Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur le positionnement du thermalisme dans l'offre de soins et sur l'approche économique du thermalisme, Paris le 7 décembre 2006.

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Circonstance : Réunion du Conseil national des exploitants thermaux à Paris le 7 décembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver parmi vous pour la deuxième année consécutive.
J'observe avec satisfaction que la cause du thermalisme a progressé depuis l'année dernière puisque cette année le gouvernement a été représenté par deux autres Ministres : le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand, ce matin, et le Ministre délégué à l'Aménagement du territoire, Christian Estrosi, à l'heure du déjeuner.
L'année dernière j'avais eu l'occasion de dresser devant vous un constat, en l'occurrence un constat flatteur : celui de l'importance du thermalisme, à la fois en raison de son poids économique et de son rôle en matière d'aménagement du territoire.
J'avais également lancé un appel à une sorte "d'agiornamiento" de la doctrine thermale qui, trop longtemps, est restée un peu figée sur le dogme des 18 jours.
Je suis heureux de constater que, depuis l'année dernière, la réflexion a progressé et a progressé rapidement, dans les deux directions : celle du positionnement de vos établissements dans l'offre de soin et celle de l'approche économique du thermalisme.
1) Sur le positionnement du thermalisme dans l'offre de soin
Je ne m'y étendrai pas puisque vous avez eu l'occasion d'en débattre largement avec Xavier Bertrand ce matin.
Je me contenterai de me réjouir de deux évolutions importantes :
- le règlement, cet été, du contentieux tarifaire qui avait trop duré : la revalorisation qui a été acceptée par le gouvernement atteste de la juste reconnaissance qu'il porte à vos établissements.
- au-delà, je me réjouis que cet avenant tarifaire ait introduit une reconnaissance de l'effort de recherche que vous avez engagé à travers l'Association Française pour la Recherche Thermale (AFRETH).
La création de l'AFRETH, qui date de 2004, est une démarche décisive pour l'avenir du thermalisme puisque les études qu'elle a lancées visent à démontrer l'efficacité du thermalisme dans les pathologies où on la connaît depuis toujours de façon empirique : rhumatologie, dermatologie, phlébologie, allergologie...
Le financement de ces recherches qui est partagé entre les établissements thermaux d'une part et les collectivités locales d'autre part, est symbolique de la solidarité nécessaire entre les acteurs publics et privés dans le domaine du thermalisme.
En matière de recherche sur l'utilité du thermalisme dans le domaine des soins, j'ai eu l'occasion de découvrir, il y a quelques mois, avec mon collègue Philippe BAS, Ministre délégué à la Sécurité sociale, lors d'une réunion à Royat, un projet très intéressant porté par le Professeur Yves-Jean Bignon, co-directeur du Canceropôle de la Région Lyon-Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) sur l'efficacité des soins thermaux comme soins de suite dans le cancer du sein et dans la prévention des épisodes récidivants. Une étude sera réalisée entre 2007 et 2008 auprès de cinq stations auvergnates : Vichy, Néris-les-Bains, Châtel-guyon, Le Mont-Dore et Chaudes-Aigues.
Le bon accueil qui a été réservé à ce projet par le directeur général de la CNAM et le Ministre est très encourageant pour le thermalisme.
Les champs ouverts par ce type de réflexion, notamment sur la prévention ou sur l'éducation sanitaire, chère au Docteur Corne, sont immenses.
J'observe que de nombreuses initiatives locales ont déjà été prises dans ce domaine et que certains établissements thermaux ont annoncé ce mouvement avec la création de prestations annexes aux cures, sous sécurité sociale, dans un esprit de prise en charge globale des curistes ou de prise en charge du conjoint. Je pense à l'école de l'asthme de la Bourboule, aux écoles du dos d'Uriage ou d'Allevart, ou au succès de Brides-les-Bains sur l'excès de poids.
Il y a aussi le défi du vieillissement. S'il sait s'adapter aux nouveaux besoins de la société, s'il parvient à développer les outils permettant d'améliorer, en amont et en aval, la qualité de la prise en charge des patients, alors le thermalisme pourra jouer également un rôle déterminant pour la prise en charge des pathologies liées à l'âge.
J'observe d'ailleurs que l'une des principales demandes qui ressort de l'enquête très importante que vous avez réalisée auprès de plus de 100 000 curistes, c'est à environ 75 % que la durée des cures thermales soit adaptée en fonction de la pathologie.
C'est le signe d'une attente forte de renouvellement du type d'offre de soins que les patients peuvent trouver en établissement thermal.
Je me réjouis, très sincèrement, que ces réflexions d'une part prospèrent parmi vous, et d'autre part, soient accueillies avec intérêt par les ministres en charge de la santé.
2) S'agissant de l'approche économique du thermalisme, les choses ont également bien avancé
Christian ESTROSI a probablement, en sa qualité de ministre délégué à l'Aménagement du territoire, vanté au-delà du poids économique du thermalisme en général, son poids économique relatif dans les zones de montagne.
Les chiffres, vous les connaissez : sur 108 stations thermales, près de 80 % sont en zone de montagne, 71 % des communes thermales ont moins de 5 000 habitants. Pour elles, le thermalisme et ses effets induits représentent donc l'essentiel de leurs ressources.
C'est une activité très importante pour ces régions, mais aussi plus largement pour notre pays à l'époque où l'on s'inquiète tant des délocalisations, parce que justement elle n'est pas délocalisable.
Cependant s'il n'est pas "délocalisable", le thermalisme qui rapporte le plus, celui qui génère le plus de dépense induite (de restauration, d'hébergement...) est désormais largement "concurrentiel" à l'échelle européenne : Karlsbad, Abano, Baden-Baden...Regardons ce qui a fait le succès de ces stations : ce ne sont pas tant les soins que le climat, la qualité de vie, la qualité de leurs équipements - thermaux et autres!
Qu'on le veuille ou non - je sais que le mot ne plaît pas à tout le monde - cette concurrence appelle une recherche de compétitivité de la part de nos stations thermales.
De même qu'en matière de soin, vous avez su engager une réflexion sur ce qu'il peut y avoir au-delà du dogme des 18 jours (même si celui-ci reste, dans un 1er temps au moins, central dans votre équilibre économique...), un peu de la même façon, en matière d'attractivité économique, le dogme qu'il faut savoir dépasser c'est peut-être celui des machines à sous.
L'équation, peut-être un peu caricaturale, "forfait soins 18 jours + bandits manchots = prospérité" me paraît aujourd'hui insuffisante. Je dis volontiers qu'elle est caricaturale parce que tous les établissements ont peu ou prou intégré cette réflexion et cherché à diversifier les motifs de leur attractivité économique, mais je crois que les champs à explorer sont là encore très largement ouverts.
Toutes les stations thermales n'ont pas encore là chance d'avoir une table comme celle de Michel Guérard ! Mais la cuisine de Michel Guérard, ça se mérite...
Les attentes sont diversifiées : il s'agit de prendre en compte celles du curiste, qui au-delà du soin, recherche la qualité de vie et de bien-être (votre étude le montre), mais aussi celles de son conjoint, et plus largement de sa famille.
Votre réponse doit donc être complétée par une offre qui n'est pas seulement de soins : le conjoint bien-portant, les enfants ou les petits-enfants ont des attentes diversifiées : remise en forme, bien sûr, gastronomie, découverte de la nature, du patrimoine... etc.
On touche là évidemment à un des enjeux économiques majeurs du thermalisme qui est celui de son chiffre d'affaire global : sur le milliard d'euro que pèse grosso modo le thermalisme en France, près des 2/3 (environ 700 millions d'euros) correspondent en réalité à des dépenses indirectes (notamment l'hébergement).
La très grande place de l'hébergement dans ces dépenses indirectes montre d'ailleurs qu'il y a des marges sur les autres chapitres de dépense : restauration, consommation de loisirs, de biens culturels... qui sont, en réalité très faibles.
Bien sûr, il ne faut pas oublier la dimension populaire du thermalisme que son financement par la sécurité sociale a notamment entretenu, mais il faut aussi répondre à cette demande économique qui, parfois jusque là, a échappé à vos stations.
Si le diagnostic est aujourd'hui assez largement partagé, il reste à mettre en oeuvre les moyens d'y répondre.
On est à l'évidence dans le domaine du partenariat public-privé qui est une logique particulièrement familière au thermalisme et qui a jusque là prospéré sous la forme de société d'économie mixte ou de formes contractuelles diverses (affermage, régie intéressée...).
Il ne vous a sans doute pas échappé que le gouvernement a encouragé ces synergies public-privé à travers les pôles d'excellence ruraux : trois stations ont déjà bénéficié d'une reconnaissance en Pôle d'excellence (notamment Cambo-les-bains et Chaudes-Aigues), et sans doute Christian Estrosi l'a-t-il évoqué, la "2ème vague" de labellisation n'a pas non plus été insensible aux dossiers thermaux...
Et puis, enfin, vous le savez, en réintroduisant un volet "tourisme" dans la prochaine génération de Conventions de massifs ou de contrats de plan Etat-Régions, le gouvernement a particulièrement visé le développement des activités non délocalisables, au 1er rang desquelles le thermalisme.
En conclusion - et en ouverture - de votre table ronde de cet après-midi, je ne peux que me réjouir de voir ainsi la réflexion s'ouvrir, s'enrichir, s'alimenter sur la mutation économique du thermalisme, sa nécessaire recherche de compétitivité,
- parce que le thermalisme est un élément d'avenir de notre système de soins, en amont, et en aval, dans l'éducation, dans la prévention, et dans l'accompagnement du vieillissement,
- et parce qu'il est un élément très précieux de l'aménagement du territoire de nos zones de montagnes.
source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 décembre 2006