Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur la réforme de la fonction publique locale et sur le recrutement des fonctionnaires et agents de ces collectivités, Paris le 22 novembre 2006.

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Circonstance : 89ème congrès des maires et des présidents de communautés de France, à Paris du 21 au 23 novembre 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mes chers collègues,
Dans le cadre du numéro de duettistes, Christian JACOB a déjà dit beaucoup de choses.
Concernant l'autocollant, cher Christian, sur la fonction publique, je ne suis pas sûr qu'il existe des autocollants « Je suis fier d'être dans la fonction publique » mais, à l'évidence, les sondages montrent qu'on a envie d'être dans la fonction publique. Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais il y a une envie.
Ce qui a été dit est tout à fait juste.
Je rappellerai simplement le contexte. C'est vrai que ce projet de loi de réforme de la fonction publique territoriale, on en parlait -Françoise DESCAMP-CROSNIER a raison - mais on ne le voyait pas venir. Pourquoi ?
En réalité, il y avait deux raisons.
Une première raison, c'est que le ministre de la Fonction publique -pas Christian JACOB mais ses prédécesseurs - étaient à juste titre, d'ailleurs, interrogatifs : toucher à une fonction publique risque de déstabiliser les autres ; laisser la fonction publique territoriale aller un peu plus vite, un peu plus loin et un peu plus rapidement et avec quelques avancées, cela risque d'avoir un effet domino sur la fonction publique d'Etat et sur la fonction publique hospitalière.
Je le dis aussi à chaque fois, dans le cadre de notre numéro de duettistes, je suis très reconnaissant à Christian d'avoir laissé tenter l'expérience de la réforme de cette fonction publique territoriale.
Deuxième réflexion, j'espère que cela a été dit mais si cela n'a pas été le cas, cela me donne l'occasion de le préciser : ce projet qui est en cours de discussion, qui sera achevé avant la fin de l'année, d'ailleurs - il viendra probablement en deuxième lecture les 20-21 décembre, cela veut dire que cela sera effectivement réglé avant la fin de l'année - ce projet n'est pas la propriété de qui que ce soit parce que c'est un projet - nous l'avons voulu avec Christian JACOB - qui s'est inspiré d'énormément de travaux, de contributions, d'initiatives, de synthèses. J'imagine que Bernard DEROSIER en a dit un mot puisque cela a été élaboré aussi avec l'expérience du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Nous nous sommes appuyés sur des rapports de parlementaires, notamment sur celui de Jean-Jacques HYEST On s'est appuyé sur le rapport d'un administrateur territorial, Bernard DREYFUS... nous avons sollicité les uns et les autres. Et nous avons rajouté ce qui nous semblait le plus utile.
Troisième élément : cela s'est discuté dans un climat très consensuel. J'espère que vous l'avez souligné parce que vous étiez un des éléments importants qui a permis que ce soit effectivement consensuel.
Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le projet est passé devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale où il a été adopté à plus des deux tiers, c'est-à-dire que l'ensemble du collège employeurs, c'est-à-dire vous, plus les représentants des départements, plus les représentants des régions, l'ont approuvé à l'unanimité. Et du côté des organisations syndicales, il y a eu une majorité d'organisations syndicales qui l'a approuvé. Pas toutes pour des raisons, d'ailleurs, multiples qui n'étaient pas totalement liées au statut de la fonction publique territoriale. Il y avait des remarques qui portaient sur les conditions de rémunération et autres. C'était d'autres sujets. Mais l'examen devant Conseil supérieur s'est déroulé d'une manière très consensuelle.
Il a été discuté ensuite au Sénat, toujours de manière très consensuelle. Nous avons voulu avec Christian JACOB que cela soit fait dans cet esprit. Cela veut dire très concrètement qu'au Sénat, par exemple, nous avons adopté - je ne sais plus, je donne les chiffres de mémoire - 18 amendements provenant du groupe UMP, 16 amendements du groupe socialiste, 6 amendements du groupe UDF, et même un amendement du groupe communiste qui était sympathique - ils n'ont pas voté le texte peut-être pour d'autres critères mais, enfin, ils ont apporté une proposition qui n'était pas inintéressante. Et là aussi, la discussion s'est déroulée dans de bonnes conditions et cela a été voté avec la seule opposition d'un groupe.
Quant à l'Assemblée nationale, cela s'est passé dans les mêmes conditions.
Pour autant, a-t-on tout résolu ? Bien évidemment, non et je le reconnais.
Parce que, d'abord, il n'a pas était possible de satisfaire tout le monde. Il y avait ceux qui étaient favorables à un établissement public national pour les centres de gestion, et ceux qui y étaient violemment opposés. Croyez-moi, cela transcendait tous les clivages partisans et toutes les groupes politiques, et cela a donné lieu à des débats qui étaient assez animés. Mais je pense qu'il y a des avancées qui sont importantes.
Des avancées importantes, d'ailleurs, pour qui ? Parce que c'est cela la question.
En réalité, elles ne le sont pas - en tout cas pas essentiellement - pour les grandes collectivités. Et dans les grandes collectivités, j'inclus Provins, ville plus de 20 000 habitants.
Les départements, les régions, les grandes villes n'ont pas de vrais problèmes de recrutement. On arrive assez facilement à trouver un système pour motiver, attirer, offrir des perspectives de carrière. C'est globalement plus facile.
En revanche, pour la petite collectivité de 200 à 9 000 habitants - c'est un éventail assez large, qui recouvre environ 30 000 communes - pour celle-ci c'est beaucoup plus difficile.
Pourquoi, quand je suis arrivé au ministère des Collectivités territoriales, ai-je demandé au Premier ministre et à Christian JACOB s'ils étaient d'accord pour qu'on ressorte ce projet de réforme de fonction publique territoriale ? Parce que tout simplement je voyais qu'on allait dans le mur. Et le mur, il était effectivement très proche puisque, d'ici à 2012, 38 % des agents de la fonction publique territoriale partiront à la retraite et je précise que la moitié des cadres A sont dans ce cas.
Donc si on ne faisait rien, la première fonction publique - pardon, Christian, tu ne me contrediras, je l'espère, pas ; ce serait bien la première fois, ce serait désagréable que l'on commence aujourd'hui...
M. JACOB.- Dans ce cas !
M. HORTEFEUX.- Et sur ce sujet !
La première fonction publique de proximité, c'est la fonction publique territoriale. C'est celle-ci que l'opinion publique connaît. C'est celle-ci que l'opinion publique côtoie. C'est celle-ci que l'on va voir pour les actes quotidiens d'état civil et autres. Et donc il fallait que l'on réagisse le plus rapidement possible.
Alors, on le fait... Je ne vais pas récapituler.
Le premier élément, naturellement c'est le recrutement. Je sais que cela a été un des éléments de discussion. C'est vrai qu'on a introduit la reconnaissance de l'expérience professionnelle, la validation des acquis de l'expérience et qu'on a aussi un peu assoupli le régime du concours en donnant en réalité, concrètement, plus d'espace aux concours sur titre.
Voilà. Tout cela, c'est pour que ce soit plus rapide, plus simple, plus efficace.
En même temps - je ne sais pas s'il y a des représentants des organisations syndicales ici - pour les organisations syndicales, c'est vrai que c'était une mutation qui n'était pas facile. Il fallait naturellement à la fois en discuter, faire oeuvre de pédagogie et expliquer pourquoi ce n'était pas une remise en cause de tout le système.
Et donc, pour montrer que l'objectif c'était, certes, de faciliter la situation de l'employeur mais qu'en même temps c'était d'améliorer la situation du fonctionnaire territorial nous sommes allés un peu plus loin, et même nettement plus loin, en matière de formation initiale.
Et c'est plus important, là aussi, que dans le reste de la fonction publique, qu'elle soit d'Etat ou hospitalière, parce que comme vous le savez, dans la fonction publique territoriale, un petit 80 % - c 'est quand même l'immense majorité - sont des agents en catégorie C. Donc les messages aussi doivent être clairs, avec un peu plus de formation et un peu plus de perspectives.
Et je confirme d'un mot que ce qu'a dit Christian JACOB, c'est que tout ceci est passé à une condition, c'est qu'on fasse avancer simultanément la partie législative et la partie réglementaire. Et cela, c'était un engagement que nous avions pris tous les deux devant le Conseil supérieur de la fonction publique.
Et la suppression des quotas ? C'est, je le pense, une très grande avancée en matière de perspectives de carrière pour vos collaborateurs. Mais c'est vrai que c'est une responsabilité supplémentaire pour vous. Le député-maire de Bastia, qui a été ministre de la Fonction publique, me disait - et c'était beaucoup d'honnêteté de sa part - que parfois c'était assez commode, quand on voyait un collaborateur... et puis voilà.
A côté de cette responsabilité qui est très nettement identifiée et qui peut poser effectivement quelques interrogations, je pense que c'est quand même une avancée considérable et c'est surtout le respect de l'engagement pris. On avait dit qu'on ferait les deux en même temps et on fait les deux en même temps.
Je voudrais simplement terminer par deux points. On a rajouté deux éléments qui me semblent essentiels. C'est d'abord la facilité et la possibilité, plus exactement, pour les communes de moins de 1 000 habitants de pouvoir recruter des secrétaires de mairie qui soient des contractuel(le)s.
Je le dis d'autant plus... il y a des bizarreries politiques : je vous raconte juste cette anecdote. C'est une idée qui venait du Groupe socialiste du Sénat et qui a été condamnée par le Groupe socialiste de l'Assemblée nationale et que j'ai donc reprise. Ce n'est pas toujours très clair. Il y a toujours des mystères mais, peu importe, je pense que c'était une bonne idée. Et je suis dans une région où on est confronté dans certains cas à ce genre de difficulté, je pense que c'est bien s'il n'y a pas de possibilité de recruter des fonctionnaires titulaires, que l'on puisse ouvrir et recruter un contractuel sur ces postes de secrétaires de mairie de moins de 1 000 habitants.
Le deuxième élément qui me semble assez utile, c'est la régulation des départs. Cela aussi, avec Christian, nous en avons parlé quelquefois, nous en avons parlé devant le CSFPT, ce n'était pas quelque chose qui venait de la haute technocratie. Mais j'avais été interpellé à plusieurs reprises dans les assemblées départementales de maires, à commencer, d'ailleurs, par mon département, où on me disait : « On en a assez de ces collaborateurs qui bénéficient de la formation, et qui au-delà des délais légaux passent naturellement dans la collectivité d'à côté puisqu'elle est dans une strate supérieure et qu'il y a donc tous les avantages qui y tiennent ».
Et cela, je l'ai entendu une fois. Je l'ai entendu deux fois... Ce n'est pas la peine de nous le répéter quinze fois ; nous avons compris le message.
Et c'est pour cela que nous avons réinjecté dans le dispositif l'obligation pour la collectivité qui accueille ainsi un agent dans un certain délai - il faut, bien sûr, que les délais soient raisonnables - l'obligation de rembourser tout ou partie soit de la formation soit du salaire. C'est à la fois responsabilisant pour les collectivités et pas pénalisant pour les agents. Mais nous avions vraiment des cas très précis, des exemples très précis dans lesquels il y avait ce mouvement qui s'opérait. C'est pour cela que nous avons pris cette initiative.
Tout ceci pour dire qu'on ne se reverra certainement pas cette année.
Je vous dis donc dès maintenant un bon Noël, mais ce sera avec une fonction publique territoriale qui aura été rénovée, qui aura été modernisée, qui aura été assouplie et dont vous pourrez bénéficier dès janvier.Source http://www.amf.asso.fr, le 4 décembre 2006