Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire et président de l'UMP, sur sa candidature à l'élection présidentielle de 2007 et ses propositions, Marseille le 1er décembre 2006.

Prononcé le 1er décembre 2006

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, à Marseille le 1er décembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher André DAGUIN,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Je veux vous dire tout d'abord ma très grande joie d'être avec vous, ici, à Marseille, dans cette ville à nulle autre pareille, colorée et chaleureuse. Chaque fois, à Marseille, c'est la même émotion pour moi et le même plaisir. Synthèse vivante de plusieurs mondes, Marseille c'est tout à la fois : une magnifique ville française, une ville de fierté, une ville de diversité et - qui pourrait en douter à quelques pas du stade vélodrome - une ville de passion. Pour le candidat à l'élection présidentielle de 2007 que je suis désormais, voilà de beaux symboles.
De plus, c'est devenu, pour moi, désormais une tradition de vous rencontrer dans les moments les plus importants de ma vie. Lors de notre dernière rencontre, à Strasbourg, le 26 novembre 2004, j'étais un ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, sur le point d'être élu président de l'UMP. Aujourd'hui, cher André DAGUIN, c'est encore votre congrès qui m'offre l'occasion de ma première intervention de candidat. Croyez-bien que je suis sincèrement heureux que ce soit devant vous, mes chers amis, que j'aie la chance de m'en expliquer. Car je sais que nous partageons des valeurs identiques : l'engagement au service des Français, le respect de la parole donnée, et le goût du travail bien fait.
On ne naît pas candidat à l'élection présidentielle. Personne n'est destiné, dès l'enfance, à briguer une telle fonction. Personne n'est touché par la Grâce depuis le berceau. Personne ne possède, au départ de l'existence, le feu sacré que requiert un tel engagement. C'est la vie, avec ses joies, avec ses douleurs, c'est la vie tout entière avec ses frustrations et ses espoirs, qui vous guide peu à peu vers cette ambition. Ce sont les échecs et les succès qui vous donnent l'énergie d'un tel combat. Moi, cela fait désormais trente ans que je me bats. Depuis trente ans, je vous l'assure, rien ne m'a été donné. C'est vrai, c'est un peu de ma faute, car je n'ai jamais fait aucune de ces grandes écoles prestigieuses comme l'ENA qui ouvrent tant de portes dans notre pays. Depuis trente ans, croyez-moi, rien ne m'a été donné et rien ne m'a été pardonné. Pourtant je n'ai jamais cessé d'agir, je n'ai jamais cessé de travailler et je n'ai jamais cessé d'apprendre.
Tout ce qui ne tue pas rend plus fort, dit-on. A ce compte là, je vais être aujourd'hui très fort pour affronter la campagne présidentielle qui s'ouvre. Cela tombe bien : il ne s'agit pas d'une campagne comme les autres. Dans les institutions de la République que nous a léguées le général de GAULLE, l'élection présidentielle, c'est le seul vote qui réunisse absolument tous les Français et engage le pays aussi durablement. C'est donc toujours un vrai choix de société. C'est une immense responsabilité pour tout candidat à l'élection présidentielle : porter une vision de notre pays, pas juste pour quelques semaines, pas juste pour quelques mois, mais pour cinq années, pour cinq ans de la vie de notre pays. Cette responsabilité, non seulement je ne la crains pas, mais je l'assume et je la revendique. Oui, je veux, dans cette campagne, proposer, à mon tour, aux Français une certaine idée de la France, à la fois éternelle et moderne, sereine et conquérante, passionnée et réconciliée.
Vous pouvez compter sur moi pour soumettre à nos concitoyens des choix clairs et des engagements précis. Sur tous les grands sujets - le pouvoir d'achat, la sécurité, l'éducation, l'immigration ou le développement durable -, je veux offrir aux Français des options totalement claires. Car - pardon de tant d'originalité - c'est la responsabilité d'un homme politique de proposer une politique à ceux dont il brigue le suffrage. C'est la dignité de l'homme politique d'écouter et de dialoguer. C'est le talent d'un responsable politique que de savoir se saisir des aspirations contradictoires et multiples des Français, pour en tirer une ligne cohérente pour notre pays. A quoi serviraient les responsables politiques s'ils n'étaient là que pour poser des questions aux Français ?
Nous avons trop souffert, dans le passé, des malentendus savamment entretenus, des ambiguïtés préméditées et des engagements flous, faits spécialement pour ne heurter personne, au départ, mais qui déçoivent tout le monde à l'arrivée. Moi, je me mets à votre place : j'aime mieux tenir que courir. Avec moi, vous saurez avant, ce que vous aurez après. Dans la campagne, je dirai tout ce que je ferai. Car, si je suis élu, je ferai tout ce que j'ai dit. Dans la campagne, vous en serez témoin, je prendrai des engagements forts pour la France, des engagements que je saurai pouvoir tenir. Vous les connaîtrez, vous pourrez vous déterminer et c'est vous qui déciderez. Pour moi, c'est cela être moderne. C'est cela être responsable. C'est cela respecter les Français et les traiter en citoyens majeurs.
Conduire les destinées de notre Nation en 2007 ne sera pas chose facile. Malgré tous les talents, malgré les multiples défis et les épreuves que notre pays a surmontés au fil de son histoire, malgré le dynamisme de ses enfants, la France est aujourd'hui profondément inquiète. La première des tâches du futur Président de la République sera donc de restaurer la confiance des Français.
Restaurer la confiance des Français, c'est d'abord et avant tout restaurer la confiance dans la politique. Nos concitoyens n'ont pas renoncé à la politique. Ce n'est ni par goût, ni par légèreté qu'un grand nombre d'entre eux s'abstient. Mais ils n'acceptent plus que, face aux grands enjeux de notre temps, le choix politique qui leur est offert se limite, d'un côté, à une dénonciation aussi radicale que vaine et, d'un autre côté, à une soumission béate à l'ordre des choses, qui voudrait que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Face à la mondialisation, face au réchauffement climatique, face au chômage, face à l'insécurité, les Français ne peuvent plus admettre l'impuissance publique, quelle que soit sa forme : qu'elle se présente sous le visage de l'extrémisme qui condamne tout et ne résout jamais rien, ou bien qu'elle apparaisse sous le visage du fatalisme, qui vient se réjouir de ce qu'il a définitivement renoncé à changer. S'il est une chose à laquelle je tiens, dans la campagne qui commence, c'est à démontrer qu'il n'existe aucune fatalité aux maux que nous subissons. Je veux démontrer que notre Nation, pour peu qu'elle soit prête au changement, peut relever les défis d'aujourd'hui. Je veux démontrer que tout est possible, que la politique demain, comme hier, a le pouvoir de changer le monde.
Ce message d'espoir, je veux l'apporter tout d'abord aux Français, qui s'interrogent sur le devenir de leur Nation et de leurs emplois dans la mondialisation. La mondialisation est une donnée incontournable de notre époque. Prétendre la refuser n'aurait aucun sens, quand un Français sur quatre travaille déjà pour l'exportation et que notre pays est la première destination touristique du monde. De même, s'engager sur la voie d'un repli frileux sur nous même sonnerait plus sûrement encore le déclin de notre pays. Pour autant, je refuse de me résoudre à accepter comme un mal nécessaire les délocalisations, la contrefaçon et le dumping, dont souffrent aujourd'hui tant de nos entreprises industrielles. Face à la mondialisation, nous avons le devoir de réclamer que chacun des pays qui participent au commerce mondial joue selon les mêmes règles. Cela s'appelle la réciprocité et c'est la condition essentielle pour que s'instaure une concurrence loyale entre les Nations. Ce n'est aujourd'hui pas le cas et nous ne pouvons plus accepter que nos partenaires dans le commerce mondial n'appliquent pas le minimum des règles sociales ou environnementales que nous nous appliquons ? Personne ne peut contraindre les pays d'Asie à s'appliquer les 35 heures - il n'y avait vraiment que nous pour nous infliger une telle perte de compétitivité - mais il me semble aberrant que nous acceptions, d'une manière ou d'une autre, au travers des échanges de marchandises, le travail des enfants ou le travail forcé. Nous ne devons jamais hésiter à défendre nos intérêts commerciaux, sans malice, mais sans naïveté, d'autant moins que l'Europe est la première zone économique mondiale et que tous les pays émergents dépendent aujourd'hui très largement des exportations qu'ils nous adressent. En l'absence de réciprocité, je souhaite que l'Union européenne réactive l'idée fondamentale de la préférence communautaire, qui était à la base du marché commun. Je propose qu'aussi longtemps que nous n'obtiendrons pas des conditions loyales pour la concurrence internationale, les achats publics européens soient réservés en priorité aux producteurs européens.
Rétablir la confiance, c'est aussi remporter la bataille pour l'emploi. Nos résultats trop modestes en matière de lutte contre le chômage ont très largement sapé la crédibilité de l'action publique, au long des vingt cinq dernières années. Souvenons-nous qu'on expliqua un jour doctement aux Français, il y a quelques années déjà, que face au chômage, nous avions « tout essayé ». Sur ce sujet, comme sur tant d'autres, nous n'avons hélas jamais essayé que ce qui ne marche pas. De fait, ni les emplois jeunes, ni les 35 heures n'ont effectivement réglé les problèmes de l'emploi dans notre pays, comme du reste, l'emploi public et la réduction du temps de travail n'ont créé d'emplois nulle part. Pour créer des emplois nombreux, il nous faut résolument libérer le potentiel de croissance français. Cela suppose, j'en suis convaincu, que notre droit du travail trouve un nouvel équilibre entre la flexibilité dont les entreprises ont besoin et la sécurité à laquelle aspirent légitimement les salariés. Or le fonctionnement actuel du marché du travail français est très loin de cela. Il repose aujourd'hui sur un équilibre perdant-perdant : perdant pour les chefs d'entreprise qui ne sont jamais plaints autant de la complexité du droit du travail et qui, pour la plupart, redoutent d'embaucher ; perdant pour les salariés qui malgré les protections dont ils bénéficient théoriquement ne se sont jamais autant sentis en insécurité sociale. Revaloriser le travail, comme je le souhaite, c'est au contraire, le rendre accessible à tous, c'est libérer les embauches, libérer les chefs d'entreprise de la peur d'embaucher et délivrer les salariés de la précarité en leur offrant de nouvelles garanties. Voilà ce que je veux proposer aux Français. D'un côté, un contrat de travail unique permettra une simplification du droit du travail et offrira davantage de souplesse aux entreprises, en s'inspirant de ce qui fait aujourd'hui le succès du CNE. D'un autre côté, chaque salarié français bénéficiera d'une véritable assurance retour à l'emploi, garantissant à la fois une indemnisation décente des périodes d'inactivité contre une obligation de recherche d'emploi, un accompagnement renforcé dans la recherche d'un nouveau poste, et un accès permanent à la formation professionnelle. Il n'y a là rien d'idéologique. Ces réformes centrées sur l'idée de la flexi-sécurité, l'équilibre entre flexibilité et sécurité, ont été conduites avec succès par un très grand nombre de nos voisins, dont les gouvernements étaient de gauche ou de droite. Les partenaires sociaux eux-mêmes semblent disposés à approfondir cette voie. Je souhaite que mon pays, sur un sujet aussi crucial que celui de l'emploi, ne soit pas le dernier à essayer ce qui a fait ses preuves ailleurs.
Restaurer la confiance, c'est renforcer aussi les repères des Français, c'est préserver les lieux de stabilité et de solidarité dans notre société. Dans un monde où tout change vite, très vite, trop vite, il est un lieu qui doit, selon moi, demeurer toujours protégé : la famille. Il est donc crucial que nous soyons capables de protéger efficacement les familles françaises aux moments clés de l'existence : lorsqu'un enfant naît, lorsqu'il faut financer des études ou lorsque la famille souhaite devenir propriétaire de son domicile. Je souhaite que nous nous fixions dans ce domaine des objectifs ambitieux. Permettons tout d'abord aux 9 Français sur 10 qui souhaitent être propriétaires de l'être pleinement et de s'installer dans la sécurité et le confort d'une maison qui leur appartiendra. Garantissons aussi aux familles que d'ici 5 ans les collectivités dans lesquelles elles vivent devront s'organiser pour leur offrir à coup sûr une solution de garde adaptée à leurs enfants. En contrepartie, si les droits des familles sont renforcés, la société doit être en mesure de leur rappeler aussi leurs devoirs. Ainsi, les allocations familiales sont une aide versée par la Nation aux parents pour les aider à assumer leurs devoirs éducatifs. Il n'est pas admissible qu'elles continuent d'être versées, dès lors que les bénéficiaires refusent d'exercer leur autorité parentale. Dans ce cas, elles doivent être placées sous tutelle. Nous ne pourrons être généreux que si nous savons aussi être fermes.
Enfin, rétablir la confiance est plus que jamais nécessaire pour ceux de nos concitoyens qui sont issus du monde rural. Depuis des décennies, certains de nos territoires ruraux les plus fragiles sont gagnés peu à peu par la désertification. Or je veux affirmer ici, une fois encore, qu'il n'y a pas de fatalité au dépeuplement ni à l'exode rural, pour peu que l'Etat poursuive et amplifie ce qui fut toujours une grande politique, une politique originale dans notre pays, celle de l'aménagement du territoire. Elle n'est d'ailleurs pas pour rien dans la qualité de vie et des services publics que nous reconnaissent les étrangers qui visitent et apprécient notre pays. Aménager le territoire, c'est refuser que l'Etat ne renforce encore les tendances, là, à la concentration, ailleurs, au dépeuplement, plutôt que de rechercher un équilibre dans le développement de nos territoires. Aménager le territoire, c'est finalement garantir une véritable égalité des chances pour chaque Français, en tout point du territoire.
Je n'accepte pas les fermetures de services publics en milieu rural, sans concertation et sans préavis. Comprenons-nous bien, je suis absolument convaincu que les services publics doivent évoluer, en fonction notamment des besoins exprimés par les habitants et les élus. Mais fermer purement et simplement un service public dans une zone rurale déjà fragilisée, m'a toujours semblé être le degré zéro de la réforme. Je veux prendre un engagement clair : que toute évolution des services publics ne puisse intervenir que pour garantir à tous un service d'une qualité encore supérieure. C'est le principe des « Points Poste » qui sont confiés à des commerces de proximité, ce qui permet d'assurer les mêmes services avec des horaires d'ouverture plus longs. Pour permettre au monde rural français de rebondir, pour garantir la permanence des grands services régaliens, nous avons le devoir d'imaginer, d'utiliser les nouvelles technologies, de jouer sur la polyvalence des agents et de mutualiser, partout où cela est possible, les moyens des acteurs publics ou privés.
Le Président de la République, élu en 2007, devra aussi rassembler les Français autour de lui. Notre Nation a le besoin impérieux de se réconcilier avec elle-même. Après des années d'inaction face à la montée des injustices, après des décennies d'idéologie, la France reste aujourd'hui encore fracturée selon des lignes aussi multiples que stériles. C'est, au contraire, à une France confiante, conquérante, en paix avec elle-même que j'aspire
Je veux tout d'abord affirmer que l'entreprise et les entrepreneurs n'ont pas aujourd'hui la place qu'ils méritent dans notre pays. Entreprendre, c'est toujours prendre un risque et l'échec fait partie de l'aventure entrepreneuriale. Il est vital que notre société valorise mieux cette prise de risques. A mes yeux, c'est l'image tout entière du chef d'entreprise qui est ici en question et qu'il convient de réhabiliter. Nous vivons certes dans une société qui a toujours valorisé l'engagement en faveur de l'intérêt général, le service du public et de la collectivité. Mais, à tous les jeunes de France, je veux dire avec force que l'on sert aussi son pays, en créant son entreprise et en la faisant gagner. On est utile aux autres, en créant des richesses dans son pays. On a droit à l'estime de la Nation quand on participe à sa prospérité.
Or, malgré les risques pris, malgré les emplois créés, malgré les recettes fiscales versées, l'entreprise demeure trop souvent un objet de défiance en France. Il est temps de dépasser les oppositions de classe, de réconcilier les Français avec leurs entreprises et de réconcilier, dans le même mouvement, les entrepreneurs avec l'Etat. Les règles complexes, multiples, instables - vous venez hélas d'en faire l'expérience sur le temps de travail - qu'applique l'Administration française à nos entreprises, constituent aujourd'hui un véritable « impôt réglementaire ». Cet impôt - comble de l'injustice - est d'autant plus lourd que l'entreprise est petite. Je souhaite donc que s'engage une vaste politique de simplification des normes applicables aux PME. Dans ce but, il nous faudra nous fixer dorénavant des objectifs extrêmement concrets : la limitation très stricte du temps nécessaire au renseignement des formulaires, la simplification effective de la feuille de paye des salariés français, et la réorganisation de l'ensemble des relations entre l'Etat et les entreprises dans une logique de « guichet unique ».
J'ajoute qu'il devient chaque jour un peu plus urgent que les services de l'Etat sortent d'une approche exclusive de contrôle et de sanction vis à vis des entreprises, pour entrer dans une véritable démarche de conseil. C'est le sens d'une plus grande efficacité, c'est aussi celui d'une plus grande justice, tant il est injuste que l'Administration traite encore à la même enseigne la grande majorité des entreprises de bonne foi et l'infime minorité de celles qui trichent sciemment.
J'ajoute que le Président de la République de 2007 devra aussi s'attacher à rassembler les Français autour d'une vision nouvelle de la solidarité et du mérite. La fracture sociale, si elle existe, se situe désormais nettement entre la France qui travaille, se lève tôt et élève ses enfants sans bénéficier d'aucune aide spécifique, et ceux qui, par faiblesse, par accident ou par facilité, se sont laissés enfermer dans l'assistanat. L'absurdité est à son comble quand il arrive que l'accumulation des aides nationales et locales place les personnes inactives en situation de percevoir, sans aucun travail, des revenus identiques à ceux que procurent des métiers rémunérés au SMIC. Déjà ébranlée par chaque livraison de la presse qui apporte son lot de fraudes, d'abus et d'escroqueries en tout genre, affectant tantôt l'un, tantôt l'autre des pans de notre protection sociale, c'est l'idée de solidarité qui est menacée de ne pas survivre à la perpétuation de telles injustices.
Je veux défendre, dans l'intérêt de tous, qu'une solidarité bien ordonnée exige un équilibre strict entre les droits et les devoirs de chacun. Si celui qui se trouve privé d'emploi et de revenus possède un droit imprescriptible à être secouru, cette aide n'est bien entendu pas inconditionnelle et n'a pas vocation à être permanente. La contrepartie naturelle minimale de toute allocation, qu'il s'agisse de l'assurance-chômage ou du RMI, ce sont des efforts personnels que doit fournir chacun pour retrouver un nouvel emploi et accepter ceux qui lui sont proposés et qui correspondent à ses compétences. A défaut de respecter cet engagement minimum, il doit devenir clair pour tous que la solidarité nationale cessera de s'exercer. Car il n'est pas non plus admissible que coexistent dans notre pays - le secteur de l'hôtellerie le sait bien - autant d'emplois non pourvus et tant de demandeurs d'emploi déclarés.
Enfin, le futur Président de la République aura la lourde tâche de réconcilier les Français et la construction européenne. Le résultat du référendum sur la Constitution européenne ne signifie pas le rejet de l'idée européenne par les Français. Mais il fournit un indice de l'ampleur des désillusions accumulées par nos concitoyens vis à vis de cette Europe que nous voyons se construire sous nos yeux. Et la situation actuelle ne laisse pas de surprendre tant elle est paradoxale. D'un côté, alors que le besoin d'Europe est patent sur certains sujets d'intérêt commun, tels que l'immigration ou la sécurité, l'Union européenne peine à avancer. D'un autre côté, les instances européennes s'obstinent à vouloir progresser, le plus souvent à l'unanimité, sur des questions qui relèvent incontestablement de la souveraineté de chaque Etat membre. A ce titre, - nous sommes ici entre nous - je n'ai jamais compris que la fixation des taux de TVA pour des prestations locales doive relever d'une directive négociée à l'unanimité des Etats membres de l'UE. Autant je suis attaché aux progrès de l'harmonisation fiscale européenne pour l'impôt sur les sociétés ou pour les droits sur les alcools, l'essence, les cigarettes, qui manifestement impactent les échanges au sein de l'Union, autant je souhaite que la TVA sur les prestations locales, telles que la restauration ou la rénovation de logements, revienne entièrement dans le champ de notre compétence nationale, aussi tôt que possible. Cela s'appelle la subsidiarité, ce n'est pas moi qui l'aie inventée. C'est une notion capitale qui figure dans les Traités fondateurs de la Communauté européenne. Cela signifie très simplement que seul ce qui relève d'un intérêt commun doit être soumis à une décision commune. J'entreprendrai ce combat si je suis élu, j'en prends ici l'engagement devant vous et nous mettrons, croyez-moi, toutes les chances de succès de notre côté. Cette modification permettra alors à la France d'harmoniser à la baisse ses taux de TVA en matière de restauration, dans le cadre d'un accord global qui est à définir. Mais pour moi, l'objectif sera très clair : que la réduction de la pression fiscale ait un impact global, sur les prix pratiqués, sur le nombre d'emplois dans le secteur - nous savons qu'il constitue un gisement potentiel considérable - et sur le niveau des rémunérations pratiquées dans l'hôtellerie. A mes yeux, si l'Etat accepte de se priver d'une recette fiscale importante, c'est à la condition d'un accord gagnant-gagnant avec la profession, les salariés et les consommateurs. Nous avons déjà négocié ensemble un tel accord. Nous pouvons aller plus loin.
Enfin plus que tout, le futur Président de la République aura la charge immense de rendre l'espoir aux Français, de leur donner l'envie de prendre des risques, de faire à nouveau de l'avenir une promesse, alors qu'il n'est souvent, aujourd'hui, qu'une menace. Le futur Président de la République devra réconcilier notre pays avec la réussite.
Si nous voulons rendre l'espoir à chacun qu'il pourra demain vivre mieux qu'hier, la France de 2007 devra récompenser le travail et l'effort. Depuis 2002, les 35 heures ont été assouplies deux fois. Ne nous trompons pas de cible, à présent. Notre projet n'est pas de revenir pour tous à 39h, à 40h ou à 48h. Ce serait faire la même erreur que ceux qui nous ont précipités vers la RTT et qui persévèrent... puisqu'ils proposent la généralisation des 35 heures. Mon programme, c'est de garantir à chacun la liberté du travail. Mon projet de société, c'est le libre choix. Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire. Au nom de quoi interdit-on aujourd'hui à un jeune actif de travailler davantage que 35 heures, s'il veut accéder à la propriété ou si sa famille s'agrandit ? Nous proposerons donc de libérer le régime des heures supplémentaires, au-dessus de la durée légale applicable dans chaque secteur. Nous exonérerons de charges sociales ces heures supplémentaires et les RTT travaillées, afin que l'allongement du temps de travail soit une opération gagnant-gagnant : gagnant pour l'entreprise, gagnant pour le salarié qui est prêt à travailler plus pour gagner plus. J'ajoute qu'il nous faudra aussi cesser de mettre de côté les seniors qui pourraient et voudraient poursuivre leur activité. Il est inouï que nous continuions à dépenser plus de 5 milliards et demi d'euros chaque année pour retirer du marché du travail des personnes qui sont encore dans la force de l'âge. Si, là encore, cela devait permettre aux jeunes de travailler, nous n'aurions pas hélas l'un des taux de chômage des jeunes les plus élevés du monde.
Réhabiliter le travail, c'est aussi faire que le travail paye dans notre pays. Si le travail est, comme je le crois, une valeur de libération, si le travail n'est pas, comme mes adversaires le pensent, une source d'aliénation, alors il doit exister une véritable incitation au travail. Pour tous les bas salaires, je propose que la prime pour l'emploi soit renforcée, afin d'inciter toujours, dans toutes les circonstances, à reprendre un travail. Le travail, c'est une valeur, c'est un modèle de société, qu'il faut faire partager à tous. Faire que le travail paye, cela signifie enfin qu'il faut mettre une limite à ce que la collectivité prélève sur les revenus de ceux qui travaillent et qui réussissent. Trop longtemps, nous n'avons laissé d'autre choix à ceux qui réussissaient que de subir des taux de prélèvements confiscatoires ou de s'installer à l'étranger. Nous avons au passage fait la fortune de pays voisins et de multiples paradis fiscaux. Je propose que nous mettions un terme à cette absurdité. Car, au final, l'impôt tue l'impôt et comme il faut bien payer, c'est plus de prélèvements pour tous ceux qui ne partent pas. Je propose donc que demain un bouclier fiscal soit mis en place, qui limitera à 50 % les prélèvements fiscaux sur le revenu des Français. Demain, grâce à cette mesure, à partir du 1er juillet de chaque année, c'est pour vous et votre famille que vous travaillerez.
Enfin, j'attacherai la dernière énergie à défendre une autre valeur que vous portez très haut : celle de la réussite. Cette valeur-là est justement l'une des plus menacées aujourd'hui. Car réussir, dans l'idéologie égalitariste ambiante, c'est toujours retirer quelque chose aux autres. Comme s'il était préférable que tout le monde échoue, plutôt que de voir certains réussir. Comme s'il était préférable que tout le monde soit en retard, plutôt que quelques-uns uns soient en avance, ou tout simplement à l'heure. Comme s'il était possible, au fond, de s'accommoder des injustices, pourvu que tout le monde en soit la victime. Moi, je crois en la réussite, je crois dans l'exemplarité du succès. Je crois en l'émulation car la réussite des uns stimule l'énergie des autres. Sur ce sujet, je ferai entendre ma différence. Là où nos adversaires demanderont l'interdiction des stock options, je défendrai leur existence mais je soutiendrai l'idée qu'une entreprise, lorsqu'elle distribue des stock options à certains de ses éléments prometteurs, soit fortement incitée à proposer une forme d'actionnariat salarié au reste de son personnel. Là où nos adversaires demanderont le SMIC à 1 500 euros, je proposerai aux Français une politique visant à augmenter le pouvoir d'achat de tous les salariés en leur permettant de travailler plus pour gagner plus. Là où nos adversaires continueront de défendre la carte scolaire, je défendrai le droit de chaque parent à choisir l'établissement de son enfant, celui qui lui offre les meilleures chances de succès. Je vous le dis, je défendrai, dans notre pays, le libre choix, le droit de tous à réussir et l'exigence d'une véritable égalité des chances. Mais je m'opposerai toujours au dévoiement de cette belle idée et au nivellement par le bas. Je n'accepterai pas le discours totalement idéologique et vide qui veut qu'au nom de l'égalité des chances il faille accabler de droits de succession tous les héritages en France. C'est pourquoi je proposerai aussi l'exonération de droits de succession pour tous les patrimoines moyens et modestes constitués au long d'une vie de travail.
Mesdames, Messieurs, pour conclure, je crois que la France est arrivée à un tournant de son destin. Je ne veux nullement dramatiser ou donner dans un quelconque manichéisme. Mais des choix cruciaux n'ont pas été faits lors du dernier scrutin présidentiel. En 2002, le résultat du 1er tour a eu pour effet spectaculaire que nous n'avons pas eu le débat que la France attendait. Ce débat, il me reste désormais un peu plus de cinq mois pour le porter. Cinq mois pour expliquer à nos concitoyens les enjeux de cette élection, Cinq mois pour exposer les valeurs qui fondent notre action. Cinq mois pour tout dire aux Français. Cinq mois pour annoncer ce que nous ferons, mais aussi avec qui et comment. Si certains refusent le débat, qu'importe, nous débattrons pour eux. Si certains refusent de s'engager sur des propositions précises, nos argumentaires seront plus clairs que jamais. Si certains préfèrent le flou artistique, nous n'en serons que plus pédagogues. Vous l'avez compris, nous ne manquerons ni de courage, ni d'énergie, ni de persévérance. Toutes ces valeurs sont aussi celles des entrepreneurs de France que vous êtes. C'est pourquoi je suis sûr que nous avons du chemin à faire ensemble, au service de notre pays.
Source http://www.u-m-p.org, le 4 décembre 2006