Texte intégral
Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver une nouvelle fois parmi vous. Ce rendez-vous annuel est particulièrement important aujourd'hui, et à plusieurs titres :
- c'est la première année de la pleine mise en oeuvre de la réforme de la PAC de 2003 ;
- c'est la première année de la réforme de l'OCM sucre,
- c'est aussi l'année de la véritable montée en puissance des biocarburants.
I - J'aborde en premier lieu la question de la mise en oeuvre de la réforme de 2003.
La mise en oeuvre des DPU issus de la réforme de la PAC est aujourd'hui en voie d'achèvement. Les exploitants ont reçu, le 1er décembre, premier jour autorisé par l'Union Européenne, le paiement du solde de leur aide découplée, ainsi que le paiement de l'aide aux grandes cultures au titre de la campagne 2006. Ce versement intervient en complément de l'avance exceptionnelle que nous avions payée le 16 octobre dernier, compte tenu de la situation difficile des exploitations en raison de la sécheresse.
Nous pouvons être collectivement satisfaits du respect des échéances que nous nous étions fixées, et ce d'autant plus que le découplage dans le secteur de la betterave n'est survenu qu'au début 2006. Ce découplage est venu s'ajouter au dispositif national de gestion des DPU, dont les modalités étaient arrêtées depuis l'été 2005. Ce sont ainsi plus de 150 millions d'euros supplémentaires qui ont été versés dès 2006 aux producteurs de betterave. Ce montant va augmenter en 2007, 2008 et en 2009, pour atteindre finalement 269 millions d'euros.
Les modalités propres au secteur betteravier ont été arrêtées en étroite concertation avec vos représentants, et reflètent la spécificité de la production de betteraves française et de son évolution depuis 2002. Ainsi, pour établir les DPU qui vous ont été officiellement notifiés la semaine dernière, il a été tenu compte non seulement de vos références individuelles de l'année 2005, mais aussi de l'évolution de la production de betteraves hors quota depuis la période 2000-2002.
Je voudrais en outre souligner que ces derniers mois ont également permis de parachever le dispositif national de gestion des DPU. En effet, j'ai souhaité que soit introduit un programme complémentaire, qui sera à la fois national et transversal, afin d'accompagner la mise en place du découplage pour certains agriculteurs qui n'auraient pas pu bénéficier des dispositifs correctifs déjà mis en oeuvre (les programmes obligatoires et sectoriels).
Ce programme est financé par le prélèvement linéaire initial qui a pu être limité à 2,2%, alors que nous avions initialement envisagé qu'il soit de 3%. Il va être mis en place très rapidement en vue de notifier les DPU complémentaires et de verser l'aide correspondante avant la fin du mois de février.
II - La réforme en marche
1. Réforme de l'OCM sucre : le choix de la compétitivité
Pour votre secteur, l'année 2006 est bien sur celle de la mise en oeuvre de la réforme de l'OCM sucre, décidée il y a un peu plus d'un an à la veille de votre assemblée générale 2005, et formalisée depuis par les règlements du Conseil publiés le 20 février 2006.
Cette réforme était nécessaire, et a permis de respecter les objectifs que la France s'était fixés : maintenir la compétitivité des producteurs de sucre en Europe, au premier rang desquels nous sommes, et nous entendons bien rester.
Cette réforme est très ambitieuse : baisse forte et rapide des prix, compensée par l'aide directe découplée aux planteurs et par le fonds de restructuration sur la base du volontariat.
La réforme est désormais en marche et vous en êtes maintenant les acteurs. La première campagne du nouveau régime va durer 15 mois. Nous avons en face de nous un cadre réglementaire clair et sécurisé jusqu'en 2014.
Nous avons attribué, à la demande des entreprises, l'intégralité de l'enveloppe allouée à la France soit 351 695 tonnes de quotas supplémentaires, et ce dès cette première campagne. C'est un signe d'une confiance dans l'avenir, un atout pour conforter la compétitivité de l'ensemble de la filière. Je tiens à souligner que le dialogue interprofessionnel a rendu possible un traitement adapté aux sucreries excentrées.
Je voudrais enfin rappeler ce point : il a toujours été clair, dès la première proposition de la Commission, que ces nouveaux quotas faisaient l'objet d'un paiement supplémentaire. Cette mesure, inchangée pendant toute la négociation, a été adoptée par le Conseil.
Ce n'est pas une mince affaire de passer d'un régime demeuré globalement inchangé depuis près de 40 ans, à un régime qui se fixe comme objectif de réduire de 6 millions de tonnes la production communautaire de sucre. Je me félicite que vous souhaitiez relever ce pari ambitieux, le passage d'une OCM très encadrée à un régime de compétitivité.
2. nous devons rester vigilant
La première campagne du nouveau régime, 2006-2007, est une campagne de transition marquée par plusieurs facteurs :
- la décision prise en mars de retirer préventivement 2,5 millions de tonnes de sucre sous quota, afin de préparer le marché aux nouvelles conditions ;
- un budget pour les exportations désormais limité ;
- un fonds de restructuration qui ne fait pas encore sentir ses effets, même s'il a dépassé ce qu'on attendait de lui la première année.
Il est donc bien sûr prématuré de tirer aujourd'hui des conclusions pour l'avenir. C'est la campagne 2007- 2008 qui sera déterminante pour la réussite de la réforme. L'équilibre du marché suscite quelques inquiétudes, partagées par la Commission européenne au regard du rythme nécessaire que doit prendre la restructuration. Mme Fischer Boel l'a bien expliqué au dernier Conseil des ministres de l'agriculture à Bruxelles.
Pour cette campagne, on ne connaîtra le chiffre des abandons de quotas qu'au 31 janvier 2007. Il y aura probablement, mais seulement à ce moment là, des dispositions à prendre afin d'alléger le marché si nécessaire.
Les instruments de gestion du marché de l'OCM sont là pour jouer leur rôle, si l'excédent dont on parle pour la fin de la campagne est confirmé. Le retrait de sucre ne pourra être efficace que s il est annoncé et décidé suffisamment tôt, afin que tous puissent prendre les décisions adaptées.
Le budget communautaire de 2007 pour l'agriculture vient d'être adopté, et je pense que toutes les marges de manoeuvre à l'exportation, dans le cadre de nos engagements internationaux, doivent être utilisées. Je l'ai dit à Bruxelles au dernier Conseil, et je le réaffirme aujourd'hui en la présence de M. Klaus-Dieter BORCHARDT.
S'agissant de la Croatie, il est important qu'un contingent tarifaire pour l'importation soit désormais fixé, à compter du 1er janvier 2007. Une déclaration du Conseil précise que ce quota ne sera pas un précédent, dans le contexte des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Enfin, j'ai demandé qu'une solution adéquate puisse être trouvée rapidement sur la question des importations de sucre incorporé dans des mélanges, afin d'éviter les risques de contournement de ce contingent.
3. Un travail sur le fond avec les acteurs de la filière
Je reste très attentif à l'évolution du marché au cours des prochains mois ; cette réforme que nous avons soutenue doit offrir à notre filière des perspectives à long terme, en renforçant sa compétitivité et son adaptation au marché. Une réflexion est engagée en ce sens avec toute la filière et je prendrai appui sur ses travaux pour faire des propositions à la Commission. Si les intentions d'abandon ne sont pas à la hauteur des 3 à 5 millions de tonnes attendues, nous devrons envisager des mesures complémentaires, notamment pour rendre le fonds de restructuration plus attractif.
Une cohésion solide au sein de toute la filière est aujourd'hui vitale. Je suis particulièrement favorable au développement de la contractualisation, aux contrats de partenariat ou à d'autres formules à inventer, afin de lisser le plus possible la volatilité des prix. Toutefois, aucune discrimination ne doit être introduite pour l'accès aux betteraves éthanol issu des agréments délivrés par les pouvoirs publics. Je serai vigilant.
D'une façon générale, je mets en garde tous les acteurs de la filière contre toute tentation d'imposer unilatéralement un point de vue sans laisser la voie à la concertation interprofessionnelle.
Nous devons également réfléchir à de nouveaux outils en matière de gestion de crise, d'assurance revenu ou d'assurance récolte, et je compte sur votre implication à ce sujet.
III. Le développement de nouveaux débouchés est une chance devenue réalité pour le secteur betteravier.
1. La politique volontariste du Gouvernement en la matière
La décision prise par le Premier Ministre de porter le taux d'incorporation biocarburants dans les carburants à 5, 75% dés 2008 et à 7 % en 2010 traduit la détermination du Gouvernement d'assurer à la France une place de leader sur le marché européen des biocarburants.
Ces objectifs ambitieux sont réalistes : en 2010, les biocarburants mobiliseront près de 15% de la superficie totale actuellement consacrée à la culture de betteraves et de céréales. Ces objectifs sont également compatibles avec le maintien des débouchés alimentaires traditionnels dans l'Union européenne.
Au plan pratique, 3 appels à candidatures lancés au niveau Européen ont conduit à l'attribution d'agréments supplémentaires portant sur un volume total de près de 1 million de tonnes par an d'éthanol. Ces agréments permettent notamment d'engager la construction de 6 unités nouvelles de production et de conforter l'activité d'une quinzaine de sucreries distilleries existantes.
2. L' incorporation directe d'éthanol est désormais une réalité.
Sur ce dossier, les choses ont évolué positivement depuis un an : outre l'engagement des pétroliers de mettre à disposition les bases essences à éthanoler, les deux opérations d'incorporation directe d'éthanol dans l'essence de Strasbourg et Rouen se sont déroulées de manière très satisfaisante. Nous avons également noté l'engagement de la grande distribution et d'un pétrolier, BP, lors de la table ronde du 30 novembre dernier de mettre en place 8 nouvelles démarches en 2007.
Il nous faut maintenant aller plus loin pour les normes sur l'essence : les normes européennes sur les carburants qui limitent à 5% en volume l'incorporation de biocarburants, ne sont pas compatibles avec l'objectif de 5,75%. Le Ministre de l'Industrie a notifié à la Commission européenne une proposition pour une incorporation de 10% en volume de bioéthanol.
Les observations de la Commission aux autorités françaises devraient intervenir d'ici au 10 janvier 2007. Sur la base des observations de la Commission, un groupe de travail, sera alors chargé d'élaborer un projet de norme E10 - 10% maximum d'éthanol dans l'essence. Dès lors que les essais de validation concernant les véhicules seront positifs, la norme E10 pourra alors être notifiée au niveau européen et le taux maximum autorisé d'incorporation d'éthanol relevé. Vous pouvez compter sur moi pour soutenir cette démarche.
3. Développement du superéthanol E85
Après les propositions du groupe de travail animé par Alain PROST, nous avons signé le 13 novembre une Charte formalisant les engagements de chaque partie : constructeurs automobiles, distributeurs de carburant, profession agricole, pouvoirs publics. Le Gouvernement a décidé des mesures fiscales particulièrement incitatives pour la filière superéthanol E85.
Comme je l'ai souhaité :
- les producteurs d'éthanol se sont engagés à contractualiser en termes de volume et de prix les conditions d'approvisionnement en matières premières agricoles des unités de production de biocarburants pour les volumes agréés.
- de leur côté, les agriculteurs s'engagent dans ces conditions à assurer la continuité d'approvisionnement des usines, tout en répondant à la demande des débouchés alimentaires de l'Union européenne : les biocarburants ne menacent pas nos besoins alimentaires il faut le rappeler.
Enfin, la production des biocarburants est respectueuse de l'environnement. La charte prévoit donc l'engagement de la profession agricole de mise en oeuvre de méthodes de cultures exemplaires, respectueuses des exigences définies, ainsi que des démarches volontaires de progrès en faveur de l'environnement.
La première réunion du comité de suivi de la Charte aura lieu dans une semaine, mardi 12 décembre prochain. Dans ce domaine, la France montre l'exemple avec l'engagement de tous les partenaires concernés et notre action est suivie attentivement par de nombreux autres pays européens. Dans ces conditions, je ne doute pas du développement du Superéthanol, premier carburant de l'après-pétrole et le Ministère de l'Agriculture montre l'exemple avec des premières voitures en circulation à l'Office National Interprofessionnel des Grandes Cultures.
IV. Perspectives internationales
En ce qui concerne la négociation à l'OMC, comme vous le savez, Pascal Lamy a souhaité le 16 novembre dernier rouvrir officiellement la négociation, après la suspension intervenue en juillet. Mais ne nous y trompons pas, la clé de la négociation est à Washington. Or, ce n'est pas avec un Congrès démocrate et une administration républicaine que les Etats-Unis vont revenir à la table de négociation avec une position raisonnable, et des demandes moins exorbitantes, en particulier sur l'accès au marché agricole.
Dans cette situation, ma position est très claire et je l'ai répétée à Bruxelles : ce n'est pas à l'Union Européenne de faire encore la concession supplémentaire que les autres membres de l'OMC ne veulent pas effectuer. L'Union européenne ne sera pas le « banquier du cycle », pour reprendre l'expression de Peter Mandelson.
Je reste particulièrement ferme et vigilant sur l'OMC. C'est l'avenir du modèle agricole européen qui est en jeu. L'objectif ne doit pas être de conclure à tout prix. Nous devons obtenir un accord équilibré, qui réponde aux intérêts de tous. Et pour la France, défendre son agriculture fait partie des enjeux majeurs de la négociation. Nous sommes soutenus par de nombreux Etats membres de l'Union, et de nombreux pays en développement, comme la Chine et l'Inde, partagent notre vision.
Des inquiétudes concernent les discussions commerciales bilatérales et leur impact sur votre secteur : avec les pays des Balkans, avec le MERCOSUR, ou peut-être prochainement avec la Thaïlande, dans la mesure où la Commission souhaite se tourner vers des accords bilatéraux si un blocage à l'OMC se confirme. Dans chacune de ces discussions, ma position est très ferme, et de même nature qu'à l'OMC : les concessions qui pourraient être faites devront être compatibles avec la capacité d'absorption d'un marché communautaire en pleine restructuration. La réforme qui a été décidée implique des gros efforts des opérateurs, et il n'est pas question de permettre aux pays tiers d'annihiler les résultats de ces efforts.
Les accords bilatéraux ne devront pas non plus compromettre le développement d'une filière européenne de biocarburants. Nous ne devons pas substituer une dépendance au pétrole importé à une dépendance aux biocarburants importés
CONCLUSION
La réforme de l'OCM sucre marque un tournant dans l'histoire de la filière européenne. J'en mesure l'impact financier significatif pour vos revenus. La réforme de l'OCM repose sur le pari de la compétitivité. Elle nous oblige à changer de logique et doit conduire à un nouvel équilibre. Dans cette période de transition, particulièrement délicate, déstabilisante, structurer la filière à travers des relations interprofessionnelles sereines me paraît plus que jamais une priorité, et c'est bien de votre responsabilité d'y parvenir en temps et en heure.
Un important travail a été fait cette année, nous devons le poursuivre ensemble afin de donner à votre filière les perspectives de développement qu'elle mérite.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 décembre 2006
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver une nouvelle fois parmi vous. Ce rendez-vous annuel est particulièrement important aujourd'hui, et à plusieurs titres :
- c'est la première année de la pleine mise en oeuvre de la réforme de la PAC de 2003 ;
- c'est la première année de la réforme de l'OCM sucre,
- c'est aussi l'année de la véritable montée en puissance des biocarburants.
I - J'aborde en premier lieu la question de la mise en oeuvre de la réforme de 2003.
La mise en oeuvre des DPU issus de la réforme de la PAC est aujourd'hui en voie d'achèvement. Les exploitants ont reçu, le 1er décembre, premier jour autorisé par l'Union Européenne, le paiement du solde de leur aide découplée, ainsi que le paiement de l'aide aux grandes cultures au titre de la campagne 2006. Ce versement intervient en complément de l'avance exceptionnelle que nous avions payée le 16 octobre dernier, compte tenu de la situation difficile des exploitations en raison de la sécheresse.
Nous pouvons être collectivement satisfaits du respect des échéances que nous nous étions fixées, et ce d'autant plus que le découplage dans le secteur de la betterave n'est survenu qu'au début 2006. Ce découplage est venu s'ajouter au dispositif national de gestion des DPU, dont les modalités étaient arrêtées depuis l'été 2005. Ce sont ainsi plus de 150 millions d'euros supplémentaires qui ont été versés dès 2006 aux producteurs de betterave. Ce montant va augmenter en 2007, 2008 et en 2009, pour atteindre finalement 269 millions d'euros.
Les modalités propres au secteur betteravier ont été arrêtées en étroite concertation avec vos représentants, et reflètent la spécificité de la production de betteraves française et de son évolution depuis 2002. Ainsi, pour établir les DPU qui vous ont été officiellement notifiés la semaine dernière, il a été tenu compte non seulement de vos références individuelles de l'année 2005, mais aussi de l'évolution de la production de betteraves hors quota depuis la période 2000-2002.
Je voudrais en outre souligner que ces derniers mois ont également permis de parachever le dispositif national de gestion des DPU. En effet, j'ai souhaité que soit introduit un programme complémentaire, qui sera à la fois national et transversal, afin d'accompagner la mise en place du découplage pour certains agriculteurs qui n'auraient pas pu bénéficier des dispositifs correctifs déjà mis en oeuvre (les programmes obligatoires et sectoriels).
Ce programme est financé par le prélèvement linéaire initial qui a pu être limité à 2,2%, alors que nous avions initialement envisagé qu'il soit de 3%. Il va être mis en place très rapidement en vue de notifier les DPU complémentaires et de verser l'aide correspondante avant la fin du mois de février.
II - La réforme en marche
1. Réforme de l'OCM sucre : le choix de la compétitivité
Pour votre secteur, l'année 2006 est bien sur celle de la mise en oeuvre de la réforme de l'OCM sucre, décidée il y a un peu plus d'un an à la veille de votre assemblée générale 2005, et formalisée depuis par les règlements du Conseil publiés le 20 février 2006.
Cette réforme était nécessaire, et a permis de respecter les objectifs que la France s'était fixés : maintenir la compétitivité des producteurs de sucre en Europe, au premier rang desquels nous sommes, et nous entendons bien rester.
Cette réforme est très ambitieuse : baisse forte et rapide des prix, compensée par l'aide directe découplée aux planteurs et par le fonds de restructuration sur la base du volontariat.
La réforme est désormais en marche et vous en êtes maintenant les acteurs. La première campagne du nouveau régime va durer 15 mois. Nous avons en face de nous un cadre réglementaire clair et sécurisé jusqu'en 2014.
Nous avons attribué, à la demande des entreprises, l'intégralité de l'enveloppe allouée à la France soit 351 695 tonnes de quotas supplémentaires, et ce dès cette première campagne. C'est un signe d'une confiance dans l'avenir, un atout pour conforter la compétitivité de l'ensemble de la filière. Je tiens à souligner que le dialogue interprofessionnel a rendu possible un traitement adapté aux sucreries excentrées.
Je voudrais enfin rappeler ce point : il a toujours été clair, dès la première proposition de la Commission, que ces nouveaux quotas faisaient l'objet d'un paiement supplémentaire. Cette mesure, inchangée pendant toute la négociation, a été adoptée par le Conseil.
Ce n'est pas une mince affaire de passer d'un régime demeuré globalement inchangé depuis près de 40 ans, à un régime qui se fixe comme objectif de réduire de 6 millions de tonnes la production communautaire de sucre. Je me félicite que vous souhaitiez relever ce pari ambitieux, le passage d'une OCM très encadrée à un régime de compétitivité.
2. nous devons rester vigilant
La première campagne du nouveau régime, 2006-2007, est une campagne de transition marquée par plusieurs facteurs :
- la décision prise en mars de retirer préventivement 2,5 millions de tonnes de sucre sous quota, afin de préparer le marché aux nouvelles conditions ;
- un budget pour les exportations désormais limité ;
- un fonds de restructuration qui ne fait pas encore sentir ses effets, même s'il a dépassé ce qu'on attendait de lui la première année.
Il est donc bien sûr prématuré de tirer aujourd'hui des conclusions pour l'avenir. C'est la campagne 2007- 2008 qui sera déterminante pour la réussite de la réforme. L'équilibre du marché suscite quelques inquiétudes, partagées par la Commission européenne au regard du rythme nécessaire que doit prendre la restructuration. Mme Fischer Boel l'a bien expliqué au dernier Conseil des ministres de l'agriculture à Bruxelles.
Pour cette campagne, on ne connaîtra le chiffre des abandons de quotas qu'au 31 janvier 2007. Il y aura probablement, mais seulement à ce moment là, des dispositions à prendre afin d'alléger le marché si nécessaire.
Les instruments de gestion du marché de l'OCM sont là pour jouer leur rôle, si l'excédent dont on parle pour la fin de la campagne est confirmé. Le retrait de sucre ne pourra être efficace que s il est annoncé et décidé suffisamment tôt, afin que tous puissent prendre les décisions adaptées.
Le budget communautaire de 2007 pour l'agriculture vient d'être adopté, et je pense que toutes les marges de manoeuvre à l'exportation, dans le cadre de nos engagements internationaux, doivent être utilisées. Je l'ai dit à Bruxelles au dernier Conseil, et je le réaffirme aujourd'hui en la présence de M. Klaus-Dieter BORCHARDT.
S'agissant de la Croatie, il est important qu'un contingent tarifaire pour l'importation soit désormais fixé, à compter du 1er janvier 2007. Une déclaration du Conseil précise que ce quota ne sera pas un précédent, dans le contexte des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Enfin, j'ai demandé qu'une solution adéquate puisse être trouvée rapidement sur la question des importations de sucre incorporé dans des mélanges, afin d'éviter les risques de contournement de ce contingent.
3. Un travail sur le fond avec les acteurs de la filière
Je reste très attentif à l'évolution du marché au cours des prochains mois ; cette réforme que nous avons soutenue doit offrir à notre filière des perspectives à long terme, en renforçant sa compétitivité et son adaptation au marché. Une réflexion est engagée en ce sens avec toute la filière et je prendrai appui sur ses travaux pour faire des propositions à la Commission. Si les intentions d'abandon ne sont pas à la hauteur des 3 à 5 millions de tonnes attendues, nous devrons envisager des mesures complémentaires, notamment pour rendre le fonds de restructuration plus attractif.
Une cohésion solide au sein de toute la filière est aujourd'hui vitale. Je suis particulièrement favorable au développement de la contractualisation, aux contrats de partenariat ou à d'autres formules à inventer, afin de lisser le plus possible la volatilité des prix. Toutefois, aucune discrimination ne doit être introduite pour l'accès aux betteraves éthanol issu des agréments délivrés par les pouvoirs publics. Je serai vigilant.
D'une façon générale, je mets en garde tous les acteurs de la filière contre toute tentation d'imposer unilatéralement un point de vue sans laisser la voie à la concertation interprofessionnelle.
Nous devons également réfléchir à de nouveaux outils en matière de gestion de crise, d'assurance revenu ou d'assurance récolte, et je compte sur votre implication à ce sujet.
III. Le développement de nouveaux débouchés est une chance devenue réalité pour le secteur betteravier.
1. La politique volontariste du Gouvernement en la matière
La décision prise par le Premier Ministre de porter le taux d'incorporation biocarburants dans les carburants à 5, 75% dés 2008 et à 7 % en 2010 traduit la détermination du Gouvernement d'assurer à la France une place de leader sur le marché européen des biocarburants.
Ces objectifs ambitieux sont réalistes : en 2010, les biocarburants mobiliseront près de 15% de la superficie totale actuellement consacrée à la culture de betteraves et de céréales. Ces objectifs sont également compatibles avec le maintien des débouchés alimentaires traditionnels dans l'Union européenne.
Au plan pratique, 3 appels à candidatures lancés au niveau Européen ont conduit à l'attribution d'agréments supplémentaires portant sur un volume total de près de 1 million de tonnes par an d'éthanol. Ces agréments permettent notamment d'engager la construction de 6 unités nouvelles de production et de conforter l'activité d'une quinzaine de sucreries distilleries existantes.
2. L' incorporation directe d'éthanol est désormais une réalité.
Sur ce dossier, les choses ont évolué positivement depuis un an : outre l'engagement des pétroliers de mettre à disposition les bases essences à éthanoler, les deux opérations d'incorporation directe d'éthanol dans l'essence de Strasbourg et Rouen se sont déroulées de manière très satisfaisante. Nous avons également noté l'engagement de la grande distribution et d'un pétrolier, BP, lors de la table ronde du 30 novembre dernier de mettre en place 8 nouvelles démarches en 2007.
Il nous faut maintenant aller plus loin pour les normes sur l'essence : les normes européennes sur les carburants qui limitent à 5% en volume l'incorporation de biocarburants, ne sont pas compatibles avec l'objectif de 5,75%. Le Ministre de l'Industrie a notifié à la Commission européenne une proposition pour une incorporation de 10% en volume de bioéthanol.
Les observations de la Commission aux autorités françaises devraient intervenir d'ici au 10 janvier 2007. Sur la base des observations de la Commission, un groupe de travail, sera alors chargé d'élaborer un projet de norme E10 - 10% maximum d'éthanol dans l'essence. Dès lors que les essais de validation concernant les véhicules seront positifs, la norme E10 pourra alors être notifiée au niveau européen et le taux maximum autorisé d'incorporation d'éthanol relevé. Vous pouvez compter sur moi pour soutenir cette démarche.
3. Développement du superéthanol E85
Après les propositions du groupe de travail animé par Alain PROST, nous avons signé le 13 novembre une Charte formalisant les engagements de chaque partie : constructeurs automobiles, distributeurs de carburant, profession agricole, pouvoirs publics. Le Gouvernement a décidé des mesures fiscales particulièrement incitatives pour la filière superéthanol E85.
Comme je l'ai souhaité :
- les producteurs d'éthanol se sont engagés à contractualiser en termes de volume et de prix les conditions d'approvisionnement en matières premières agricoles des unités de production de biocarburants pour les volumes agréés.
- de leur côté, les agriculteurs s'engagent dans ces conditions à assurer la continuité d'approvisionnement des usines, tout en répondant à la demande des débouchés alimentaires de l'Union européenne : les biocarburants ne menacent pas nos besoins alimentaires il faut le rappeler.
Enfin, la production des biocarburants est respectueuse de l'environnement. La charte prévoit donc l'engagement de la profession agricole de mise en oeuvre de méthodes de cultures exemplaires, respectueuses des exigences définies, ainsi que des démarches volontaires de progrès en faveur de l'environnement.
La première réunion du comité de suivi de la Charte aura lieu dans une semaine, mardi 12 décembre prochain. Dans ce domaine, la France montre l'exemple avec l'engagement de tous les partenaires concernés et notre action est suivie attentivement par de nombreux autres pays européens. Dans ces conditions, je ne doute pas du développement du Superéthanol, premier carburant de l'après-pétrole et le Ministère de l'Agriculture montre l'exemple avec des premières voitures en circulation à l'Office National Interprofessionnel des Grandes Cultures.
IV. Perspectives internationales
En ce qui concerne la négociation à l'OMC, comme vous le savez, Pascal Lamy a souhaité le 16 novembre dernier rouvrir officiellement la négociation, après la suspension intervenue en juillet. Mais ne nous y trompons pas, la clé de la négociation est à Washington. Or, ce n'est pas avec un Congrès démocrate et une administration républicaine que les Etats-Unis vont revenir à la table de négociation avec une position raisonnable, et des demandes moins exorbitantes, en particulier sur l'accès au marché agricole.
Dans cette situation, ma position est très claire et je l'ai répétée à Bruxelles : ce n'est pas à l'Union Européenne de faire encore la concession supplémentaire que les autres membres de l'OMC ne veulent pas effectuer. L'Union européenne ne sera pas le « banquier du cycle », pour reprendre l'expression de Peter Mandelson.
Je reste particulièrement ferme et vigilant sur l'OMC. C'est l'avenir du modèle agricole européen qui est en jeu. L'objectif ne doit pas être de conclure à tout prix. Nous devons obtenir un accord équilibré, qui réponde aux intérêts de tous. Et pour la France, défendre son agriculture fait partie des enjeux majeurs de la négociation. Nous sommes soutenus par de nombreux Etats membres de l'Union, et de nombreux pays en développement, comme la Chine et l'Inde, partagent notre vision.
Des inquiétudes concernent les discussions commerciales bilatérales et leur impact sur votre secteur : avec les pays des Balkans, avec le MERCOSUR, ou peut-être prochainement avec la Thaïlande, dans la mesure où la Commission souhaite se tourner vers des accords bilatéraux si un blocage à l'OMC se confirme. Dans chacune de ces discussions, ma position est très ferme, et de même nature qu'à l'OMC : les concessions qui pourraient être faites devront être compatibles avec la capacité d'absorption d'un marché communautaire en pleine restructuration. La réforme qui a été décidée implique des gros efforts des opérateurs, et il n'est pas question de permettre aux pays tiers d'annihiler les résultats de ces efforts.
Les accords bilatéraux ne devront pas non plus compromettre le développement d'une filière européenne de biocarburants. Nous ne devons pas substituer une dépendance au pétrole importé à une dépendance aux biocarburants importés
CONCLUSION
La réforme de l'OCM sucre marque un tournant dans l'histoire de la filière européenne. J'en mesure l'impact financier significatif pour vos revenus. La réforme de l'OCM repose sur le pari de la compétitivité. Elle nous oblige à changer de logique et doit conduire à un nouvel équilibre. Dans cette période de transition, particulièrement délicate, déstabilisante, structurer la filière à travers des relations interprofessionnelles sereines me paraît plus que jamais une priorité, et c'est bien de votre responsabilité d'y parvenir en temps et en heure.
Un important travail a été fait cette année, nous devons le poursuivre ensemble afin de donner à votre filière les perspectives de développement qu'elle mérite.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 décembre 2006