre réponse qui était, en tout point, excellente et à laquelle je souscris. Mais il y a un élément complémentaire qui aussi est un élément de réponse et, pour cela, je me permets de reprendre la parole après vous. Le Parlement européen, tout à l'heure, vient d'adopter le rapport sur l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne à une majorité de 542 voix favorables. Cela vous donne le signal de la confiance dont votre pays a besoin pour franchir les derniers pas qu'il lui faut franchir. C'est une remarquable réussite, bravo !
Q - Une toute petite question, concernant la proposition du président Borell, le président du Parlement européen, pour élargir les compétences de Leonard Orban, le commissaire roumain, qui a fait plutôt bonne impression devant les commissions parlementaires. Cet élargissement concernerait la défense ou la situation des minorités. Alors, on pense aux tziganes mais on peux aussi penser aux magyars. C'est une question qui s'adresse à vous deux.
R - Je verrai tout à l'heure le Commissaire européen et je ferai plus facilement le point avec lui après l'avoir vu qu'avec vous, avant de l'avoir vu. Selon les règles européennes, il y a un dialogue entre le président de la Commission, qui compose sa Commission, et le Parlement, qui doit donner son approbation à la proposition qui lui est faite. Je ne vois que des pas positifs qui ont été accomplis jusqu'ici dans la candidature de M. Orban.
Merci à vous.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2006